Le verrou de Bercy, une suppression en trompe-l’œil
Le point sur la réforme du verrou de Bercy. Loin de disparaître complètement ce mécanisme qui réserve à l’administration fiscale le monopole des poursuites en cas de fraude fiscale, est cependant profondément réaménagé.
Le 10 octobre dernier, avec l’adoption définitive du projet de loi contre la fraude fiscale, la réforme du verrou fiscal a été entérinée. Une réforme qualifiée d’historique par Gérald Darmanin, le ministre de l’Action et des Comptes publics, précisé que le nombre de dossiers transmis à la justice pour fraude fiscale devrait doubler à l’issue de cette réforme, passant d’environ 1 000 par an à 2 000.
Le monopole de Bercy
Le verrou de Bercy, est un mécanisme quasi centenaire, puisque institué en 1920, permettant de réserver le monopole du dépôt des plaintes pour fraude fiscale au ministre du Budget, après avis obligatoire d’un organisme indépendant, créé dans les années 1970, la Commission des infractions fiscales (CIF). En matière de fraude fiscale, le parquet ne peut donc mettre seul en mouvement l’action publique comme le droit commun le prévoit.
Un mécanisme très critiqué
Conçu à l’origine comme un mécanisme protecteur pour les intérêts des contribuables, ce dispositif concentre les critiques depuis quelques années, notamment depuis l’affaire Cahuzac qui a éclaté en 2013. Il est désormais perçu non seulement comme un obstacle à la justice, mais aussi comme une atteinte à l’égalité entre les citoyens et les justiciables, à la séparation des pouvoirs et à la liberté de poursuite des magistrats. Et lors des débats sur les lois pour la confiance dans la vie publique de juillet 2017, plusieurs amendements ont en effet été déposés pour obtenir la suppression du verrou de Bercy. Un large consensus est apparu sur la nécessité de réformer ce dispositif d’exception.
Une mission d’information
Dans ce contexte, une mission d’information parlementaire a été lancée afin d’étudier le verrou de Bercy et de déterminer s’il était nécessaire de le maintenir en l’état, de le réformer, ou encore de le supprimer. Face aux critiques réitérées de ce système cloisonné du traitement de la fraude et à la demande sociale très forte pour que les pouvoirs publics accentuent la lutte contre la fraude, elle a conclu à la nécessité de réformer ce mécanisme. Elle a proposé un nouveau système de coopération continue entre la justice et Bercy afin de rendre plus transparent la sélection des dossiers émanant des contrôles fiscaux.
Transmission automatique
Le nouveau texte prévoit un mécanisme de transmission automatique au parquet pour les seules affaires dans lesquelles les droits appliqués atteignent 100 000 €. Ce seuil est réduit à 50 000 € pour les dossiers relatifs aux personnes soumises à une déclaration auprès de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), comme les ministres. Si le principe du verrou demeure, il est donc profondément réaménagé. Cependant aucun véritable examen conjoint des dossiers par Bercy et le parquet n’est prévu. Si elle représente, un indéniable progrès, la réforme déçoit quelque peu.