Mécénat : la nouvelle donne

Publié le 30/07/2018

Philanthropie : le point sur l’impact des réformes fiscales en matière d’impôt sur le revenu et d’impôt sur la fortune. Si le dispositif de réduction d’impôt est maintenu dans le cadre de la création d’impôt sur la fortune immobilière (IFI), les organismes sans but lucratif (OSBL) craignent une réduction des dons. La réforme de la retenue à la source pourrait également restreindre les ressources du secteur.

Depuis 2007 et la loi TEPA, les personnes assujetties à l’impôt sur la fortune (ISF) avaient la possibilité de déduire de leur ISF jusqu’à 75 % des dons effectués à certains organismes, en particulier les fondations reconnues d’utilité publique. Si ce dispositif est repris pour le nouvel impôt sur la fortune immobilière (IFI), d’après le baromètre Dons ISF/IFI 2018, publié en avril 2018 par Apprentis d’Auteuil, cette réforme pourrait avoir des conséquences sur la générosité des donateurs. À cela s’ajoute une autre source d’inquiétude pour le secteur : l’impact de la réforme de la retenue à la source sur le dispositif IR-Don.

Deux dispositifs de réduction d’impôts

En application de l’article 200 du Code général des impôts (CGI), les dons consentis par les particuliers à certains organismes d’intérêt général ouvrent droit à une réduction d’impôt sur le revenu égale à 66 % de leur montant pris en compte dans la limite de 20 % du revenu imposable. Le taux de la réduction d’impôt est porté à 75 % pour les dons aux organismes d’aide aux personnes en difficulté, dans la limite de 521 € de versements pour l’imposition des revenus de 2011. Cette réduction, dite IR-Don est réservée aux dons effectués au profit d’œuvres ou d’organismes d’intérêt général ayant un caractère notamment philanthropique, éducatif, scientifique, social, humanitaire, sportif, familial ou culturel. Le dispositif ISF-Don consistait, quant à lui, en une réduction d’ISF qui a été instaurée par la loi TEPA du 21 août 2007, codifiée à l’article 885-0- V bis du CGI. Cette réduction s’élevait à 75 % des sommes données, dans la limite de 50  000 € par an. La limite était atteinte par un don de 67 000 €. Les bénéficiaires de ces dons étaient les établissements de recherche ou d’enseignement supérieur ou artistique, fondations reconnues d’utilité publique, entreprises d’insertion et entreprises de travail temporaire d’insertion, ateliers et chantiers d’insertion…

Pas de concurrence entre les dispositifs

Les contribuables pouvaient bénéficier des deux dispositifs au titre d’une même année, mais pour des dons différents, le montant du don qui ouvre droit à la réduction d’ISF ne pouvant ouvrir droit à la réduction d’IR. Cette réduction d’impôt pouvait être utilisée conjointement à la réduction ISF-Don. D’après le baromètre Dons ISF/2015 publié par Apprentis d’Auteuil, 17 % des contribuables recouraient exclusivement au dispositif ISF Don. 18 % d’entre eux recouraient exclusivement au dispositif ISF PME. Le dispositif de réductions d’impôt pour investissement dans les PME a été supprimé à l’exception des versements réalisés entre la date limite de dépôt de la déclaration d’ISF 2017 et le 31 décembre 2017. Ces versements ouvraient droit à une réduction de 50 % des versements, dans la limite de 45 000 € et permettaient de réduire l’ISF de 50 % du montant des sommes investies dans des PME. La réduction était plafonnée à 45 000 € en cas d’investissement direct ou via des sociétés holdings et à 18 000 € en cas de souscriptions de parts de fonds d’investissement. À compter du 1er janvier 2016, le dispositif ISF-PME a été recentré sur les jeunes entreprises innovantes. D’après le baromètre Dons ISF/2015 d’Apprentis d’Auteuil, 24 % des contribuables recouraient à la fois au dispositif ISF PME et au dispositif ISF Don. 41 % d’entre eux n’utilisaient aucun de ces dispositifs de réduction d’impôt.

La création de l’IFI

En 2018, l’impôt sur la fortune a fait place à l’impôt sur la fortune immobilière (IFI). Le seuil d’entrée dans l’IFI est identique à celui d’entrée dans l’ISF : 1,3 million d’euros de patrimoine net taxable. Tous les actifs immobiliers entrent dans ce patrimoine taxable, y compris la résidence principale. En revanche, celle-ci bénéficie, comme sous l’ISF, d’un abattement de 30 %.

