Union européenne : un programme ambitieux en matière de fiscalité des entreprises

Publié le 19/01/2022
Union européenne
Sebestyen Balint/AdobeStock

La Commission européenne se mobilise pour donner un cadre fiscal solide, efficace et équitable aux entreprises.

Pour Paolo Gentiloni, commissaire chargé de l’Économie, « il est temps de repenser la fiscalité en Europe ». Alors que les économies communautaires entament la transition vers un nouveau modèle de croissance, les systèmes fiscaux doivent s’adapter aux priorités du XXIe siècle. Comment penser cette réforme fiscale mondiale ? La Commission européenne s’est emparée de cette question cruciale pour dresser les bases d’une fiscalité pour le XXIe siècle destinée à accroître la transparence fiscale et aider les petites et grandes entreprises à se redresser, à se développer et à investir.

Un cadre fiscal équitable et durable

Pour la Commission européenne, l’Union a besoin d’un cadre fiscal solide, efficace et équitable pour les entreprises, qui soutienne la reprise après la pandémie de Covid-19, supprime les obstacles aux investissements transfrontières au sein du marché unique et crée un environnement propice à une croissance équitable et durable. Elle présente à cet effet sa vision à long terme d’un système fiscal communautaire équitable et durable. La Commission européenne a également dressé un programme fiscal pour les deux prochaines années, assorti de mesures ciblées qui favorisent les investissements productifs et l’esprit d’entreprise et qui garantissent une imposition effective. Ce programme complète les travaux actuellement menés sur la réforme internationale de l’impôt sur les sociétés et apporte des solutions aux problèmes qui sont les plus urgents pour l’UE en matière de fiscalité des entreprises, tout en soutenant les transitions écologique et numérique.

Repenser un système obsolète

Conçu il y a plus d’un siècle, le système international actuel d’imposition des sociétés repose sur des principes jugés obsolètes par la Commission européenne, à savoir la résidence fiscale et la source fiscale. En raison de l’évolution de la mondialisation et de la numérisation, ces principes sont de plus en plus en décalage avec l’économie d’aujourd’hui et ont rendu les règles fiscales de plus en plus difficiles à appliquer aux réalités commerciales modernes. Pour les entreprises exerçant des activités transfrontières sur le marché unique, la multiplicité des règles nationales en matière d’imposition des sociétés est un facteur d’insécurité juridique, notamment pour les PME, les jeunes pousses et les autres entreprises de l’UE qui cherchent à se développer, à s’étendre et à exercer des activités transfrontières. Cette situation est préjudiciable aux investissements et à la croissance ainsi qu’à la compétitivité de l’UE constate la Commission européenne. Elle peut également inciter certaines entreprises à exploiter les failles entre les systèmes fiscaux au moyen de stratégies de planification fiscale agressive, un phénomène susceptible d’impacter la confiance des citoyens de l’Union européenne dans le système fiscal dans son ensemble.

L’initiative « BEFIT »

Le plan proposé par la Commission européenne met en place un nouveau cadre pour la fiscalité des entreprises dans l’UE, qui réduira les charges administratives, supprimera les obstacles fiscaux et favorisera la mise en place d’un environnement plus favorable aux entreprises au sein du marché unique. L’initiative « BEFIT » ou « Entreprises en Europe : cadre pour l’imposition des revenus » fournira à l’UE un corpus réglementaire unique pour l’imposition des sociétés, qui reposera sur la répartition et une assiette fiscale commune. BEFIT constitue une initiative importante relative au marché unique. Elle vise à réduire les formalités administratives et les coûts de conformité, à limiter les possibilités d’évasion fiscale et à soutenir les emplois, la croissance et les investissements sur le marché unique. Cette nouvelle proposition remplacera la proposition pendante d’assiette commune consolidée pour l’impôt sur les sociétés (ACCIS), qui sera retirée.

