Report de la retenue à la source

Publié le 27/11/2017

La réforme  du prélèvement à la source est reportée  au 1er janvier 2019. Les dispositifs relatifs à l’année de transition seront reportés d’un an et les modalités d’imposition pour 2018 resteront inchangées par rapport à celles en vigueur en 2017.

Le Premier ministre a annoncé le report du prélèvement à la source au 1er janvier 2019 pour permettre un audit et une expérimentation de ce nouveau dispositif applicable à l’impôt sur le revenu des particuliers. L’ordonnance n° 2017-1390 relative au décalage d’un an de l’entrée en vigueur du prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu a été publiée le 23 septembre 2017. Le prélèvement à la source constituera un progrès pour les Français en permettant d’ajuster en temps réel la perception de l’impôt à l’évolution des revenus et de la situation de chacun, a précisé le gouvernement. La décision de report permettra de rassurer l’ensemble des acteurs économiques pour mettre en œuvre cette réforme dans les meilleures conditions.

 Les conséquences pratiques

Les dispositifs relatifs à l’année de transition seront reportés d’un an et les modalités d’imposition pour 2018 resteront inchangées par rapport à celles en vigueur en 2017. L’application du crédit d’impôt modernisation du recouvrement (CIMR), qui vise à éviter un double prélèvement au cours de la première année du prélèvement à la source, est reportée d’un an, comme le sont tous les dispositifs attachés à l’année de transition. Avec une entrée en vigueur du prélèvement à la source au 1er janvier 2019, l’année de transition correspondra donc aux revenus de l’année 2018 qui seront imposés en 2019 (et non plus les revenus de 2017 imposés en 2018). Les dispositifs relatifs à l’année de transition visaient et viseront exclusivement à éviter la double imposition l’année d’entrée en vigueur du prélèvement à la source. C’est la raison pour laquelle les revenus exceptionnels en étaient et en resteront exclus. Ainsi, le report de l’année de transition est sans impact sur l’imposition des revenus exceptionnels qui restent taxés et ne bénéficient pas de l’effacement d’impôt. Pour ce qui concerne les revenus fonciers, les travaux réalisés en 2017, y compris dans des monuments historiques, auront un plein effet fiscal au titre de 2017. Les contribuables ne seront donc en aucun cas lésés, et le secteur du bâtiment ne sera en aucun cas pénalisé. Si vous avez acquis des réductions et crédits d’impôts au titre de 2017, ils vous seront restitués en 2018. Ce principe sera maintenu pour les réductions et crédits d’impôts acquis au titre de 2018 qui seront restitués en 2019. L’avance de 30 % sur le crédit d’impôt services à la personne prévue au premier trimestre 2018  est liée à la mise en œuvre du prélèvement à la source  et est donc également décalée au premier trimestre 2019, selon des dispositions à préciser dans la loi.

Évaluer la charge de travail des collecteurs

Le report annoncé par le Premier ministre doit permettre d’examiner la robustesse technique et opérationnelle du dispositif et d’évaluer la réalité de la charge induite pour les collecteurs, en particulier les entreprises, au moyen d’un audit et d’une expérimentation. L’ensemble des acteurs pointe en effet la surcharge de travail que ce projet risque de faire peser sur les entreprises, ainsi que son coût financier.  Un risque pointé depuis de nombreuses années. En 2007, le rapport sur les modalités de mise en œuvre du prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu en France proposait déjà un certain nombre de solutions pour pallier cette complexité. Tout d’abord, circonscrire la réforme aux salaires et aux revenus de remplacement. Le rapport précisait qu’un système d’acomptes mis en place pour les travailleurs indépendants risquait d’aboutir à des  régularisations trop importantes l’année suivante. Deuxième obstacle avancé, l’écueil de la confidentialité. Le rapport proposait un système fondé sur la communication par le contribuable d’un taux moyen d’imposition à son employeur ou à sa caisse de retraite. En effet, contrairement au barème, le taux moyen d’imposition serait le mieux à même de préserver la confidentialité, car « à un même taux peuvent correspondre des situations extrêmement variées ».

Une phase d’expérimentation

Le gouvernement a prévu une phase « pilote » qui a pour objectif d’examiner la robustesse technique et opérationnelle du dispositif et d’évaluer la réalité de la charge induite pour les collecteurs, en particulier les entreprises. La Direction générale des finances publiques a d’ores et déjà lancé cette phase test. Elle permettra de constater si le dispositif est efficace techniquement et sans complexité pour l’ensemble des acteurs concernés (entreprises, collectivités territoriales, caisses de retraites, éditeurs de logiciels de paie). Cette phase permet de tester un large périmètre des échanges de données : dépôt des déclarations par le collecteur et retour de la DGFiP vers celui-ci, incluant notamment les taux de prélèvement à appliquer qui sont bien sûr fictifs à ce stade). L’État se donne ainsi le temps d’apporter les améliorations nécessaires suite aux conclusions de ce test en conditions réelles pour une mise en œuvre du prélèvement à la source au sein des entreprises dans les meilleures conditions, dès le 1er janvier 2019.

