Transparence et gouvernement d’entreprise dans l’Acte uniforme révisé relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique

Publié le 24/01/2020

L’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique du 17 avril 1997 a été révisé en 2014. Cette réforme a pour objectif d’améliorer le texte précédent en réponse aux critiques formulées à son encontre. Elle a aussi pour ambition d’instaurer une meilleure gouvernance des entreprises. C’est une nouvelle vision du droit des sociétés qui apparaît ainsi, marquée du sceau de l’éthique dans la direction des sociétés. Reprenant à leur compte les principes de corporate governance (gouvernement d’entreprise), les rédacteurs de l’Acte uniforme révisé ont franchi un grand pas dans la réalisation de l’objectif d’attirer les investisseurs dans les États membres de l’OHADA. Investir est un risque. Pour mettre en confiance les investisseurs, la transparence est renforcée comme le montre cette étude consacrée à la transparence dans le gouvernement des entreprises. Étude qui analyse les textes s’y rapportant en vue de mesurer leur efficacité, mettant le doigt sur leurs insuffisances et proposant des solutions afin de contribuer à l’amélioration de ce droit qui est au service de l’économie.

Qu’est-ce que la transparence ? La transparence est le substantif du verbe transparaître qui signifie « paraître au travers de quelque chose ». La transparence est la qualité de ce qui laisse paraître la réalité tout entière, de ce qui exprime la vérité sans l’altérer. La transparence est synonyme de vérité, de clarté et antinomique de l’opacité, de l’obscurité, de ce qui est caché, de ce qui est trouble. À n’en pas douter, la transparence est une qualité ! C’est aussi un concept en droit1. Elle est recherchée dans plusieurs domaines de la science juridique. Elle figure ainsi parmi les principes directeurs du contrat2. Elle n’est pas absente du droit de la famille3.

Elle occupe une place importante en droit des sociétés. C’est une exigence des principes de gouvernement d’entreprise tels qu’ils furent dégagés en droit américain et anglais – précurseurs en la matière – puis étendus au droit français4, chinois, japonais5… et au droit OHADA. En effet, l’organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires, pour répondre aux besoins des opérateurs économiques de la zone OHADA a intégré de nouvelles normes en matière de gouvernement d’entreprise6. Les rédacteurs de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés et du groupement d’intérêt économique ont pris conscience de la nécessité d’améliorer la gouvernance des entreprises dans plusieurs directions : l’équilibre des pouvoirs, le contrôle du pouvoir exécutif, la démocratie, c’est-à-dire la participation effective des associés dans la prise des décisions, l’intégrité des dirigeants, leur diligence et leur loyauté et bien sûr la transparence dans la gestion. En effet, l’Acte uniforme sur les sociétés, dans sa nouvelle version, prend en compte l’exigence de transparence dans un souci de bonne gouvernance. C’est cet aspect, qui recouvre un certain nombre des exigences précédentes, qui fait l’objet de notre réflexion.

Cette étude, nous l’espérons, aura une large portée. En effet, à l’heure de la mondialisation, le droit n’échappe pas à l’exigence partagée que les entreprises soient bien gouvernées eu égard aux conséquences de la « mal gouvernance » comme nous le rappelle la crise financière et économique de 2008…

La transparence n’est qu’un aspect du gouvernement d’entreprise. Mais qu’est-ce que le gouvernement d’entreprise ?

La réponse est malaisée car il n’en existe pas à proprement parler une définition. Certains le considèrent comme un concept : « Le gouvernement d’entreprise est un concept permettant d’organiser l’exercice du pouvoir et son contrôle dans l’entreprise »7. D’autres comme une idéologie : « L’idéologie de la bonne gouvernance d’origine anglo-saxonne, tend à appréhender la gestion, aussi bien des institutions publiques que des personnes privées sous l’angle de l’efficacité économique, de la transparence et des procédures participatives, dans un contexte économique libéralisé »8. D’autres comme un « phénomène qui a d’abord été conçu pour protéger les investisseurs »9.

Le gouvernement d’entreprise qui est la traduction du vocable « corporate governance »10 se définit par ses objectifs, à savoir, préciser les bonnes pratiques en matière de gestion des entreprises cotées en Bourse11, s’assurer que les sociétés sont gérées dans l’intérêt commun des actionnaires et non dans celui particulier des dirigeants12.

Sans doute, l’histoire pourrait éclairer la notion de gouvernement d’entreprise.

Comme l’écrivait André Tunc, depuis le début des années 1970, l’organisation du pouvoir dans les sociétés anonymes a suscité de vives discussions aux États-Unis puis au Royaume-Uni13. Les dirigeants de ces sociétés, en l’occurrence les directors, étaient contestés, leur utilité étant remise en cause du fait de leur léthargie ayant entraîné de nombreuses malversations au sein des sociétés sans qu’ils l’aient su. Cela conduisit à une « sorte de révolution culturelle »14, l’idée étant qu’il faut distinguer les managers et les directeurs, ces derniers devant contrôler les premiers. Les sociétés cotées étaient principalement visées. Le gendarme de la bourse, la Securities and exchange commission (SEC) exigea la création de trois comités : un comité d’audit, un comité de nomination et un comité de rémunération.

Aux États-Unis, les différentes réflexions se traduisirent par un document : les Principles of corporate governance en 1994, élaborés par l’American law Institute (ALI), institut privé américain regroupant d’éminents juristes de différentes professions : professeurs d’université, avocats, magistrats, etc.). « Ces principes traduisaient juridiquement la recherche d’une meilleure rentabilité des capitaux investis (shareholder value), d’une plus grande transparence de la gestion des dirigeants, et d’une moralisation dans la conduite des sociétés »15.

Cette réflexion s’est répandue dans certains pays européens, notamment au Royaume-Uni où furent publiés successivement, en 1992 le rapport Cadbury16, en 1995 le rapport Greenbury17, en 1998 le rapport Hampel18. Ces différents rapports furent regroupés en 2003 dans un texte unique : The combined code of corporate governance.

En droit français, la loi sur les nouvelles régulations économiques du 15 mai 2001 traduisit la réflexion sur le gouvernement d’entreprise. Celle-ci avait été menée par des groupes de travail émanant d’organisations patronales, notamment le groupe présidé par Marc Viénot qui élabora deux rapports : en 1995, un rapport relatif à la nomination d’administrateurs indépendants et à la création de comités spécialisés et en 1999 un rapport recommandant la publicité des rémunérations des dirigeants et la dissociation des fonctions de président du conseil d’administration et de directeur général.

Il faut souligner que les réflexions sur le gouvernement d’entreprise et les recommandations ou les règles en découlant concernent essentiellement les sociétés cotées en Bourse. Ce n’est pas un hasard compte tenu de l’importance des capitaux que sollicitent et brassent ces sociétés et la nécessité d’avoir la confiance des investisseurs.

