La fraude à la TVA sur les quotas de carbone
Retour sur une escroquerie fiscale très lucrative et exercée à très grande échelle, la fraude à la taxe carbone. Les fraudeurs ont exploité les failles du système pour mettre en place un dispositif de carrousel.
Les premiers procès ont commencé et se poursuivront au début de l’année 2018. Après plusieurs années d’instruction, de demandes d’extraditions, les responsables des fraudes sur les quotas carbone sont jugés. Les premières condamnations sont déjà tombées et elles ont été confirmées en juin 2017.
Le développement des échanges de quotas
Sur le modèle des premiers marchés de quotas environnementaux instaurés aux États-Unis dans les années 1990, un système communautaire d’échange des quotas (SCEQE) a été instauré par la directive 2003/87/CE du 23 octobre 2003. Il vise à faciliter le respect par l’Union européenne et ses États membres des engagements contractés dans le cadre du protocole de Kyoto et portant sur une réduction de 8 % des émissions de gaz à effet de serre entre 2008 et 2012. Sous le contrôle de la Commission européenne, les États membres fixent aux installations industrielles les plus polluantes (11 000 en Europe dont 1 000 en France), un plafond annuel de rejet de dioxyde de carbone (CO2) et leur attribuent un nombre de quotas égal à ce plafond. À la différence d’autres États membres de l’Union européenne, la France a fait le choix d’attribuer gratuitement aux entreprises concernées les 132 Mt par an de son programme d’allocation des quotas. Les entreprises assujetties doivent restituer un nombre de quotas égal à leurs émissions effectives de l’année écoulée qui font au préalable l’objet d’une vérification. En cas de dépassement de leurs droits d’émission, ces exploitants sont tenus d’acheter les quotas manquants et d’acquitter une pénalité fixée à 100 € par tonne non restituée. En cas d’excédent, les quotas sont librement négociables. Par ailleurs, le protocole de Kyoto a prévu la création de « crédits carbone » sous forme d’« unités de réduction », qui sont attribuées aux porteurs de projets visant à réduire les émissions dans les pays en développement et au sein des pays développés. Ces unités sont également négociables par leurs titulaires et permettent aux entreprises assujetties de compenser en partie le dépassement de leurs droits d’émission. Depuis 2005, les échanges de quotas se sont fortement développés et le marché a connu une financiarisation rapide, avec la constitution de bourses de carbone, comme il en existe pour certaines matières premières ou pour les instruments financiers.
Un mécanisme de fraude simple dans sa conception
Les fraudeurs ont appliqué le système classique du « carrousel », analyse la Cour des comptes entre des entreprises situées dans différents États membres de l’Union européenne : des sociétés, souvent créées pour l’occasion, ont acheté, hors taxe, des quotas de CO2 dans un État membre, elles les ont revendus en France en facturant la TVA au taux de 19,6 % ; elles ont « réinvesti » le produit de la vente dans une autre opération de fraude (achat HT d’une quantité équivalente de quotas par une entité liée située hors de France et revente en France TTC). Très souvent éphémères et jouant un rôle de pur intermédiaire vis-à-vis de donneurs d’ordres souvent inconnus, ces sociétés sont dénommées « sociétés taxis ». Elles ont pu recommencer plusieurs fois ce carrousel avant de disparaître sans jamais reverser la TVA au Trésor public. Le schéma est simple mais lucratif : la société A (le fournisseur) effectue une livraison intracommunautaire de quotas, exonérée de TVA, à la société B, assujettie en France à la TVA, pour un montant hors taxe de 100 €. La société B, (le preneur) les revend à la société C pour 119,60 €, toutes taxes comprises, en facturant un montant de TVA de 19,60 € qu’elle ne reverse pas à l’administration fiscale. La société C revend à son tour à une société D les quota de carbone. Les 19,6 € de TVA collectée ne sont pas reversés au Trésor français. C déduit la TVA non payée par B. L’administration fiscale rembourse ainsi à chaque tour de carrousel une TVA qui ne lui a pas été reversée. Le circuit peut se répéter indéfiniment, tant que le stratagème n’est pas éventé, jusqu’à la disparition des « sociétés taxi ». « Ce schéma peut se compliquer à l’extrême, avec l’interposition de multiples sociétés écrans entre B et C, l’empilement visant à rendre aussi indétectable que possible l’origine des fonds. Ces sociétés sont généralement de simples paravents, ne disposent souvent que d’un capital symbolique, d’une simple boîte aux lettres de domiciliation et de gérants fictifs qui dissimulent les véritables commanditaires de la fraude. Les sommes détournées ont été aussitôt transférées vers des pays peu coopératifs en matière de lutte contre la fraude ou peu concernés par le respect des engagements du protocole de Kyoto (Géorgie, Hong-Kong, Monténégro, Singapour, etc. », explique la Cour des comptes. Les acquisitions initiales de quotas auprès d’industriels assujettis peuvent être d’ampleur relativement modeste et les fonds provenir d’opérations de blanchiment. La « mise » augmentait de 19,6 % à chaque tour du carrousel. La spécificité du carrousel sur les ventes de quotas de CO2 porte non pas sur le dispositif lui-même, mais sur le caractère immatériel des biens échangés, sur la vitesse de rotation des quotas que permet le fonctionnement d’une bourse et sur les montants concernés.
