Élection présidentielle : Le SAF publie ses propositions pour « réparer » la justice

Publié le 18/03/2022

Le syndicat des avocats de France (SAF) a présenté ce vendredi matin à la presse un livret de 56 pages intitulé « Justice, demandez le programme » qui synthétise les travaux de toutes ses commissions spécialisées sur les mesures dont la justice a besoin pour être « réparée ». Il traite de l’ensemble des matières judiciaires, depuis l’accès au droit jusqu’au pénal en passant par le droit de la famille et celui des étrangers.  

Élection présidentielle : Le SAF publie ses propositions pour "réparer" la justice
Photo : ©P. Cluzeau

C’est un peu le manuel de réparation de la justice qu’a présenté vendredi matin le Syndicat des avocats de France aux journalistes, dans la perspective de l’élection présidentielle. Alors que la justice n’apparait dans nombre de programmes de candidats (et donc dans les comparateurs des médias) qu’à la lettre S comme « sécurité », le SAF a effectué un travail de fond dans toutes les matières  pour présenter un programme complet.

Et encore, ce livret n’est-il qu’un concentré des propositions très détaillées effectuées par les commissions spécialisées du syndicat. « Nous voulons interpeler les candidats et les alerter sur la place de la justice dans la société et sur les moyens qu’ils souhaitent donner à la justice. La question  doit être au cœur des débats de l’élection présidentielle » a expliqué en introduction la présidente du SAF, Claire Dujardin.

Le document est accessible sur le site du syndicat.

Voici à titre d’illustrations quelques constats et propositions :

Accès au droit : Actuellement les avocats travaillent à perte, il faut donc revaloriser l’aide juridictionnelle. Le SAF évalue l’augmentation du budget nécessaire à 370,1 millions d’euros, sachant qu’il s’élève déjà en 2022 à 615,2 millions, il avoisinerait donc le milliard d’euros. Un tel budget a également pour objectif d’élargir le nombre de personnes éligibles à l’AJ et d’augmenter les missions relevant de cette aide, celle-ci ne couvrant pas par exemple le conseil à l’heure actuelle.   Le syndicat s’inquiète par ailleurs de la dématérialisation qui rend la justice inaccessible aux analphabètes numériques.  Enfin, l’accès au droit implique également un renforcement du maillage territorial des juridictions.

Pénal : Stop à l’inflation législative. Il faut remettre les garanties d’un état de droit au centre des réflexions sur les politiques pénales et pénitentiaires. Le SAF s’élève contre les propositions de simplification présentées à tort comme un progrès en matière de procédure pénale quand il s’agit en réalité de réduire la protection contre l’arbitraire. Le syndicat réclame le retour à la collégialité, la supression des box dans les salles d’audience ainsi que des video audiences car chaque individu a le droit d’être dans la même pièce que son juge. Autre revendication : l’avocat doit avoir accès au dossier dès le stade de la garde à vue. Le SAF plaide pour l’indépendance du parquet, le renforcement du secret  professionnel, et l’abrogation des régimes d’exception qui « font basculer la procédure pénale dans un nouveau paradigme de dangerosité ».

Etrangers : Le SAF critique un droit fondé sur l’obsession de lutter contre la clandestinité et le soupçon généralisé de fraude. De même, il dénonce la complexité des procédures qui résulte de la superposition de lois sans que jamais le système ne soit remis à plat.  Il faut simplifier les procédures, tant administratives que judiciaires. Ici aussi le syndicat s’élève contre la dématérialisation à marche forcée qui prive en pratique les étrangers de la possibilité d’exercer leurs droits. Le syndicat réclame de nombreuses améliorations dans ce domaine, dont des titres de séjour pluriannuels et un assouplissement du regroupement familial.

Social : Les ordonnances Macron ont fait chuter le nombre de saisines des prud’hommes de 200 000 en 2013 à 102 000 saisines en 2020. Cette diminution affecte particulièrement les non-cadres dans les petits bassins d’emplois, autrement dit les plus faibles. Il faut faciliter l’accès au juge, estime le SAF qui propose la création d’une action de groupe en droit du travail, notamment pour les contentieux collectifs : licenciement économiques et transferts de salariés. La simplification des procédures serait souhaitable car elle s’assimile en droit du travail non pas à une protection comme en matière pénale, mais à un « parcours d’obstacles pour décourager les salariés ». Il faut aussi accélérer les procédures, 3 ans à Nanterre pour un cadre ce n’est pas soutenable. Le SAF demande la suppression des barèmes mais aussi la réintégration obligatoire si le salarié le souhaite.

Civil/famille : Le civil est dans l’angle mort des programmes. Les délais se seraient allongés de 40% en dix ans. Le SAF réclame surtout davantage de moyens et une harmonisation de la procédure car les multiples réformes qui se succèdent poussent les barreaux à faire de l’explication de texte, ce qui génère autant de chartes que de barreaux. Le syndicat met en garde contre la disparition de l’audience et le recours généralisé aux modes alternatifs de règlement des conflits qui ne peuvent remplacer le juge.  La simplification de la procédure d’appel est une attente forte. A  Paris et Versailles, il faut 3 ans pour obtenir une date d’audience en appel, et on demande aux avocats de conclure en trois mois, ce que le SAF juge inacceptable.

Mineurs : Le SAF estime nécessaire de rompre avec  le prisme purement pénal et sécuritaire. Actuellement, un mineur peut être confronté à de très nombreux juges différents dans le cadre de procédures variées. Le syndicat réclame l’abrogation du code de justice pénale des mineurs et la création à la place d’un code de l’enfance rassemblant tous les textes sur les mineurs dans le cadre d’un approche globale de l’enfant comme sujet et objet de droits.

Jusqu’ici, le syndicat n’a reçu que deux invitations, l’une du Parti communiste, l’autre de La France Insoumise dont l’un des représentants, le député  Ugo Bernalicis s’était d’ailleurs déplacé pour assister à la présentation.

 

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