SOFICA : la campagne 2020 démarre

Publié le 04/12/2019

Jusqu’au 12 décembre 2019, les particuliers peuvent réduire leur impôt sur le revenu en investissant dans l’industrie du cinéma. Le point sur un dispositif de défiscalisation très efficace.

Créées en 1985, les SOFICA sont des sociétés anonymes qui collectent des fonds destinés au financement d’œuvres cinématographiques et audiovisuelles. Il s’agit de sociétés d’investissement destinées à la collecte de fonds privés consacrés exclusivement au financement de la production cinématographique et audiovisuelle. Elles peuvent être créées soit à l’initiative de professionnels du cinéma et de l’audiovisuel, soit à celle d’opérateurs du secteur bancaire et financier. Depuis leur création en 1985, les SOFICA ont cofinancé près de 2 000 films. La liste de ces 12 sociétés de financement de l’industrie cinématographique et de l’audiovisuel, agrées par le Centre national du cinéma (CNC) pour la collecte 2019-2020,  vient d’être communiquée. Elles pourront lever une enveloppe de 63, 07 millions d’euros.

Rappelons que les SOFICA se distinguent d’autres dispositifs fiscaux par leur fort pilotage par les autorités publiques. En contrepartie de l‘important avantage fiscal du dispositif, la Charte des investissements définie par le CNC oriente les SOFICA vers les œuvres que la politique publique souhaite soutenir, en particulier le financement de la production cinématographique indépendante. Cette Charte a été mise en place en 2005 par le CNC, en concertation avec l’Association de représentation des SOFICA (ARS) et les syndicats de producteurs. Chaque année, la charte est actualisée. Si elle n’est prévue par aucune norme, cette charte fonde en pratique les instructions des dossiers des sociétés candidates à un agrément. En pratique, plus une société de capital-investissement candidate s’engage en faveur des objectifs établis par le CNC, jugés risqués et donc moins rentables, plus son enveloppe de collecte sera importante. Et toutes les SOFICA agréées adoptent cette charte qui n’a donc qu’une valeur d’engagement volontaire.

Une campagne de collecte très courte

Les SOFICA agréées ont jusqu’au 31 décembre 2019 pour collecter des fonds auprès des particuliers. Il s’agit d’une étape-clé dans un processus de longue haleine. Au printemps, le CNC a présenté la charte actualisée des investissements et mis à disposition le dossier de candidature aux candidats intéressés. À la fin du mois juin, les dossiers de candidature ont été transmis aux services de l’État (CNC et DGFiP) qui les ont instruits pendant l’été. Les agréments ont été délivrés par le ministère du Budget en octobre, chaque SOFICA préparant en parallèle un prospectus pour faire appel public à l’épargne, lequel est contrôlé par l’Autorité des marchés financiers (AMF). La campagne de collecte proprement dite se déroule de mi-octobre jusqu’au 31 décembre. En janvier 2020, les sociétés dédiées sont créées. Elles disposent d’un an pour investir l’ensemble du capital collecté, soit sous la forme d’une souscription au capital des sociétés de production, soit sous la forme de versements en numéraire dans le cadre de contrats d’association à la production. En contrepartie de leur apport, les SOFICA négocient avec les producteurs concernés des droits à recettes sur les différentes fenêtres d’exploitation, jusqu’au remboursement de l’apport initial et avec une prime proportionnelle à la réussite de l’œuvre. Pendant plusieurs années, les SOFICA suivent les performances de leurs différents investissements, afin de percevoir les recettes auxquelles elles ont droit grâce à l’exploitation des films aux plans de financement desquels elles ont participé.

Un instrument fiscal…

Du point de vue des finances publiques, le dispositif des SOFICA est un objet original, hybride entre instrument fiscal et instrument budgétaire. Les SOFICA ont été créées par la loi du 11 juillet 1985 avec deux objectifs clairs : maintenir le niveau de la production cinématographique nationale à un niveau minimum annuel de 140 longs-métrages d’initiative française, et assurer sa diversité (Rapport Chevallier, 2008). Ce dispositif permet de cibler les projets à fort retour sur investissement, mais également de soutenir le cinéma indépendant et le renouvellement des talents. En contrepartie des financements qu’elles apportent à des projets cinématographiques, les SOFICA bénéficient de droits à recettes sur les différents supports d’exploitation des œuvres réalisées. L’avantage fiscal consenti pour les SOFICA est lié au risque pris par les souscripteurs en contrepartie de l’illiquidité de leur placement sur une période moyenne.

