Dessine-moi la justice !
Les réquisitions du parquet prononcées la semaine dernière à l’encontre de deux pénalistes parisiens accusés de complicité de tentative d’escroquerie au jugement pour avoir produit, à leur insu, un faux document dans un procès d’assises, ont suscité une très grande émotion dans la profession d’avocat.
Et pour cause. Ils ont réclamé jusqu’à trois ans de prison ferme et une interdiction d’exercer de cinq ans, assortie de l’exécution provisoire.
La défense a plaidé la relaxe, dans une salle remplie d’avocats venus assister aux débats et soutenir leurs confrères.
« Sciemment »
Si l’émotion est forte, c’est que les avocats s’estiment dans l’incapacité matérielle de vérifier l’authenticité de l’ensemble des pièces qu’ils produisent. Leur seule obligation en la matière, inscrite au chapitre « Rapport avec les magistrats » de leur règlement prévoit, à l’article 21.4.4 :
« A aucun moment, l’avocat ne doit sciemment donner au juge une information fausse ou de nature à l’induire en erreur ».
Il ne pèse sur eux aucune obligation d’authentification, ainsi que l’a rappelé le vice-bâtonnier de Paris, Me Vincent Nioré, cité en qualité de témoin de la défense.
L’avocat n’est pas davantage le « supplétif » du juge, a souligné le président du Conseil national des barreaux (CNB) Jérôme Gavaudan, en marge de cette affaire lors de ses voeux à la presse.
C’est aux juges, rappellent les avocats, qu’il appartient d’apprécier la valeur des preuves qui leurs sont soumises.
Obligation de vigilance ?
Tel n’est pas l’avis du parquet. Celui-ci convient que les avocats en l’espèce ne savaient pas qu’ils transmettaient un faux, mais tente de faire entrer en procédure pénale classique, via une obligation de vigilance qui pèserait selon lui sur l’avocat, la conception d’un avocat « collaborateur » du juge qui émerge, et encore, avec beaucoup de limites et de réserves, dans le domaine très étroit et surtout très spécifique du droit de la compliance.
« D’une façon générale, l’avocat n’est pas le collaborateur du juge » a rappelé le professeur Marie-Anne Frison-Roche, mettant ainsi en garde contre un tel glissement.
Le tribunal correctionnel de Paris rendra son jugement le 18 avril prochain.
Le barreau est inquiet, en particulier les jeunes avocats. Car le risque pénal est démesuré.
C’est ce qu’exprime Me Tiphaine Mary dans ce dessin.
Référence : AJU350155