Projet de loi Pacte : la réforme de l’épargne se précise

Publié le 21/09/2018

Épargne-retraite, assurance-vie, PEA-PME : les réformes se précisent avec le projet de loi Pacte. Le point sur les arbitrages proposés par le gouvernement après des mois de consultations.

Présenté en conseil des ministres du 18 juin, le projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises (Pacte) est actuellement en discussion à l’Assemblée nationale. Le point sur les mesures relatives à l’épargne des particuliers.

Épargne retraite : objectif rationalisation

L’article 20 du projet de loi Pacte procède à une vaste réforme de l’épargne-retraite. Objectif de la réforme : faire passer les encours de l’épargne retraite de 200 milliards d’euros à 300 milliards d’euros à la fin du quinquennat. L’épargne retraite française est majoritairement investie dans la dette souveraine et la dette de grandes entreprises, des actifs peu adaptés à l’investissement de long terme. Selon le gouvernement leurs faibles rendements exposent les épargnants à l’érosion de leur capital du fait de l’inflation et des frais de gestion.

Dès lors, l’idée est de faire de la gestion pilotée la modalité de gestion par défaut, comme pour les Perco depuis la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques. Cette stratégie d’investissement tient compte de l’horizon de placement de l’épargnant : investissement en actions lorsque l’horizon retraite est encore loin, puis investissement dans des supports garantis (fonds en euros et fonds euro-croissance) ou des supports obligataires ou monétaires.

Harmonisation et portabilité

Les quatre dispositifs spécifiques à l’épargne-retraite vont largement être modifiés par le projet de loi Pacte : le contrat Madelin, le Perp, le Perco, ainsi que le contrat « article 83 ». Tout d’abord, ces dispositifs seront portables, c’est-à-dire que leur titulaire pourra les transférer d’entreprise en entreprise au gré de son évolution de carrière. Aujourd’hui, le titulaire d’un Perco ne peut transférer ses encours dans une entreprise ayant mis en place un dispositif de type « article 83 » ou dans un contrat Madelin s’il se met à son compte.

Pour éviter de devoir cumuler plusieurs produits non transférables, du fait notamment de leurs différences juridiques, le projet de loi va instaurer un socle juridique commun à toute l’épargne-retraite, un produit unique d’épargne retraite, composé de plusieurs compartiments. Ce corpus unifié permettra l’éventuelle transférabilité des encours, sans qu’un tel transfert n’entraîne de conséquences sur le dénouement normal du contrat.

Le second volet de cette harmonisation sera d’ordre fiscal. Le mécanisme de déduction du revenu imposable d’une partie des versements volontaires de l’épargnant, dans la limite d’un plafond, sera généralisé à l’ensemble des produits. Les mesures fiscales et sociales prendront place dans les prochains projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale.

Liberté de choix de l’épargnant

Enfin, la loi Pacte va modifier la transmission et la sortie des dispositifs existants : la réversion au conjoint devrait être étendue aux quatre dispositifs. La sortie sous forme de rentes sera maintenue et encouragée avec un avantage fiscal spécifique, mais la sortie sous forme de capital sera également possible. Le principe est que l’épargnant ait davantage le choix de son mode de sortie.

Selon le gouvernement « aujourd’hui, sur 130 milliards d’euros d’engagements de retraite concernés par la réforme, 115 milliards d’euros — détenus par 8,5 millions d’épargnants (article 83, Madelin, plans d’épargne-retraite populaire dits PERP) — sont liquidés essentiellement en rente et 15 milliards d’euros — détenus par 2,2 millions de porteurs Perco — se débouclent essentiellement en capital. Pour une meilleure neutralité sur les conditions de sortie, celles-ci seront alignées.

À l’avenir, l’épargnant pourra liquider son produit d’épargne-retraite par l’acquisition d’une rente viagère pour les sommes issues de versements obligatoires des épargnants ou de leur employeur, ou, au choix de l’épargnant, par le versement d’un capital, par l’acquisition d’une rente viagère, ou pour partie en capital et par l’acquisition d’une rente viagère pour les sommes issues d’autres versements.

Une partie de la réforme sera réalisée par voie d’ordonnance, l’article 20 habilitant le gouvernement à prendre, par voie d’ordonnance dans un délai de 12 mois à compter de la promulgation de la loi, des mesures d’harmonisation de l’ensemble des produits, des mesures spécifiques aux produits collectifs, des mesures spécifiques aux produits individuels, des mesures propres aux produits assurantiels.

À noter que l’article 58 du projet de loi facilite la mise en place de Perco : la condition de disposer d’un PEE pour mettre en place un Perco sera levée afin de faciliter sa mise en place dans les entreprises qui le souhaitent.

Assurance-vie : le pari des fonds euro-croissance

« Il n’y aura pas de big bang de l’assurance-vie », a assuré Bruno Le Maire le 18 juin, lors de la présentation du projet de loi en conseil des ministres.