L’IFI est calculé en appliquant le barème suivant :

– jusqu’à 800 000 € : 0 %

– entre 800 001 € et 1 300 000 € : 0,5 %

– entre 1 300 001 € et 2 570 000 € : 0,7 %

– entre 2 570 001 € et 5 000 000 € : 1 %

– entre 5 000 001 € et 10 000 000 € : 1,25 %

– supérieur à 10 000 000 € : 1,5 %

Le mécanisme de plafonnement a été maintenu. En 2018, l’IFI est plafonné en fonction du montant cumulé des impôts payés par le contribuable. La somme de l’impôt sur le revenu 2017, des prélèvements sociaux, de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus et de l’IFI 2018 ne peut dépasser 75 % des revenus perçus au cours de l’année 2017. En cas de dépassement, la différence est déduite du montant d’IFI à payer.

Le dispositif IFI-Don

Recentré sur les seuls actifs immobiliers, l’IFI peut, comme l’était l’ISF, être diminué grâce aux dons versés aux organismes d’intérêt général. Il est donc possible de réduire l’impôt à hauteur de 75 % du montant de l’ensemble des dons effectués, dans la limite de 50 000 € par an. Cette réduction au titre des dons constitue désormais la seule possibilité de réduire l’IFI, puisque le dispositif ISF-PME a été supprimé. S’il n’est pas possible d’utiliser l’intégralité des dons à la réduction IFI, le contribuable peut affecter la fraction non utilisée pour réduire son impôt sur le revenu. Si les deux réductions d’impôt ne sont pas pleinement cumulables, le contribuable peut décider de la part de ses dons qui sera affectée à l’IFI ou à l’impôt sur le revenu. « La loi TEPA et son mécanisme de réduction d’impôt du don ISF avaient permis d’encourager un véritable élan de générosité, et créé un effet de levier sur le montant des dons », explique Stéphane Dauge, directeur communication, relations bienfaiteurs et ressources d’Apprentis d’Auteuil. « Les donateurs s’étaient parfaitement appropriés ce dispositif pour participer plus largement qu’avant à l’intérêt général, et nous craignons que cette réforme ne pèse sur les dons et l’activité des fondations ».

Les inquiétudes du secteur

La réduction d’ISF était massivement utilisée. D’après le baromètre Dons ISF/2017 publié l’an dernier par Apprentis d’Auteuil, 91 % des donateurs ont déduit une partie du montant de leurs dons de leur impôt sur le revenu et 50 % de leur impôt de solidarité sur la fortune. L’attachement des personnes assujetties à l’ISF à ces dispositifs était marqué. Ils étaient 87 % à considérer ce mécanisme utile. Ils étaient également nombreux à le trouver facile à mettre en œuvre (83 %) et surtout financièrement intéressant (74 %). Pour 93 %, ce dispositif constituait une opportunité de reprendre la main sur leur impôt et de décider de son affectation. Ces dispositifs étaient également bien connus. 88 % des personnes interrogées connaissaient le dispositif ISF-Don.

Le nouvel impôt s’applique aux personnes dont le patrimoine, exclusivement immobilier, est, au 1er janvier 2018, supérieur à 1,3 million d’euros. Le mécanisme de réduction d’impôt du don est reporté à l’IFI mais celui-ci ne pesant que sur les actifs immobiliers, le nombre de foyers concernés devrait chuter de 350 000 à 150 000, ce qui constitue une première source d’inquiétude pour les OSBL. D’après le baromètre Dons ISF/IFI 2018, publié en avril 2018 par Apprentis d’Auteuil, le nombre de personnes qui ont réalisé un don au cours de la dernière année est resté stable (82 %). Mais le montant des dons a, quant à lui, augmenté, pour atteindre 2 535 €, selon les déclarations des personnes interrogées, soit 355 € de plus que l’an dernier. Pourtant, pour plus de la moitié des sondés (55 %), le passage de l’ISF à l’IFI constitue une menace pour les organismes caritatifs qui risquent de voir le montant des dons diminuer. En effet, si 80 % des personnes interrogées qui ont effectué un don l’année dernière, ont l’intention de continuer, moins de la moitié (44 %) en sont certains et seuls un quart (24 %) sont prêts à donner plus. Quelle va être l’attitude des donateurs anciennement assujettis à l’ISF et qui ne paieront pas l’IFI cette année ? Vont-ils transférer les sommes économisées vers des dons ? Selon l’enquête menée par Apprentis d’Auteuil, ils ont plutôt prévu d’affecter leurs économies d’impôt aux dépenses de consommation (41 %), à l’épargne classique (39 %) ou encore à des investissements dans des entreprises (30 %) bien avant les dons à des organismes d’intérêt général (21 %).