L’audit sera conduit par une équipe de l’Inspection générale des finances et d’un cabinet indépendant sélectionné par le secrétariat général à la modernisation de l’action publique. L’expérimentation a commencé début juillet avec tous les participants volontaires, dont la mobilisation est essentielle pour tester le dispositif en conditions réelles. Le ministre de l’Action et des Comptes publics, Gérald Darmanin, se déplacera sur le terrain pour consulter les entreprises, les organisations syndicales, les collectivités territoriales et l’ensemble des parties prenantes à la réforme afin de répondre aux questions soulevées. Il sera également à la disposition des commissions des finances de l’Assemblée nationale et du Sénat pour répondre à leurs interrogations.

État des lieux dans le monde

Le Conseil des prélèvements obligatoires en 2012 a réalisé une enquête internationale approfondie auprès de treize pays de l’OCDE qui ont choisi de prélever l’impôt sur le revenu à la source. Il s’agit de l’Allemagne, de l’Australie, de la Belgique, du Canada, du Danemark, de l’Espagne, des États-Unis, de l’Irlande, de l’Italie, du Luxembourg, de la Nouvelle-Zélande, des Pays-Bas et du Royaume-Uni. Dans une large majorité le principe d’une déclaration annuelle des revenus est maintenu. Le Danemark et le Royaume-Uni font exception mais présentent un système fiscal peu complexe. Le Conseil des prélèvements obligatoires a également procédé à une consultation des principaux acteurs concernés par une éventuelle retenue à la source de l’impôt sur le revenu en France. L’ensemble des travaux du Conseil des prélèvements obligatoires a été réalisé avec l’hypothèse d’un cadre constant des prélèvements obligatoires.

Une réforme qui ne fait pas l’unanimité

Le syndicat Solidaires Finances Publiques a publié un « livre vert » sur la retenue à la source. Ce rapport conclut que la retenue à la source ne constitue pas une mesure de simplification. En effet, sa complexité découle directement de la structure même de l’impôt sur le revenu et rend impossible une retenue à la source qui impose en temps réel et pour solde de tout compte, les revenus de l’année en cours.  Pour le syndicat Solidaires Finances Publiques le risque est donc réel que les contribuables soient perdus  face à un mode de paiement jugé simple, à tort. Si elle nécessite une réforme visant à instaurer une « contemporalité », à savoir imposer en année N les revenus de l’année N, elle ne conduit toutefois pas mécaniquement à une hausse de l’impôt sur le revenu : la retenue à la source ne constitue qu’un mode de paiement de l’impôt et ne modifie pas en elle-même les taux du barème ni l’assiette de l’impôt sur le revenu. Pour le syndicat Solidaires Finances Publiques l’excellent taux de recouvrement en France, un des plus élevés des pays de l’OCDE,  pourrait baisser avec l’instauration de la retenue à la source du fait du non reversement intégral de l’impôt collecté par les entreprises, comme cela est déjà le cas pour la TVA. En outre, la phase de transition donnerait lieu à une hausse probablement sensible de sollicitations des services de la DGFiP. Et en année courante, les sollicitations des contribuables (35 millions par an), dont la situation change (revenus, personnes à charges, crédits d’impôt, etc), seraient nombreuses tandis que celles touchant à la déclaration des revenus se maintiendraient à un haut niveau. En matière de recouvrement, la DGFiP devrait continuer à assurer un certain nombre de missions ainsi qu’en matière de relance ou bien encore de recouvrement des contribuables non salariés. Le contrôle du reversement de l’impôt sur le revenu à l’État verrait son apparition. On notera que 2 100 agents sont affectés au contrôle de la retenue à la source en Allemagne…  Les effectifs de la DGFiP devraient donc  être renforcée pour gérer correctement la retenue à la source si elle est instaurée, conclut le syndicat Solidaires Finances Publiques.

Quelle alternative à la retenue à la source

Le Conseil des prélèvements obligatoires (CPO) a procédé un état des lieux des prélèvements à la source assis sur les revenus des ménages, une démarche apparue nécessaire pour appréhender l’économie globale d’une hypothèse de retenue à la source de l’impôt sur le revenu Le CPO conclut que compte tenu à la fois des avantages théoriques qui pourraient en être attendus, et des modalités opérationnelles qu’elle pourrait emprunter dans le cadre français, la retenue à la source n’apporterait pas une amélioration du système actuel. Il a insisté en revanche sur la nécessité de supprimer le décalage d’un an entre la perception et la taxation des revenus. Si pour des situations stables, ce dispositif ne pose guère problème,  en cas de changement de situation, chômage, retraite,  changement de carrière et donc de perte de revenu, il s’avère particulièrement préjudiciable. On estime que « chaque année, environ cinq millions de foyers imposables subissent une variation importante de leur revenu et du montant de leur impôt, à la suite d’un changement de situation personnelle ou professionnelle ». Pour les 40 % de ménages qui subissent une baisse de leurs revenus chaque année, le Conseil suggère de supprimer ce décalage d’un an entre la perception et la taxation des revenus via un système d’imposition des  revenus courants. Les salaires seraient taxés l’année même de leur perception avec une régularisation l’année suivante et l’impôt resterait collecté par l’administration fiscale.

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