Un marché dédié BlueNext
En 2007, afin de mieux lutter contre l’émission des gaz à effet de serre, la France a mis en place un marché des quotas carbone : BlueNext. BlueNext gère à Paris une bourse d’échange de quotas qui joue un rôle prépondérant en Europe pour les transactions au comptant. Sur ce marché, des quotas étaient attribués annuellement aux entreprises les plus polluantes. Si celles-ci n’avaient pas atteint leur plafond, elles pouvaient les revendre ou au contraire racheter ceux d’entreprises qui n’avaient pas dépensé les leurs. Ce marché était ouvert à toutes les entreprises, qu’elles soient ou non pollueuses. La TVA sur ces quotas achetés hors taxe et revendus toutes taxes comprises (TTC) était avancée par l’État. Entre 2008 et 2009, un mécanisme d’escroquerie à la TVA de grande ampleur se met en place consistant à acquérir des quotas d’émission de CO2 hors taxe dans un pays étranger, puis de les revendre en France à un prix incluant la TVA. Les sommes récoltées ont été investies dans de nouvelles opérations d’achat sans que la TVA soit reversée à l’État. Certains de ces fraudeurs vont gagner jusqu’à plus de 500 000 euros par jour. Le 9 décembre 2009, l’organisation européenne des polices, Europol, annonce que « le marché européen des échanges de quotas de CO2 a été victime d’échanges frauduleux depuis dix-huit mois ». Dans certains pays, jusqu’à 90 % du marché du carbone est alors le fait d’activités frauduleuses. On estime qu’en moins d’un an la France a enregistré au moins 1,6 milliard d’euros de pertes fiscales. D’après les chiffres d’Europol, la facture se monte à 5 milliards d’euros pour l’ensemble des pays de l’Union européenne. Face à l’ampleur de la fraude, il est décidé le 8 juin 2009, d’exonérer temporairement ces opérations de TVA en France. Le marché des quotas de TVA s’effondre et la fraude se déplace dans d’autres États membres de l’Union européenne.
Les premières poursuites
Cette délinquance financière, a pris une coloration particulière en raison des liens tissés par certains de ses auteurs avec la criminalité organisée. Tentatives d’extorsions, règlements de comptes, assassinats : les truands ont rejoint les délinquants financiers. La fraude aux quotas TVA a même inspiré un récent film policier « Carbone », réalisé par un ancien commissaire de police (NDLR : Olivier Marchal). À ce jour, dix-huit procédures judiciaires ont été engagées qu’il s’agisse d’enquêtes préliminaires, ou informations. Plus d’une centaine de personnes seraient impliquées. Une première affaire concernant dix-sept prévenus a été renvoyée devant le tribunal correctionnel de Paris pour escroquerie en bande organisée et blanchiment en bande organisée, dont cinq d’entre eux sont directement visés par la fraude à la TVA sur les quotas de CO2. Les premières condamnations ont été prononcées par le tribunal correctionnel de Paris, le 11 janvier 2012. En juin dernier, la cour d’appel de Paris a confirmé les peines de huit ans de prison et un million d’euros d’amende prononcées en première instance contre Marco Mouly et Arnaud Mimran, pour une escroquerie à 283 millions d’euros sur le marché des quotas d’émission de CO2. En revanche, le courtier polonais Jarosalw Klapucki, qui avait été condamné en première instance à sept ans de prison et un million d’euros d’amende, a été relaxé. Pour les 5 autres prévenus, les décisions de première instance ont été quasi intégralement confirmées avec des peines prononcées allant d’un an de prison avec sursis à six ans de prison. Les mandats d’arrêts, dont font l’objet les quatre prévenus en fuite, ont été confirmés. Les principaux prévenus ont été condamnés à des dommages et intérêts de 283 millions d’euros et font l’objet d’une interdiction de gérer une activité commerciale pendant cinq ans.