C’est à ces mêmes sociétés mais aussi aux sociétés non cotées que s’adressent les textes de l’Acte uniforme sur les sociétés19 commerciales et du groupement d’intérêt économique dans l’espace OHADA dans sa version remaniée, adopté le 30 janvier 2014 à Ouagadougou, entré en vigueur le 5 mai 2014 (nous l’évoquerons sous l’appellation « Acte uniforme révisé » ou AU révisé).

L’Acte uniforme dans sa nouvelle version prend en compte l’exigence de transparence dans un souci de bonne gouvernance.

Au demeurant, il importe d’examiner en quoi consiste cette exigence de transparence et si elle est efficace. Autrement dit quels en sont le domaine et la portée.

I – Domaine de la transparence

L’information est au cœur de la transparence. La transparence consiste à communiquer un certain nombre d’informations.

La transparence, quelle que soit la matière, est liée à la confiance. Confiance des contractants, confiance des époux, confiance des partenaires… En droit des sociétés, à une grande échelle, il s’agit de susciter la confiance des investisseurs. Comme le souligne un auteur20, « pour accroître la confiance des investisseurs, il convient de leur assurer une certaine protection sur les marchés de capitaux, laquelle résulte des informations qui leur sont fournies sur les émetteurs à la recherche de capitaux. Ces informations servent aussi de fondement à la prise de décision d’investissement par les investisseurs qui peuvent convenablement appréhender les risques auxquels ils s’exposent ». À plus petite échelle, elles permettent d’augmenter la confiance des actionnaires.

Dès lors, s’interroger sur le domaine de la transparence revient à poser ces questions : qui sont les auteurs de l’information ? Les destinataires ? Et quel est le contenu de l’information ?

A – Les auteurs de l’information

Il est important de connaître ceux sur qui pèse l’obligation d’information car en cas de manquement à cette obligation, leur responsabilité peut être engagée.

Dans le cadre de l’entreprise, plus précisément de son gouvernement, les personnes concernées sont tout naturellement les dirigeants sociaux. Cependant, ils ne sont pas les seuls car certains organes de contrôle, notamment les commissaires aux comptes doivent communiquer un certain nombre d’informations. À ces organes viennent s’ajouter, lorsqu’ils existent, les comités spécialisés de la société tels que le comité d’audit et le comité de rémunération.

1 – Les dirigeants sociaux

Les principes de gouvernement d’entreprise concernent en priorité les grandes entreprises, principalement celles dont les titres sont cotés en Bourse. Il faut toutefois relativiser et ne pas mépriser les petites et moyennes entreprises. Il n’est donc pas surprenant que certaines exigences ayant trait à l’information les concernent. Ainsi, les dirigeants sociaux auteurs d’information, sur qui pèsent le devoir de transparence, sont les dirigeants des grandes entreprises mais aussi ceux des petites et moyennes entreprises.

a – Les dirigeants de grandes entreprises

Les grandes entreprises adoptent généralement la structure de société anonyme au Sénégal tout comme en France. Il s’y ajoute la forme de société par action simplifiée (SAS) qui a vu le jour en France en 199421 et qui est prévue dans la nouvelle version de l’Acte uniforme sur les sociétés dans l’espace OHADA. Les dirigeants sociaux sont les suivants :

  • dans la société anonyme (SA) : Le directeur général22, le président-directeur général23, les administrateurs24, le président du conseil d’administration25, l’administrateur général26 ;

  • dans la SAS cela dépendra des statuts : président27, directeur général, directeur général adjoint28.

b – Les dirigeants de petites et moyennes entreprises

Elles revêtent la forme de société à responsabilité limitée (SARL)29, de société en commandite simple (SCS)30 et de société en nom collectif (SNC)31. Elles sont dirigées par un ou plusieurs gérants.

2 – Les commissaires aux comptes

Le contrôle est exercé, dans chaque SA, par un ou plusieurs commissaires aux comptes32. Les fonctions de commissaire aux comptes sont exercées par des personnes physiques ou par des sociétés constituées par ces personnes physiques sous l’une des formes prévues par le présent Acte uniforme33.

Les commissaires aux comptes ont un devoir d’information. Chargés du contrôle des comptes de la société, ils doivent présenter aux associés réunis en assemblée générale un rapport et signaler les anomalies et, le cas échéant, saisir la justice.

3 – Les comités

L’ancien article 437 de l’Acte uniforme sur les sociétés prévoyait que le CA pouvait conférer à un ou à plusieurs de ses membres tous mandats spéciaux pour un ou plusieurs objets déterminés.

L’Acte uniforme sur les sociétés, dans sa nouvelle version, permet la création des comités, composés d’administrateurs, au sein du CA et sous la direction d’un administrateur afin de traiter d’aspects particuliers de la vie de la société. Cela permettrait en effet à la société de bénéficier de l’expertise des membres du comité sur des questions particulières et de favoriser la spécialisation et une meilleure affectation des compétences au sein du conseil d’administration.

Ainsi, selon l’article 437, alinéa 2 : « Il [le conseil d’administration] peut décider la création de comités composés d’administrateurs chargés d’étudier les questions que lui-même ou son président soumet, pour avis à leur examen. Il fixe la composition et les attributions des comités qui exercent leur activité sous sa responsabilité ».

Alinéa 3 : « Lors de la création d’un comité, le conseil d’administration peut décider que le comité peut recueillir l’avis d’experts non administrateurs ».

l’Acte uniforme sur les sociétés dans sa nouvelle version prévoit aussi la présence obligatoire des comités d’audit34 dans les sociétés cotées35 afin d’assurer une meilleure gouvernance des sociétés.

L’article 829-1 nouveau précise les sociétés concernées, la composition des comités d’audit et leur mission.

« 1 : Le CA des sociétés visées aux articles 828 à 853 du présent Acte uniforme est obligatoirement doté d’un comité d’audit » (autrement dit les sociétés anonymes faisant appel public à l’épargne pour le placement de leurs titres dans un ou plusieurs États parties ou dont les titres sont inscrits à la bourse des valeurs d’un ou plusieurs États parties).

« 2 : Le comité d’audit est exclusivement composé d’administrateurs non salariés de la société ou n’exerçant aucun mandat de PDG., DG ou DG adjoint au sein de la société » (on reconnaît là l’administrateur indépendant). « Le CA s’assure de la compétence des administrateurs qu’il nomme membres du comité d’audit ».

