Union européenne : la TVA à l’ère numérique

Obligations déclaratives en matière de TVA, facturation électronique, régime de TVA applicable à l’économie des plateformes, mécanisme d’enregistrement à la TVA unique : une réforme de grande ampleur se prépare au sein de l’Union européenne.
Le plan d’action de la Commission européenne pour une fiscalité équitable et simplifiée a mis en lumière la nécessité de réfléchir à la manière dont la technologie peut être utilisée par les autorités fiscales pour lutter contre la fraude fiscale, aux avantages de la technologie pour les entreprises et à la mesure dans laquelle les règles actuelles en matière de TVA sont adaptées au commerce à l’ère du numérique. Dans le cadre de ce plan, la Commission européenne a proposé une série de mesures visant à moderniser et à rendre le système de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) de l’UE plus efficace pour les entreprises et plus résilient à la fraude (Directive du Conseil modifiant la directive 2006/112/CE en ce qui concerne les règles en matière de TVA adaptées à l’ère numérique).
Lutter contre la fraude à la TVA
La taxe sur la valeur ajoutée (TVA) constitue une source majeure de recettes pour tous les États membres de l’Union européenne. Il s’agit également d’une source essentielle de financement pour le budget de l’Union européenne, dans la mesure où 0,3 % de la TVA perçue au niveau national est transférée à l’Union européenne en tant que ressources propres, ce qui représente 12 % du budget total de l’Union européenne. Or en dépit de l’importance capitale de la TVA dans l’élaboration des politiques budgétaires, le système de TVA est entravé par des méthodes de perception et de contrôle de la TVA qui ne sont pas optimales. Ce système impose également des charges et des coûts de conformité excessifs. En 2020, les États membres ont perdu 93 milliards d’euros de pertes de recettes de TVA d’après les chiffres du rapport sur l’écart de TVA de 2022. L’écart de TVA correspond à la différence globale entre les recettes de TVA attendues sur la base de la législation en matière de TVA et des réglementations accessoires et le montant effectivement perçu. On estime qu’un quart de ces recettes manquantes peut être directement imputé à la fraude à la TVA liée aux échanges intra-Union européenne. L’écart de TVA inclut également les pertes de recettes dues à la fraude à la TVA au niveau national et à l’évasion de la taxe, aux faillites et à l’insolvabilité financière, ainsi qu’aux erreurs de calcul et administratives.
Simplifier le système de TVA
Le système de TVA est non seulement exposé à la fraude, mais il est également devenu de plus en plus complexe et contraignant pour les entreprises. En particulier, les règles de TVA vieilles de 30 ans applicables aux échanges transfrontières ne sont pas adaptées aux activités économiques de l’ère numérique et appellent par conséquent à une réflexion sur la manière dont la technologie peut être utilisée pour réduire les charges administratives et les coûts connexes supportés par les entreprises tout en luttant contre la fraude fiscale.
Les régimes de TVA dans l’Union européenne peuvent encore être contraignants pour les entreprises, en particulier pour les PME, les expansions et les autres entreprises qui exercent des activités transfrontières. Les actions-clés proposées par la Commission européenne devraient permettre aux États membres de percevoir jusqu’à 18 milliards d’euros supplémentaires de recettes de TVA par an (11 milliards d’euros à la suite de mesures anti-fraude) tout en aidant les entreprises, y compris les TPE/ PME, à se développer.
Trois objectifs de réforme
La directive a pour objectif de moderniser les obligations de déclaration en matière de TVA, en introduisant des obligations de déclaration numérique, qui normaliseront les informations que les assujettis doivent communiquer aux autorités fiscales pour chaque opération sous une forme électronique. Dans le même temps, elle imposera le recours à la facturation électronique pour les opérations transfrontières. Elle a également pour ambition de relever les défis de l’économie des plateformes en actualisant les règles de TVA applicables à l’économie des plateformes afin de traiter la question de l’égalité de traitement, en clarifiant les règles relatives au lieu de prestations applicables à ces opérations et en renforçant le rôle des plateformes dans la perception de la TVA lorsque celles-ci facilitent la prestation de services de location de logements de courte durée ou de transport de passagers. Enfin, elle doit permettre d’éviter de devoir procéder à plusieurs enregistrements à la TVA dans l’Union européenne et d’améliorer le fonctionnement de l’outil mis en œuvre pour déclarer et payer la TVA due sur les ventes à distance de bien, en introduisant un système d’enregistrement à la TVA unique. Il s’agit d’améliorer et d’étendre les systèmes existants de guichet unique (OSS)/de guichet unique pour les importations (IOSS) et d’autoliquidation afin de réduire au minimum les cas dans lesquels un assujetti est tenu de s’enregistrer dans un autre État membre.
