La relation de confiance se pérennise

Publié le 31/12/2018

La relation de confiance, ce nouveau processus de collaboration entre l’entreprise et l’administration permet de sécuriser les entreprises de manière innovante. Par opposition au contrôle fiscal, qui se situe a posteriori des obligations fiscales et de manière imprévisible, cette forme innovante de coopération entre Bercy et les entreprises se déroule en amont et prend la forme d’un audit. Elle devrait céder la place à une procédure spécifique de rescrit.

Le projet de loi « pour un État au service d’une société de confiance » qui vient d’être voté, prévoit de mettre en place une nouvelle procédure de contrôle en amont. La mesure envisagée s’inscrit en continuité avec la procédure de la relation de confiance initiée dans le cadre du Pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi annoncé en 2013 (levier n° 7). Ce dispositif a eu pour objectif de renforcer la sécurité juridique des entreprises et d’optimiser l’allocation des ressources consacrées au contrôle fiscal, tant pour l’administration que pour les entreprises. Il correspondait d’ailleurs à un des vœux exprimés dans le rapport Fouquet sur la sécurité fiscale, qui proposait en 2008 que pour aller plus loin dans le sens d’une sécurisation des entreprises sur leur situation fiscale, les grandes entreprises qui souhaitent s’engager dans une relation de transparence réciproque avec Bercy puissent contractualiser ces « relations approfondies » par un label (proposition 19). Cette procédure, ouverte sur la base du volontariat, a concerné une trentaine d’entreprises qui se sont portées candidates en 2013 et 2014. Si elle s’inspirait d’exemples étrangers, comme le Royaume-Uni ou les Pays-Bas, ses modalités et sa portée étaient cependant plus étendues dans le cadre de l’expérimentation. Avec ce nouveau rescrit, la sécurité juridique serait ainsi mieux assurée, selon une intensité proportionnée et adaptée aux besoins, aux enjeux fiscaux et aux ressources d’expertise qui peuvent être mobilisées, afin de permettre une correcte application de la loi fiscale et prévenir les risques de litiges fiscaux. Le texte prévoit un délais de neuf mois pour mettre en place cette procédure. Le délai d’habilitation sollicité de neuf mois doit permettre de pouvoir recenser les dispositions existantes à modifier ou à compléter pour définir les conditions et les modalités d’accès à une nouvelle offre de sécurité juridique pour les entreprises. Il doit aussi permettre d’organiser les consultations nécessaires afin d’identifier plus précisément les bénéficiaires potentiels, dont le nombre n’est actuellement pas défini. Cette mesure est particulièrement importante car elle devrait permettre de sécuriser les entreprises. Or ces dernières années, alors même que l’administration fiscale a vu son arsenal de moyens d’enquête, de contrôle et d’instruments répressifs s’enrichir progressivement, peu de textes sont venus renforcer les garanties du contribuables (EY Société d’Avocats, 37 propositions pour une modernisation du contrôle fiscal). En outre, les entreprises françaises signalent depuis plusieurs années une dégradation du climat fiscal. Leurs rapports avec l’administration s’en trouvent affectés. Un climat in fine contreproductif, souligne la CCI Paris Ile-de-France car aucun vainqueur ne se détache : la gouvernance fiscale des entreprises est instable et coûteuse, quand la mission de l’administration perd en efficience et en qualité.

Une prise de position formelle

Le nouveau dispositif permet à des entreprises de demander une prise de position formelle à l’administration fiscale. Il s’inscrit donc dans la philosophie des dispositifs de rescrit déjà existants et prévus à l’article L. 80 B du Livre des procédures fiscales, afin de compléter l’offre de sécurité juridique au bénéfice de catégories d’entreprises, définies selon des critères qualitatifs et objectifs, et mobilisable selon des modalités qui garantissent sa bonne exécution par l’administration fiscale. Cette mesure, qui vise à la délivrance d’une prise de position formelle de l’administration, s’inscrit pleinement dans les missions traditionnelles d’information et d’accompagnement des contribuables par l’administration fiscale et répond à un motif d’intérêt général de sécurité juridique, souligne Bercy. Si les acteurs économiques sont favorables à toute mesure permettant d’apaiser les relations entre entreprises et administration fiscale et à leur apporter une véritable sécurité fiscale, elles restent vigilantes sur le contenu d’une telle disposition. Ainsi, pour la CCI Paris Ile-de-France, le nouveau dispositif ne doit pas se limiter à constituer une forme nouvelle de rescrit moderne, ponctuel, mais bien correspondre à un engagement dans une relation annuelle par des audits qui se renouvellent tous les ans.