« 3 : Le comité d’audit a pour missions essentielles de :

  • procéder à l’examen des comptes et s’assurer de la pertinence et de la permanence des méthodes comptables adoptées pour l’établissement des comptes consolidés et sociaux de l’entreprise ;

  • assurer le suivi du processus d’élaboration de l’information financière ;

  • assurer le suivi de l’efficacité des systèmes de contrôle interne et de gestion des risques ;

  • émettre un avis sur les commissaires aux comptes proposés à la désignation par l’assemblée générale. 

Il rend compte régulièrement au conseil d’administration de l’exercice de ses missions et l’informe sans délai de toute difficulté rencontrée.

L’information émanant des comités, eu égard à la mission, est particulièrement importante ».

B – Destinataires de l’information

L’information est destinée aux organes de la société : associés, dirigeants sociaux, commissaires aux comptes… et aux tiers.

1 – Les organes sociaux

a – Les associés

Dans une conception contractuelle de la société, les dirigeants sociaux sont les mandataires des associés. À ce titre, ils doivent leur rendre compte. Ainsi le droit à l’information des associés serait fondé sur leur qualité de mandant envers les dirigeants sociaux. Un tel fondement vaut pour les petites et moyennes entreprises mais a fait long feu s’agissant des grandes entreprises qui revêtent la forme de sociétés par actions dans lesquelles les actionnaires sont plutôt des investisseurs qui placent leurs capitaux avec le souci de leur rentabilité dans plusieurs sociétés ; c’est au demeurant le souci de cette rentabilité qui les conduit à exiger des dirigeants une gestion, diligente, efficace, bref une bonne gestion. Le contrôle des comptes par les commissaires aux comptes et le comité d’audit lorsqu’il existe va dans ce sens.

b – Les dirigeants sociaux

A priori, les dirigeants sont censés être les mieux informés sur la société qu’ils dirigent et représentent (son présent, son avenir, ses difficultés…). Pourtant, ils ont le devoir de s’informer et le droit d’être informés. Leur degré d’information est lié à leurs attributions qui ne sont pas les mêmes dans la SA. Ainsi le directeur général et le président-directeur général représentent la société auprès des tiers et doivent rendre compte de leur mission aux membres du conseil d’administration qui les nomme et les contrôle. Le président-directeur général est tenu de communiquer à chaque administrateur tous les documents et informations nécessaires à l’accomplissement de sa mission36, cette mission consistant à présider le conseil d’administration et les assemblées générales37, à assurer la direction générale de la société et à représenter celle-ci dans les rapports avec les tiers38. Le président du conseil d’administration a, lui aussi, une mission de contrôle. Par conséquent, l’information doit circuler au sein même de la direction.

Il s’y ajoute les informations que les comités doivent adresser au conseil d’administration.

c – Les commissaires aux comptes

Les commissaires aux comptes ont un droit à l’information très large : « À toute époque de l’année, le commissaire aux comptes opère toutes vérifications et tous contrôles qu’il juge opportuns et peut se faire communiquer, sur place, toutes pièces qu’il estime utiles à l’exercice de sa mission et notamment tous contrats, livres, documents comptables et registres de procès-verbaux »39. « Le commissaire aux comptes peut également recueillir toutes informations utiles à l’exercice de sa mission auprès des tiers qui ont accompli des opérations pour le compte de la société »40. En outre, sa présence aux assemblées générales est une source d’information pour lui41, de même que celle au conseil d’administration qui arrête les comptes de l’exercice42.

Leur droit à l’information se justifie par leur mission43 en tant qu’organe de contrôle de la société. Sur cette base ils pourront certifier que les dirigeants exercent leurs fonctions conformément aux exigences légales.

2 – Les tiers

En l’occurrence certains sont des partenaires de l’entreprise : fournisseurs, clients, banque… d’autres sont des entités étatiques, enfin, il y a le public.

L’information est particulièrement importante pour eux. Ainsi pour les banques, l’octroi d’un prêt est subordonné à l’assurance d’être remboursées. Certes l’exigence de sûretés est une garantie mais il s’y ajoute la connaissance de la situation réelle de l’entreprise bénéficiaire.

Pour les fournisseurs aussi, la surface financière de l’entreprise doit être prise en compte. Étant dans une situation contractuelle, la transparence de leur vis-à-vis renforce leur position, leur capacité de négocier. Cela vaut également et sans doute encore plus pour les clients car ils sont en position de faiblesse et, comme l’indique un auteur, la publicité « vise à protéger celui des contractants qui se trouve dans une position défavorable en raison de sa faiblesse, de son ignorance et de son manque d’expérience »44.

Quant aux entités étatiques, il s’agit principalement de l’administration fiscale, du Conseil régional de l’épargne publique et des marchés financiers (CREPMF) qui est l’Autorité des marchés financiers de l’Union économique et monétaire ouest africaine45, du ministère public46.

Enfin, le public. L’Acte uniforme contient des dispositions pour les sociétés faisant appel public à l’épargne : le public doit être informé par voie de presse notamment par les journaux d’annonces légales. « Pour l’information du public sur l’émission d’actions projetée, sont établies des circulaires qui reproduisent les énonciations de la notice prévue à l’article 826 du présent Acte uniforme »47. « Les circulaires doivent, en outre, exposer les projets des fondateurs quant à l’emploi des fonds provenant de la libération des actions souscrites »48. « Les affiches et les annonces dans les journaux reproduisent les mêmes énonciations ou au moins un extrait de ces énonciations, avec référence à la notice et indication du numéro des journaux habilités à recevoir les annonces légales dans lesquels elle a été publiée »49. « Les circulaires informant le public de l’émission d’actions reproduisent les énonciations de la notice prévue à l’article 833 du présent Acte uniforme… »50.

Ces différentes personnes, physiques ou morales ne vont pas recevoir les mêmes informations. Le contenu de l’information varie en fonction de ses destinataires.

C – Contenu de l’information

L’information concerne la société et ses dirigeants.

1 – Informations sur la société

Certaines informations décrivent la société : la dénomination sociale, la forme de la société51, etc. Elles sont utiles, notamment pour le public en cas d’appel public à l’épargne. Mais les plus importantes sont celles relatives à la situation financière et aux perspectives de la société.

a – Situation financière

C’est une information fondamentale. Elle intéresse les associés, d’où leur information notamment au cours de l’assemblée générale annuelle, mais aussi ceux qui veulent devenir associés.

L’information sur la situation financière des sociétés est primordiale pour les investisseurs. Comme l’indique un auteur, « une fois connue la situation financière des sociétés cherchant à lever des fonds auprès du public, les investisseurs sont mis en possession des informations appropriées et sont ainsi en mesure de comparer les investissements possibles, de procéder à une évaluation convenable des risques qu’ils courent et d’effectuer des choix de placements rationnels »52.

