Le plan de réforme communautaire de la TVA se précise
Plus de souplesse pour fixer les taux réduits au niveau des États membres et des mesures de simplification pour les PME : la Commission déploie son programme de réforme.
La Commission avance de nouvelles propositions de réforme du système commun de taxe sur la valeur ajoutée (TVA). Cette réforme, s’inscrit dans le plan d’action présenté par la Commission européenne, à Bruxelles, le 7 avril 2016 et visant à moderniser la TVA dans l’Union.
Les propositions présentées par la Commission marquent les étapes finales de la refonte, par la Commission, des règles en matière de TVA, qui prévoit la création d’un espace TVA unique dans l’Union afin de réduire drastiquement la fraude à la TVA, tout en soutenant les entreprises et en garantissant les recettes publiques. L’objectif des propositions présentées par la Commission est double : répondre aux attentes des États membres qui souhaitent disposer d’une plus grande marge de manœuvre dans la fixation des taux et étendre les franchises de TVA qui existent pour les entreprises nationales aux petites entreprises menant des activités transfrontières. Rappelons que le système commun de la TVA joue un rôle important au sein du marché unique européen. La TVA constitue une source essentielle de recettes dans l’Union, qui gagne en importance et représentait en 2015 plus de 1 000 milliards d’euros, soit 7 % du PIB de l’Union. L’une des ressources propres de l’Union est également fondée sur la TVA.
D’après les estimations de la Commission européenne, au total, ce sont plus de 150 milliards d’euros de TVA qui sont perdus chaque année, soit autant de recettes fiscales en moins pour les États membres pour soutenir la croissance ou l’emploi. Sur ce montant, d’après les chiffres présentés par la Commission européenne, environ 50 milliards d’euros sont détournés par la fraude à la TVA transfrontière, soit environ 100 euros par citoyen de l’Union chaque année. Une partie de ces fonds servent à financer des organisations criminelles, y compris des activités terroristes.
Un vaste plan de réforme
La Commission européenne s’était engagée de longue date à mettre en œuvre un système de TVA définitif bien adapté au fonctionnement du marché unique. Les propositions présentées aujourd’hui reposent sur le plan d’action sur la TVA qui consiste à réformer en profondeur les règles actuelles en mettant en place un espace TVA unique robuste dans l’Union, adapté à un monde de plus en plus globalisé. Les mesures proposées font suite aux « fondements » d’un nouvel espace TVA de l’Union européenne unique et définitif, présentés en octobre 2017, et au plan d’action sur la TVA « Vers un espace TVA unique dans l’Union », présenté en avril 2016.
Il s’agit de relancer le système de TVA actuel de l’Union afin de le rendre plus simple, plus étanche à la fraude et plus propice aux entreprises. Pour ce faire, les règles existantes en matière de TVA doivent être mises à jour dans les plus brefs délais afin de pouvoir mieux soutenir le marché unique, faciliter les échanges transfrontaliers et suivre l’évolution de l’économie numérique et mobile actuelle. Le plan d’action sur la TVA fait partie du programme REFIT de la Commission, qui vise à simplifier la législation de l’Union et à réduire les coûts réglementaires, contribuant ainsi à la mise en place d’un cadre réglementaire clair, stable et prévisible pour soutenir la croissance et l’emploi. « Aujourd’hui, nous proposons de renouveler le système de TVA actuel, qui a été créé il y a un quart de siècle sur une base temporaire, a précisé Monsieur Valdis Dombrovskis, vice-président de la Commission européenne chargé de l’euro et du dialogue social. Nous avons besoin d’un système définitif qui nous permette de traiter plus efficacement la fraude à la TVA transfrontière. Au niveau de l’Union européenne, cette fraude entraîne chaque année une perte de recettes fiscales de près de 50 milliards d’euros ».