Favoriser le report en arrière des pertes

À court terme, la Commission proposera une série d’initiatives ciblées visant à résoudre les problèmes actuels en matière de fiscalité des entreprises et à créer un cadre fiscal pour les entreprises qui soit plus stable, plus favorable et plus équitable pour l’avenir. Il s’agira de mieux soutenir les entreprises, en particulier les PME, pendant leur phase de reprise, à l’aide d’une recommandation sur le traitement fiscal des pertes. Cette recommandation invite les États membres à autoriser les entreprises à reporter en arrière les pertes sur l’exercice fiscal précédent au moins. Le report en arrière des pertes présente l’avantage de profiter aux entreprises qui étaient rentables dans les années qui ont précédé la pandémie. Les sociétés qui réalisaient des bénéfices et payaient des impôts au cours des exercices antérieurs à 2020 pourront déduire leurs pertes de 2020 et 2021 de ces impôts. Ainsi, la mesure vise les entreprises dont les difficultés sont la conséquence directe de la pandémie et l’argent public n’est pas dépensé pour tenter d’aider des entreprises privées défaillantes pour des raisons sans rapport avec la crise. Les États membres doivent aussi limiter le montant des pertes reportées en arrière à 3 millions d’€ par exercice fiscal déficitaire. Cette mesure contribuera à créer des conditions de concurrence équitables et à mieux soutenir les entreprises pendant la reprise, et elle sera particulièrement bénéfique pour les PME.

Lutter contre l’endettement et la planification agressive des entreprises

Les règles fiscales actuelles, qui permettent aux entreprises de déduire les intérêts liés au financement par l’emprunt, mais pas les coûts liés au financement sur fonds propres, peuvent favoriser l’endettement des entreprises. La proposition de la Commission tentera de remédier à l’incitation fiscale favorisant l’endettement et contribuer à la ré-actionnarisation des entreprises qui sont financièrement vulnérables en raison de la crise de la Covid-19. La Commission propose également d’assurer une plus grande transparence publique concernant les impôts payés par les entreprises en proposant que certaines grandes entreprises opérant dans l’Union européenne soient tenues de publier leurs taux d’imposition effectifs. Cette proposition permettra au public d’exercer son droit de regard lorsque des stratégies de planification fiscale agressive sont utilisées et donnera aux décideurs politiques un meilleur aperçu de la contribution fiscale des groupes opérant dans l’Union Européenne. Afin de lutter contre l’utilisation abusive de sociétés écrans, la Commission proposera de nouvelles exigences en matière de contrôle et de déclaration pour ces entités.

Pour une fiscalité plus verte

Dans le cadre du pacte vert pour l’Europe, la Commission proposera également de réviser la directive sur la taxation de l’énergie et du mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (CBAM), afin de garantir que la fiscalité et d’autres instruments de tarification soutiennent l’objectif de l’UE consistant à réduire de 55 % les émissions d’ici à 2030 et à devenir neutre pour le climat d’ici à 2050. Une révision de la taxation du tabac permettra aussi de contribuer à une autre priorité importante, à savoir la santé publique. Cette approche multidimensionnelle de la réforme de la fiscalité dans l’UE vise à rendre la fiscalité plus équitable, plus verte et plus adaptée à l’économie moderne et à contribuer à la croissance durable à long terme de l’Europe. En revanche aucune proposition spécifique à la fiscalité de l’économie numérique n’est prévu dans la mesure où si un accord global par consensus est conclu dans le domaine de la fiscalité au sein de l’OCDE, la Commission proposera rapidement des mesures afin de le mettre en œuvre dans l’Union européenne. Par ailleurs, la Commission a été chargée par le Conseil européen de mettre en place une taxe numérique, qui devrait aussi constituer une ressource propre de l’Union Européenne.

L’articulation avec le projet fiscal de l’OCDE

En effet, pour réformer le cadre international de la fiscalité des entreprises, l’OCDE travaille autour de deux grands axes de travail, le pilier 1 relatif à la réattribution partielle des droits d’imposition et le pilier 2 relatif à l’imposition minimale effective des bénéfices des multinationales. Le pilier 1 a pour objectif d’adapter les règles internationales en matière d’imposition des bénéfices des sociétés afin de tenir compte de la nature évolutive des modèles d’affaires, et notamment de la capacité des entreprises à exercer leurs activités sans présence physique. Le pilier 2 s’attache, quant à lui, aux problèmes résiduels liés à l’érosion de la base d’imposition et au transfert de bénéfices et fixera un seuil pour la concurrence fiscale excessive. Il doit garantir que les entreprises multinationales soient soumises chaque année à un niveau minimal effectif d’imposition sur l’ensemble de leurs bénéfices, quel que soit leur lieu d’établissement. Une fois que les deux piliers auront fait l’objet d’un accord global par consensus, la Commission proposera rapidement des mesures afin de les mettre en œuvre dans l’Union européenne.

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