Une fraude facilitée par des failles intrinsèques au dispositif des quotas carbone
Les fraudeurs ont exploité les failles du système. La Cour des comptes dans son dernier rapport souligne que « l’ampleur de la fraude a été facilitée par trois failles originelles du système d’échange européen : le régime de perception de la TVA n’avait pas été sécurisé pour éviter les fraudes sur des transactions en temps réel ; le principe avait été retenu au plan communautaire d’un accès, quasiment sans contrôle, de toute personne physique ou morale aux registres nationaux de quotas ; le marché n’était soumis à aucune régulation externe ». Au lieu de définir un régime fiscal spécifique qui aurait pu tenir compte des particularités des échanges de quotas et intégrer les exigences de leur contrôle, les États membres de l’Union européenne, lors de la réunion du comité TVA du 14 octobre 2004, ont décidé d’assujettir les échanges de quotas à la TVA aux conditions suivantes : la cession à titre onéreux de quotas par un assujetti à la TVA agissant en tant que tel entre dans le champ de la TVA. Cette disposition a été transposée en France dans l’article L. 256 I du Code général des impôts (CGI). Les quotas étant considérés comme des biens meubles incorporels, conformément à l’article L. 229-15 du Code de l’environnement, les règles de territorialité appliquées à ces prestations de service immatérielles relèvent de l’article 259 B du CGI, qui prévoit que si le preneur (l’acheteur) et le prestataire (le vendeur) sont assujettis à la TVA dans deux États membres différents, la TVA est due par le preneur (règle de l’auto-liquidation). Ni la Commission européenne ni les États membres ne se sont préoccupés de sécuriser les conditions de perception de la TVA. Le mécanisme retenu a été l’une des causes majeures de la fraude. En effet, selon les principes de la TVA intracommunautaire, les biens et prestations de service sont taxés dans le pays d’arrivée et donc exonérés de TVA dans le pays de départ. Dès lors, des fraudeurs, c’est-à-dire les preneurs, achetaient hors taxe, hors de France, des quotas vendus par des sociétés industrielles et les revendaient en France toutes taxes comprises, sans reverser à l’administration fiscale la TVA qu’ils avaient facturée. Le Royaume-Uni avait d’ailleurs obtenu que ne soient soumis au régime de TVA que les quotas négociés au comptant hors de la plate-forme d’échange (ECX). Cette dérogation n’a pas pour autant mis le Royaume-Uni à l’abri des fraudes sur les opérations en gré à gré. Les autres transactions étaient assimilées à des opérations financières et n’étaient pas en conséquence assujetties à la TVA. Cette solution n’était pas applicable en droit français qui avait expressément écarté l’assimilation des quotas d’émission à des instruments financiers. Les pratiques frauduleuses ont d’autant plus aisément prospéré que ce marché nouveau était pratiquement inconnu des services fiscaux et que les transactions s’exécutaient de manière purement électronique, en l’espace de quelques secondes. De surcroît, la plate-forme de Paris s’interposait entre les acheteurs et les vendeurs, offrant ainsi l’anonymat des transactions. Elle garantissait le dénouement quasiment instantané des transactions et des paiements sans risque de contrepartie. Tant que le principe du paiement de la TVA par le preneur a été maintenu dans d’autres États membres, la fraude s’est poursuivie jusqu’en 2010. Au plan communautaire, ce n’est qu’en mars 2010 que la Commission européenne a présenté des propositions de modification de ce dispositif fiscal, vecteur de fraude.
