Le Val-de-Marne se mobilise face au risque d’inondation
Gestion des risques : le département du Val-de-Marne, dont le territoire comprend de nombreuses communes en zone inondables a conservé la gestion de son propre réseau de digues dans le cadre de sa compétence en matière de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations.
Les crues de 2016 et 2018 sont venues raviver la conscience du risque majeur d’inondation en Île-de-France. Dans le bassin de la Seine, les inondations représentent un important risque naturel juste après les sécheresses, rappelle la Cour des comptes (Cour des comptes, La prévention insuffisante du risque d’inondation en Île-de-France, novembre 2022). Une crue majeure de la Seine, analogue à celle de 1910, est susceptible de provoquer jusqu’à 30 Md€ de dommages selon une évaluation récente de l’OCDE. La Caisse centrale de réassurance estime à 19 Md€ les dommages relatifs aux seuls biens assurés, montant supérieur au seuil d’appel de la garantie qui lui a été accordée par l’État, soit la somme de 2,7 Md€.
Des politiques publiques de prévention des risques
Les autorités publiques s’y préparent depuis longtemps. En particulier, quatre lacs réservoirs ont été construits en amont de Paris entre 1949 et 1990, à la fois pour maintenir l’étiage du fleuve et protéger la capitale et son agglomération des crues hivernales. Les plans « grands fleuves » sur la Loire en 1994, le Rhône en 2004 et la Seine en 2007 ont eu pour ambition de prévenir les risques d’inondation en engageant une démarche de développement durable à l’échelle de chaque bassin. La mise en œuvre de la directive européenne cadre sur l’eau en 2000, visant un bon état écologique et chimique des masses d’eau en 2027, puis de la directive inondation de 2007 relative à l’évaluation et à la gestion des risques d’inondation, a permis de généraliser de nouveaux outils comme les plans de gestion du risque d’inondation. Deux stratégies locales de gestion du risque inondation, celle dite « de la métropole francilienne », pilotée par l’État et couvrant toute la région Île-de-France, et celle de Meaux, ont été adoptées ainsi que huit programmes d’action de prévention des inondations (dits PAPI). Seuls deux d’entre eux sont relativement anciens : celui de la Seine et de la Marne franciliennes, piloté par l’établissement public territorial Seine Grands Lacs, et celui de l’Yerres. Tous les autres sont postérieurs à 2018.
Un département particulièrement exposé au risque inondation
Situé à la confluence de la Seine et de la Marne, le département du Val-de-Marne est un territoire particulièrement exposé au risque d’inondation : 26 villes sur 47 y sont classées inondables. Certaines communes situées en confluence de la Seine et de la Marne ont une grande partie de leur territoire en zone inondable. La commune d’Alfortville a ainsi la quasi-totalité de son territoire en zone inondable. La prévention et la gestion du risque inondation constituent donc des axes forts de la politique de l’eau menée par le département. Ses objectifs consistent à protéger la population et à réduire la vulnérabilité du territoire et de ses équipements. Les débordements de cours d’eau sont provoqués par de longues pluies hivernales qui interviennent en amont. En outre, comme tous les territoires très urbanisés sujets à l’imperméabilisation des sols et donc au ruissellement de l’eau de pluie, le Val-de-Marne est également soumis aux inondations par débordement de réseaux d’assainissement, déclenchées par les orages intenses d’été. La crue centennale, c’est-à-dire la crue de 1910, sert généralement de référence dans les études sur le risque inondation en Île-de-France. Le 28 janvier 1910, la Seine atteint son plus haut niveau : 8,62 m à l’échelle de Paris Austerlitz, soit 8 m de plus qu’en temps normal. 20 000 immeubles sont inondés dans la capitale, et plus de 30 000 maisons sinistrées dans sa banlieue. L’activité de la région est paralysée pendant près de deux mois.