 Un défaut d’information ? 

Les redevables savent-ils qu’ils peuvent bénéficier du même mécanisme de réduction d’impôt que pour l’ISF ? C’est une autre source d’inquiétude pour le secteur des OSBL. À cet égard, il apparaît que les redevables manquent d’information. Plus d’un tiers (37 %) des assujettis à l’ISF en 2017 se disent mal informés sur le nouvel impôt sur la fortune immobilière (IFI) et près de la moitié (44 %) s’estiment mal informés sur les modalités de réduction d’impôt don IFI. Ainsi, moins d’un assujetti à l’IFI sur deux (49 %) sait qu’il pourra toujours autant réduire son impôt en donnant à certains organismes caritatifs. « L’information n’est pas encore complètement passée auprès de nos donateurs habituels et potentiels, souligne Stéphane Dauge. C’est pourquoi nous multiplions les outils d’information et restons à la disposition de ceux et celles qui se posent légitimement des questions ».

L’impact du prélèvement à la source sur le dispositif IR-Don

Le gouvernement a confirmé la mise en œuvre du prélèvement à la source à compter du 1er janvier 2019, au moyen d’un dispositif aménagé conformément aux enseignements de la phase d’audit et des premières expérimentations menées au cours de l’été 2018. À compter du 1er janvier 2019, l’impôt sur le revenu sera donc prélevé directement sur les salaires, les pensions ou les allocations perçues par chaque contribuable. Ces derniers ne paieront plus l’impôt dû sur leurs revenus de l’année précédente mais seront directement prélevés de leur impôt pour l’année en cours. Le prélèvement à la source permettra de supprimer le décalage d’un an entre la perception des revenus et leur imposition. Ainsi, en 2018, les contribuables paieront l’impôt avec le système actuel sur leurs revenus de 2017. En 2019, ils seront prélevés à la source sur leurs revenus de 2019. Il n’y aura pas de double imposition en 2019 sur les revenus (salaires, retraites…). Les revenus non exceptionnels perçus en 2018 ne seront pas soumis à imposition. Cependant, le bénéfice des réductions et des crédits d’impôt, y compris les dons aux associations d’intérêt général, acquis au titre de 2018, sera maintenu. Ainsi, les dons effectués aux associations au cours de l’année 2018 seront pris en compte au moment de la déclaration de revenus effectuée au printemps 2019. La réduction d’impôt sera imputée au moment du solde de l’impôt à la fin de l’été 2019. Les associations d’intérêt général continueront à envoyer les reçus fiscaux relatifs aux dons selon les procédures habituelles. Le prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu implique uniquement un changement dans le mode de collecte de l’impôt. Ainsi tous les crédits et réductions d’impôts sont maintenus dans les mêmes conditions, y compris ceux liés aux dons. Concrètement, les dons réalisés en année N ouvriront droit à une réduction fiscale en année N+1, comme c’est le cas aujourd’hui. Le prélèvement à la source ne devrait donc rien changer pour les donateurs. En effet, les dons effectués au cours de l’année 2018 donneront droit à une réduction d’impôt, qui sera automatiquement calculée au moment de la régulation mi-2019. Les dons effectués au cours de l’année 2019 seront déclarés courant 2020. Mi-2020, une régularisation aura lieu, dans laquelle entreront en compte les dons effectués en 2019. Les donateurs réguliers, ou ceux ayant une prévisibilité de leurs dons et donc de leurs déductions fiscales, devraient pouvoir demander une modulation du taux de prélèvement transmis par le service des impôts à l’employeur, chargé de collecter l’impôt, ce qui leur permettra, dès 2019, d’adapter leur situation fiscale.

LPA 30 Juil. 2018, n° 137s1, p.4

Référence : LPA 30 Juil. 2018, n° 137s1, p.4

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