L’information doit refléter la réalité, d’où le contrôle des commissaires aux comptes. Comme l’exige l’article 140 AU révisé : « Dans les sociétés anonymes, les sociétés par actions simplifiées et le cas échéant dans les sociétés à responsabilité limitée, les états financiers de synthèse annuels et le rapport de gestion sont adressés aux commissaires aux comptes, quarante-cinq jours au moins avant la date de l’assemblée générale ordinaire.

Ces documents sont présentés à l’assemblée générale de la société statuant sur les états financiers de synthèse qui doit obligatoirement se tenir dans les six mois de la clôture de l’exercice ».

La situation financière de la société est communiquée aux commissaires aux comptes par les dirigeants afin qu’ils en certifient la véracité. Selon l’article 711 AU révisé, « dans son rapport à l’assemblée générale ordinaire, le commissaire aux comptes, à la lumière des éléments probants obtenus :

  • 1°) soit conclut que les états financiers de synthèse sont réguliers et sincères et donnent une image fidèle du résultat des opérations écoulées ainsi que de la situation financière et du patrimoine de la société à la fin de cet exercice ;

  • 2°) soit exprime, en la motivant, une opinion avec réserves ou défavorable ou indique qu’il est dans l’impossibilité d’exprimer une opinion ».

Selon l’article 713, « le commissaire aux comptes vérifie la sincérité et la concordance avec les états financiers de synthèse, des informations données dans le rapport de gestion du conseil d’administration ou de l’administrateur général, selon le cas, et dans les documents sur la situation financière et les états financiers de synthèse de la société adressés aux actionnaires.

Il fait état de ces observations dans son rapport à l’assemblée générale annuelle ».

Selon l’article 716, « le commissaire aux comptes signale, à la plus prochaine assemblée générale, les irrégularités et les inexactitudes relevées par lui au cours de l’accomplissement de sa mission ».

En outre, il révèle au ministère public les faits délictueux dont il a eu connaissance dans l’exercice de sa mission… ».

Les informations transmises par le commissaire aux comptes sont sensibles et requièrent certaines qualités de sa part : la sincérité et le courage. Pour l’encourager dans cette voie, le législateur OHADA prévoit dans l’article 726 que le commissaire aux comptes n’est pas responsable des dommages causés par les infractions commises par les membres du conseil d’administration ou par l’administrateur général, selon le cas, sauf si en ayant eu connaissance, il ne les a pas révélées dans son rapport à l’assemblée générale ».

b – Perspectives de la société

Selon l’article 138, « le gérant ou le conseil d’administration ou l’administrateur général, selon le cas, établit un rapport de gestion dans lequel il expose la situation de la société durant l’exercice écoulé, son évolution possible et en particulier les perspectives de continuation de l’activité, l’évolution de la situation de trésorerie et le plan de financement ».

Lorsque les dirigeants projettent d’effectuer certaines opérations telles que le changement de siège social, ou encore une fusion qui vont changer le cours de la vie sociale, ils doivent en informer les associés. Ces informations sont le prélude nécessaire à la prise de décision par les associés réunis en assemblée générale extraordinaire. Ainsi pour les fusions, l’article 671, alinéa 3 dispose que le conseil d’administration de chacune des sociétés participant à l’opération établit un rapport qui est mis à la disposition des actionnaires. L’alinéa 4 précise que « ce rapport explique et justifie le projet, de manière détaillée, du point de vue juridique et économique, notamment en ce qui concerne le rapport d’échange des actions et les méthodes d’évaluation utilisées, qui doivent être concordantes pour les sociétés concernées ainsi que le cas échéant, les difficultés particulières d’évaluation ».

Tout associé peut, deux fois par exercice, poser des questions écrites au président-directeur général, au directeur général ou à l’administrateur général sur tous faits de nature à compromettre la continuité de l’exploitation (art. 526, al. 2). Il est certain que les actionnaires pourront obtenir par ces questions écrites des réponses plus complètes que par les questions orales posées en cours d’assemblée53.

Les commissaires aux comptes ont eux aussi un devoir d’alerte. L’article 150 l’évoque pour les sociétés autres que les sociétés par actions : le commissaire aux comptes demande au gérant des explications sur tout fait de nature à compromettre la continuité de l’exploitation qu’il a relevé lors de l’examen des documents qui lui sont communiqués ou dont il a connaissance à l’occasion de sa mission. Par la suite, le commissaire aux comptes doit informer la juridiction compétente de ses démarches.

Pour les sociétés par actions (sociétés anonymes et sociétés par actions simplifiées), le commissaire aux comptes peut aussi engager une procédure d’alerte en demandant des explications au président du conseil d’administration, au président-directeur général ou à l’administrateur général, selon le cas, sur tout fait de nature à compromettre la continuité de l’exploitation qu’il a relevé lors de l’examen des documents qui lui sont communiqués ou dont il a connaissance à l’occasion de sa mission conformément à l’article 152.

Lorsque la société fait appel public à l’épargne, le public doit être informé sur la situation financière, l’activité et les perspectives de l’émetteur (art. 86).

2 – Informations sur les dirigeants

Le choix des dirigeants sociaux exige la communication d’informations afin de jauger leur compétence. Les associés ont le droit de se faire communiquer des renseignements concernant les candidats au conseil d’administration ou au poste d’administrateur général (art. 525, 3°).

La rémunération des dirigeants fait l’objet d’une attention particulière. C’est sans doute l’information la plus sensible. Selon l’article 525-5°, dans son ancienne version, tout actionnaire a le droit de prendre connaissance au siège social du montant global certifié par les commissaires aux comptes des rémunérations versées aux dix ou cinq dirigeants sociaux et salariés les mieux rémunérés selon que l’effectif de la société excède ou non deux cents salariés.

C’était donc une information globale et non individualisée qui n’était pas vraiment significative. En effet, il peut y avoir des écarts dans les rémunérations, et surtout il n’y avait pas d’information précise sur la nature des rémunérations ni les raisons de leur attribution. Sous une apparente transparence l’opacité demeurait. Le texte est désormais modifié dans un sens favorisant la transparence. Cependant, il convient de mesurer la portée de la transparence adoptée dans l’Acte uniforme révisé.

II – Portée de la transparence

La transparence, instrument essentiel de la bonne gouvernance telle qu’elle a été décrite, a-t-elle atteint son objectif ? Tout en réglant certains problèmes, elle en suscite d’autres (A), d’où la nécessité de son amélioration (B).

A – Problèmes soulevés par la transparence

Il s’agit principalement de la transparence quant à la rémunération des dirigeants sociaux (1), des effets pervers de la transparence (2) et de son inefficacité (3).

