Quel avenir pour l’Exit tax ?
L’Exit tax n’est pas supprimée mais allégée. Une bonne nouvelle pour les contribuables qui transfèrent leur domicile à l’étranger. Ce projet de loi devrait permettre de satisfaire une majorité de sensibilités politiques.
Le projet de loi de finances pour 2019 présenté en conseil des ministres et actuellement en discussion au Parlement prévoit de remanier « l’Exit tax ». Le dispositif d’Exit tax s’applique aux plus-values latentes lors du transfert par les contribuables de leur domicile fiscal hors de France. Dans le cadre d’une interview accordée au magazine américain Forbes en mai 2018, le président de la République a annoncé vouloir supprimer ce dispositif supposé adresser « un message négatif aux entrepreneurs en France », sans être « particulièrement bénéfique pour les finances publiques ». Il ne sera donc pas supprimé mais sa période d’application est largement réduite passant de quinze ans à deux ans, voire cinq ans pour les contribuables les plus fortunés.
Le dispositif de l’Exit tax
Le dispositif d’Exit tax a été introduit pour la première fois en droit français en 1998. Le transfert de domicile fiscal hors de France donnait alors lieu à l’imposition des plus-values en report d’imposition et des plus-values latentes afférentes à des participations supérieures à 25 %. Cette mesure a été abrogée par la loi de finances pour 2005 en raison de son incompatibilité avec le droit communautaire. Le 11 mars 2004, la CJUE, dans le cadre d’une question préjudicielle posée par le Conseil d’État, a en effet jugé que le principe communautaire de la liberté d’établissement s’opposait à ce qu’un État membre institue, à des fins de prévention d’un risque d’évasion fiscale, un mécanisme d’imposition des plus-values non encore réalisées, tel que celui prévu à l’article 167 bis du CGI, en cas de transfert du domicile fiscal d’un contribuable hors de cet État (CJUE, 11 mars 2004, n° C-9/02, Lasteyrie du Saillant). L’Exit tax a été réintroduite en 2011 dans le cadre de l’article 48 de la première loi de finances rectificative pour 2011 (n° 2011-900, 29 juill. 2011). L’article 167 bis du Code général des impôts (CGI), qui régit ce dispositif prévoit que le transfert de domicile fiscal hors de France entraîne l’imposition immédiate à l’impôt sur le revenu et aux prélèvements sociaux des plus-values latentes sur droits sociaux, valeurs, titres ou droits, sous condition tenant à l’importance des participations détenues, des créances trouvant leur origine dans une clause de complément de prix et de certaines plus-values en report d’imposition.
Un dispositif anti évasion
L’Exit tax « cible les contribuables qui seraient tenter de s’exiler afin de vendre leurs sociétés ou leurs participations sans acquitter d’impôt sur la plus-value », a résumé Mireille Jouve la sénatrice RDSE des Bouches-du-Rhones, dans le cadre d’une question ministérielle posée au gouvernement le 21 juin dernier (RM Jouve, JO Sénat, 22 juin 2018, question n° 0394G). Sont visés les contribuables fiscalement domiciliés en France pendant au moins six ans sur les dix années précédant le transfert de son domicile à l’étranger. Ils sont imposables au titre des plus-values latentes constatées sur ses valeurs mobilières, s’ils détiennent à la date de leur départ, directement ou indirectement avec les membres de leur foyer fiscal, soit au moins 50 % des bénéfices d’une société, soit un patrimoine en valeurs mobilières et droits sociaux constitués de titres ou droits mentionnés au 1 de l’article 150-0 A du Code général des impôts, qui excède 800 000 euros. Ce seuil a été récemment augmenté dans le cadre de l’article 42 de la loi de finances rectificative pour 2013 et s’applique pour les transferts de domicile hors de France intervenant à compter du 1er janvier 2014. Auparavant, les plus-values latentes n’étaient imposables que lorsque les titres représentaient soit une participation d’au moins 1 % dans les bénéfices d’une société, soit une ou plusieurs participations dans des sociétés dont la valeur globale excédait 1,3 million d’euros. Le taux d’imposition s’élevait initialement à 19 % plus des prélèvements sociaux de 13,5 %. La loi de finances pour 2013 a porté ce taux d’imposition à 24 % pour les transferts de domicile intervenant entre le 28 septembre et le 31 décembre 2012 (soit 39,5 % y compris les prélèvements sociaux, qui s’élèvent désormais à 15,5 %). Pour les changements de domicile intervenus à partir du 1er janvier 2013, c’est désormais le barème progressif de l’impôt sur le revenu qui s’applique, avec le nouveau régime d’abattement pour l’imposition des plus-values mobilières introduit par l’article 17 de la loi de finances pour 2014.
Un mécanisme de sursis de paiement
Un mécanisme de sursis de paiement a été mis en place. Il est automatique pour les installations dans un État de l’Union européenne ou dans un autre État membre de l’Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention fiscale d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales, ainsi qu’une convention d’assistance mutuelle en matière de recouvrement. Il est accordé sur demande expresse pour tous les autres pays, sous réserve de constituer, avant le départ, des garanties propres à assurer le recouvrement de la créance du Trésor. Depuis 2013, la proposition de garantie doit être égale à 100 % du montant des prélèvements sociaux et à 19 % ou 30 % de la base imposable à l’impôt sur le revenu. À l’issue du sursis, lorsque l’impôt est dû, l’imposition sur les plus-values latentes intervient au taux d’imposition en vigueur à la date de transfert du domicile. L’assiette imposable fait en revanche l’objet de correctifs, afin de tenir compte de la plus-value réelle si celle-ci s’avère inférieure à celle constatée lors du départ de France, notamment. L’Exit tax fait l’objet d’un dégrèvement d’office ou d’une restitution si elle a été immédiatement versée lors du transfert à l’expiration d’un délai de quinze ans suivant la date du départ (huit ans pour les départs effectués avant le vote de la loi de finances rectificative pour 2013). Il en est de même si le contribuable transfère à nouveau son domicile en France.
