Les enjeux de la rénovation énergétique

Publié le 14/02/2024
Les enjeux de la rénovation énergétique
Olivier Le Moal/AdobeStock

Connaissance insuffisante des étiquettes énergétiques, aides d’État encore peu lisibles difficultés à engager des travaux de rénovation jugés coûteux et difficiles à initier en copropriété : les ménages ont une large marge de progression pour atteindre les objectifs de rénovations énergétiques que s’est fixé le gouvernement.

Le secteur résidentiel représente 31 % de la consommation d’énergie globale du pays et générait 11 % des 418 Mt CO2 des gaz à effet de serre (GES) émis en France, souligne l’ANIL en s’appuyant sur des données de 2021, dans sa dernière étude sur la rénovation énergétique, publiée en décembre 2023 (ANIL, Rénovation énergétique : intérêt à agir et adhésion des particuliers – décembre 2023). La rénovation énergétique des logements constitue donc l’un des principaux leviers pour atteindre les objectifs climatiques du gouvernement : réduire de 55 % les émissions de GES. En 2024, les moyens consacrés aux aides à la rénovation énergétique des logements augmenteront significativement pour atteindre un niveau sans précédent de 5 milliards d’engagements, soit 1,6 Md€ de plus qu’en 2023.

Les enjeux de la rénovation énergétique

Les ménages français sont les premiers acteurs de la mise en œuvre de la rénovation énergétique du parc de logements. Comment accueillent-ils les enjeux de la rénovation énergétique ? Comment y adhèrent-ils ? Comment perçoivent-ils les aides et les accompagnements qui leur sont adressés pour réaliser des travaux dans leur résidence principale ? Lorsqu’ils sont bailleurs, comment gèrent-ils les obligations liées à la non-décence de leur patrimoine définies par la loi Climat et Résilience ? C’est pour répondre à toutes ces questions que l’ANIL a mené l’enquête en juillet 2023 pour obtenir le point de vue des ménages à la fois sur le logement qu’ils occupent, c’est-à-dire leur résidence principale et le cas échéant, sur le logement qu’ils louent quand ils sont par ailleurs bailleurs, c’est-à-dire quand ils possèdent un patrimoine locatif.

La méconnaissance des étiquettes énergétiques

Le DPE permet de faire le point sur la performance énergétique d’un bien immobilier, grâce à un classement énergétique allant de A (meilleure performance énergétique) à G (plus mauvaise performance énergétique). Il est obligatoire pour les ventes depuis novembre 2006 et les locations de logements depuis juillet 2007. L’étiquette finale attribuée consiste en une synthèse de deux informations : la consommation énergétique et la quantité d’émission de gaz à effet de serre émise par le logement. Elle est fonction de la plus mauvaise performance, en énergie primaire ou en gaz à effet de serre (système des doubles seuils). Plus de huit Français sur dix (83 %) déclarent désormais regarder de près le diagnostic de performance énergétique (DPE), lorsqu’ils consultent les annonces pour des biens immobiliers d’après le baromètre : Les Français et l’immobilier, du réseau d’agences immobilières Laforêt par Opinionway, réalisé en mars 2023. Les nouvelles exigences de la réglementation en la matière expliquent cette préoccupation croissante. Cependant, de façon étonnante, le sondage de l’ADIL pointe que 64 % des répondants ne connaissent pas l’étiquette énergétique de leur logement. « Le taux de méconnaissance est assez uniforme, souligne l’ADIL : les propriétaires occupants ne le connaissent pas mieux que les locataires du parc privé. Être bailleur n’influe pas sur la connaissance de l’étiquette énergétique de sa résidence principale : 64 % déclarent ne pas savoir celle de leur résidence principale alors que 68 % d’entre eux la connaissent pour leur patrimoine locatif ».