1 – Rémunération des dirigeants sociaux

La transparence n’existait pas réellement au vu de l’article 525-5°. En effet les actionnaires n’étaient pas informés de manière pertinente sur la rémunération des dirigeants sociaux. L’Acte uniforme, dans sa nouvelle version, préconise dans l’article 831-3 une information réelle de la rémunération de chaque mandataire social (a). Mais cela soulève le problème d’une possible atteinte à leur vie privée (b).

a – Divulgation individualisée de la rémunération des dirigeants sociaux

Pour éviter des rémunérations excessives, l’Acte uniforme révisé permet aux actionnaires de prendre connaissance de la rémunération de chaque mandataire social. Ainsi, selon l’article 831-3, « le rapport visé à l’article précédent54 présente en outre les principes et les règles arrêtés par le conseil d’administration pour déterminer les rémunérations et avantages de toute nature accordés aux mandataires sociaux ».

Ce rapport rend également compte de la rémunération totale et des avantages de toute nature versés durant l’exercice à chaque mandataire social, y compris sous forme d’attribution de titres de capital, de titres de créances ou de titres donnant accès au capital ou donnant droit à l’attribution de titres de créances.

Il indique le montant des rémunérations et des avantages de toute nature que chacun de ces mandataires a reçu durant l’exercice.

Il décrit en les distinguant les éléments fixes, variables et exceptionnels composant ces rémunérations et avantages ainsi que les critères en application desquels ils ont été calculés ou les circonstances en vertu desquelles ils ont été établis. Il indique également les engagements de toute nature pris par la société au bénéfice de ses mandataires sociaux, correspondant à des éléments de rémunération des indemnités ou des avantages dus ou susceptibles d’être dus à raison de la prise, de la cessation ou du changement de ces fonctions ou postérieurement à celles-ci. L’information donnée à ce titre doit préciser les modalités de détermination de ces engagements. Hormis les cas de bonne foi, les versements effectués et les engagements pris en méconnaissance du présent alinéa peuvent être annulés.

b – Atteinte à la vie privée

La divulgation par les dirigeants de leur rémunération peut porter atteinte à leur vie privée si l’on considère que la rémunération est un élément de la vie privée. La publicité des rémunérations est une question délicate. En effet, généralement, les gens ont une certaine réticence à dévoiler leurs revenus.

L’Acte uniforme sur les sociétés dans l’espace OHADA a prévu comme nous l’avons vu une divulgation des rémunérations et les textes remaniés vont encore plus loin en individualisant cette divulgation55. Se pose alors la question de l’atteinte à la vie privée des personnes concernées.

L’exigence de divulgation des revenus, par la loi ou les codes de bonne conduite, peut être perçue comme une atteinte à la vie privée56. Au demeurant, les revenus font partie du patrimoine de la personne.

Comme l’indique un auteur57, chacun a droit au respect de sa vie privée. Ce droit couvre la vie personnelle et familiale et – sauf fortune et infortune notoire – la situation patrimoniale de ses titulaires. Il est susceptible de s’étendre à leur activité professionnelle et aux revenus qu’ils en tirent.

La jurisprudence française s’est prononcée dans ce sens. Ainsi la Cour de cassation française considère que le salaire de celui qui n’est pas une personne publique et ne jouit d’aucune notoriété particulière relève de sa vie privée58.

La Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) s’est aussi prononcée. Dans l’arrêt CEDH du 21 janvier 199959, elle affirme que les questions patrimoniales concernant une personne menant une vie publique, tel un dirigeant d’une grande entreprise, ne relèvent pas du domaine de la vie privée.

Par conséquent le caractère privé de la rémunération dépend de la notoriété de la personne !

Il faut cependant, de notre point de vue, privilégier l’intérêt social qui est protégé par la transparence sur la protection de la vie privée d’un dirigeant, fût-il un dirigeant peu connu.

La jurisprudence française comme européenne revient à utiliser la transparence comme un moyen de satisfaire une curiosité de mauvais aloi du public envers des personnes que l’on pourrait qualifier de « people ».

2 – Effets pervers de la transparence

À propos de la transparence de la rémunération, le professeur Philippe Merle60 relève que celle-ci « a eu un grave effet pervers : les dirigeants de sociétés cotées ont en effet souhaité, compte tenu de leur compétence, du poids de leur société… que leur rémunération soit calée sur celle de leurs collègues les mieux dotés ! En outre, ils doivent penser que cette publicité a un effet absolutoire même lorsque le montant de leur rémunération est très élevé… ».

Autre effet pervers : la transparence peut profiter aux concurrents de la société et lui porter préjudice. Comme le souligne un auteur61, la publicité d’informations peut révéler aux concurrents des informations sur la situation stratégique ou financière de l’émetteur d’où la réticence de certains émetteurs à publier des informations.

Certes, il y a des garde-fous : ainsi l’article 717 astreint le commissaire aux comptes et ses collaborateurs au secret professionnel pour les faits, actes et renseignements dont ils ont pu avoir connaissance en raison de leurs fonctions.

Cependant, il existe des informations qui sont stratégiques pour l’entreprise et qui ne relèvent pas du secret des affaires. Les concurrents qui s’en servent ne peuvent être accusés de faire de la concurrence déloyale dès lors que ces informations n’ont pas été obtenues par des procédés déloyaux. Ainsi, d’un point de vue économique et financier, trop de transparence peut nuire à l’entreprise car le marché est concurrentiel et l’entreprise qui est affaiblie peut disparaître purement et simplement avec les lourdes conséquences économiques et sociales que l’on sait.

3 – Inefficacité de l’information

Elle vient de la pléthore d’informations : les informations que doivent communiquer aux associés les dirigeants et les commissaires aux comptes sont nombreuses. Le problème vient du fait que les associés ne lisent pas toujours ces informations ou, s’ils le font, ne les comprennent pas toujours, de sorte que l’information n’atteint pas toujours son but qui est de leur permettre de voter en connaissance de cause.

Le public visé par les sociétés faisant appel public à l’épargne reçoit aussi une masse d’informations qui ne lui est pas profitable. Trop d’informations tue l’information.

B – Propositions en vue d’une amélioration de la transparence

Les informations doivent être pertinentes et compréhensibles (1). La transparence doit concerner aussi les PME (2). La rémunération des dirigeants sociaux doit être déterminée par les associés, et les dirigeants sociaux ne doivent pas participer au vote de leur rémunération (3).

1 – Des informations pertinentes

L’Acte uniforme révisé sur les sociétés a le mérite d’insister sur la diffusion d’informations pertinentes.

C’est le cas de l’article 86-1 relatif au document d’information destiné au public, émis par les sociétés faisant appel public à l’épargne (inspiré de la directive européenne Prospectus I)62. Ce texte dispose que le document d’information comprend un résumé qui fournit des informations clés, dans une formulation simple et concise (al. 1) des informations adéquates sur les valeurs mobilières concernées, afin d’aider les investisseurs lorsqu’ils envisagent d’investir dans ces titres. Le résumé doit être présenté sous une forme simple et compréhensible (al. 2).

