Régimes matrimoniaux : sécurité juridique renforcée pour les couples internationaux depuis le 29 janvier 2019

Publié le 14/03/2019

Le règlement européen de 2016 relatif aux régimes matrimonaux est entré en vigueur le 29 janvier. Pour les unions formées à partir du 29 janvier dernier, ou les options pour une loi applicable intervenus à partir de cette date, le règlement met fin à la mutabilité automatique des régimes matrimoniaux prévue par la Convention de La Haye de 1978, source d’insécurité juridique pour les couples internationaux ou expatriés.

Plus de deux ans après son adoption, le règlement européen relatif aux régimes matrimoniaux est entré en vigueur le 29 janvier 2019, marquant un véritable tournant dans le droit international privé des régimes matrimoniaux. Les couples binationaux ou vivant à l’étranger bénéficient désormais d’un cadre juridique plus sécurisé et plus clair. Le point les nouveaux droits des époux et des partenaires de pacs en présence d’un élément d’extranéité.

Les besoins des couples internationaux

Après le droit des successions avec la possiblité apportée par le règlement (UE) n° 650/2012 en matière de successions et de la création d’un certificat successoral européen (JOUE 27 juill. 2012), offerte à toute personne depuis le 17 août 2015 de choisir la loi applicable à sa propre succession, le droit européen poursuit son uniformisation du droit de la famille, et précisémment des régimes matrimoniaux. Il faut dire que l’Europe compte aujourd’hui 16 millions de couples internationaux. Chaque année, 450 000 successions et 13 % des nouveaux mariages comportent un élément d’extranéité. Or un conflit de loi risque de survenir lorsque les deux époux n’ont pas la même nationalité ou lorsqu’ils ne vivent pas dans le pays de leur nationalité commune.

L’organisation patrimoniale des époux et des pacsés

Adopté en 2016, le règlement (UE) n° 2016/1103 du Conseil du 24 juin 2016 mettant en œuvre une coopération renforcée dans le domaine de la compétence, de la loi applicable, de la reconnaissance et de l’exécution des décisions en matière de régimes matrimoniaux (JOUE 8 juill. 2016) et le règlement (UE) n° 2016/1104 du Conseil mettant en œuvre une coopération renforcée dans le domaine de la compétence, de la loi applicable, de la reconnaissance et de l’exécution des décisions en matière d’effets patrimoniaux des partenariats enregistrés (JOUE 8 juill. 2016) permettent aux couples mariés, ainsi qu’aux partenaires de pacs, de choisir la loi applicable à l’organisation patrimoniale de leur couple.

Sont concernés la classification des biens appartenant aux époux, la dissolution du régime, ou encore le partage des biens, mais pas les droits successoraux du conjoint survivant, la capacité juridique ou la question de l’obligation alimentaire.

Le règlement s’applique aux unions formées à partir du 29 janvier 2019. Les normes de droit international privé déjà existantes continuent donc de s’appliquer en partie.

Par conséquent, si le mariage date d’avant le 1er septembre 1992, la jurisprudence Gouthertz de la Cour de cassation du 1er février 1972 continue à s’appliquer. Elle prévoit que la loi applicable au régime matrimonial des époux est la loi d’autonomie, c’est-à-dire la loi choisie par les époux dès lors que leur situation comprend un élément d’extranéité.

Pour les régimes matrimoniaux passés entre le 1er septembre 1992 et le 29 janvier 2019, c’est la Convention de La Haye du 14 mars 1978 sur la loi applicable aux régimes matrimoniaux qui trouve à s’appliquer.

La mutabilité automatique

Fruit d’une réflexion conduite par 18 États membres, dont la France, la réforme introduite par le règlement de 2016 vise à neutraliser une règle aux effets particulièrement radicaux et trop souvent méconnus : la mutabilité automatique du régime matrimonial.

En vertu de cette règle prévue par l’article 7 de la Convention de La Haye du 14 mars 1978 et entrée en vigueur le 1er septembre 1992, lorsque les époux n’ont pas chosi de régime matrimonial ou n’ont pas fait de contrat de mariage le jour de leur union, ils sont soumis à une loi qui dépend d’un critère objectif comme la résidence habituelle ou la nationalité, il peut se produire un changement automatique de loi applicable au régime matrimonial. En effet, la loi de la résidence habituelle se substitue alors à la loi précédemment applicable.

Cette mutabilité automatique peut se produire dans trois situations prévues par la Convention de La Haye :

« – à partir du moment où ils y fixent leur résidence habituelle, si la nationalité de cet État est leur nationalité commune, ou dès qu’ils acquièrent cette nationalité, ou

lorsque, après le mariage, cette résidence habituelle a duré plus de dix ans, ou

à partir du moment où ils y fixent leur résidence habituelle, si le régime matrimonial était soumis à la loi de l’État de la nationalité commune ».

La mutabilité automatique ne concerne que les époux mariés après le 1er septembre 1992, date d’entrée en vigueur de la Convention de la Haye. Elle ne s’applique que si les couples n’ont pas déclaré la loi applicable à leur régime matrimonial ou établi un contrat de mariage.