De nouvelles règles contraignantes

La loi n° 2021-1104 du 22 août 2021, Climat et Résilience, a mis en place un calendrier d’interdiction progressive à la location pour les biens qui portent les plus mauvaises étiquettes énergétiques. Il a pour objectif d’inciter les propriétaires de biens énergivores à réhabiliter leur bien. Depuis le 1er janvier 2023, les biens les plus énergivores, dont la consommation dépasse 450 kWh/m2/an ne peuvent plus être loués. Depuis le 1er avril 2023, un audit énergétique devra être réalisé préalablement à la mise en vente pour les maisons ou immeubles classés F ou G au diagnostic de performance énergétique. À partir du 1er janvier 2025, ce sont tous les logements notés G qui seront concernés par cette interdiction de location. Au 1er janvier 2028, ce sera le tour des logements classés F et enfin, à partir du 1er janvier 2034 celui des logements notés E. Pourtant, la réglementation n’est pas la motivation principale des ménages qui commencent des opérations de rénovation énergétiques, souligne l’ADIL. « Le souci d’entretien du patrimoine est la motivation première, au-delà de toute contingence réglementaire. Il va de pair avec le maintien de l’attractivité du patrimoine locatif, qui arrive en seconde position », souligne l’ADIL devant le respect des contraintes réglementaires qui vient en troisième place.

Un recours aux aides largement envisagé

54 % des ménages interrogés par l’ADIL envisagent des travaux de rénovation énergétique. 64 % de ces ménages qui ont pour projet de réaliser des travaux d’amélioration de leur logement envisagent de mobiliser les aides. Parmi les cinq aides les plus fréquemment sollicitées viennent d’abord les aides Anah (dont MaPrimeRenov’) pour 37,3 % des répondants. Puis sont citées les CEE, l’Eco-PTZ, la TVA à taux réduit et les aides des collectivités locales. D’après le rapport de la Cour des comptes relatif au soutien aux logements face aux évolutions climatiques et au vieillissement de la population, en 2022, MaPrimeRénov’ a contribué à la réalisation de 65 939 rénovations globales. Or pour atteindre les objectifs que la France s’est fixés, il convient d’augmenter très fortement le nombre de rénovations globales de logements via MaPrimeRenov’, pour atteindre 900 000 par an en 2030.

Des aides recentrées

Le gouvernement a réformé depuis le 1er janvier 2024 le dispositif MaPrimeRénov’, qui permet aux propriétaires de financer les travaux d’isolation, de chauffage, de ventilation ou d’audit énergétique de leur bien. Le dispositif est recentré sur les opérations de rénovations globales. Les travaux réalisés doivent permettre de gagner au moins deux classes sur le DPE. Le taux de prise en charge des travaux peut atteindre 90 % pour les revenus les plus modestes. Le plafond de prise en charge des travaux est doublé passant de 35 000 euros à 70 000 euros pour les rénovations les plus performantes permettant de gagner quatre classes au DPE. Le montant de l’aide à l’installation de pompes à chaleur air/eau géothermiques est multiplié par deux, passant de 1 000 à 2 000 euros pour les ménages aux revenus modestes et intermédiaires, à condition que le logement soit initialement classé entre A et E. L’accompagnement par Mon Accompagnateur Rénov’ est obligatoire dans tous les dossiers.

Encore trop peu de rénovations globales

Cependant, peu de répondants envisagent une réhabilitation totale du logement. L’isolation totale du bien : toit, murs et planchers représente un investissement conséquent que les porteurs de projet ne sont pas toujours en mesure de financer, souligne l’ADIL. Les ménages privilégient en revanche des travaux multigestes pour en optimiser le rendement énergétique et leur investissement. Isolation des combles, de la façade, modification du mode de chauffage… 73 % des projets combinent au moins deux gestes. La combinaison la plus fréquente est l’isolation du toit et le changement des fenêtres, auxquelles est fréquemment associée l’installation d’un mode de chauffage à énergie renouvelable. Le changement du mode de chauffage peut aussi s’effectuer de manière isolée. Le changement de fenêtres ou l’isolation du toit, connus pour être les principaux points de déperdition énergétique sont également envisagés en monogeste. L’isolation des murs peut venir parfois dans un second temps.