SOFICA : la campagne 2020 démarre
David Hirjak / AdobeStock

Pour bénéficier de l’avantage fiscal, les souscripteurs doivent conserver leurs parts pendant une durée minimale de 5 ans. En pratique, la grande majorité des SOFICA sont débouclées dans un délai de 5 à 7 années suivant la collecte. La loi de finances rectificative pour 2006 a transformé l’avantage fiscal des SOFICA, créé initialement en 1985, d’une déduction d’impôt en une réduction d’impôt. Le législateur a prévu plusieurs taux pour cette réduction d’impôt. Le taux dit « de base » s’établit à 30 % des sommes investies. Le taux « renforcé » de la réduction d’impôt s’applique lorsque la société réalise au moins 10 % de ses investissements sous forme de souscription au capital de sociétés de production dans l’année suivant la souscription. Il est désormais fixé à 36 %. Ce taux est « super-renforcé » à 48 % sous réserve du fléchage de 10 % des investissements vers des dépenses de développement de fiction, d’animation, de documentaires ou d’animation sous forme de série ou vers l’acquisition de droits à l’export. En pratique, l’ensemble des SOFICA agréées chaque année remplissent ces conditions. Et entre 2007 et 2016, la quasi-totalité des foyers bénéficiaires (96 % en moyenne) ont pu profiter du taux le plus élevé. En outre, ce régime fiscal déroge aux règles de droit commun en matière de plafonnement des niches fiscales. Après avoir été longtemps exclu du plafonnement (entre 2009 et 2012), il est depuis 2013, intégré dans le plafond majoré à 18 000 € (au lieu du plafond général de 10 000 €). Au total, La réduction d’impôt est prise en compte dans la double limite de 25 % du revenu global de l’investisseur et du plafond de 18 000 €, ce qui constitue une économie d’impôt maximale de 5 400 €, 6 480 € ou 7 740 € par foyer fiscal, en fonction des taux de réduction d’impôt retenus.

… réservé aux contribuables les plus fortunés

En termes de nombre de sociétés agréées, l’offre de parts de SOFICA est limitée. La période d’investissement est également très courte. Ces produits sont donc rares et particulièrement prisés des investisseurs. En conséquence, le dispositif SOFICA ne profite qu’à un nombre réduit de foyers (6 500 en moyenne entre 2007 et 2016), dont le revenu fiscal de référence est plutôt élevé. En effet, 90 % des bénéficiaires ont un revenu fiscal de référence supérieur à 40 000 € en 2016, 50 % supérieur à 84 000 €, et 10 % supérieurs à 216 000 €. Le montant de la réduction d’impôt est toutefois en baisse, souligne le rapport Boutonnat, s’établissant à 3 200 € en moyenne par foyer bénéficiaire entre 2012 et 2016, contre plus de 4 000 € auparavant.

Une dépense fiscale au coût modeste par rapports à d’autres instruments de défiscalisation

En 2002, ce dispositif représentait un coût fiscal de 19 M€ pour une enveloppe de collecte de 35 M€ (Cour des comptes, avril 2014). Le coût budgétaire de ce dispositif fixé à 25 M€ par an depuis 2006 est maîtrisé grâce au mécanisme d’agrément mis en place pour les SOFICA et à l’établissement d’une enveloppe de collecte par société agréée. Ce coût est toutefois en augmentation depuis le relèvement du taux à 48 %, à compter de 2017. Cette maîtrise repose, en pratique, sur les agréments délivrés aux SOFICA. Un agrément annuel est en effet délivré par le ministre du Budget, puis un autre agrément fixe l’enveloppe de souscription autorisée par SOFICA. La loi ne fixe pas les critères permettant de déterminer l’éligibilité d’une société candidate au dispositif, ni de critères pour établir cette enveloppe. Selon un rapport de 2012 de la Cour des comptes, la dépense fiscale afférente au dispositif Girardin outre-mer s’est, quant à elle, élevée à 1 236 M€ en 2010. À titre de comparaison, la dépense fiscale des SOFICA au titre de la collecte 2018 avec le taux majoré de 48 % s’élèvera au maximum à 30,3 M€.

Un rendement aléatoire

Du point de vue des investisseurs souscripteurs, l’intérêt du dispositif est réel avec un avantage fiscal à 48 %, mais la rentabilité effective est en pratique limitée, voire parfois même négative, souligne le rapport sur le financement privé de la production et de la distribution cinématographiques et audiovisuelles, remis par Dominique Boutonnat en  décembre 2018. Pour les souscripteurs de parts de SOFICA, le rendement s’avère en effet aléatoire. Le capital investi n’est pas garanti. En revanche, les risques sont mutualisés pour l’investisseur. En effet, au lieu d’investir en direct sur une production, il souscrit à un portefeuille d’œuvres en production via l’intermédiaire de la SOFICA. Au-delà de l’avantage fiscal, pour mesurer la rentabilité des SOFICA, il convient de différencier le rendement offert au souscripteur, qui repose sur le rapport entre l’ensemble de ses recettes (avantage fiscal inclus) et le montant souscrit, en tenant compte de la durée d’immobilisation de son capital. Il convient également de prendre en compte la rentabilité propre aux œuvres dans lesquelles les SOFICA investissent, qui implique de mesurer le rapport entre les recettes tirées par la SOFICA des œuvres et le montant investi. En pratique, le rendement des investissements d’une SOFICA ne dépend pas tant des parts prises dans les plans de financement que du devis des films. Les remontées de recettes sont ainsi plus importantes pour les films aux budgets élevés. Compte tenu des frais de gestion prélevés par les SOFICA (environ 19 %) et des inégales performances enregistrées, le rendement moyen annuel s’avère relativement faible, entre 0, 9 % et 2 % d’après les chiffres du rapport Boutonnat. Dans certains cas ce taux de rendement peut même être négatif.