Ses dangers

Trop souvent, cette règle s’applique à l’insu des couples. Avec l’accroissement de la mobilité internationale, de nombreux couples expatriés qui passent 10 années à l’étranger dans un même pays, subissent, sans le savoir cette mutabilité qui n’est pas sans danger. Les époux se retrouvent placés sans le savoir sous un régime qu’ils ne souhaitent pas, qui peut ne pas correspondre pas à leurs attentes et leurs besoins. Lorsqu’ils en ont connaissance, il leur est impossible d’annuler ses effets. À cela s’ajoute le fait que la mutabilité n’est pas rétroactive, les régimes s’enchainent et cet enchainement rend difficile la détermination de la nature d’un bien (propre ou commun) et complexe la liquidation du régime.

Selon la loi française, le régime matrimonial des époux mariés après 1er septembre 1992 est régi par la loi de leur première résidence commune ou, à défaut, à leur loi nationale commune. À défaut de l’un et de l’autre, leur régime matrimonial est régi par défaut par la loi du pays avec lequel ils ont les liens les plus étroits.

Prenons l’exemple d’un couple franco-anglais, marié en France en 2010, ayant fixé sa première et unique résidence habituelle au Royaume-Uni. Les époux sont ainsi mariés sous le régime anglais qui prévoit un régime séparatiste. S’ils n’ont pas choisi expressément la loi et le régime matrimonial, avant ou depuis leur mariage, les époux s’exposent à la mutabilité automatique de leur régime.

En effet, s’ils s’installent en France et y vivent 10 ans, leur régime devient en 2020 le régime légal français de la communauté réduite aux acquêts. Autre hypothèse : si le couple s’est installé en France en 2017 et que l’époux de nationalité britannique a adopté la nationalité française la même année, à partir de cette date, ils sont soumis au régime de la communauté réduite aux acquêts.

Il est toutefois possible d’empêcher la mutabilité automatique de régime de produire ses effet. Pour l’éviter, il convient de l’anticiper en passant un contrat de mariage.

Depuis le 29 janvier 2019 : le choix des époux

Le règlement européen met fin à la règle de la mutabilité automatique du régime matrimonial. Il est applicable aux époux qui se sont mariés ou qui ont désigné la loi applicable à leur régime matrimonial après cette date.

Il commence par donner une définition du régime matrimonial. « Il s’agit de l’ensemble des règles relatives aux rapports patrimoniaux entre époux et dans leurs relations avec des tiers, qui résultent du mariage ou de sa dissolution ».

Les époux peuvent choisir la loi de l’État dans lequel au moins l’un des époux a sa résidence habituelle au jour de la conclusion de la convention, ou la loi d’un État dont au moins l’un des époux a la nationalité au moment où la convention est conclue.

En l’absence de choix, la loi applicable au régime matrimonial des époux sera, en principe, la loi de la première résidence habituelle commune des époux, après la célébration du mariage. Ce choix peut intervenir à tout moment, avant le mariage, lors de la célébration du mariage ou au cours de ce dernier.

À titre exceptionnel et à la demande de l’un des époux, l’autorité judiciaire compétente pour statuer sur des questions relatives au régime matrimonial peut décider que la loi d’un État autre que l’État dont la loi est applicable si l’époux qui a fait la demande démontre que les époux avaient leur dernière résidence habituelle commune dans cet autre État pendant une période significativement plus longue et que les deux époux s’étaient fondés sur la loi de cet autre État pour organiser ou planifier leurs rapports patrimoniaux. La loi de cet autre État s’applique à partir de la date de la célébration du mariage, à moins que l’un des époux ne s’y oppose. Dans ce dernier cas, la loi de cet autre État produit ses effets à partir de la date de l’établissement de la dernière résidence habituelle commune dans cet autre État.

Portée de la loi applicable

La loi applicable régit notamment :

– la classification des biens des deux époux ou de chacun d’entre eux en différentes catégories pendant et après le mariage ;

– le transfert de biens d’une catégorie à une autre ;

– les obligations d’un époux qui découlent des engagements pris par l’autre époux et des dettes de ce dernier ;

– les pouvoirs, les droits et les obligations de l’un des époux ou des deux époux à l’égard des biens ;

– la dissolution du régime matrimonial, sa liquidation ou le partage des biens ;

– les effets du régime matrimonial sur un rapport juridique entre un époux et des tiers ;

– et la validité au fond d’une convention matrimoniale.

À noter que la loi ainsi désignée est universelle : elle s’applique, même si cette loi n’est pas celle d’un État membre. Elle pourra être celle d’un État non membre à la coopération renforcée et même celle d’un État tiers à l’Union européenne.

En outre, la loi choisie ou non par les époux, s’appliquera à l’ensemble des biens, quels que soient leur nature – meubles et immeubles – et lieu où ils se trouvent. C’est le principe de l’unité du patrimoine qui a en effet été retenu. Toutefois, cette unité n’est oppposable qu’aux époux entre eux. Elle pourra, dans certains cas, s’avérer inoposable aux tiers.