Une étape de franchie pour le projet d’ACCIS

Publié le 18/04/2018

Les députés se sont prononcés sur un projet de réforme majeure du système d’imposition de l’Union européenne. Le projet d’assiette commune pour les États membres vise à créer un régime fiscal des sociétés unique, clair et équitable en Europe.

Le projet d’assiette commune consolidée pour l’impôt sur les sociétés (ACCIS) vient d’être adopté par le Parlement européen. Il s’agit d’une étape décisive dans la construction européenne.

Le projet d’assiette commune

Le projet communautaire consistant à introduire une assiette commune consolidée pour l’impôt sur les sociétés dans les États membres a pour objectif de réduire les incohérences entre les systèmes fiscaux, améliorer l’efficacité et la transparence de la fiscalité des entreprises et finaliser l’établissement d’un véritable marché unique. Cet ensemble de règles permet de déterminer le résultat imposable d’une société au sein de l’Union européenne. Avec l’ACCIS, les sociétés exerçant des activités transfrontalières devront se conformer à un système européen unique pour déterminer leur revenu imposable, plutôt qu’aux différents régimes nationaux dans lesquels l’activité est exercée. Les groupes soumis au régime ACCIS auraient la possibilité de ne remplir qu’une seule déclaration fiscale consolidée pour l’ensemble de leurs activités au sein de l’Union européenne. Les résultats imposables consolidés du groupe seraient répartis entre chacune des sociétés qui le constituent par application d’une formule simple. Cela permettra à chaque État membre de soumettre les bénéfices des sociétés résidentes de cet État à son propre taux.

Un projet ancien

Dès mars 2011, la Commission a proposé une directive relative à une assiette commune consolidée pour l’impôt sur les sociétés. Cette proposition visait à offrir aux entreprises un corpus unifié de règles en matière d’impôt sur les sociétés, applicable sur tout le marché intérieur et de faciliter ainsi leurs activités transfrontières. La proposition initiale de la Commission s’est révélée trop ambitieuse pour parvenir à un accord unanime des États membres. Depuis lors le projet était au point mort. En 2015, la Commission a préconisé de relancer ces négociations, compte tenu des avantages considérables que présente l’ACCIS. Elle a proposé d’élaborer une nouvelle proposition visant à instaurer une ACCIS obligatoire par étapes. Les États membres pourront ainsi, dans un premier temps, progresser plus rapidement sur la mise en place de l’assiette commune pour l’impôt. La consolidation ne sera introduite, quant à elle, que dans un second temps, étant donné que cet élément a été jusqu’ici la pierre d’achoppement des négociations. En 2011, l’ACCIS était conçue en vue de renforcer le marché unique pour les entreprises. La nouvelle version a également pour objectif d’aider les entreprises qui exercent des activités transfrontières à réduire les coûts et les formalités administratives et de soutenir l’innovation. Ce projet instaure également des conditions de concurrence équitables pour les multinationales en Europe en fermant les voies exploitées à des fins d’évasion fiscale. Deux autres propositions visent à améliorer le système existant de règlement des différends en matière de double imposition dans l’Union et à renforcer les clauses anti-abus en vigueur. Prises ensemble, ces mesures devraient permettre de mettre en place un environnement fiscal simple et favorable aux entreprises.