Des risques accrus
L’urbanisation progressive des vallées inondables, au siècle dernier, et les évolutions récentes de nos modes de vie ont accentué notre vulnérabilité et celle de nos territoires. On estime que si une crue centennale comme celle de 1910 devait se reproduire, près de 20 % du territoire du Val-de-Marne serait inondé et 250 000 Val-de-Marnais sinistrés, engendrant de fortes répercussions sur les déplacements, sur l’activité et la vie de nombreux Franciliens, bien au-delà de la seule zone inondée. Dans le Val-de-Marne, les zones inondables sont aujourd’hui urbanisées à hauteur de 90 %. Les sous-sols sont à présent utilisés de façon quasi systématique : enfouissement des câbles et réseaux (électricité, Télécoms, eau, assainissement), utilisation des caves et sous-sols (chaufferies, machinerie des ascenseurs, développement des parkings souterrains. En cas d’inondation, l’interruption de nombreux services rendra plus complexe la vie quotidienne, avec des impacts sur l’alimentation électrique, les transports en commun (Métro, RER, Bus), la production d’eau potable, l’assainissement, les télécommunications, le chauffage urbain, etc. Le préjudice économique sera considérable : les dégâts directs résultant d’une crue de hauteur comparable à celle de 1910 sont estimés à 17 milliards d’euros (valeur 2008), un coût dix fois plus élevé que celui enregistré en 1910, et qui ne tient compte ni des dommages aux réseaux, ni des impacts économiques induits.
Une compétence départementale
Conscient de ces enjeux, le département du Val-de-Marne a fait le choix de continuer à exercer la compétence relative à la gestion des milieux aquatiques et à la prévention des inondations (GEMAPI) par convention avec la métropole du Grand Paris. À ce titre, il entretient 28 kilomètres de murettes anticrue et de digues. De plus, lorsque la Marne et la Seine sont en crue, il procède à la fermeture des ouvertures batardables (ou brèches). Il est en charge de la vanne secteur gérée par Voies navigables de France dans le canal de Joinville et assure l’exploitation des 27 stations anticrue qui permettent au réseau d’assainissement de continuer à fonctionner en cas de forte montée des cours d’eau. Si l’eau venait à passer par-dessus les murettes anticrue, les agents du département procéderaient à la mise en protection de ces ouvrages à l’aide de batardeaux pour pouvoir remettre en route au plus vite le système d’assainissement à la décrue. Il maintient et gère également 14 bassins de rétention qui se remplissent lors des épisodes pluvieux intenses pour lutter contre les inondations par débordements de réseaux. La sensibilisation au risque d’inondation est décisive. Elle passe par des actions de pédagogie en matière des règles d’urbanisme et d’information lors des crues pour permettre aux acteurs du territoire de mieux vivre leurs rivières. La prévention joue un rôle décisif pour assurer leur protection grâce à la création d’espaces naturels sensibles, de zones d’expansion des crues et de règles plus prescriptives dans les zones de forte exposition au risque inondation.
Réduire la vulnérabilité au risque inondation
« En matière de crue, il ne faut rien lâcher, il faut sans cesse innover pour la protection de tous », rappelle Chantal Durand, vice-présidente du département en charge de l’Eau et de l’Assainissement. De fait, la prévention du risque inondation irrigue tous les champs de compétence du département, c’est ce qui fait la particularité du Val-de-Marne. Ainsi, la collectivité a engagé une opération de réduction de la vulnérabilité de ses équipements et réalisé des diagnostics sur 59 bâtiments qui ont, par exemple, permis d’identifier la nature des travaux à réaliser dans les collèges et d’élaborer des protocoles de gestion de crise pour 13 crèches. Il a mis en place une mission spécifique qui pilote les actions de sensibilisation pour le public (balades urbaines et visites de stations anticrue pour le grand public ou croisières et parcours pédagogiques pour les collégiens). Le département partage son expertise en matière de prévention et de gestion du risque inondation en inscrivant ses opérations au programme d’actions de prévention des inondations (PAPI) de la Seine et de la Marne franciliennes. Il fait partie des instances décisionnaires de l’établissement public territorial de bassin (EPTB) Seine Grands Lacs, gestionnaire des lacs-réservoirs. Toutes ces actions entreprises par le département préparent son territoire, ses équipements et services publics à anticiper et à s’adapter aux chocs générés par les inondations et renforcent ainsi leur résilience. Les procédures de gestion de crise font l’objet de répétitions générales lors d’exercices crue organisés tous les ans par le département. Cette mobilisation de l’ensemble des acteurs est essentielle car « la préparation à la gestion de crise constitue une composante essentielle de la réduction de la probabilité des dommages, et donc du risque d’inondation », souligne la Cour des comptes. Si son efficacité et son rapport coût bénéfice sont appréciés et soulignés par tous les acteurs. Elle nécessite toutefois une coordination des acteurs publics et privés complexe à mettre en place.
Référence : AJU011i1