La Commission propose de modifier en profondeur le système de TVA actuel en taxant les ventes de biens à partir d’un pays de l’Union vers un autre de la même manière que si les biens étaient vendus au sein d’un seul et même État membre. Cette réforme permettrait donc de mettre en place un nouveau système de TVA définitif pour l’Union. Pour ce faire, les États membres doivent parvenir à un consensus sur quatre principes fondamentaux, les fondements d’un nouvel espace TVA de l’Union unique et définitif. La TVA sera désormais prélevée sur les échanges transfrontières entre entreprises, afin de mieux lutter contre la fraude fiscale. À l’heure actuelle, ce type d’échanges est exonéré de la TVA, ce qui offre à des sociétés peu scrupuleuses un moyen facile de percevoir la TVA et de disparaître ensuite sans reverser l’argent aux autorités fiscales. La TVA due sur des ventes transfrontières sera perçue par l’autorité fiscale du pays d’origine et transférée dans le pays où les biens ou services sont, en définitive, consommés. Afin de permettre une transition en douceur pour les administrations fiscales et les entreprises, la première étape du système de TVA définitif portera uniquement sur les livraisons de biens. Un guichet unique permettra de simplifier les obligations des entreprises qui réalisent des ventes transfrontières. Les opérateurs pourront déposer leurs déclarations et effectuer leurs paiements au moyen d’un portail unique en ligne dans leur propre langue et selon les mêmes règles et modèles administratifs que dans leur pays d’origine. Il appartiendra ensuite à chaque État membre de verser directement la TVA aux autres États membres, comme c’est déjà le cas pour toutes les ventes de services électroniques. Un système similaire est déjà en place et donne toute satisfaction pour les ventes de services électroniques transfrontières. Afin de permettre une transition progressive, les entreprises fiables, les « assujettis certifiés », qui sont certifiées par leur administration fiscale, y compris les PME, pourraient continuer à acheter des biens en exonération de TVA dans un autre État membre et acquitter la TVA dans leur pays d’origine. La réforme consacre le passage au principe de « destination », en vertu duquel le montant final de la TVA est toujours versé à l’État membre du consommateur final, selon le taux en vigueur dans cet État membre. Ce changement constitue un engagement pris de longue date par la Commission européenne, soutenue par les États membres. Ce principe s’applique déjà aux ventes de services électroniques. Enfin, les formalités administratives seront allégées. Les règles de facturation seront simplifiées, ce qui permettra aux vendeurs d’établir des factures conformément aux règles de leur propre pays même lorsqu’ils réalisent des opérations transfrontières. Les entreprises n’auront plus à préparer d’état récapitulatif, la liste de leurs opérations transfrontières, pour leurs autorités fiscales.
Plus de latitude en matière de taux réduits
En 2016, dans son plan d’action sur la TVA, la Commission a annoncé qu’elle avait l’intention de mettre en place un régime définitif reposant sur le principe de l’imposition dans l’État membre de destination. Cette proposition s’éloigne du système actuel dans lequel la TVA est payée dans le pays dont les biens ou les services sont originaires. Le système en vigueur ne peut fonctionner que si les taux de TVA dans les différents pays sont aussi uniformes que possible pour que la concurrence déloyale entre les États membres soit réduite au minimum. L’Union ayant récemment décidé de passer à ce que l’on appelle le « principe de destination », tel qu’il a été proposé par la Commission, cette approche restrictive n’a plus lieu d’être. La Commission européenne propose de nouvelles règles afin de laisser aux États membres une plus grande marge de manœuvre pour fixer les taux de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) et de créer un environnement fiscal de meilleure qualité pour aider les PME à prospérer. Pour Pierre Moscovici, commissaire chargé des affaires économiques et financières, de la fiscalité et des douanes, avec cette réforme, « nous franchissons une nouvelle étape vers la création d’un espace TVA unique dans l’UE, avec des règles plus simples pour les États membres et les entreprises. Les règles proposées laisseront aux pays de l’UE une plus grande liberté pour appliquer des taux réduits de TVA à des biens ou des services spécifiques. Dans le même temps, elles permettront de réduire les formalités administratives pour les petites entreprises exerçant des activités transfrontières, ce qui les aidera à se développer et à créer des emplois. En résumé : des règles communes lorsque cela est nécessaire au bon fonctionnement du marché intérieur ; et une plus grande marge de manœuvre pour les gouvernements afin qu’ils puissent faire transparaître leurs préférences politiques dans leurs taux de TVA ».
Des règles obsolètes
Les règles communes de l’UE en matière de TVA, adoptées par tous les États membres en 1992, sont jugées obsolètes et trop restrictives. Elles permettent aux États membres d’appliquer des taux réduits de TVA à une poignée seulement de secteurs et de produits.
À l’époque, les États membres avaient convenu à l’unanimité de fixer un taux normal de TVA minimal de 15 % pour l’ensemble des biens et services. Un taux réduit de 5 % ou plus pouvait être appliqué à une liste préétablie de biens et de services. D’autres taux réduits étaient autorisés dans certains pays en raison de « dérogations de statu quo » convenues lors de leur adhésion à l’Union. Cette situation a, au fil des années, créé une multiplicité de taux variant d’un pays à l’autre. Elle a également créé des inégalités au sein de l’Union, certains États membres bénéficiant de dérogations et d’autres n’étant pas autorisés à appliquer un taux réduit ou nul pour les mêmes produits ou services.
Dans le même temps, la pression s’accroît sur les États membres pour qu’ils allègent la TVA en faveur de certains secteurs, mais il ne leur est guère aisé de le faire. Ils ne peuvent pas changer leur politique en matière de TVA pour les produits et secteurs qui ne sont pas mentionnés dans la liste autorisant l’application de taux réduits.
En outre, les règles actuelles n’ont pas suivi le rythme des évolutions technologiques et de l’essor des produits numériques. L’actualisation de ces règles est en effet difficile car les décisions doivent être prises à l’unanimité. C’est la raison pour laquelle la Commission avait prévu, dans son plan d’action sur la TVA de 2016, de moderniser les règles, en supprimant les restrictions juridiques obsolètes tout en évitant que ne surviennent certains problèmes tels que l’érosion des recettes de TVA, des distorsions de concurrence et une diminution de la base d’imposition.
