Zone historique protégée et rénovation énergétique : l’équation impossible à Versailles ?
Le secteur du bâtiment a un rôle central à jouer dans l’atteinte de la neutralité carbone à l’horizon 2050. En France, il constitue le deuxième secteur le plus émetteur de gaz à effet de serre. Il représente à lui seul 27 % des émissions de CO2 et près de 45 % de la consommation d’énergie finale d’après les chiffres du ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires. La rénovation énergétique des logements et des bâtiments tertiaires est donc un enjeu prioritaire pour le gouvernement. Tout en agissant concrètement pour le climat, la réalisation de travaux de rénovation énergétique permet d’améliorer le confort des logements et de réduire la facture énergétique des Français.
Les enjeux de la rénovation énergétique dans les Yvelines
La rénovation énergétique correspond donc à un triple enjeu : lutter contre le changement climatique, soutenir le pouvoir d’achat et améliorer la qualité de vie des Français. Et la feuille de route est longue. La France compte près de 5 millions de passoires thermiques, ces biens les plus énergivores, classés F ou G d’après leur diagnostic de performance énergétique. Et 3,8 millions de ménages ont des difficultés à payer leur facture de chauffage. En Île-de-France, 2,3 millions de résidences principales ont un diagnostic de performance énergétique classé E, F ou G, soit 45 % du parc francilien de résidences principales, d’après une étude réalisée sur des données ADEME 2018 par l’Institut Paris Région et l’Insee. Les deux tiers des logements les plus énergivores sont situés à Paris et dans la petite couronne. Il s’agit le plus généralement de logements anciens construits avant 1974, avant les premières réglementations thermiques. La grande couronne n’est pas épargnée par ces difficultés. Le département des Yvelines se mobilise pour y faire face. Depuis plus de 10 ans, le département est engagé dans le programme Habiter Mieux, aux côtés de l’Anah, l’Agence nationale de l’habitat, afin de lutter contre la précarité énergétique en accompagnant les ménages modestes et très modestes dans des travaux de rénovation de leur logement. Plus de 5 000 propriétaires yvelinois en ont bénéficié. Avec le Service d’Accompagnement à la Rénovation Energétique (SARE), il propose désormais un accompagnement à l’ensemble des ménages yvelinois, quelles que soient leurs ressources. Un accompagnement d’autant plus essentiel que le territoire comprend de nombreuses passoires thermiques. D’après une étude réalisée par la plateforme Hello Watt, une start-up spécialisée dans l’accompagnement à la rénovation énergétique réalisée avec des données ADEME 2021 (c’est-à-dire postérieures à la réforme du DPE) la ville de Versailles, avec un taux de 32 % de passoires thermiques, fait partie du classement des dix villes comprenant le plus grand nombre de passoires thermiques en France, derrière des villes comme Vincennes (44 %), Colombes (43 %), Paris (42 %), Saint-Maur-des-Fossés (41 %), Asnières (35 %) ou Levallois-Perret (35 %).
Des mesures contraignantes
Afin de massifier la rénovation des logements et d’accélérer les économies d’énergie, de nouvelles formes d’actions et de financements sont mobilisées. Le gouvernement a également recours à des outils législatifs et réglementaires. À cet effet, il a mis en place un calendrier progressif d’interdiction de location pour les biens classés F ou G. À compter du 1er août 2022, la hausse des loyers des biens classés F et G n’est plus autorisée. En 2023, les biens consommant plus de 450 kWh/m2 par an en énergie finale ne peuvent plus être loués. En 2025, cette interdiction s’étend à tous les logements de la classe G et en 2028, à tous les biens de la classe F. En 2034, elle concernera également les biens classés E. En outre, la loi du 16 août 2022 portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat a durci un certain nombre de dispositifs pour les logements les plus énergivores. Lorsque le bail le prévoit, le loyer d’un logement peut être révisé chaque année, en fonction de la valeur annuelle de l’indice de référence des loyers (IRL). Depuis le 24 août 2022, aucune augmentation de loyer ne peut être pratiquée pour les logements classés F et G. En outre, dans le cadre de l’expérimentation de l’encadrement des loyers, prévue pour une durée de cinq ans par la loi ELAN et prolongée jusqu’en 2026 par la loi dite 3DS du 21 février 2022, qui repose sur un système de loyers références fixés chaque année par arrêté préfectoral, pour les baux signés à compter du 18 août 2022, la loi du 16 août 2022 portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat prévoit qu’aucun complément de loyer ne peut être pratiqué pour les logements les plus énergivores, les biens classés F et G.
