Holding animatrice : le juge apprécie la prépondérance in concreto

Publié le 17/02/2023
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Dans son arrêt de renvoi de l’affaire financière de Rosario du 24 octobre 2022, la cour d’appel de Paris livre une grille d’analyse pour apprécier le caractère prépondérant de l’animation. Après avoir identifié les filiales animées, elle examine les actifs affectés, et, contrairement à l’administration fiscale, elle prend en compte les actifs immobiliers au bilan de la holding et mis au service des filiales.

Les titres des holdings mixtes sont éligibles au régime de faveur des pactes Dutreil, à condition que leur activité d’animation soit exercée de façon prépondérante. Cette notion de prépondérance s’apprécie concrètement.

L’éligibilité de principe des holdings mixtes

En octobre dernier, la cour d’appel de Paris a rendu sa décision de renvoi dans l’affaire Financière de Rosario (CA Paris, 24 oct. 2022, n° 21/00555) dans laquelle la Cour de cassation avait admis l’éligibilité de principe à l’exonération des pactes Dutreil d’une holding des sociétés exerçant une activité mixte ou d’animation d’un groupe de sociétés (Cass. com., 14 oct. 2020, n° 18-17955).

Dans cette affaire, une donation en nue-propriété des titres (actions) d’une société holding avait bénéficié de l’exonération de 75 % des droits de mutation à titre gratuit plus connue sous le nom de pactes Dutreil (CGI, art. 787 B). L’administration fiscale avait remis en cause le bénéfice de l’exonération au motif que l’activité non éligible de la holding, à savoir son activité civile de gestion de titres de placement et de location d’immeuble, était prépondérante dans son activité.

Selon la doctrine administrative du 9 mars 2012 (instruction 7 G-3-12) « Les sociétés holding admises au bénéfice de l’exonération partielle sont celles qui, outre la gestion d’un portefeuille de participations participent activement à la conduite de la politique du groupe et au contrôle des filiales et rendent, le cas échéant, à titre purement interne, des services spécifiques, administratifs, juridiques, comptables, financiers et immobiliers. En revanche, les parts et actions de société holding passives, simples gestionnaires d’un portefeuille mobilier, ne bénéficient pas de l’exonération partielle ».

Alors que la cour d’appel de Paris (CA Paris, 5 mars 2018, n° 16/08688) avait donné raison à l’administration fiscale, la Cour de cassation avait consacré l’application des pactes Dutreil aux titres des holdings animatrice exerçant une activité mixte, à la condition que leur activité d’animatrice soit exercée de façon prépondérante.

L’appréciation du caractère prépondérant de l’animation

La Cour de cassation était allée plus loin : elle avait jugé que tel est le cas notamment lorsque la valeur vénale, au jour du fait générateur de l’imposition, des titres de ces filiales détenus par la société holding représente plus de la moitié de son actif total.

La cour d’appel de renvoi est donc contrainte d’examiner la situation du contribuable au regard de ce critère de prépondérance. Pour apprécier les éléments conduisant à conclure à la prépondérance, elle applique une méthode d’analyse très pratique, et livre des enseignements pour les praticiens. Dans un premier temps elle cerne le périmètre des filiales animées, puis elle s’attache aux actifs effectivement affectés à l’animation de ces filiales.

Premier filtre : les filiales animées

Comme le propose l’administration fiscale, la cour examine toutes les filiales et ne retient que les participations dans les filiales opérationnelles effectivement animées par la holding au moment de la donation. « En effet, si la détention par une société holding de participations minoritaires au capital de sociétés commerciales qu’elle n’anime pas n’est pas exclusive de la qualification de holding animatrice si la société holding détient en outre une ou plusieurs participations au capital d’autres sociétés commerciales qu’elle anime effectivement, ces participations minoritaires au capital de filiales non animées par la société holding sont de nature purement financières et ne peuvent être prises en compte pour caractériser la prépondérance de l’activité d’animation de la société holding ».