L’article 21 du projet de loi Pacte tend principalement à faire évoluer l’assurance-vie vers des produits moins liquides. Aujourd’hui, les fonds euros représentent 80 % de l’encours total de 1 700 milliards d’euros en assurance-vie, avec un rendement moyen proche de 1,8 % fin 2017, soit un taux net de 1,5 % après prélèvements sociaux. L’existence d’une garantie à tout moment fragilise les assureurs sur le plan prudentiel dans l’hypothèse de taux bas persistant ou de remontée rapide des taux, ce qui ne leur permet pas de réaliser des investissements dans des actifs de long terme.

Le gouvernement propose donc de relancer le fonds euro-croissance, pour favoriser l’investissement productif de long terme, faisant passer l’encours de 2 à 20 milliards d’euros d’ici deux ans. Pour rappel, le fonds euro-croissance, créé en 2013 suite aux préconisations du rapport Berger-Lefebvre, repose sur une allocation des actifs plus risquée que les traditionnelles obligations du fonds euros classique. Les avoirs sont bloqués pendant huit ans et le capital garanti seulement à échéance, et non immédiatement pour les fonds euros. En contrepartie, les rendements du portefeuille à long terme sont sensés être plus élevés que ceux des fonds euros classiques.

Pour améliorer l’attractivité de ces fonds produits, le projet de loi envisage de simplifier les contrats en mutualisant les valeurs de rachat pour l’ensemble des souscripteurs d’un support euro-croissance, ce qui offrira une performance commune à tous les clients d’un même fonds euro-croissance.

La faculté de transfert d’actifs des fonds en euros vers l’euro-croissance sera prolongée.

Flécher l’assurance-vie vers le capital investissement

En second lieu, l’article 21 cherche à augmenter la contribution de l’assurance-vie en unités de compte au financement du capital-investissement en France.

À cette fin, il prévoit que le paiement en titres en cas de rachat ou de dénouement du contrat serait une modalité présumée acceptée par le bénéficiaire du contrat lorsqu’elle a été retenue par le souscripteur. En outre, il ouvre la possibilité pour les particuliers d’investir dans des fonds professionnels (à déterminer en décret en Conseil d’État) dans le respect de conditions liées à leur patrimoine, à leurs connaissances ou à leur expérience en matière financière.

Le Luxembourg dans le viseur

Par ailleurs, l’article précise que le versement de la prime d’un contrat d’assurance-vie peut être fait uniquement en numéraire, et non par apport en titres. Cette mesure vise à empêcher les résidents français de placer leurs propres titres de sociétés dans des contrats d’assurance-vie souscrits à l’étranger afin de bénéficier de la fiscalité avantageuse de l’assurance-vie en cas de rachat et en cas de succession. Une pratique qui s’est développée ces dernières années à l’initiative des assureurs de droit étranger qui proposent en libre prestation de services à des résidents français des contrats d’assurance-vie permettant de transférer des titres de sociétés dans des conditions fiscales avantageuses.

PEA-PME : un plan de relance

L’article 27 du projet de loi Pacte prévoit de relancer les PEA-PME. Créés en 2014, avec 67 000 porteurs (contre 4 millions de porteurs de PEA), le PEA-PME n’a pas rencontré de succès. Il comptabilise 1,1 milliard d’euros d’encours au troisième trimestre 2017 d’après la Banque de France.

Destiné au financement des PME et des ETI, le PEA-PME se distingue à titre principal du PEA par la nature des titres éligibles : parts de SARL et actions de sociétés répondant à la définition de PME-ETI et titres de certains organismes de placement collectif à la condition qu’ils soient investis pour au moins 75 % de leurs actifs en titres de PME-ETI dont les deux tiers sont des parts ou des actions éligibles en cas d’investissement direct. Le plafond des versements s’élève à 75 000 euros contre 150 000 euros pour le PEA. Son régime fiscal est identique à celui du PEA (gestion d’un portefeuille de titres en franchise d’impôt sur le revenu si aucun retrait n’est effectué pendant une période minimale de 5 ans à compter du premier versement).

Pour remédier à son manque d’attractivité, le projet de loi Pacte prévoir d’élargir les instruments éligibles. Aujourd’hui, l’univers d’investissement du PEA-PME est réduit puisque seules 348 PME et ETI sont cotées sur Euronext et Euronext Growth, le marché du non coté étant par ailleurs peu accessible à la clientèle « retail » du PEA-PME.

En plus des titres de capital des PME-ETI, les autres titres proposés sur les plates-formes de financement participatifs, tels que les titres participatifs, les obligations à taux fixe et les minibons seraient éligibles au PEA-PME. L’éligibilité des titres de dette serait limitée aux seuls titres des PME-ETI, dont les titres de capitaux sont déjà éligibles, à la condition supplémentaire que ces titres fassent l’objet d’une offre sur une plate-forme de financement participatif.

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