L’impact majeur de la fiscalité

« Le dispositif SOFICA est un instrument de défiscalisation stricto sensu, dont la commercialisation est liée au niveau de l’avantage fiscal offert à l’entrée, mais il n’est pas par ailleurs un placement intéressant de trésorerie car le rendement offert n’est pas important (il y a même au contraire un risque de perte) », résume le rapport Boutonnat. À cet égard, il est aisé d’utiliser comme indicateur pour mesurer l’intérêt de ce dispositif de défiscalisation, le niveau et la rapidité de collecte chaque année, qui est lié à l’avantage fiscal accordé, dont l’investisseur bénéficie dès son entrée dans le dispositif. Avec un taux à 48 %, la collecte est systématiquement complète et rapide. L’ensemble des enveloppes des SOFICA est saturé en quelques semaines. Avec un taux à 36 %, entre 2012 et 2016, la collecte n’a jamais atteint le « plafond » de 63 M€. Elle s’est établie à un niveau moyen de 61,10 M€, et dans des délais plus longs. Sans surprise, avec le retour du taux à 48 % en 2017 et la suppression concomitante de l’ISF, la collecte a de nouveau atteint le plafond.

Un secteur dynamique

Dans le secteur du cinéma, les financements publics stricto sensu (hors investissements des diffuseurs) représentent désormais près d’un quart des financements de la production. Ils ont donc déjà atteint un haut niveau d’intensité qu’il paraît difficile d’augmenter davantage compte tenu des contraintes budgétaires de l’État, souligne le rapport Boutonnat. Ce dispositif dédié au financement du cinéma mobilise environ 60 millions d’euros chaque année. Investir dans une SOFICA c’est participer à l’activité d’un secteur dynamique. Dans ce domaine, la France dispose de nombreux atouts. Elle a la réputation d’une grande nation créatrice de cinéma indépendant et de qualité. Elle dispose d’une filière industrielle cinématographique et audiovisuelle d’excellence. Le secteur du cinéma français affiche une production abondante : environ 300 films par an. La fréquentation en salle demeure élevée puisque dépassant 205 millions d’entrées annuelles depuis 4 ans. Avec plus d’1 milliard d’euros dans la production cinéma depuis une dizaine d’années et plus de 700 millions d’euros dans la production de fiction audiovisuelle pour 872 heures produites, les financements de la production semblent stabilisés.

Un dispositif à moderniser ?

Afin d’adapter le secteur aux évolutions des usages, lié au numérique et de l’émergence de plates-formes de dimension internationale (Netflix, Amazon, etc.), il apparaît cependant nécessaire de repenser le modèle de financement du secteur. « Tout l’écosystème du cinéma et de la production audiovisuelle doit opérer sa mutation dans un délai de 3 à 5 ans de sorte à créer les conditions de marché capables d’intéresser des financiers privés. L’intérêt des investisseurs financiers privés, qui ne connaissent pas ce marché de dimension trop réduite et qui en ont une perception souvent négative, peut être éveillé de manière efficace et progressive », souligne le rapport Boutonnat. Les financements privés pourraient constituer un levier essentiel pour conserver une production cinématographique et audiovisuelle indépendante, capables de proposer au marché national et international des œuvres de qualité. Ils permettraient également d’assurer un relais de croissance aux entreprises de production et de distribution. Mais en préalable à l’arrivée de nouveaux investisseurs privés financiers, il faut accroître la rentabilité des actifs, les œuvres cinématographiques. Celle-ci implique une exploitation complète des œuvres, avec une véritable logique entrepreneuriale. À cet effet, il est essentiel que les outils existants spécifiques au secteur (les SOFICA) soient utilisés au mieux afin de drainer l’épargne privée vers le secteur. À cet effet, la proposition n° 5 du rapport Boutonnat, suggère de maintenir et d’améliorer le dispositif des SOFICA pour accompagner la transition du secteur. Il préconise notamment que la charte soit révisée et simplifiée en fonction des nouvelles orientations de la politique publique en faveur du cinéma et de l’audiovisuel et que l’encadrement juridique du dispositif soit simplifié et sécurisé. La délivrance de l’agrément pourrait s’effectuer sur une base pluriannuelle. Enfin, une plus grande transparence est suggérée, notamment dans les critères d’attribution des enveloppes aux SOFICA concernées. Le rapport préconise également (proposition n° 6), d’utiliser davantage les dispositifs de droit commun, notamment grâce aux améliorations apportées par la loi PACTE, en favorisant la mise en place de FPCI et FCPR dédiés aux industries culturelles françaises d’excellence et en aidant à assurer une partie de la liquidité de ces produits par le fonds public dédié.

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