Les brèches du règlement communautaire sur les registres
Les registres nationaux constituent un élément essentiel du système d’échange européen. En effet, les quotas ne se matérialisent que par leur inscription dans ces registres et les transactions les concernant ne s’exécutent que par le biais de liaisons internet. Le responsable du registre tient la comptabilité précise des quotas délivrés, détenus, transférés et annulés. Les institutions européennes et les États membres ont souhaité que toute personne physique ou morale, au-delà des entreprises assujetties aux plafonds d’émission, puisse détenir des quotas, que ce soit dans un but de placement, de négoce ou de spéculation. Ce choix reposait sur le double motif que la lutte contre le changement climatique doit impliquer tous les Européens et que le marché des quotas doit avoir une liquidité suffisante pour que le prix reflète à tout moment l’équilibre entre l’offre et la demande. L’accès quasiment sans contrôle aux registres nationaux de quotas s’est en pratique révélé désastreux.Aujourd’hui encore, en dépit du renforcement des conditions d’accès imposé par le règlement européen sur les registres du 18 novembre 2011, toute personne physique qui produit les documents prescrits a le droit d’ouvrir un compte de quotas. Les contrôles purement formels qui sont exercés en France par la Caisse des dépôts et consignations, délégataire de l’État, n’ont pas permis de détecter, ni encore moins de prévenir les nombreuses malversations constatées lors de la fraude à la TVA.
Une régulation externe du marché inexistante
La directive communautaire du 13 octobre 2003, fondatrice du système d’échange, n’avait prévu aucune disposition de régulation des marchés de quotas de CO2, bien que l’objectif soit clairement de les financiariser. Ce n’est qu’en octobre 2010 que certaines règles de surveillance ont été instaurées pour les opérations de ventes aux enchères de quotas. Cette lacune communautaire n’a pas été comblée au plan national. En effet, le choix ayant été fait en France de ne pas conférer aux quotas la qualité juridique d’instrument financier, le cadre décrit par les directives européennes relatives aux marchés d’instruments financiers (MIF) et aux abus de marché (MAD) ne trouvait pas à s’appliquer. L’Autorité des marchés financiers (AMF) n’était habilitée à intervenir que sur les opérations sur instruments dérivés, qui étaient marginales sur la place de Paris. Il faudra attendre la loi de régulation bancaire et financière du 22 octobre 2010 pour que l’AMF, en coopération avec la Commission de régulation de l’énergie (CRE), soit habilitée à intervenir, mais sur un périmètre de surveillance qui demeure restreint. Le marché français était censé s’autoréguler. BlueNext avait édicté ses propres règles de marché qui s’imposaient aux membres admis à opérer sur la bourse d’échange et dont elle devait assurer le respect. « L’enquête de la cour a montré que, même au plus fort de la fraude, le gestionnaire du marché n’a jamais utilisé les pouvoirs de sanction, même les plus simples comme les avertissements ou les suspensions temporaires », précise le rapport de la Cour des comptes. La Caisse des dépôts et consignations, pour sa part, était très impliquée en tant que gestionnaire du registre national des quotas, de teneur obligé des comptes bancaires des membres du marché et d’actionnaire de BlueNext.
Des procédures de contrôle insuffisantes
La directive communautaire du 13 octobre 2003 n’avait posé comme condition à l’ouverture d’un compte de quotas dans le registre que l’obligation de justifier de son identité et de son adresse. La vérification systématique par la Caisse des dépôts et consignations de ces informations s’est faite dans un premier temps sans aucun contact physique avec les demandeurs, même pour ceux qui n’étaient ni des entreprises assujetties aux quotas, ni des organismes financiers. Les personnes morales étaient toutefois obligées de fournir diverses pièces comptables, mais leur vérification n’a pas empêché le développement de pratiques de fraude plus importantes que pour des personnes physiques. Après la détection des premières fraudes en octobre-novembre 2008, la Caisse des dépôts et consignations s’est efforcée de renforcer sa vigilance, en se dotant notamment d’un logiciel de repérage des faux documents d’identité et en mettant en place un comité « nouveaux clients », chargé des investigations sur les candidats douteux. Ces mesures élémentaires de précaution ont permis, selon les informations transmises par la Caisse des dépôts et consignations, d’écarter ou de décourager une soixantaine de postulants entre le 1er avril 2008 et le 4 juin 2009, et 75 sociétés en ce qui concerne BlueNext. Elles n’ont pas suffi à empêcher pour autant la détention de comptes de quotas par des opérateurs soupçonnés de fraude, car le teneur de registre n’avait le droit ni de refuser ni d’exclure un détenteur suspect, dès lors que celui-ci avait fourni les seuls documents prescrits par le règlement communautaire. De plus, nombre de ces opérateurs identifiés par la justice, ou encore inconnus, avaient obtenu l’ouverture de leur compte de quotas avant la mise en œuvre des mesures de vigilance renforcée.