Sécuriser les entreprises

L’expérience de la relation de confiance destinée à réformer le contrôle fiscal s’est inscrite dans un contexte particulier, celui du durcissement de la lutte contre la fraude et des moyens de contrôle de Bercy. « Dans le même temps, a résumé Bernard Cazeneuve, ministre délégué auprès du ministre de l’Économie et des Finances, chargé du budget, il est logique et légitime que nous cherchions à faciliter la vie des contribuables de bonne foi qui acceptent de souscrire des engagements de transparence accrue vis-à-vis du fisc ». La DGFiP a cependant avant tout présenté ce mécanisme comme une « nouvelle offre de services » destinée à renforcer la compétitivité des entreprises en améliorant leur sécurité juridique. Le dispositif prévoit un accompagnement, en amont, de l’entreprise dans ses processus déclaratifs pour l’ensemble des impositions relevant de la DGFiP. L’administration et l’entreprise mènent ainsi une revue complète des options et obligations fiscales de cette dernière, fondée sur les principes de transparence et de coopération. Cette revue se conclue par un avis qui engageait l’administration fiscale. Pour les entreprises, la « relation de confiance » permet d’améliorer la visibilité des résultats financiers et des risques de contentieux en matière fiscale sur la base d’une prise de position formelle et précoce de l’administration. La relation de confiance permet ainsi à l’entreprise de connaître le plus rapidement possible la position de l’administration sur ses options fiscales, d’évaluer pour les besoins de l’établissement de ses comptes, les conséquences financières de cette position, de réduire le coût de gestion interne résultant d’une opération de contrôle pouvant se dérouler deux à trois ans après la clôture d’un exercice et nécessitant des recherches documentaires ou des traitements informatiques mobilisateurs de moyens techniques et humains. Quant à la DGFiP, elle peut mieux appréhender le contexte économique, financier et fiscal dans lequel les entreprises agissent en bénéficiant d’une plus grande transparence de ces dernières.

Une relation contractuelle

La « relation de confiance » est formalisée par un protocole de coopération entre l’administration et chaque entreprise, qui fixe les engagements de chacune des parties dans le cadre de cette relation. Le protocole porte sur les impôts et taxes dus au titre d’un exercice déterminé. Il est reconduit de manière tacite par période d’une année. Cette relation de confiance étant basée sur un contrat, chacune des parties est libre d’y mettre fin. Chacune des parties peut donc résilier à tout moment le protocole. La partie qui souhaite le résilier notifie sa décision à l’autre partie. La résiliation prend effet dès sa notification. L’administration détruit alors les documents remis par l’entreprise dans le cadre de la revue, à l’exception de ceux ayant fondé une prise de position. La réussite de cet engagement réciproque suppose le respect de part et d’autre d’un certain nombre de principes : transparence, célérité, disponibilité, pragmatisme, prise en compte des contraintes techniques et opérationnelles des entreprises, adéquation des moyens déployés aux enjeux ainsi qu’une compréhension et confiance mutuelle. Les communications entre l’entreprise et l’administration dans le cadre du protocole sont protégées par un principe général de confidentialité, aucune information ne pouvant être utilisée par l’une ou l’autre des parties en dehors des objectifs définis au protocole.

