Seine-Saint-Denis : un permis de louer renforcé mis en place sur le territoire d’Est Ensemble
Le territoire d’Est Ensemble innove avec un permis de louer renforcé. L’exemple de Bagnolet, première commune à avoir mis en place ce dispositif qui permet de lutter contre l’habitat indigne, mais également contre les passoires thermiques.
Le permis de louer, un dispositif instauré par la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, dite loi ALUR, vise à prévenir la location de logements susceptibles de porter atteinte à la salubrité publique et à la sécurité de ses occupants. La ville de Bagnolet (93), l’établissement public territorial (EPT) Est Ensemble et la Caisse d’allocations familiales de la Seine-Saint-Denis (Caf) ont signé dès avril 2022 une convention de partenariat visant à renforcer le permis de louer sur la commune. Cette convention de partenariat vise à rendre systématique le dépôt des déclarations à la mise à location par tous les propriétaires-bailleurs du périmètre. Ce renforcement du permis de louer a marqué une nouvelle étape dans le cadre de la politique menée dans le parc privé ancien par Est Ensemble qui comporte 8 % de logements potentiellement indignes. D’autres conventions tripartites permettront par la suite aux autres communes du territoire de bénéficier de ce dispositif innovant.
Le dispositif Est Ensemble : engagée dans la lutte contre l’habitat indigne
Est Ensemble est particulièrement touché par l’habitat indigne, qui touche près de 10 000 logements, et par le mal logement, qui concerne près de 32 000 ménages. Afin de lutter plus efficacement contre ce phénomène, le plus souvent lié aux pratiques des marchands de sommeil face auxquels les procédures juridiques restent complexes et lentes, le conseil de territoire a adopté en 2019 une délibération ouvrant la possibilité de mettre en œuvre le permis de louer. Au sein du territoire, les communes de Romainville et de Bagnolet avaient déjà pris les devants en initiant respectivement en 2017 et 2018 ce dispositif de permis de louer. Ce dispositif mis en place dans le cadre de la loi ALUR de 2014, relève de la compétence d’Est Ensemble en lien avec son programme local de l’habitat et l’ensemble des actions d’amélioration du parc privé dégradé et de lutte contre l’habitat indigne. Depuis novembre 2018 et la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, dite loi ÉLAN, les conditions de sa mise en œuvre ont été précisées. Celle-ci relève désormais des communes qui en font la demande, l’établissement public territorial en assurant la coordination. Chaque commune du territoire peut ainsi déclencher ce dispositif de suivi des logements privés mis en location sur le ou les secteurs précisément définis où se concentre l’habitat indigne. Aubervilliers, La Courneuve, Pierrefitte-sur-Seine, Saint-Denis ou Stains ont mis en place ce dispositif depuis le 1er janvier 2019. L’Île-Saint-Denis et Saint-Ouen-sur-Seine l’ont mis en place en juin 2022 et Épinay-sur-Seine en octobre 2022.
Le mécanisme du permis de louer
Le permis de louer peut prendre deux formes, une déclaration de mise en location (DML), qui permet à la collectivité de mieux suivre l’activité des bailleurs privés et de connaître les caractéristiques des logements loués, afin de pouvoir intervenir rapidement si nécessaire, ou une autorisation préalable de mise en location (APML), qui permet de contrôler l’état des logements en amont. Le décret n° 2016-1790 du 19 décembre 2016 a défini les modalités règlementaires d’application de ces deux régimes. La déclaration de mise en location est à effectuer dans les quinze jours qui suivent la conclusion d’un nouveau contrat de location pour un logement, qu’il soit meublé ou non meublé. Les propriétaires concernés doivent remplir le formulaire Cerfa n° 15651 et l’accompagner du dossier technique contenant l’ensemble des diagnostics joints au contrat de location : diagnostic de performance énergétique (DPE), constat de risque d’exposition au plomb (Crep), copie de l’état mentionnant la présence ou l’absence d’amiante, état de l’installation intérieure de l’électricité si l’installation a plus de 15 ans, état de l’installation intérieure du gaz, si l’installation a plus de 15 ans, état des risques et pollutions (naturels, miniers, technologiques, sismiques, radon…).
L’autorisation préalable à la mise en location doit être obtenue avant la signature du contrat de bail, lorsque le bailleur met son bien en location pour la première fois ou le remet en location après une période d’inoccupation. Les bailleurs concernés doivent remplir le formulaire Cerfa n° 15652 et l’accompagner d’un dossier technique comprenant tous les diagnostics joints au contrat de location avant la signature du contrat de location pour tout logement, qu’il soit meublé ou non meublé. L’administration a un mois pour se prononcer sur la sollicitation des propriétaires.
En cas de non-respect de ces obligations, des sanctions financières pouvant aller de 5 000 € à 15 000 € peuvent être mises en œuvre par le préfet. Si l’absence d’autorisation préalable est sans effet sur le bail dont bénéficie le locataire, le fait de mettre en location un logement sans avoir préalablement déposé la demande d’autorisation ou en dépit d’une décision de rejet de cette demande est sanctionné par une amende. L’amende tient compte de la gravité des manquements constatés. Elle peut atteindre 5 000 euros en l’absence de déclaration de mise en location ou en l’absence de demande d’autorisation préalable de mise en location. En cas de nouvel oubli d’effectuer la demande dans les 3 ans, elle peut aller jusqu’à 15 000 euros. En outre, en cas de mise en location alors que l’autorisation a été refusée, l’amende s’élève directement à 15 000 euros. Par ailleurs des signalements à la Caisse d’allocations familiales peuvent être effectués pour demander la suspension des aides aux logements dont ils bénéficient et au procureur pour les pratiques les plus abusives pouvant mener à des condamnations pénales.
