TVA : de nouvelles règles au plan communautaire

Publié le 11/03/2019

Le Conseil de l’Union européenne adopte des solutions à court terme pour le système actuel de TVA de l’Union européenne.

Le Conseil de l’Union européenne a adopté trois courts actes législatifs visant à ajuster certaines des règles de l’Union européenne en matière de TVA, afin de résoudre quatre problèmes spécifiques dans l’attente de l’introduction d’un nouveau système de TVA au sein du marché unique européen. Dans son plan d’action sur la TVA de 2016, la Commission a annoncé son intention de proposer un système définitif de TVA pour l’UE. Depuis lors, des progrès ont été accomplis grâce à l’adoption de nouvelles règles relatives à la TVA applicable aux ventes en ligne et la Commission a déjà présenté ses propositions concernant les grands principes sous-tendant le futur espace de TVA définitif dans l’Union européenne ainsi qu’une réforme majeure de la fixation des taux de TVA dans les États membres de l’Union européenne. La proposition présentée aujourd’hui intervient à la suite des mesures prises précédemment.

Le plan de modernisation de la TVA

En avril 2016, la Commission européenne a présenté un plan d’action destiné à relancer le système de TVA actuel de l’Union afin de le rendre plus simple, plus étanche à la fraude et plus propice aux entreprises. Pour ce faire, les règles existantes en matière de TVA doivent être mises à jour dans les plus brefs délais afin de pouvoir mieux soutenir le marché unique, faciliter les échanges transfrontaliers et suivre l’évolution de l’économie numérique et mobile actuelle. Le plan d’action sur la TVA fait partie du programme REFIT de la Commission, qui vise à simplifier la législation de l’Union et à réduire les coûts réglementaires, contribuant ainsi à la mise en place d’un cadre réglementaire clair, stable et prévisible pour soutenir la croissance et l’emploi. Le plan d’action définit les principes essentiels d’un futur système unique de TVA dans l’Union. Il préconise des mesures à court terme pour lutter contre la fraude à la TVA, estimée à 50 milliards d’euros, ainsi que des solutions envisageables pour moderniser le cadre de l’Union en ce qui concerne la fixation des taux de TVA par les États membres. Enfin, il prévoit des mesures de simplification des règles de TVA pour le commerce électronique dans le cadre de la stratégie pour un marché unique numérique et pour un paquet TVA complet visant à faciliter la vie des PME.

Un nouveau régime de TVA en préparation

Il s’agit d’adopter un système de TVA définitif pour les échanges transfrontières intra-Union entre entreprises (B2B), fondé sur le principe de la taxation dans l’État membre de destination des biens afin de créer un espace TVA unique robuste dans l’Union. Les règles actuelles en matière de TVA applicables aux échanges transfrontières entre entreprises dans les États membres de l’Union remontent à 1993. À l’époque, elles devaient être transitoires. Aux yeux de la Commission européenne, ces règles ne tiennent compte ni des évolutions technologiques, ni des changements intervenus dans les modèles commerciaux, ni de la mondialisation de l’économie. Le système en vigueur divise chaque vente effectuée sur le territoire de l’Union en une opération en exonération de TVA dans le pays d’origine et en un achat imposable dans le pays de destination. Il fonctionne comme un régime douanier, mais sans les contrôles équivalents, et est dès lors à l’origine de nombreux cas de fraude transfrontière. À titre d’exemple, la fraude à l’opérateur défaillant peut survenir lorsque la société importatrice vend des biens importés en exonération de TVA, perçoit la TVA correspondante, mais disparaît avant de verser la TVA perçue aux autorités fiscales.

Le futur système de TVA proposé par la Commission repose sur le principe selon lequel les biens et les services conformément aux règles relatives au pays d’origine sur les ventes transfrontières à destination d’un autre pays dans l’Union, au taux applicable dans le pays de consommation. Les opérations transfrontières seraient traitées de la même manière que les opérations nationales, c’est-à-dire que les échanges transfrontières ne seraient plus exonérés de la TVA, ce qui permettrait de remédier aux failles intrinsèques du système. À elle seule, cette modification devrait permettre de réduire la fraude à la TVA transfrontière de 40 milliards d’euros par an. La TVA due sur une opération transfrontière sera perçue par l’autorité fiscale du pays d’origine et transférée dans le pays où les biens ou services sont en définitive consommés. Il sera plus simple et plus aisé pour les entreprises qui effectuent des opérations commerciales au sein de l’Union d’accomplir leurs formalités en matière de TVA par l’intermédiaire d’un portail internet en ligne dans leur pays d’origine. Sinon, les opérateurs économiques devraient s’immatriculer à la TVA, déposer des déclarations et effectuer des paiements dans chacun des pays de l’Union où ils exercent des activités. Grâce au portail en ligne, la TVA pourra également être perçue par le pays où la vente est effectuée et transférée dans le pays où les biens sont consommés. Afin de permettre une transition progressive, les entreprises fiables qui sont certifiées par leur administration fiscale, y compris les PME, pourraient dans un premier temps continuer à acheter des biens en exonération de TVA dans un autre État membre et acquitter la TVA dans leur pays d’origine.