Une zone historique protégée très vaste
Face à ces obligations, les propriétaires doivent également composer avec des règles exigeantes en matière de protection des sites, lesquelles peuvent venir compliquer leurs projets de rénovation énergétique. En effet, le site emblématique du Château de Versailles, domaine, inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO, bénéficie d’une protection renforcée afin qu’aucun projet urbain ne vienne lui porter atteinte. Cette zone de protection génère des contraintes en matière de rénovation énergétique pour la ville. En effet, dans le cadre du décret du 15 octobre 1964, un périmètre de protection a été défini, afin de préserver une zone de 5 km de rayon autour du château, complété par une zone de 6 km de longueur selon une ligne fictive tirée dans le prolongement du grand canal, d’une largeur de 2 km au sud et de 3,5 km au nord. Cette zone de protection, dessinée à l’époque d’André Malraux, a une forme très caractéristique dite en « trou de serrure ». Elle a été requalifiée par la loi Liberté de la création, architecture et patrimoine du 7 juillet 2016 en « périmètre délimité des abords » (PDA). Dans ce périmètre, toute demande d’autorisation de travaux est soumise à l’avis conforme de l’architecte des bâtiments de France, dont la mission consiste à préserver la qualité architecturale et paysagère aux abords des monuments historiques. Cette zone correspond à un territoire d’une superficie de 100 km2 autour du domaine de Versailles, qui équivaut à la surface de Paris intra-muros.
Un Site Patrimonial Remarquable
Le Plan de sauvegarde et de mise en valeur (PSMV) fixe les règles d’urbanisme applicables dans le périmètre du Site patrimonial remarquable (SPR) de Versailles. Un SPR permet le classement d’ensembles présentant un intérêt d’un point de vue historique, architectural, archéologique, artistique ou paysager. Ce classement vise à la mise en valeur et la conservation de ces ensembles. Il existe plus de 860 SPR à travers la France. Le SPR de Versailles couvre près de 250 hectares (166 hectares, plus 80 correspondants à l’extension). Situé dans le centre historique de Versailles, le site patrimonial remarquable comprend le quartier Notre-Dame, ancienne Ville Neuve de 1672, et le quartier Saint-Louis, le Parc aux cerfs de 1727. L’extension du SPR a permis d’ajouter à ces deux quartiers les quartiers des Près et de l’Ermitage au nord et la place Charost et les Chantiers à l’est. Dans le périmètre du SPR, deux documents sont applicables, le PSMV, dans l’emprise du SPR originel et le PLU, dans l’extension du SPR. Le PSMV approuvé en 1993, englobe une partie du quartier Notre-Dame au nord, une partie du quartier Saint-Louis au sud ainsi que les bâtiments qui accueillaient sous l’Ancien Régime les écuries royales au centre. La version en vigueur du PSMV de Versailles a été approuvée lors de la modification du 15 décembre 2022.
Un décret pour aménager un régime d’exception
Le décret n° 2022-510 du 8 avril 2022 précise les délais de réalisation de la rénovation énergétique imposée par la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique selon le type de bâtiment. Il liste également les exceptions à cette obligation de rénovation énergétique des bâtiments. Il s’agit notamment des biens pour lesquels des travaux de rénovation performante entraîneraient des modifications de l’état des parties extérieures ou des éléments d’architecture et de décoration de la construction, en contradiction avec les règles et prescriptions prévues pour les monuments historiques classés ou inscrits, les sites patrimoniaux remarquables ou les abords des monuments historiques mentionnés au livre VI du Code du patrimoine, les immeubles ou ensembles architecturaux ayant reçu le label mentionné à l’article L. 650-1 du Code du patrimoine, les sites inscrits ou classés, mentionnés au chapitre Ier du titre IV du livre III du Code de l’environnement. Dans la mesure où la commune de Versailles s’inscrit dans le périmètre délimité des abords du domaine national de Versailles et de Trianon, ses bâtiments entrent dans le cadre de cette exception à la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021. Les propriétaires concernés peuvent donc continuer à louer les biens énergivores sans devoir dans l’immédiat entreprendre d’opérations de rénovation énergétique.
Référence : AJU011u9