D’une manière pédagogique, l’article 86-1 fait des recommandations en direction des lecteurs du résumé. Ainsi selon l’alinéa 3, le résumé doit comporter un avertissement au lecteur en lui indiquant :

  • qu’il doit être lu comme une introduction au document d’information ;

  • que toute décision d’investir dans les valeurs mobilières concernées doit être fondée sur un examen exhaustif du document d’information par l’investisseur ;

  • qu’engagent leur responsabilité les personnes qui ont présenté le résumé si le contenu du résumé est trompeur, inexact ou contradictoire par rapport aux autres parties du document d’information ou s’il ne fournit pas, lu en combinaison avec les autres parties du document d’information, les informations essentielles permettant d’éclairer les investisseurs lorsqu’ils envisagent d’investir dans ces valeurs mobilières.

Les informations peuvent être allégées, sur dispense de l’autorité compétente de l’État partie du siège social de l’émetteur, selon l’article 88 dans sa nouvelle version. Ce texte prévoit ainsi que cette autorité peut dispenser d’inclure dans le document d’information certaines informations prévues dans l’Acte uniforme si elle estime que ces informations n’ont qu’une importance mineure et ne sont pas de nature à influencer l’appréciation portée sur le patrimoine, la situation financière, les résultats ou les perspectives de l’émetteur (d’autres raisons sont aussi évoquées, l’idée principale étant la protection de l’intérêt public et non celle de l’émetteur…).

2 – Extension de l’exigence de transparence aux PME

De notre point de vue, la transparence ne doit pas être limitée aux sociétés faisant appel public à l’épargne. Certes, pour celles-ci, elle est primordiale : les investisseurs doivent connaître la situation financière de la société dans laquelle ils veulent investir (c’est d’ailleurs ce qui a suscité l’adoption de la corporate governance en droit français à la demande des investisseurs institutionnels notamment les fonds de pension américains). Cependant toute société, qu’elle soit ou non cotée en Bourse, qu’elle soit de grande ou de petite dimension, doit observer la transparence. En effet l’objectif, à savoir la bonne gouvernance est le même. Au Sénégal, très peu de sociétés sont cotées en Bourse, et la vie économique repose sur des PME qui revêtent la forme de SA ou de SARL. Les faillites observées sont souvent liées à une mauvaise gouvernance qui affaiblit le tissu industriel et provoque notamment le chômage des travailleurs et peut entraîner la faillite des partenaires de ces sociétés. La bonne gouvernance doit s’étendre à toutes les sociétés car la « mal gouvernance » et ses conséquences tragiques ne font pas de différence !

3 – Détermination de la rémunération des dirigeants sociaux

L’objectif de la diffusion de la rémunération étant d’éviter des rémunérations excessives, on pourrait agir en amont et donner aux associés le pouvoir de fixer eux-mêmes la rémunération de leurs dirigeants et interdire à ceux-ci de participer au vote de leur rémunération. Au demeurant certains textes adoptaient une telle démarche, d’autres ne le faisaient pas. L’Acte uniforme révisé apporte des améliorations mais insuffisantes. Il y a une hétérogénéité en la matière qui ne s’explique pas toujours.

Si l’on envisage l’article 431 de l’Acte uniforme dans son ancienne version, la rémunération des membres du CA était fixée par l’assemblée générale ordinaire, et ils prenaient part au vote quand ils étaient actionnaires. L’Acte uniforme révisé n’a pas changé cette situation : « Les administrateurs ayant la qualité d’actionnaires peuvent prendre part au vote de l’assemblée générale » (art. 431, al. 2). Au lieu d’interdire aux administrateurs actionnaires de participer au vote de leur rémunération, il leur donne la possibilité de le faire. Le nouveau texte aurait pu aller plus loin et leur interdire de participer au vote de leur rémunération comme il le fait pour le gérant d’une SARL qui ne peut prendre part au vote de sa rémunération, selon le nouvel article 325, l’objectif étant la bonne gouvernance des sociétés.

S’agissant de l’administrateur général – qui est le dirigeant de la SA qui comprend un à trois actionnaires – sa rémunération est fixée par l’assemblée générale ordinaire. Il peut être actionnaire puisqu’il est choisi parmi les actionnaires ou en dehors d’eux (art. 495 AU révisé). Par conséquent, il peut participer au vote de sa rémunération (art. 501).

Quant au président-directeur général, selon l’article 467 AU révisé, sa rémunération est fixée par le conseil d’administration. L’alinéa 4 indique clairement qu’il ne prend pas part au vote de sa rémunération et que sa voix n’est pas prise en compte pour le calcul du quorum et de la majorité. Certes le président-directeur général ne prend pas part au vote sur sa rémunération, cependant on peut regretter que sa rémunération soit fixée par les dirigeants compte tenu des liens qu’ils entretiennent.

Pour ce qui est du président du conseil d’administration, selon l’article 482 AU révisé, le conseil d’administration fixe les modalités et le montant de la rémunération de son président. L’alinéa 4 indique que le président du conseil d’administration ne prend pas part au vote de sa rémunération. Cela est conforme aux recommandations issues des principes de bonne gouvernance visant à éviter les conflits d’intérêts. On peut cependant regretter que ce soit le conseil d’administration qui fixe la rémunération de son président pour les mêmes raisons, à savoir les liens entre les administrateurs.

De même, il est regrettable que le conseil d’administration détermine la rémunération des membres des comités. En effet selon le nouvel article 431, alinéa 4, le CA peut allouer aux administrateurs membres des comités une part supérieure à celle des autres administrateurs. Les comités devant jouer un rôle clé dans le gouvernement d’entreprise, leur indépendance par rapport aux dirigeants peut être ainsi compromise alors que les comités ont un rôle clé dans le gouvernement d’entreprise.

En définitive, le droit OHADA a pris conscience de la nécessité d’une bonne gouvernance. La réforme du droit des sociétés en tient compte et parmi les objectifs visés dans le projet de texte la « bonne gouvernance » revient souvent. Pour ce qui est de la transparence, objet de notre étude, elle est recherchée à travers plusieurs modifications de l’Acte uniforme. Cependant quelques problèmes demeurent comme nous l’avons vu… Faudra-t-il attendre dix-sept ans pour légiférer à nouveau ? C’est tout le problème des sources du « gouvernement d’entreprise ». Faut-il légiférer ou se contenter de codes de bonne conduite qui ne sont pas à proprement parler des codes mais qui ont l’avantage de la souplesse, de sorte qu’ils peuvent être plus facilement modifiés et peuvent rencontrer plus facilement l’adhésion de leurs concepteurs ?