Un chantier d’envergure

La Commission européenne a publié le 4 octobre 2017 une série de principes fondamentaux et de réformes-clés concernant l’espace TVA européen. Ce nouveau paquet TVA comprend un projet de directive (proposition de directive du Conseil modifiant la directive 2006/112/CE en ce qui concerne l’harmonisation et la simplification de certaines règles dans le système de taxe sur la valeur ajoutée et instaurant le système définitif de taxation des échanges entre les États membres) et deux projets de règlements, destinés à opérer la réforme du régime TVA des opérations transfrontalières au sein de l’Union européenne et de mettre en place le système de TVA définitif visant à taxer les ventes de biens et de service dans l’État de consommation. La mise en œuvre de cette réforme doit s’effectuer entre le 1er janvier 2019 et le 1er janvier 2022. Plusieurs mesures et projets de textes relatifs à la réforme des taux de TVA, au régime des petites et moyennes entreprises, à la coopération entre les États et à la levée des obstacles aux opérations transfrontalières dans le domaine du e-commerce, ont suivis. Ainsi, le 18 janvier 2018, la Commission européenne a présenté une proposition de directive destinée à octroyer aux État membres une plus grande marge de manœuvre pour fixer les taux de TVA net à réduire les charges administratives qui pèsent sur les PME. Ces propositions de textes sont soumises aux États membres au sein du Conseil pour approbation et au Parlement européen pour consultation. Elles nécessitent l’accord unanime de tous les États membres au sein du Conseil avant de pouvoir entrer en vigueur. En mai 2018, la Commission a proposé des modifications techniques détaillées des règles de l’Union européenne relatives à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), qui viennent compléter la proposition de réforme du système visant à le rendre plus résistant à la fraude.

Quatre solutions à court terme attendues

Dans l’attente de l’introduction du nouveau système de TVA définitif applicable aux échanges intra-Union, des améliorations du système de TVA actuel doivent être apportées dans l’intervalle. Les quatre solutions rapides et à court terme concernent des points de difficulté qui avaient été évoquées dans les conclusions du Conseil du 8 novembre 2016. En matière de preuve de livraison intracommunautaire, le Conseil invitait la Commission à étudier la possibilité d’établir un cadre commun de critères recommandés applicable aux documents justificatifs requis afin de demander une exonération pour une livraison intra-Union. Le Conseil attirait également l’attention de la Commission sur la nécessité de présenter une proposition législative pour que le numéro d’identification TVA valide de l’assujetti ou de la personne morale non assujettie acquérant les biens, attribué par un État membre autre que celui de départ de l’expédition ou du transport des biens, constitue une condition de fond supplémentaire pour l’application d’une exonération en cas de livraison intracommunautaire de biens. Concernant les opérations en chaîne, le Conseil pointait la nécessité d’analyser et de proposer des critères uniformes et les améliorations législatives nécessaires qui se traduiraient par une plus grande sécurité juridique et par une application davantage harmonisée des règles de la TVA au moment de déterminer le régime TVA des opérations en chaîne, y compris des opérations triangulaires. Enfin, pour les transferts de stocks sous contrat de dépôt : le Conseil invitait la Commission à proposer des modifications des règles actuelles de TVA afin de procéder à une simplification et de permettre un traitement uniforme des dispositions relatives aux stocks sous contrat de dépôt dans le cadre des échanges transfrontières. À cet effet, un stock sous contrat de dépôt est un stock de biens qu’un vendeur transfère vers un entrepôt pour le mettre à la disposition d’un acquéreur connu dans un autre État membre, lequel devient le propriétaire des biens dès qu’il vient les retirer de l’entrepôt.

La question centrale de la preuve pour les exonérations communautaires

En 1994, la Commission a attiré l’attention du Conseil et du Parlement européen sur la question de la preuve à fournir pour attester que les conditions d’application de l’exonération d’une livraison intracommunautaire de biens sont remplies. Déjà à l’époque, la Commission, moins de 2 ans après l’introduction de l’actuel régime transitoire de taxation des échanges intracommunautaires selon lequel une opération intracommunautaire B2B portant sur des biens donne lieu à une livraison de biens exonérée dans l’État membre de départ et à une acquisition intracommunautaire taxée dans l’État membre d’arrivée, a souligné que cette question était une source de difficultés. Des discussions ultérieures au niveau de l’Union n’ont pas abouti à des résultats concrets. En outre, le règlement d’exécution TVA ne contient pas, à l’heure actuelle, de disposition sur ce point, bien qu’au fil des ans, la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne a traité la question de la preuve de l’exonération des livraisons intracommunautaires. Au cours du processus de consultation engagé dans le cadre du Livre vert sur l’avenir de la TVA, de nombreuses contributions ont rappelé que ce point consiste un des problèmes majeurs du système de TVA actuel. Des règles claires et stables qui garantissent la sécurité juridique pour les entreprises sont essentielles. Dans le même temps, les administrations fiscales doivent être en mesure d’assurer le suivi et de garantir l’application correcte de l’exonération, en particulier dans la mesure où les livraisons intracommunautaires exonérées constituent souvent une composante de base des mécanismes de fraude « carrousel » transfrontières.

Des modifications législatives

Les discussions sont toujours en cours concernant le système définitif de TVA. Afin de résoudre les quatre problèmes spécifiques évoqués plus haut, et dans l’attente de l’introduction d’un nouveau système de TVA, le Conseil a adopté trois courts actes législatifs visant à ajuster certaines des règles de l’Union européenne. Ces ajustements devraient s’appliquer à compter du 1er janvier 2020. Pour les stocks sous contrat de dépôt, le texte prévoit un traitement simplifié et uniforme des dispositions relatives aux stocks sous contrat de dépôt, régime dans le cadre duquel un vendeur transfère des stocks vers un entrepôt pour les mettre à la disposition d’un acquéreur connu dans un autre État membre. Le numéro d’identification du client deviendra une condition supplémentaire pour bénéficier d’une exonération de TVA pour la livraison de biens à l’intérieur de l’Union européenne. Afin de renforcer la sécurité juridique pour déterminer le régime TVA des opérations en chaîne, les textes établissent des critères uniformes. Enfin, en matière de preuve de la livraison intra-Union européenne, un cadre commun est établi concernant les pièces justificatives nécessaires pour demander une exonération de TVA pour les livraisons intra-Union européenne.