Un projet en deux étapes

Le 15 mars dernier, le Parlement européen a approuvé deux propositions de directive distinctes. La première proposition élaborée par le Conseil concerne une assiette commune pour l’impôt sur les sociétés. La deuxième proposition de directive du Conseil concernant une assiette commune consolidée pour l’impôt sur les sociétés (ACCIS). Elles correspondent aux deux étapes du nouveau projet d’ACCIS qui comporte deux étapes. Dans un premier temps, l’assiette commune sera mise en œuvre. Dans un deuxième temps, la consolidation – une étape plus complexe à mener –, sera mise en place. Il devrait être ainsi plus aisé de mener à bien le processus de négociation, en facilitant des discussions plus constructives et la conclusion plus rapide d’un accord, sans pour autant réduire le niveau global d’ambition. Les avantages de l’ACCIS ne seront pleinement ressentis que lorsque l’assiette commune et la consolidation sont toutes deux mises en œuvre. Néanmoins, l’assiette commune peut être appliquée alors que la consolidation est en cours de négociation ; elle apportera déjà des améliorations à l’environnement fiscal des entreprises dans l’Union. L’assiette commune fixe des règles communes permettant aux entreprises de calculer leurs bénéfices imposables. Les entreprises n’auront dès lors plus besoin de composer avec de nombreuses règles nationales différentes lorsqu’elles exercent des activités transfrontières dans l’Union. Les coûts de conformité et les charges administratives en seront considérablement réduits. L’assiette commune améliorera aussi la transparence et l’efficacité de l’imposition des sociétés dans l’Union. Il ne sera plus possible pour les États membres de dissimuler des éléments de leur assiette fiscale, comme les décisions préférentielles, susceptibles d’entraîner une concurrence fiscale dommageable et le transfert de bénéfices. L’ACCIS permettra également d’éliminer les asymétries et les failles existant entre les systèmes fiscaux nationaux, lesquelles sont souvent exploitées par ceux qui pratiquent la planification fiscale agressive. La consolidation reste néanmoins un objectif concret, qui devrait être poursuivi par le Conseil dès que l’assiette commune est approuvée. Les entreprises ont besoin de la consolidation pour compenser les pertes transfrontières et pour pouvoir déposer une seule et même déclaration d’impôt dans l’Union par l’intermédiaire du système de guichet unique. La consolidation est utile aux État membres pour supprimer le système complexe et contraignant des prix de transfert, qui constitue le principal canal de transfert de bénéfices. La formule de répartition dans le cadre de la consolidation leur est également nécessaire pour établir un lien équitable entre l’endroit où les entreprises réalisent leurs bénéfices dans l’Union et le lieu où ces bénéfices sont imposés.

L’ACCIS en pratique

L’ACCIS fournit un ensemble de règles uniformes pour déterminer la manière dont les bénéfices d’une entreprise seront imposés, une fois les différentes exonérations et déductions comptabilisées. Cette assiette commune garantira par exemple que tous les États membres accordent le même taux d’amortissement pour un actif déterminé ou autorisent les mêmes charges déterminées à être déductibles fiscalement. Les entreprises ne devront se référer qu’à un seul ensemble de règles pour calculer leurs bénéfices imposables et le calcul sera uniforme dans l’ensemble de l’Union. La consolidation permettra à un groupe de cumuler tous les profits et toutes les pertes des entreprises qui le constituent situées dans différents États membres afin de parvenir à un résultat net pour l’ensemble de l’Union. Sur la base de ce chiffre net, les règles prévues dans l’assiette commune seront utilisées pour déterminer le montant final des bénéfices du groupe qu’il convient d’imposer. Une fois que l’assiette imposable de l’entreprise a été déterminée, les bénéfices imposables de celle-ci seront répartis entre les États membres dans lesquels l’entreprise exerce une activité à l’aide d’une formule de répartition. Chaque État membre pourra ensuite appliquer son taux d’imposition national à sa part des bénéfices de l’entreprise. La formule de répartition fonctionnera de la façon suivante.

La part de l’assiette de l’entreprise qu’un État membre peut imposer sera déterminée sur la base de trois facteurs affectés d’une même pondération :

– les actifs que l’entreprise détient dans l’État membre concerné, par exemple des bâtiments, des machines ;

– la main-d’œuvre dont dispose l’entreprise dans l’État membre concerné, par exemple, le nombre de salariés et les coûts salariaux ;

– les ventes effectuées par l’entreprise dans l’État membre concerné. Le facteur concernant les ventes sera calculé sur la base de la destination à savoir le lieu où les marchandises sont vendues/expédiées ou l’endroit où le service est fourni.

Une assiette commune

La proposition de directive du Conseil concernant une assiette commune pour l’impôt sur les sociétés a été approuvée par le Parlement européen par 451 voix pour, 141 contre et 59 abstentions, sous réserve d’un certain nombre d’amendements. Les députés ont souligné que dans un contexte de mondialisation et de numérisation, le capital, en particulier le capital financier et intellectuel, était de plus en plus difficile à tracer et facile à manipuler dans l’optique d’une imposition à la source. La numérisation généralisée de nombreux secteurs de l’économie associée à l’évolution rapide de l’économie numérique remet en question la cohérence des modèles de l’impôt sur les sociétés applicables dans l’Union.

Les députés ont plaidé pour que la directive relative à une assiette commune pour l’impôt sur les sociétés et de la directive relative à une assiette commune consolidée pour l’impôt des sociétés entrent en vigueur de manière simultanée. Une fois mise en œuvre dans tous les États membres, une ACCIS garantirait que les impôts seront payés dans le pays où les bénéfices sont générés et où les entreprises ont un établissement stable. Cette mise en œuvre simultanée permettrait d’assurer le bon fonctionnement du marché intérieur en rendant ce dernier plus résistant face aux mécanismes d’évasion fiscale.