Bagnolet, engagée dans la lutte contre l’habitat indigne et dégradé
Chaque commune ou intercommunalité peut définir des secteurs géographiques, des catégories de logements ou d’ensembles immobiliers au sein de secteurs géographiques éligibles au permis de louer. Ce dispositif peut ne concerner qu’un ou plusieurs ensembles immobiliers lorsqu’ils se situent dans une zone qui ne comporte pas d’autres habitats dégradés. En mars 2018, la commune de Bagnolet a fait le choix d’expérimenter le permis de louer pour une durée de six mois. En avril 2019, elle a entériné la mise en place du régime de la déclaration préalable de mise en location. En juin 2022, le Conseil municipal a voté l’extension du périmètre du permis de louer au quartier du Centre-ville. La municipalité est particulièrement engagée dans la lutte contre l’habitat indigne et dégradé, notamment aux Coutures, un quartier situé au sud de Bagnolet qui comprend une part importante de logements potentiellement indignes (près de 25 % dans ce quartier contre 13 % à l’échelle de la commune). Depuis la mise en œuvre du permis de louer, près de 100 déclarations concernant majoritairement des logements collectifs, de petites surfaces (T1 et T2 d’une superficie en moyenne de 37 m²) et datant d’avant 1949, ont ainsi été enregistrées par les services de la Ville, lui permettant de vérifier la conformité des logements avec la réglementation en vigueur. La convention tripartite signée en 2022 entre la Ville de Bagnolet, Est Ensemble et la Caf de la Seine-Saint-Denis organise l’échange d’informations sur les ouvertures de droit à l’aide au logement enregistrées par la Caf sur le territoire concerné, ce qui permet à la ville de détecter toute éventuelle infraction à l’obligation de déclaration de mise en location.
Lutter contre la précarité énergétique
Pour prévenir l’habitat dégradé voire indigne, Bagnolet s’appuie sur d’autres dispositifs afin de réhabiliter le parc de logements privés vieillissant des Coutures. Une Opération programmée d’amélioration de l’habitat et de renouvellement urbain (OPAH-RU), concernant 250 logements dans le quartier des Coutures est ainsi mise en œuvre depuis 2015, en partenariat avec l’Agence nationale de l’habitat (ANAH), Est Ensemble et la Banque des territoires. Elle permet de faciliter la réhabilitation des immeubles repérés comme prioritaires car très dégradés et la lutte contre la précarité énergétique via un système d’aides à la réalisation de travaux pour les propriétaires ou encore le maintien des occupants aux ressources modestes dans leur logement. La ville a lancé, en février dernier, une deuxième OPAH-RU sur cinq ans sur un secteur élargi au centre-ville qui concerne cette fois 304 logements. Dans le cadre de ce dispositif, 49 signalements ont été établis. Ils ont abouti suivant les cas à des mises en demeure avant péril, à des arrêtés de péril ordinaire, d’insalubrité et à des injonctions préfectorales au plomb en parties communes portant sur un risque saturnin qui ont été directement transmis à l’Agence régionale de santé-ARS. Depuis 2013, Bagnolet s’est en outre engagée dans un Programme national de requalification des quartiers anciens dégradés (PNRQAD), dans le quartier des Coutures, en partenariat avec Est Ensemble, l’ANAH et l’ANRU (Agence nationale pour la rénovation urbaine) qui a permis la démolition d’îlots d’habitat insalubre et prévoit la construction de 109 logements, la réalisation d’un square public et d’une crèche.
Permis de louer et logements énergivores
Ces efforts de réhabilitation et de lutte contre la précarité énergétique se traduit également dans l’élargissement du dispositif du permis de louer. En effet, avec la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite loi Climat et résilience, le permis de louer a évolué pour s’inscrire dans la lutte contre les biens énergivores. C’est pourquoi, il inclut désormais la prise en compte de performances énergétiques. Si le logement ne respecte pas des critères de décence énergétique, l’autorisation de louer ne peut être donnée. Avec cette réforme, les passoires thermiques, ces biens qui obtiennent les étiquettes F ou G, les classes énergétiques les plus basses du DPE, sont assimilées à un habitat insalubre ou indigne. C’est un enjeu décisif sur le territoire d’Est Ensemble qui intègre de nombreuses passoires thermiques. Ainsi, 10 % des logements du territoire sont des passoires thermiques avec 8 % de biens ayant une étiquette énergétique F et 2 % ayant une étiquette énergétique G (chiffres 2022 Est Ensemble). La répartition géographique de ces passoires thermiques fait apparaître qu’elles se trouvent sur toutes les communes du territoire. Il s’agit majoritairement de bâtiments construits avant 1974 (61 % du parc immobilier du territoire), c’est-à-dire avant toute réglementation thermique, alors que ceux construits après 2000 (19 % du territoire) bénéficient de normes plus performantes. Précisons enfin que 32 % de la population, sur ce territoire, est en situation de précarité énergétique. Le permis de louer renforcé y prend donc une acuité singulière.
Référence : AJU011v0