Pas de révision du barème de l’usufruit en vue

Publié le 30/12/2019

Bercy a indiqué ne pas envisager de modifier le barème fiscal de l’usufruit. Le sénateur Claude Malhuret souhaitait son actualisation et notamment la prise en compte de l’espérance de vie différente selon les sexes.

Dans une question posée à l’initiative de l’Aurep, établissement d’enseignement qui propose des formations aux diplômes universitaires en gestion de patrimoine, le sénateur Claude Malhuret a interpellé le ministre de l’Économie et des Finances sur les conséquences de l’allongement de la durée de vie sur les valeurs respectives de l’usufruit et de la nue-propriété. L’intervention visait à réclamer une actualisation et une précision du barème de l’article 669 du Code général des impôts (CGI).

Un barème fiscal

L’article 669 du CGI permet d’évaluer l’usufruit et la nue-propriété d’un bien pour des raisons fiscales, principalement pour le paiement des droits de mutation à titre gratuit et de la taxe de publicité foncière. La loi a ainsi fixé un barème qui repose sur l’espérance de vie de l’usufruitier. Pour mémoire, l’usufruit est un droit viager, qui donne à l’usufruitier le droit d’user de la chose et d’en percevoir les fruits (l’usus et le fructus). S’agissant d’un droit viager, plus la durée du démembrement de propriété est longue, plus la valeur de l’usufruit est importante.

Le barème d’évaluation fiscale de l’usufruit et de la nue-propriété a été institué en 1901. Il a été actualisé par l’article 19 de la loi de finances pour 2004 pour tenir compte de l’évolution de l’espérance de vie. Ainsi, la valeur de l’usufruit a été sensiblement augmentée, et celle de la nue-propriété diminuée.

Distinguer les hommes et les femmes

Le sénateur fait remarquer que la durée de vie a continué de progresser depuis 15 ans. En découle une réelle distorsion entre les valeurs fiscales et les valeurs économiques, l’usufruit s’en trouvant sous-évalué et la nue-propriété inversement surévaluée. Pour Claude Malhuret, il est souhaitable « non seulement de rapprocher la valeur fiscale de la valeur économique mais également de tenir compte des espérances de vie des hommes et des femmes qui ne se sont pas véritablement rapprochées ».

En effet, « les écarts de durée de vie entre les hommes et les femmes justifieraient incontestablement que le barème élaboré par l’administration tienne compte de cet état de fait, de même il serait certainement opportun d’en profiter pour réduire les tranches d’âge, actuellement de dix ans en dix ans et définir un barème pour des tranches d’âge de cinq ans en cinq ans ».

L’argumentaire fiscal de Bercy

Dans sa réponse (Rép min, n° 09524, JO Sénat, 4 juil. 2019, p. 3521), le ministre de l’Économie et des Finances affirme que « les transmissions de propriété réalisées en recourant au mécanisme civil du démembrement de propriété bénéficient d’une fiscalité très favorable ». Lors d’une donation avec réserve d’usufruit, le donataire est imposé sur une assiette qui correspond à une part de la valeur de pleine propriété, part qui croît avec l’âge de l’usufruitier. Or, lors du décès du donateur, le nu-propriétaire est exonéré de droits de succession sur l’usufruit viager qu’il reçoit. L’article 1133 du CGI prévoit en effet que : « Sous réserve des dispositions de l’article 1020, la réunion de l’usufruit à la nue-propriété ne donne ouverture à aucun impôt ou taxe lorsque cette réunion a lieu par l’expiration du temps fixé pour l’usufruit ou par le décès de l’usufruitier ». Pour Bercy, la circonstance qu’aucun droit ne soit dû « constitue un avantage fiscal significatif en comparaison à l’imposition due lors d’une transmission en pleine propriété ». Le ministre fonde donc son refus sur l’absence de taxation de l’usufruit au décès de son titulaire, qui constitue un avantage fiscal.

La hausse de la valeur de la nue-propriété avec l’âge de l’usufruitier se veut plus progressive avec une égalité des valeurs de l’usufruit et de la nue-propriété se situant au-delà de 61 ans contre 41 ans auparavant et la création de deux tranches supplémentaires au-delà de 71 ans, la dernière tranche concernant l’usufruitier de plus de 91 ans. Il en résulte par exemple qu’en cas de donation avec réserve d’usufruit effectuée par le donateur entre 61 et 70 ans, l’assiette taxable, constituée par la valeur de la nue-propriété, s’élève seulement à la moitié de la valeur de pleine propriété, contre 70 % avant 2004.

À cet égard, l’assiette sur laquelle est imposé le nu-propriétaire donataire, qui bénéficiera par ailleurs d’une exonération lors de la transmission de l’usufruit par succession, ne paraît aucunement surévaluée.

En conclusion, Bercy estime qu’il ne serait pas justifié de baisser « encore » la part afférente à la nue-propriété en application de ce barème, au regard de la situation des finances publiques. Le ministère n’envisage pas plus d’introduire de différence de traitement entre hommes et femmes pour l’application du barème. Bercy prend toutefois la peine d’indiquer que de nombreux autres facteurs que le sexe influent sur l’espérance de vie, tel que le niveau de vie. Enfin, Bercy précise que la périodicité de dix ans entre chaque tranche a été préférée pour des motifs de simplicité.

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