Ils ont notamment souhaité que les règles de la directive s’appliquent à une société constituée conformément à la législation d’un État membre, y compris à ses établissements stables et à ses établissements stables numériques situés dans d’autres États membres, lorsque la société remplit des conditions spécifiques, en particulier lorsqu’elle appartient à un groupe consolidé dont le chiffre d’affaires consolidé total a dépassé 750 millions d’euros au cours de l’exercice précédant l’exercice concerné. Ce seuil devrait être progressivement abaissé à zéro sur une période maximale de sept ans. Autre précision : un contribuable serait considéré comme ayant un établissement stable dans un État membre autre que la juridiction dans laquelle il est résident fiscal lorsqu’il a dans cet autre État membre une installation professionnelle fixe ou une présence numérique par l’intermédiaire de laquelle il exerce tout ou partie de son activité. Si un contribuable résidant dans une juridiction donne accès à une plate-forme numérique ou propose un moteur de recherche ou des services de publicité sur un site internet, il serait réputé disposer d’un établissement stable numérique dans un État membre autre que la juridiction dans laquelle il est résident fiscal si le total des revenus du contribuable tirés d’opérations à distance effectuées dans le cadre de la plate-forme numérique en question est supérieur à 5 millions euros par an dans la juridiction où il ne réside pas, et à condition que le nombre mensuel d’utilisateurs individuels domiciliés dans un État membre autre que la juridiction dont le contribuable est résident fiscal qui se sont connectés à la plate-forme numérique du contribuable soit supérieur ou égal à 1 000. Tout contribuable serait tenu de fournir aux autorités fiscales toutes les informations permettant de déterminer l’établissement stable ou l’établissement stable numérique.

Une assiette consolidée

La proposition de directive du Conseil concernant une assiette commune consolidée pour l’impôt sur les sociétés a été adoptée par le Parlement européen par 438 voix pour, 145 contre et 69 abstentions, là encore sous réserve d’un certain nombre d’amendements. Ils ont notamment précisé que les règles de la directive devraient s’appliquer à une société constituée conformément à la législation d’un État membre, y compris à ses établissements stables et à ses établissements stables numériques situés dans d’autres États membres, lorsque la société remplit des conditions spécifiques, en particulier lorsqu’elle appartient à un groupe consolidé, dont le chiffre d’affaires consolidé total a dépassé 750 millions d’euros au cours de l’exercice précédant l’exercice concerné. Ce seuil devrait être progressivement abaissé à zéro sur une période maximale de sept ans. Les députés ont précisé que l’assiette imposable d’un groupe consolidé serait déterminée comme s’il s’agissait d’une seule entité. À cet effet, l’assiette imposable agrégée du groupe serait recalculée afin de retirer tous les profits et pertes, y compris ceux provenant de toute transaction, de quelque nature que ce soit, effectuée entre deux ou plusieurs entités du groupe. Lorsque l’assiette imposable consolidée est négative, la perte serait reportée en avant et imputée sur la prochaine assiette imposable consolidée positive, pour une période maximale de cinq ans. Concernant la répartition de l’assiette commune consolidée, la Commission suggère que les bénéfices imposables soient partagés entre les différents États membres où l’entreprise exerce ses activités. La formule de répartition se compose de trois facteurs affectés d’une même pondération : chiffre d’affaires, immobilisations et main-d’œuvre. Le Parlement a proposé d’ajouter un quatrième facteur, à savoir la collecte et l’exploitation de données à caractère personnel à des fins commerciales afin de s’assurer que l’ACCIS s’applique également aux activités numériques. Le volume de données collectées serait mesuré à la fin de l’exercice fiscal dans chaque État membre.

Pour compenser les chocs soudains subis par les recettes fiscales des États membres du fait des gains et des pertes fiscaux provoqués par le passage au nouveau régime introduit par la directive, la Commission devrait mettre en place à titre temporaire un mécanisme spécial de compensation, opérationnel dès l’entrée en vigueur de la directive. La compensation serait ajustée chaque année afin de tenir compte des décisions prises au niveau national ou régional avant l’entrée en vigueur de la directive. Le mécanisme de compensation serait financé par l’excédent budgétaire des États membres dont les recettes fiscales augmentent et serait mis en place pour une période initiale de sept ans.

Ces deux résolutions législatives sont désormais transmises au Conseil et à la Commission pour examen.

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