Des déclarations de soupçon précoces
La loi du 4 août 2008 de modernisation de l’économie a soumis la Caisse des dépôts et consignations à la réglementation bancaire. Sa direction des services bancaires, comme tout établissement bancaire, et BlueNext, en qualité d’entreprise d’investissement agréée pour gérer un système multilatéral de négociations sur les « futures », étaient soumises aux obligations de vigilance prescrites par le Code monétaire et financier et renforcées par l’ordonnance du 30 janvier 2009. Elles avaient à la fois l’obligation de déclarer les opérations soupçonnées d’être d’origine illicite et d’« autres obligations de vigilance » relatives à la connaissance des clients. Le gestionnaire du marché (BlueNext) et le teneur des comptes espèces (la Caisse des dépôts et consignations) ont bien rempli leurs obligations de déclaration de soupçon, mais leurs actions de vigilance vis-à-vis de leurs clients ont été moins probantes.
Les premières déclarations de soupçon adressées à Tracfin datent, pour la Caisse des dépôts et consignations, du 28 octobre 2008 et pour BlueNext, du 4 novembre 2008. Dès le 25 novembre 2008, une réunion a eu lieu à la Caisse des dépôts et consignations avec le nouveau directeur de Tracfin, le directeur des services bancaires et son équipe en charge de la lutte antiblanchiment (LAB). Selon la Caisse des dépôts et consignations, Tracfin aurait indiqué à cette occasion que ces premières déclarations de soupçon seraient rapidement transmises au procureur du tribunal compétent. Elles ne le furent qu’au début de février 2009. Jusqu’au début du mois de juin 2009, la Caisse des dépôts et consignations a adressé 13 déclarations à Tracfin, soit 40 % du total des déclarations relatives à la fraude sur les quotas, concernant 35 sociétés. Deux de ces déclarations ont été présentées pour le compte de Sagacarbon, sa filiale, qui n’était pas soumise elle-même aux obligations de vigilance du Code monétaire et financier. Dès novembre 2008, cette filiale exprimait ses soupçons à l’égard d’un de ses plus gros clients, mais maintenait ses relations d’affaires avec cet intermédiaire non assujetti, justifiant une deuxième déclaration de soupçon à son égard en mai 2009. La Caisse des dépôts et consignations a précisé que 25 déclarations avaient été adressées à Tracfin après juin 2009, jusqu’en août. Elles conservaient leur utilité opérationnelle car le régime de TVA n’ayant pas été modifié dans plusieurs pays de l’Union, la fraude à la TVA s’est alors déplacée dans ces pays. BlueNext a adressé pour sa part 9 déclarations de soupçon sur la même période, dont 4 apportaient des compléments à des signalements antérieurs. Elles visaient 48 sociétés. Les contrôles exercés conformément aux dispositions du Code monétaire et financier ont donc permis d’éconduire des candidats suspects, mais les faits révélés par la fraude montrent que ces diligences n’ont pas suffi à écarter des fraudeurs identifiés ultérieurement par la justice, conclue la Cour des comptes. Et certains dossier révèlent néanmoins un défaut de vigilance : candidats n’agissant manifestement pas pour leur propre compte (l’un d’entre eux exerçait en réalité la profession de chauffeur livreur et deux autres percevaient des indemnités de l’Assedic), adresses dans de simples boîtes aux lettres de domiciliation sans que cela éveille le soupçon, refus de certains candidats d’avoir tout contact physique avec les services chargés d’examiner leur candidature…