Le coût des travaux, principal frein à la rénovation

Les freins à la rénovation énergétique sont connus. D’après l’enquête de l’ADIL, pour plus d’un ménage sur deux les rénovations nécessaires à la mise en conformité sont trop coûteuses. Les professionnels estiment le coût moyen de ces travaux à un peu plus de 300 euros/ m2. Mais en fonction des postes budgétés, la facture finale peut varier. Ainsi l’isolation des combles par l’intérieur s’avère généralement peu coûteuse : à peu près 60 euros/ mètres carrés. C’est également un geste efficace car d’après les chiffres de l’ADEME, 30 % des déperditions de chaleurs se font par les combles. En revanche, l’isolation des murs par l’extérieur, qui représentent, quant à eux, la deuxième source de déperdition de chaleur (25 %), demande un budget plus significatif : près de 200 euros par m2.

Les opérations de rénovations énergétiques des copropriétés un défi pour le climat

Les opérations de rénovations énergétiques sont également difficiles à mettre en œuvre sur le plan technique, notamment pour les immeubles anciens détenus en copropriété. Les deux tiers des copropriétaires sondés déclarent qu’aucune action en faveur de la rénovation énergétique n’a été réellement enclenchée au sein de leur immeuble. « Une rénovation performante implique d’agir sur les parties communes des copropriétés, et d’obtenir l’adhésion du syndicat des copropriétaires, autrement dit un vote majoritaire. Or celui-ci est composé de propriétaires aux moyens et intérêts divergents », souligne l’ADIL, ce qui fait des copropriétés un des grands défis de la rénovation énergétique des logements. Certes, le législateur a prévu un régime d’exception pour les logements en copropriété dont les copropriétaires concernés peuvent démontrer que la réalisation des travaux ne permet pas d’atteindre un niveau de performance minimal comme pour les logements soumis à des contraintes architecturales ou patrimoniales qui font obstacle à l’atteinte de ce niveau de performance minimal.

Des aides insuffisamment lisibles

Enfin, les sondés mettent en avant d’autres freins à entreprendre ces opérations de rénovation avec dans l’ordre d’importance, la disponibilité des artisans qualifiés, cela renvoie à la difficulté croissante à trouver des artisans certifiés RGE, alors même qu’ils sont le gage de l’obtention des aides d’État, souligne l’ADIL, la « crainte d’une arnaque » et la complexité des démarches et contraintes administratives. Cette dernière mention renvoie à « la lisibilité des aides aux particuliers, qu’ils considèrent plutôt mauvaise et qu’ils suggèrent insécurisante », note l’ADIL. En effet, seuls 43 % des répondants affirment être insuffisamment informés des différents types d’aides à destination de projets de rénovation énergétique. Cependant, parmi les ménages qui ont déjà commencé des travaux de rénovation énergétique, les aides aux travaux de rénovation ont été décisives pour un répondant sur deux pour passer à l’acte de rénover.

Le sujet des passoires énergétiques

D’après les chiffres de l’ADIL, la très grande majorité des bailleurs affirme connaître la réglementation qui s’applique aux passoires énergétiques et le calendrier afférent. 58 % des propriétaires de logements classés F ou G envisagent la réalisation de travaux (soit 8 % de l’ensemble des bailleurs). 17 % sont en cours de réalisation. Les travaux réalisés privilégient l’isolation du logement. Ils associent plusieurs actes favorisant l’isolation globale du logement (toit, murs, fenêtre). L’objectif des travaux est en effet d’atteindre une classe D pour sortir durablement de la non-décence énergétique. Cependant, un propriétaire sur cinq déclare vendre le logement, et 23 % sont indécis. Les mises en ventes se sont déjà accélérées. On assiste actuellement à un choc d’offres de biens énergivores. Ainsi en 2021, le volume de passoires thermiques mis en vente a augmenté de 7,7 %, d’après une étude réalisée conjointement par les plateformes www.meilleursagents.com et www.seloger.fr. En février 2023, sur l’ensemble du territoire, ces passoires énergétiques représentaient 19,2 % des annonces sur www.seloger.fr. « Les 23 % d’indécis constituent une cible importante de l’accompagnement des ménages, souligne l’ADIL. Le retour sur le marché de l’achat-vente de ce parc locatif risque de maintenir des passoires énergétiques dans le stock et contribue à l’attrition du parc locatif privé, dont on sait par ailleurs qu’il répond difficilement aux besoins ».

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