À la cour de Paris, bientôt la paix des robes ?

Publié le 15/01/2020

Le déménagement du Tribunal judiciaire de Paris Porte de Clichy, il y a deux ans, a déclenché des tensions inédites entre avocats et magistrats. Depuis quelques mois, les deux parties multiplient les efforts pour surmonter ces difficultés. La rentrée de la cour d’appel de Paris le 13 janvier dernier en est une illustration. Mais il subsiste une ombre au tableau…

Lors de la dernière rentrée solennelle de la cour d’appel de Paris, le 13 janvier dernier, le premier président Jean-Michel Hayat a multiplié les gestes d’apaisement en direction des avocats. D’abord en saluant la mémoire du bâtonnier Jean-René Farthouat, disparu deux jours plus tôt.

La cour s’engage à rattraper son retard en matière de taxation d’honoraires

Ensuite, en annonçant aux 9 barreaux du ressort que le contentieux des taxations d’honoraires (actuellement 2 000 dossiers en stock et 35 mois de délai) faisait partie avec celui des ordonnances de non-conciliation en matière familiale des deux priorités sur lesquelles la cour allait concentrer ses moyens en 2020 pour rattraper son retard. Objectif pour les taxations : réduire le délai de traitement des appels à un an. Une marque « d’estime et de considération » à l’égard des 9 barreaux concernés, a souligné Jean-Michel Hayat.

Pour goûter toute la saveur de cette annonce, il faut se souvenir que l’incident qui a déclenché l’organisation des premiers assises avocats, greffiers, magistrats le 14 novembre dernier est précisément survenu au TGI de Paris dans un dossier de taxation d’honoraires. L’avocate en demande pour sa consœur avait été sortie du bureau de la juge manu militari par les policiers du tribunal parce qu’elle contestait une décision de renvoi, selon elle, techniquement impossible et appelait son bâtonnier. Cette expulsion avait suscité une très grande émotion chez les avocats.

À la cour de Paris, bientôt la paix des robes ?
Jean-Michel Hayat – Rentrée solennelle de la cour d’appel de Paris le 13 janvier 2020. (Photo : P. Cluzeau)

Les magistrats parisiens sensibles aux inquiétudes des avocats sur leur avenir

Le premier président a par ailleurs évoqué le mouvement des avocats contre la réforme des retraites qui entrait ce jour-là dans sa deuxième semaine : « Nous savons, Mesdames et Messieurs les Bâtonniers, vos vives préoccupations concernant la retraite des avocats et nous en avons compris, les uns et les autres, les enjeux. Je forme le vœu que les négociations de ce jour entre la Chancellerie et le CNB, débouchent rapidement sur un accord de qualité de nature à dissiper les craintes que vous exprimez, quant à l’avenir de votre profession ».

Le vendredi précédent alors qu’à quelques mètres de là, plusieurs centaines d’avocats du barreau de Paris jetaient leur robe dans la salle des pas perdu, pas un mot n’avait été prononcé à ce sujet dans l’enceinte de la cour.  On notera également que dans son discours, la procureure générale Catherine Champrenault n’a eu aucun mot contre les avocats, contrairement aux années précédentes où elle avait dénoncé notamment l’usage abusif de ce qu’elle considérait comme de la défense de rupture. L’heure est donc à la paix des robes.

À la cour de Paris, bientôt la paix des robes ?
Catherine Champrenault – Rentrée solennelle de la cour d’appel de Paris 13 janvier 2020. (Photo : P. Cluzeau)

 

Une ombre au tableau…

Un important nuage plane cependant sur le paysage apaisé des relations entre avocats et magistrats : le cas de Vincent Nioré, délégué du bâtonnier aux perquisitions. Poursuivi disciplinairement à l’initiative de Catherine Champrenault pour avoir tenu des propos considérés par certains magistrats comme offensants à leur endroit, son dossier est en cours d’instruction. Jusqu’à présent, les efforts pour aboutir à une solution négociée ont échoué. On dit que la procureure générale aurait été irritée d’apprendre que l’on avait remis la médaille de la Conférence à Vincent Nioré lors de la dernière rentrée du barreau.

Il faut dire que l’avocat est particulièrement apprécié de ses confrères, tant en raison de son investissement dans leur défense, qu’au vu des succès nombreux qu’il a remportés en matière de protection du secret professionnel. Si l’attribution de cette médaille n’avait sans doute pas vocation à défier les magistrats, elle constituait en revanche clairement une marque de soutien à l’avocat dans cette période difficile. L’instruction suit son cours, tandis que certains assurent continuer d’œuvrer à une solution d’apaisement. Affaire à suivre…

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