Vers un reporting numérique en temps réel pour les entreprises qui exercent des activités transfrontières
Parce que la directive TVA date des années 1970, les obligations de déclaration par défaut ne sont pas numériques. Les États membres doivent obtenir une dérogation pour pouvoir adopter des obligations de déclaration numérique fondées sur des obligations en matière de facturation électronique. Or la tendance est à un partage en temps réel avec les administrations fiscales de données fondées sur les opérations, qui reposent souvent sur la facturation électronique. Les dérogations obtenues ont permis à plusieurs États membres d’introduire différents types d’obligations de déclaration numérique, consistant à communiquer des informations aux autorités fiscales, opération par opération. Ces mesures se sont avérées efficaces pour accroître la perception de la TVA, grâce à l’amélioration du contrôle fiscal et à l’effet dissuasif sur le non-respect des règles. L’augmentation correspondante des recettes de TVA de 2014 à 2019 est estimée entre 19 et 28 milliards d’euros dans les États membres qui ont introduit des obligations de déclaration numérique au cours de cette période, ce qui correspond à une augmentation annuelle des recettes de TVA comprise entre 2,6 % et 3,5 %. Le nouveau système introduit une déclaration numérique TVA en temps réel fondée sur la facturation électronique, apte à fournir aux États membres les informations dont ils ont besoin pour intensifier la lutte contre la fraude à la TVA, en particulier la fraude carrousel. Le passage à la facturation électronique contribuera à réduire la fraude à la TVA jusqu’à 11 milliards d’euros par an et à réduire les coûts administratifs et de conformité pour les opérateurs de l’Union européenne de plus de 4,1 milliards d’euros par an au cours des dix prochaines années. Elle veille également à ce que les systèmes nationaux existants convergent à travers l’Union européenne et ouvre la voie aux États membres qui souhaitent mettre en place des systèmes nationaux de déclaration numérique pour le commerce intérieur dans les années à venir.
Mise à jour des règles en matière de TVA pour les opérateurs de l’économie des plateformes
Le second volet de cette proposition de directive cible les plateformes de transport de voyageurs et d’hébergement de courte durée. L’essor du modèle d’affaires de l’économie des plateformes a engendré de nouveaux problèmes pour le système de TVA. Conformément aux règles de TVA, on entend par « assujetti » toute personne physique ou morale qui exerce, d’une façon indépendante, une activité économique. Si les assujettis sont tenus de s’enregistrer à la TVA et de facturer la TVA sur leurs ventes, les particuliers agissant à titre privé ne sont pas considérés comme des assujettis. En outre, les petites entreprises sont exonérées de la TVA en raison d’une mesure de simplification qui les dispense des obligations administratives en matière de TVA. Jusqu’à récemment, il était considéré que les particuliers et les petites entreprises exonérées n’avaient pas d’incidence sur la concurrence sur le marché avec les entreprises enregistrées à la TVA. Mais l’économie des plateformes a introduit de nouveaux modèles d’affaires qui font évoluer cette situation. Les particuliers et les petites entreprises peuvent fournir leurs services en franchise de TVA par l’intermédiaire d’une plateforme et, grâce aux économies d’échelle et à l’effet de réseau, être en concurrence directe avec les fournisseurs traditionnels enregistrés à la TVA. En d’autres termes, un hôtel pourrait, par exemple, être en concurrence avec des listes d’hébergements qui ne facturent pas de TVA sur l’opération. En outre, plusieurs règles de la directive TVA applicables à l’économie des plateformes ont été appliquées différemment par les États membres. Par exemple, les services de facilitation facturés par les plateformes sont considérés comme des services fournis par voie électronique dans certains États membres et comme des services intermédiaires dans d’autres. En outre, les plateformes sont tenues de conserver certaines informations relatives aux opérations qu’elles facilitent et de les mettre à la disposition des États membres sur demande. Toutefois, elles sont confrontées à un certain nombre d’exigences différentes de la part des États membres en ce qui concerne les délais et le format à respecter pour fournir ces informations. Conformément aux nouvelles règles, les opérateurs de l’économie des plateformes de ces secteurs deviendront responsables de la perception et de la remise de la TVA aux autorités fiscales lorsque leurs utilisateurs ne le font pas, par exemple parce qu’il s’agit d’une petite entreprise ou d’un fournisseur individuel. Cette mesure garantira une approche uniforme dans tous les États membres et contribuera à créer des conditions de concurrence plus équitables entre les services d’hébergement et de transport en ligne et à et les acteurs traditionnels du secteur. En outre, elle simplifiera les obligations de conformité des TPE-PME qui doivent actuellement prendre en compte les règles en matière de TVA, souvent dans d’autres États membres.
Introduction d’un enregistrement unique à la TVA dans l’ensemble de l’UE
Les entreprises effectuant des opérations taxées dans d’autres États membres sont toujours confrontées à des charges et à des coûts importants liés au respect des obligations en matière de TVA, ce qui constitue un obstacle au sein du marché unique. Le coût unique minimal de l’enregistrement à la TVA dans un autre État membre est de 1 200 euros. Le coût récurrent minimal, sur une base annuelle, pour le respect des obligations en matière de TVA dans un autre État membre est de 8 000 euros pour une entreprise moyenne et de 2 400 euros pour une PME. Les régimes mis au point ou étendus dans le cadre du paquet sur le commerce électronique entré en vigueur le 1er juillet 2021 ont allégé la charge de l’enregistrement pour les entreprises effectuant des opérations dans des États membres dans lesquels elles ne sont pas établies, évitant ainsi l’obligation pour les fournisseurs/fournisseurs présumés de s’enregistrer à la TVA dans chaque État membre d’établissement de leur client. S’appuyant sur ce modèle « VAT One Stop Shop » déjà existant pour les entreprises d’achat en ligne, la réforme proposée permettrait aux entreprises vendant aux consommateurs dans un autre État membre de ne s’enregistrer qu’une seule fois aux fins de la TVA pour l’ensemble de l’Union européenne et de remplir leurs obligations en matière de TVA via un portail en ligne unique dans une seule langue, ce qui permettrait d’épargner aux entreprises, en particulier aux PME, quelque 8,7 milliards d’euros en frais d’enregistrement et d’administration sur dix ans. Parmi les autres mesures visant à améliorer la perception de la TVA, mentionnons également l’obligation d’importer un guichet unique pour certaines plateformes facilitant les ventes aux consommateurs dans l’Union européenne.
Référence : AJU008t7