Deux vagues d’expérimentation

Une vingtaine d’entreprises volontaires, qu’il s’agisse de petites et moyennes entreprises (PME), d’entreprises de taille intermédiaire (ETI), ou de grands groupes, ont participé à l’expérimentation. La procédure a fait d’abord l’objet à partir du mois d’octobre 2013 d’une phase test sur deux ans avec un échantillon d’entreprises de tailles et d’activités variées, implantées sur l’ensemble du territoire. Un rapport sur le bilan de cette expérimentation a été remis en septembre 2015. Compte tenu de ce bilan, l’expérimentation a été étendue aux entreprises de taille intermédiaire, implantées sur l’ensemble du territoire national, dont le chiffre d’affaires n’excède pas 150 M€, afin de disposer d’une meilleure représentativité de ces entreprises dans le panel de celles participant à l’expérimentation. Cette première phase a présenté une véritable révolution culturelle pour les deux parties. Pour la Chambre de commerce et d’industrie Paris Ile-de-France, « comme tout changement culturel, la « relation de confiance » a buté sur des réticences du côté de l’administration et des entreprises. Crainte d’une perte de recettes d’un côté, méfiance à l’idée d’ouvrir ses comptes de l’autre… » L’expérimentation a révélé un certain nombre de difficultés. Lors de la deuxième vague, la direction générale de finances publiques (DGFiP) n’a trouvé qu’une dizaine d’entreprises volontaires, un panel moins fourni que prévu.

Une procédure non généralisable

L’idée de généraliser la procédure, un temps envisagée, a été abandonnée. Pour Bercy, cette procédure, qui a mobilisé des ressources significatives au regard des enjeux fiscaux, tant de la part de l’administration que des entreprises, n’est pas généralisable. Elle a cependant permis de mieux appréhender les difficultés à prendre en considération pour proposer une offre de sécurité juridique en matière fiscale mieux adaptée à certaines entreprises ou catégories d’entreprises. Le nouveau dispositif doit donc tirer les enseignements de cette procédure lancée en 2013, notamment en termes de mobilisation de ressources pour les entreprises et l’administration. Il doit veiller notamment à organiser un équilibre entre l’objectif de sécurité juridique recherché et la bonne administration d’un dispositif maîtrisé afin de pouvoir en augmenter le nombre de bénéficiaires avec toutes les garanties de qualité nécessaires.

De nouveaux challenges à relever pour Bercy

Il s’agit maintenant pour Bercy de définir les conditions et les modalités d’accès à un rescrit spécifique pour les entreprises qui serait mieux circonscrit sur des enjeux fiscaux significatifs ou des activités ou opérations pour lesquelles le besoin de sécurisation des positions fiscales est le plus manifeste. Ce rescrit spécifique, accessible, comme toute procédure de rescrit, à l’initiative du contribuable, seul ou accompagné d’un conseil, pourrait donner lieu, le cas échéant, à déplacement dans les locaux de l’entreprise afin de mieux cerner les spécificités de son activité ou de son organisation au regard de sa problématique fiscale. Il serait ciblé sur certaines entreprises ou catégories d’entreprises en fonction notamment de leur taille, de leur civisme fiscal, du caractère innovant ou du stade de développement de leur activité, ou encore des enjeux fiscaux liés aux opérations envisagées qui justifieraient une demande de prise de position formelle de l’administration. Pour la CCI Paris Ile-de-France ce programme constitue une solution pragmatique et efficace face à l’instabilité et l’insécurité fiscales vécues par les entreprises. Elle recommande donc fortement de l’ouvrir à toutes les entreprises, toutes tailles et tous secteurs confondus. En effet, la relation de confiance serait particulièrement utile aux PME, et ETI, pour lesquelles la gouvernance fiscale est coûteuse, source de risque et d’instabilité. Elles perdent même parfois le bénéfice de dispositifs fiscaux favorables, ne les appliquant pas dans le souci de commettre des erreurs d’application. Actuellement, les Pays-Bas ont élargi la relation de confiance aux petites et moyennes entreprises, en mettant en place un système spécifique, adapté aux caractéristiques des petites et moyennes entreprises hollandaises, précise à cet égard la CCI Paris Ile-de-France. Enfin, la CCI Paris Ile-de-France insiste sur la portée de la terminologie qui sera développée et notamment sur l’importance du champs lexical qui sera retenu de ne pas avoir recours au champ lexical du contrôle fiscal. C’est pourquoi, il convient de s’attacher à utiliser les termes de « revue », « audit », « réviseur » ou « auditeur ». L’enjeu est ici de parvenir, d’une manière plus globalisante et prospective, à une conversion du climat fiscal actuel, conclut la CCI. Les retombées positives seraient nombreuses tant pour les entreprises que pour l’administration fiscale.

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