Les mécanismes communautaires de l’assistance au recouvrement

Publié le 28/06/2022
Mécanisme
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Si le cadre de l’assistance au recouvrement en matière fiscale mis au point par l’Union européenne a été rendu plus efficace pour faciliter l’action des États membres, une large marge de progression subsiste pour mettre en œuvre de façon optimale ce cadre réglementaire.

Pour les États membres, le recouvrement de l’impôt constitue un enjeu stratégique. L’Union européenne a bâti un cadre particulièrement solide en matière d’assistance internationale dans le champ du recouvrement de l’impôt. Par conséquent, le cadre de l’Union pour l’assistance en matière de recouvrement entre les autorités fiscales de différents États constitue un outil essentiel pour le recouvrement des créances fiscales dans les situations transfrontières. Il permet de garantir que les débiteurs fiscaux ne puissent pas éluder leurs obligations de paiement de l’impôt.

Les progrès de l’assistance au recouvrement

La grande majorité des créances fiscales font l’objet d’un paiement spontané du débiteur dans les temps impartis. Si les impôts ne sont pas acquittés à temps, les administrations fiscales nationales disposent de toute une série de pouvoirs aux fins du recouvrement de ceux-ci. Cependant, les débiteurs fiscaux ou les actifs recouvrables appartenant aux débiteurs peuvent relever de la compétence d’un autre État membre. La réussite de l’assistance internationale au recouvrement dépend alors de l’efficacité des mesures de recouvrement de l’impôt mises en place à l’échelle nationale. La Commission européenne soutient donc les actions des États membres visant à organiser une perception et un recouvrement de l’impôt efficaces et effectifs. L’étude des montants recouvrés entre 2017 et 2019 réalisée par la Commission européenne dans son dernier bilan de l’assistance au recouvrement au niveau communautaire montre que durant la période de trois ans concernée entre 283 et 393 millions d’euros ont été recouvrés au sein de l’Union européenne.

Les prémices

La directive 76/308 du 15 mars 1976 a été le premier texte organisant l’assistance au recouvrement, avec un champ d’application essentiellement limité aux droits de douane, à la TVA et aux droits d’accises. En 2001, un mécanisme européen d’assistance mutuelle, applicable aux impôts sur le revenu, aux impôts sur les sociétés, aux impôts sur la fortune a été adopté. La directive 2008/55 du 26 mais 2008, complétée par le règlement n° 1179/2008 du 28 novembre 2008, avec des précisions pratiques, notamment sur les délais de réponses et la prise en charge des coûts liés au recouvrement de créance, a repris et codifié ces différents éléments. La directive de 1976 présentait des insuffisances contrecarrant une lutte efficace contre la fraude et donc la garantie d’une fiscalité équitable entre assujettis. Les principaux problèmes rencontrés dans la mise en œuvre des accords d’assistance mutuelle (conclus par les États membres, sur la base de la directive) étaient les suivant : une difficulté de localisation des débiteurs dans la Communauté, une disparité des pouvoirs accordés au niveau national en matière de recouvrement, un statut moins protecteur pour les créances des autres États membres par rapport aux créances nationales et complexité des procédures prévues par les accords d’assistance mutuelle. La règle exigeant qu’un État requérant épuise toutes les voies d’exécution avant de formuler une demande en recouvrement constituait un frein. La disposition exigeant que le titre légal permettant l’exécution dans l’État membre requérant soit homologué ou reconnu par l’État requis en était un autre.

Le cadre actuel

La modernisation de l’assistance au recouvrement a véritablement été réalisée dans le cadre de la directive 2010/24/UE. Avec ce texte, le champ d’application de l’assistance au recouvrement est élargi et la poursuite des débiteurs est facilitée. Depuis le 1er janvier 2012, l’assistance mutuelle en matière de recouvrement entre les États membres de l’Union est donc régie par la directive 2010/24/UE du Conseil. Cette directive autorise l’assistance en matière de recouvrement pour tous les impôts, taxes et droits perçus par les États membres et leurs subdivisions territoriales ou administratives. Elle introduit également l’« instrument européen permettant l’adoption de mesures exécutoires dans un autre État membre » comme base unique pour les mesures de recouvrement prises dans l’État membre requis (celui auquel est adressée la demande d’assistance). Des dispositions d’application de l’Union, qui traitent de la communication des demandes et des réponses entre les administrations fiscales compétentes, sont établies dans le règlement d’exécution (UE) n° 1189/2011 de la Commission.

La construction de l’assistance au recouvrement avec les États tiers

La fraude ne s’arrête pas non plus aux frontières de l’Union. La Commission européenne contribue à l’organisation d’une assistance internationale au recouvrement avec les pays tiers. Précisons qu’en 2018, l’Union européenne a signé son premier accord bilatéral relatif à la coopération administrative, la lutte contre la fraude fiscale et le recouvrement des créances dans le domaine de la TVA avec un État tiers, le Royaume de Norvège. Cet accord permet aux États membres et à la Norvège d’utiliser les formulaires électroniques, y compris pour l’assistance au recouvrement de taxes et d’impôts autres que la TVA. Il s’agit d’une étape importante pour l’échange d’information avec les pays tiers.

Une vraie marge de progression

En l’état actuel l’Union européenne a mis en évidence plusieurs points d’amélioration possibles en recensant différentes situations dans lesquelles le recouvrement et l’exécution des demandes d’assistance au recouvrement devraient être optimisés au niveau national. La première de ces situations renvoie aux cas de non-réponse, révélant un manque manifeste de coopération. Il s’agit des cas dans lesquels les autorités requises n’accusent pas réception de la demande d’assistance ou ne fournissent pas de réponses supplémentaires à la demande. Il existe d’autres situations de non-coopération, dues à l’insuffisance ou au manque de clarté des informations et à des problèmes de communication. Il s’agit notamment des situations dans lesquelles les autorités requérantes ne fournissent pas d’informations claires sur leur demande (par exemple, motivation insuffisante ou absente dans une demande de recouvrement relative à une ancienne créance, absence d’explications concernant les informations sur lesquelles la demande est fondée, alors que ces informations seraient utiles pour l’exécution de la demande) ou dans lesquelles les autorités requises ne fournissent pas d’informations claires sur les mesures prises dans l’État membre requis et/ou sur les problèmes qui empêchent ou entravent l’exécution de la demande d’assistance. On recense également des situations d’application incorrecte de la directive relative au recouvrement. C’est le cas lorsque la directive2010/24 n’est pas correctement transposée dans la législation et/ou dans les pratiques administratives de l’État membre requis ou situations relatives à une interprétation erronée de la directive. On peut également rencontrer des situations dans laquelle la législation ou les pratiques nationales mises en place sont insuffisantes. Le cadre juridique ou les pratiques dans l’État membre requis ne leur permet pas de fournir une assistance au recouvrement aux autres États membres. Ces différentes situations peuvent être directement ou indirectement discriminatoires et avoir des conséquences négatives pour la perception de l’impôt et le fonctionnement du marché intérieur. Bien que les montants effectivement recouvrés soient considérables, les problèmes signalés montrent qu’il existe une vraie marge de progression en matière d’assistance au recouvrement : un enjeu qui nécessite une coopération des États membres avec la Commission pour mettre en œuvre les mesures d’assistance au recouvrement, de manière encore plus proactive.

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