En l’espèce, les juges relèvent que « toutes ces sociétés commerciales soit n’avaient pas encore démarré leur activité commerciale soit n’avaient plus en raison d’une liquidation en cours, de sorte qu’elles ne pouvaient faire l’objet d’aucune animation effective à la date de la donation des actions de la société Financière de Rosario ». Les filiales qui n’ont pas commencé leur activité ou qui n’exercent plus ne peuvent donc pas être considérées comme étant animées au moment de la transmission.

En outre, les juges écartent également les participations de la holding en SCR et FCPR, faute, pour elles de disposer de pouvoir de contrôle ou d’orientation stratégique sur ces organismes. « Les participations détenues par la société Financière de Rosario dans des sociétés de capital-risque (SCR) et dans des fonds communs de placement à risque (FCPR), figurant au bilan arrêté au 31 décembre 2007 en compte titres immobilisés pour une valeur totale de 2 057 852,07 euros, ne peuvent être pris en compte afin de caractériser une activité de holding animatrice de son groupe dès lors que, si elles caractérisent un investissement dans une activité économique, elles ne peuvent procurer à leur détenteur un pouvoir de contrôle et d’orientation stratégique de sociétés exerçant une activité industrielle ou commerciale ».

En l’espèce, la cour conclut que la prépondérance de l’activité animatrice de la société holding Financière de Rosario ne peut s’apprécier qu’au regard de la part des actifs affectés à l’animation de deux filiales. Elle rappelle que « le caractère principal de l’activité d’animation de groupe est caractérisé lorsque la valeur vénale, au jour du fait générateur de l’imposition, des titres des filiales animées par la société holding représente plus de la moitié de l’actif total de cette dernière. » Autrement dit si la valeur vénale des actifs affectés à l’animation représente 50 % de la valeur au bilan, l’animation peut être retenue. En l’espèce, ce n’était pas le cas.

Second critère : les actifs affectés aux filiales animées

Comme la prépondérance n’a pu être appréciée au regard des actifs des deux filiales animées et de leur part dans l’actif total de la holding, la cour propose d’examiner les autres actifs détenus par la holding : « S’agissant d’une holding animatrice de son groupe, il convient cependant d’examiner si les autres actifs qu’elle détient, qu’ils soient immobilisés ou circulants, sont affectés à l’activité d’animation » des deux filiales.

Parmi ces actifs, la cour examine aussi un ensemble immobilier détenu directement par la holding (terrain et constructions) et intégralement affectés à l’activité opérationnelle d’une filiale à laquelle il est donné à bail et dont il constitue le site d’exploitation. Elle en conclut que « le bail donné à [la filiale] pour la jouissance de ce bien immobilier, financé par la holding, caractérise le service immobilier fourni par la holding animatrice à sa filiale exerçant une activité commerciale ».

Dans sa démarche, la cour s’affranchit de la prise de position informelle de l’administration fiscale qui n’entendait (jusqu’à présent) pas tenir compte du service immobilier rendu par la holding à ses filles.

Poursuivant l’examen des actifs affectés à l’animation, les juges analysent également les créances de participation. En l’espèce, ils retiennent une créance d’intérêts courus sur cautions fournies au bénéfice d’une filiale ; les autres créances étant afférentes à des participations détenues dans des sociétés commerciales non animées. Ensuite, sont passés en revue les bons de souscription d’actions des filiales détenues par la holding.

Étant par nature des actifs affectés à la gestion patrimoniale de la société holding et de sa filiale, et non pas caractéristiques d’un service fourni par la société holding à la filiale qu’elle anime, ils sont écartés pour l’appréciation de l’activité d’animation.

Enfin, sur le portefeuille de valeurs mobilières de placement détenu par la holding, la cour considère que l’utilisation de cet actif circulant à des fins de trésorerie ou de garantie pour la société holding elle-même ou ses filiales n’est pas démontrée.

Après examen minutieux de tous les actifs, la cour d’appel conclut que la part des actifs de la holding affectée à son activité d’animation de ses filiales ayant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale, représentant une valeur vénale totale de 32 425 879,92 euros sur un actif total de 86 044 335,29 euros, n’est pas prépondérante et ne permet pas de caractériser le fait que l’activité d’animation de la société holding constitue son activité principale. Les actions de la holding n’étaient donc pas éligibles à l’exonération des pactes Dutreil.

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