Notes de bas de pages

  • 1.
    « C’est à Jeremy Bentham que les juristes doivent le concept de transparence. Pour le fondateur de l’utilitarisme, la transparence qu’il recommandait aux élus d’observer dans leurs discours signifiait simplicité. Elle tenait pour beaucoup aux qualités intérieures et morales de la personne revêtue de l’autorité publique », Gugliemi J. et Zoller E., Transparence, démocratie et gouvernance citoyenne. Résumé des contributions, Centre de droit public comparé, Colloque international des 23 et 24 mai 2014, Université Panthéon-Assas.
  • 2.
    À côté du devoir de coopération, du devoir de collaboration, du devoir de loyauté pour ne citer que ceux-ci…V. Fabre-Magnan M., Droit des obligations. 1-Contrat et engagement unilatéral, 2e éd., 2010, PUF, Thémis droit, p. 72 et s.
  • 3.
    Ainsi, le fait pour un époux d’avoir caché à son conjoint une maladie grave et incurable rendant la cohabitation préjudiciable est une cause de nullité du mariage : art. 138, 5° Code de la famille sénégalais.
  • 4.
    La transparence est un impératif constant de la gouvernance d’entreprise, v. Malecki C., « Opinion publique et gouvernance d’entreprise : un couple inséparable pour le meilleur et pour le pire », in Mélanges Michel Germain, 2015, LGDJ-LexisNexis-Lextenso, p. 503.
  • 5.
    Au Japon, mai 1998, rapport « Corporate governance Principles-to consider new Japanese Corporate Governance » rédigé par le « corporate Governance Forum of Japan », composé de représentants du milieu industriel, d’investisseurs institutionnels. Ce rapport contient des recommandations sur le conseil d’administration qui devrait être composé d’administrateurs indépendants, la mise en place de comités spécialisés. L’instauration du gouvernement d’entreprise au Japon vise à lutter contre l’opacité des sociétés japonaises. En effet celles-ci constituent des groupes (keiretsu) qui se caractérisent par des participations croisées importantes occasionnant une totale étanchéité à l’égard des sociétés étrangères, Frontezak S., Bull. COB n° 338, sept. 1999, p. 9.
  • 6.
    Merle P., « Le nouveau droit des sociétés de l’OHADA », in Mélanges Michel Germain, 2015, LGDJ-LexisNexis-Lextenso, p. 572.
  • 7.
    Frontezak S., Bull. COB n° 338, sept. 1999, p. 22.
  • 8.
    Guinchard S. et Debard T., Lexique des termes juridiques, 18e éd., 2011, Dalloz.
  • 9.
    Couret A., « Gouvernance et confiance : les conditions d’une fusion vertueuse » in Mélanges Yves Chaput, 2014, LexisNexis, p. 42, n° 2.
  • 10.
    Le professeur Alain Couret ne définit pas le gouvernement d’entreprise mais écrit prudemment ceci : « Si l’on reprend la définition de sir Adrian Cadbury, on peut dire… que la Corporate Governance est le « système par lequel les sociétés sont dirigées et contrôlées ». Il ajoute : « pour paraphraser le doyen Carbonnier, on dira qu’il y a bien des définitions dans la maison de la Corporate Governance et qu’il est sans doute urgent de ne se prononcer définitivement pour aucune d’entre elles » in « Le gouvernement d’entreprise ; la Corporate Governance », D. 1995, p. 163 ; Quelques années plus tard Philippe Bissara écrit : « On sait que l’expression “Gouvernement de l’entreprise” est une traduction approximative de l’expression américaine “Corporate Governance” dont la signification n’est elle-même pas très claire » ; v. « Les véritables enjeux du débat sur le “gouvernement de l’entreprise” », Rev. Sociétés 1998, p. 5. Le professeur Alain Couret, des années après, s’interroge à nouveau : « Mais à vrai dire qu’est-ce que la gouvernance d’entreprise ? Si l’on part de l’approche des gestionnaires, et qui peut nous convenir, elle s’entend des “structures, procédures et pratiques qui précisent le fonctionnement des organes de direction de façon à ce que soient préservés les intérêts des parties prenantes” » : « Gouvernance et confiance : les conditions d’une fusion vertueuse » in Mélanges Yves Chaput, 2014, LexisNexis, p. 42, n° 4.
  • 11.
    Cozian M., Viandier A. et Deboissy F., Droit des sociétés, 2015, LexisNexis, p. 314, n° 568.
  • 12.
    Magnier V. et Paclot Y., « Le gouvernement d’entreprise en France, vingt ans après », in Mélanges Michel Germain, 2015, LGDJ-LexisNexis-Lextenso, p. 492.
  • 13.
    Tunc A., « Le gouvernement des sociétés anonymes. Le mouvement de réforme aux États-Unis et au Royaume-Uni », RDIC 1994, 1, p. 59.
  • 14.
    Tunc A., « Le gouvernement des sociétés anonymes. Le mouvement de réforme aux États-Unis et au Royaume-Uni », RDIC 1994, 1, p. 59.
  • 15.
    Gaudemet A., « L’exercice du pouvoir dans les sociétés en France » in Mélanges Michel Germain, 2015, LGDJ-LexisNexis-Lextenso, p. 351.
  • 16.
    V. Tunc A., « Le gouvernement des sociétés anonymes. Le mouvement de réforme aux États-Unis et au Royaume-Uni », RDIC 1994, 1, p. 69 : « À la suggestion de la Bourse de Londres et d’organisations de comptables, et avec l’encouragement de la banque d’Angleterre, de l’épargne collective et des organisations patronales, est créé en 1991 un Committee on the Financial Aspects of Corporate Governance. Présidé par Sir Adrian Cadbury, ce comité publiait, en mai 1992, un rapport préliminaire sur lequel il sollicitait des commentaires ; puis ayant reçu près de 200 observations écrites, il publiait, le 1er décembre 1992, un rapport définitif ».
  • 17.
    Relatif à la rémunération des dirigeants.
  • 18.
    Portant sur le rôle des administrateurs indépendants.
  • 19.
    V. Merle P., « Le nouveau droit des sociétés de l’OHADA », in Mélanges Michel Germain, 2015, LGDJ-LexisNexis-Lextenso, p. 671.
  • 20.
    Sotiropoulou A., Les obligations d’information des sociétés cotées en droit de l’Union européenne, 2011, Larcier, p. 70, n° 29.
  • 21.
