« Le procès Goldman » : un grand film judiciaire

Publié le 09/10/2023

Me Michèle Bauer est allée voir « Le procès Goldman » de Cédric Kahn au cinéma. Elle salue la manière dont le réalisateur restitue l’ambiance d’un procès criminel mais aussi les complexités du métier d’avocat. 

"Le procès Goldman" : un grand film judiciaire

 

Georges Kiejman  est mort malheureusement avant d’avoir vu « Le procès Goldman » de Cédric Kahn qui relate  un des grands procès de sa carrière, comme il a eu l’occasion de le raconter dans le journal « Libération » : « Le jour de l’acquittement ma compagne de l’époque, Marie-France Pisier, était venue. Au moment où je descendais l’escalier, un journaliste qui ne l’avait pas reconnue lui a crié : « Mademoiselle, Mademoiselle, sortez du champ ! ». C’était la seule fois de ma vie qu’en sortant du palais, j’ai compris ce qu’étaient les Beatles. »

Son personnage est interprété par Arthur Harari, acteur et co-scénariste de « Anatomie d’une chute ». Gageons qu’il aurait aimé ce grand film judiciaire qui parle si bien du métier d’avocat.

« Il me démoralise et mon désir profond est de le jeter » 

« Le procès Goldman » débute par l’une des rares scènes qui se déroule en dehors du huis clos tendu de la salle d’audience. Le jeune Georges Kiejman, déjà très sûr de lui, reçoit son encore plus jeune confrère Francis Chouraqui. Pierre Goldman l’a « débarqué » comme on dit dans notre jargon, alors il vient chercher des explications auprès de celui qui est un autre des avocats de Goldman et aussi son ami.

S’ensuit la lecture d’une lettre savoureuse que Goldman a adressée à Chouraqui, loin d’être dupe sur la personnalité de Kiejman : « Kiejman reste dans la sphère de la putain de mondanité pourrie. Je ne peux plus supporter ce mec, sa frivolité et sa petitesse de juif de salon. Il me démoralise et mon désir profond est de le jeter. »

On ne saurait mieux illustrer le conseil que donnent tous les Maîtres de stage à leur élève avocat : « Petit scarabée, sache que le pire ennemi de l’avocat, ce n’est ni le procureur, ni son adversaire. Son pire ennemi, c’est son client. »

Défendre Pierre Goldman relève du sacerdoce, car l’homme n’est pas facile, il fait partie de ces clients qui s’estiment plus intelligents que leur(s) avocats et mieux à même d’assurer leur défense. Or, ce film montre à quel point il est périlleux de vouloir se défendre seul.

Pierre Goldman exaspère par ailleurs ses avocats lorsqu’il s’égare dans le complotisme en affirmant que « toute la police est raciste ».

À l’occasion d’une suspension d’audience, le spectateur est convié dans les coulisses du procès à une séance dite de recadrage, où l’on rappelle au client qu’il faut qu’il se taise, qu’il respecte le tribunal ou la Cour et surtout qu’il nous laisse faire. Car non content d’être le pire ennemi de l’avocat, le client peut être aussi le sien.

L’un des mérites de Cédric Kahn est d’avoir choisi de placer sa caméra derrière le Président, avec vue sur la salle d’audience, nous sommes alors le Président, puis derrière Goldman, et nous voilà dans la peau de l’accusé.

Les témoignages démontés par Kiejman illustrent leur faiblesse, bien connue des pénalistes, de même qu’un autre travers : la croyance aveugle dans la parole policière. L’un des moments forts du film est l’exploitation des ratés du tapissage. On ne le dévoilera pas ici.

Silence sur écran noir

Le réalisateur emmène également le spectateur dans la difficile préparation de la plaidoirie, et ça aussi, c’est très réussi. Malgré son arrogance, Kiejman consent à écouter les conseils de Chouraqui et à évoquer ce qui le rapproche de son client : le fait qu’ils soient juifs polonais tous les deux. C’est une question que l’on se pose souvent, doit-on utiliser nos émotions ou au contraire maintenir la distance et s’en tenir aux faits ?

La seule licence que s’autorise le réalisateur intervient au moment du verdict lorsqu’éclatent les cris de joie. Il n’est pas d’usage dans un prétoire de tolérer de tels débordements et un vrai président d’audience y aurait mis immédiatement le holà. Cédric Kahn montre en contrepoint le visage figé des parties civiles qui ont « perdu » et termine son film par un silence sur écran noir, simplement entrecoupé d’un bruit que l’on devine de porte de prison. Car si Goldman a eu la vie sauve, il n’a pas échappé à la prison.

« Le procès Goldman est digne de rejoindre l’étagère des grands films judiciaires, aux côtés d’autres monuments, comme le célèbre film de Sidney Lumet Douze hommes en colères (1957).

 

 

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