Quel rendement ?
L’annonce de la réforme de l’Exit tax a créé de nombreux remous alimentés par une controverse sur le rendement exact de la mesure. Le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement de l’époque, Christophe Castaner, a précisé que « depuis 2011 cette taxe à rapporté en moyenne à l’État 25 M€ qui rapporté à l’échelle de notre économie est relativement marginal. Mais surtout l’Exit tax n’a servi à rien, puisque trois fois plus d’expatriés chefs d’entreprise sont partis à l’étranger » ! Dans un rapport consacré au capital des ménages, le Conseil des prélèvements obligatoires a chiffré le rendement de l’Exit tax à plus de 800 millions d’euros pour la seule année 2016. Mais il ne s’agit que d’un rendement théorique puisque le dispositif vise des plus-values potentielles. Son principal objectif est dissuasif. Lors de son audition à la commission des finances, en juin dernier, le directeur de la législation fiscale a cité le chiffre de 6 milliards correspondant au montant d’impôts sur le revenu et de prélèvements sociaux sur les plus-values latentes accumulées en six ans. Cette estimation nettement plus élevée que les chiffres communiqués jusqu’ici par Bercy a surpris. En outre, lors de cette même audition à l’Assemblée nationale, il a été précisé qu’outre la suppression pure et simple de l’Exit tax, le gouvernement envisageait plusieurs scénarios parmi lesquels le remplacement de l’Exit tax par une autre mesure anti-abus.
Assouplissement du dispositif d’Exit tax
L’objectif du gouvernement consiste à recentre le dispositif sur la lutte contre les transferts abusifs de domicile fiscal hors de France en ciblant seulement les personnes cédant leurs titres moins de deux ans après avoir quitté le territoire français. La réforme prévoit donc de réduire le délai de dégrèvement de l’imposition des plus-values latentes de quinze ans à deux ans. L’impôt établi à l’occasion du transfert de domicile peut actuellement faire l’objet d’un dégrèvement d’office (prélèvements sociaux inclus) ou d’une restitution à l’expiration d’un délai de quinze ans. Ce délai serait porté à deux ans. Le mécanisme du sursis de paiement serait également assoupli. Il est actuellement automatique lorsque le contribuable s’installe dans un État membre de l’Espace économique européen (EEE) ainsi qu’en Norvège, en Islande et au Liechtenstein, sans constitution de garantie. Pour une installation dans un autre pays, le sursis est accordé sur demande expresse. Le sursis de paiement de l’impôt serait désormais accordé de plein droit, sans constitution de garanties, en cas de départ vers un État membre de l’Union européenne et certains États parties à l’accord sur l’EEE ainsi qu’en cas de départ pour un autre État ou un territoire ayant conclu avec la France une convention d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales ainsi qu’une convention d’assistance mutuelle en matière de recouvrement. Il est également prévu de simplifier les obligations déclaratives en matière d’Exit tax. La réforme s’appliquerait aux transferts de domicile fiscal hors de France qui interviendraient à compter du 1er janvier 2019.
Un compromis
Lors de la présentation du projet de loi de finances, le rapporteur général du budget à l’Assemblée, le député LREM, Joël Giraud, a indiqué souhaiter que les plus-values de cession soient soumises à une imposition en France jusqu’à cinq ans après l’expatriation du contribuable, au lieu de deux pour le projet gouvernemental. Le texte initial a été durci lors de son passage en commission des finances de l’Assemblée nationale. Les députés ont adopté en effet en commission un amendement du rapporteur du budget, Joël Giraud, modifiant substantiellement le projet. La période pendant laquelle un contribuable parti à l’étranger doit conserver ses titres pour ne pas être soumis à l’imposition de ses plus-values en France a été rallongé à cinq ans pour les participations les plus importantes, dont le montant dépasse 2,57 millions d’euros au moment du départ hors de France. Environ un tiers des redevables de l’Exit tax sont concernés par la réécriture de cette mesure. Le rapporteur du budget a justifié cette nouvelle mesure par un dispositif « beaucoup plus coercitif à partir d’un certain niveau de plus-value latente » pour « faire en sorte d’avoir un dispositif qui fonctionne mieux que l’Exit tax » afin de mieux lutter contre les comportements d’optimisation fiscale excessive. Il s’agit également d’harmoniser ce nouveau dispositif avec les mécanismes anti-abus en place dans l’Union européenne. À la quasi unanimité les députés ont voté cet amendement portant ce délais à cinq ans, contrairement au souhait initial du gouvernement qui souhaitait le limiter à deux ans. La mesure ne concerne que les contribuables dont le patrimoine mobilier excède 2,57 millions d’euros. Pour ceux dont le patrimoine est situé entre 800 000 euros et 2,57 millions d’euros, ce délais est réduit à deux ans.