    La société par actions simplifiée (SAS) a été introduite en droit français par la loi n° 94-1 du 3 janvier 1994. Le CNPF avait en effet, dans un rapport d’octobre 1990, insisté sur la nécessité de créer une nouvelle structure juridique pour les grandes entreprises industrielles françaises pour développer la coopération interentreprises ; sur cette société, v. Merle P., Droit commercial. Sociétés commerciales, 2014, Dalloz ; Germain M. et Perin P.-L., SAS, Études, formules, 5e éd., 2013, Joly ; Charveriat A. et Couret A., Sociétés par actions simplifiées, 2001, Francis Lefebvre, dossiers pratiques ; Azarias H., La société par actions simplifiée, 2e éd., 2007, Litec.
  • 22.
    Art. 485 AU révisé.
  • 23.
    Art. 462 AU révisé.
  • 24.
    Art. 416 AU révisé.
  • 25.
    Art. 477 AU révisé.
  • 26.
    Art. 494 AU révisé.
  • 27.
    Art. 853-8, al. 1 AU révisé.
  • 28.
    Art. 853-8, al. 3 AU révisé.
  • 29.
    Art. 323 AU révisé.
  • 30.
    Art. 298 AU révisé.
  • 31.
    Art. 276 AU révisé.
  • 32.
    Les SA faisant appel public à l’épargne doivent désigner au moins deux commissaires aux comptes titulaires et deux commissaires aux comptes suppléants. Les SA ne faisant pas appel public à l’épargne sont tenues de désigner un commissaire aux comptes titulaire et un autre suppléant.
  • 33.
    Art. 694 AU révisé.
  • 34.
    À l’origine, le comité d’audit était chargé d’examiner les comptes et les états financiers, de surveiller les relations avec les auditeurs internes et externes, de veiller aux procédures de contrôle interne ; compte tenu des changements de l’environnement des sociétés que sont la globalisation des marchés, l’utilisation de nouvelles techniques de l’information, etc., les comités d’audit sont conduits à s’adapter à ce nouveau contexte. Ainsi aux États-Unis, le rapport du comité Blue Ribbon Committee on Improving the effectiveness of Corporate Audit committees, publié en 1999, contient des recommandations.
  • 35.
    « Le conseil d’administration des sociétés visées aux articles 828 à 853 du présent Acte uniforme est obligatoirement doté d’un comité d’audit ».
  • 36.
    Art. 465, al. 3 AU révisé.
  • 37.
    Art. 465, al. 1 AU révisé.
  • 38.
    Art. 465, al. 2 AU révisé.
  • 39.
    Art. 718, al. 1 AU révisé.
  • 40.
    Art. 720, al. 1 AU révisé.
  • 41.
    Selon l’article 721, alinéa 1, le commissaire aux comptes est obligatoirement convoqué à toutes les assemblées d’actionnaires.
  • 42.
    Il y est obligatoirement convoqué, selon l’article 722, alinéa 1 AU révisé.
  • 43.
    C’est la raison pour laquelle ils sont aussi convoqués à toute réunion du conseil d’administration intéressant leur mission, selon l’article 722, alinéa 1 AU révisé.
  • 44.
    Sotiropoulou A., Les obligations d’information des sociétés cotées en droit de l’Union européenne, 2011, Larcier, p. 70, n° 31.
  • 45.
    Le CREPMF est un organe équivalent à l’Autorité des marchés financiers, en France – laquelle résulte de la fusion du Conseil des marchés financiers (CMF), de la Commission des opérations de bourse (COB) et du Conseil de discipline de la gestion financière (CDGF). L’AMF est chargée de prendre le règlement général selon l’article L. 621-7 du Code monétaire et financier Ce règlement général détermine notamment les règles de pratique professionnelle qui s’imposent aux émetteurs faisant appel public à l’épargne, les règles relatives aux OPA, les règles de bonne conduite des professionnels… L’AMF est considérée comme un organe de régulation ayant pour vocation d’améliorer la transparence et l’intégrité du marché (Merle P., « Le nouveau droit des sociétés de l’OHADA », in Mélanges Michel Germain, 2015, LGDJ-LexisNexis-Lextenso, p. 651, n° 591). Le CREPMF fut créé le 3 juillet 1996 par convention signée entre les États membres de l’UEMOA. C’est l’organe de régulation du marché financier régional de l’UEMOA.
  • 46.
    Art. 716, alinéa 3 précité : le commissaire aux comptes révèle au ministère public les faits délictueux dont il a eu connaissance dans l’exercice de sa mission.
  • 47.
    Art. 827, al. 1 AU révisé.
  • 48.
    Art. 827, al. 3 AU révisé.
  • 49.
    Art. 827, al. 4 AU révisé.
  • 50.
    Art. 835 AU révisé.
  • 51.
    Art. 257-1 AU révisé.
  • 52.
    Sotiropoulou A., Les obligations d’information des sociétés cotées en droit de l’Union européenne, 2011, Larcier, p. 70, n° 30.
  • 53.
    Merle P., « Le nouveau droit des sociétés de l’OHADA », in Mélanges Michel Germain, 2015, LGDJ-LexisNexis-Lextenso, p. 595, n° 537.
  • 54.
    Il s’agit du rapport du président du conseil d’administration.
  • 55.
    Tout comme la loi NRE en droit français.
  • 56.
    Rappelons que le droit au respect de la vie privée est consacré dans la Déclaration universelle des droits de l’Homme de 1948 en son article 12 à laquelle adhère la Constitution sénégalaise.
  • 57.
    Teyssié B., Droit civil : Les personnes, 10e éd.,2007, LexisNexis, p. 51, n° 38.
  • 58.
    Cass. 1re civ., 15 mai 2007 : D. 2007, p. 1603.
  • 59.
    Hauser J., RTD civ. 1999, p. 359.
  • 60.
    Merle P., Droit commercial, 14e éd., 2014, Dalloz, p. 468, n° 440.
  • 61.
    Sotiropoulou A., Les obligations d’information des sociétés cotées en droit de l’Union européenne, 2011, Larcier, p. 87, n° 58 ; l’auteur précise que « jusqu’à l’adoption du Securities Act et du Securities and Exchange Act, de nombreuses entreprises hésitaient à divulguer certaines données qui figurent aujourd’hui dans le bilan et le compte de résultat. De même, plus récemment, on a pu constater que plusieurs émetteurs étaient réticents à révéler leurs résultats prévisionnels. Ces comportements ont été souvent justifiés par la crainte que ces émetteurs éprouvaient de diffuser des données utiles pour leurs concurrents ».
  • 62.
    La directive Prospectus n° 2003/71/EC, modifiée par la directive n° 2010/73 du 24 novembre 2010 (BRDA 14-2012, n° 4) vise à harmoniser les règles d’information à l’occasion d’une émission ou d’une cotation d’instruments financiers en Europe : Merle P., p. 710, n° 636, note 2.
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