Des règles plus souples
Les États membres peuvent actuellement appliquer, sur leur territoire, un taux réduit pouvant descendre jusqu’à 5 % à deux catégories distinctes de produits. Un certain nombre d’États membres appliquent également des taux encore plus réduits dans le cadre de dérogations spécifiques. Outre le taux normal de TVA de 15 % au minimum, les États membres auront désormais le choix entre plusieurs options. Ils pourront mettre en place deux taux réduits distincts compris entre 5 % et 15 %. Ils pourront également opter pour une franchise de TVA (ou « taux nul ») ou encore décider d’un taux super réduit fixé entre 0 % et 5 %. Pour préserver les recettes publiques, les États membres devront également veiller à ce que le taux moyen pondéré de TVA soit d’au moins 12 %. Par ailleurs, dans le cadre du nouveau régime, tous les biens qui bénéficient actuellement de taux différents du taux normal pourront les conserver.
Une nouvelle liste
L’actuelle liste, complexe, des biens et des services pouvant faire l’objet de taux réduits sera supprimée et remplacée par une nouvelle liste de produits (armes, boissons alcoolisées, jeux de hasard et tabac) auxquels le taux normal de 15 % ou un taux supérieur sera toujours appliqué.
Réduction des coûts liés à la TVA pour les PME
La Commission s’attaque également aujourd’hui au problème des coûts de conformité liés à la TVA disproportionnés que doivent supporter les petites entreprises. Les entreprises exerçant des activités transfrontières sont exposées à des coûts de conformité plus élevés (+ 11 %) par rapport à celles dont l’activité est purement nationale, les plus petites entreprises étant les plus durement touchées. Cette situation se révèle être un véritable obstacle à la croissance, étant donné que les petites entreprises représentent 98 % des entreprises de l’UE. C’est pourquoi, nous proposons de permettre à un plus grand nombre d’entreprises de bénéficier de règles simplifiées en matière de TVA, qui ne sont pour l’instant accessibles qu’aux plus petites d’entre elles. L’ensemble des coûts de conformité liés à la TVA seront réduits de 18 % par an.
Valdis Dombrovskis, vice-président de la Commission européenne chargée de l’euro et du dialogue social, a déclaré à ce sujet : « Il y a trois mois, la Commission a proposé de réformer les règles de TVA de l’UE en vue de mettre en place un régime de TVA définitif. Cela suppose l’introduction du principe de facturation de la TVA dans le pays de destination. Les propositions concernant les taux de TVA présentées aujourd’hui devraient entrer en vigueur une fois que le régime définitif sera en place ».
Les petites entreprises sont essentielle pour l’économie européenne, puisqu’elles représentent 98 % des entreprises de l’Union et contribuent à plus de 65 % de l’emploi dans le secteur privé. Elles doivent actuellement supporter des coûts de conformité liés à la TVA disproportionnés, en particulier lorsqu’elles exercent leurs activités dans d’autres États membres. La proposition présentée réduira ces coûts, ce qui contribuera au développement des petites entreprises et facilitera leurs échanges au sein du marché unique. En vertu des règles actuelles, les États membres peuvent accorder une franchise de TVA aux petites entreprises à condition qu’elles ne dépassent pas un certain chiffre d’affaires annuel, qui varie d’un pays à l’autre. Les PME en expansion n’ont plus accès aux mesures de simplification une fois le seuil de franchise dépassé. De plus, ces franchises ne sont accessibles qu’aux acteurs nationaux. Il n’existe donc pas de conditions de concurrence équitables pour les petites entreprises opérant au sein de l’UE.
La proposition présentée de la Commission vise à introduire un seuil à l’échelle de l’Union de façon à ce qu’un plus grand nombre d’entreprises bénéficient de règles simplifiées. Cette mesure permettra de réduire les coûts de conformité liés à la TVA des PME à hauteur d’environ 18 % par an, ce qui se traduira par une augmentation de leurs activités transfrontières d’environ 13 %. Elle devrait également avoir une incidence positive sur les recettes à long terme en raison de l’effet bénéfique général sur la production des petites entreprises. Alors que les seuils de franchise actuels seraient conservés, les propositions présentées introduiraient :
– un seuil de 2 millions d’euros de recettes dans l’ensemble de l’Union, en dessous duquel les petites entreprises bénéficieraient de mesures de simplification, qu’elles bénéficient déjà ou non de la franchise de TVA ;
– la possibilité pour les États membres de dispenser toutes les petites entreprises qui peuvent bénéficier d’une franchise de TVA des obligations en matière d’identification, de facturation, de comptabilité ou de déclaration ;
– un seuil de chiffre d’affaires fixé à 100 000 € qui permettrait aux entreprises exerçant leurs activités dans plus d’un État membre de bénéficier de la franchise de TVA.
Ces propositions législatives vont à présent être transmises au Parlement européen et au Comité économique et social européen pour consultation, et au Conseil pour adoption. Les modifications ne prendront effet que lorsque le régime définitif aura effectivement été introduit.