Cette semaine chez les Surligneurs : des données personnelles à très haut risque
Alors que la Cour suprême des Etats-Unis est revenue sur la protection du droit à l’IVG, les Américaines s’inquiètent à l’idée que les données personnelles qu’elles confient aux applications de suivi menstruel puissent être communiquées aux tribunaux américains et prouver une IVG contraire à la loi. Elles se tournent donc vers les applications européennes. Hélas, préviennent les Surligneurs, celles-ci n’offrent guère de protection supplémentaire. Cette semaine, on évoque aussi le vote de confiance, et la capacité de la CEDH de passer outre les cours suprêmes.
Fin de la protection constitutionnelle du droit à l’IVG : le RGPD, vrai faux refuge pour les Américaines utilisatrices d’applications de suivi menstruel
Au cœur de l’actualité de ces dernières semaines, la décision du 24 juin dernier rendue par la Cour suprême américaine revenant brutalement sur la protection constitutionnelle du droit à l’IVG pour de nombreuses femmes américaines. Ce revirement, alors que le droit à l’avortement était garanti depuis 1973 par l’arrêt fondateur Roe v. Wade bien connu des étudiants en droit, a notamment eu pour conséquence majeure un report relativement important de la part des Américaines vers les applications de suivi menstruel européennes supposées mieux protéger leurs données personnelles et donc leur éviter d’éventuelles poursuites judiciaires en cas d’avortement.
Le problème est en effet de taille, car ces applications brassent de très nombreuses données personnelles et même des données sensibles sur leurs utilisatrices. À grand renfort d’algorithmes, ces applications très prisées par les Américaines, désireuses de pouvoir bénéficier d’une meilleure compréhension de leur cycle menstruel, ou de prédire leur période d’ovulation, sont problématiques en termes de protection des données personnelles dès lors que rien n’empêche certaines de revendre les données ainsi collectées de leurs utilisatrices à des tiers, ni la justice d’un État américain de demander la communication des données dans le cadre d’une enquête pour violation de la législation sur l’avortement.
Certes en Europe un Règlement général sur la protection des données (RGPD) a été adopté en 2016 afin de mieux encadrer le traitement des données à caractère personnel, mais il semble difficile de garantir une protection optimale aux utilisatrices américaines de ces applications, même si celles-ci soutiennent se conformer de manière stricte aux règles relatives à la RGPD, à l’instar de l’application Clue. Il n’en reste pas moins que si la justice américaine réclame la communication des données, il sera difficile à ces applications européennes de s’y opposer.
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Vote de confiance : que dit la Constitution ?
Alors qu’Élisabeth Borne a prononcé mercredi 6 juillet son discours de politique générale devant l’Assemblée nationale et le Sénat, le gouvernement a acté le fait que la Première ministre ne demande pas un vote de confiance des députés. Il est vrai que la majorité relative dont dispose l’exécutif n’encourage pas vraiment une telle démarche…
Si le vote de confiance n’est pas un principe constitutionnel en soi, la Constitution de 1958 prévoit bien que le Premier ministre engage la responsabilité du Gouvernement sur une déclaration de politique générale ou sur son programme. Pour autant, il n’est pas indiqué textuellement que le “vote de confiance” constitue une étape obligatoire pour le chef du Gouvernement.
Pour beaucoup, il s’agit cependant d’une tradition qui doit être respectée. Le 18 avril 1967, lors de la déclaration de politique générale de Georges Pompidou, le député centriste Jacques Duhamel avait interpellé le Premier ministre : “Vous ne devez pas nous demander l’investiture, mais vous avez le devoir de demander notre confiance.” Pour le député issu de la majorité, ne pas solliciter la confiance est une pratique résultant d’une interprétation de la Constitution (ici, de l’article 49) qu’il qualifie de “violation pure et simple”.
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Envoi des demandeurs d’asile au Rwanda : selon Dominic Raab « rien dans la Convention européenne (des droits de l’homme) ne permet à Strasbourg de passer outre les cours suprêmes (anglaises) »
Alors que la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a prononcé une mesure provisoire d’urgence le 14 juin dernier visant à faire obstacle au réacheminement de 130 demandeurs d’asile au Royaume-Uni vers le Rwanda, le vice-Premier ministre du Royaume-Uni et secrétaire d’État à la Justice Dominic Raab s’est montré relativement critique vis-à-vis de cette décision, considérant que la CEDH ne dispose d’aucun fondement légal au sein de la Convention européenne des droits de l’homme pour autoriser la Cour à prendre une telle mesure. Toutefois, M. Raab semble se méprendre sur le fondement juridique ici convoqué pour supporter une telle affirmation.
En effet, la décision prise par la Cour européenne des droits de l’homme s’appuie bel et bien sur un fondement issu du Règlement de la Cour, qui l’autorise à indiquer les mesures provisoires à tout État partie à la Convention européenne des droits de l’homme dès lors qu’un des droits protégés par la Convention est susceptible d’être lourdement entravé.
Et ces mesures, toute cour nationale à l’obligation de les appliquer. Selon le raisonnement de la Cour européenne fondé sur la lettre de la Convention (article 34), les États parties ont l’obligation de respecter les mesures provisoires même si elles ne sont mentionnées que dans le Règlement de la Cour et non dans la Convention même. En 2005 puis en 2009, deux affaires ont donné à la Cour l’occasion de préciser cette obligation.
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Référence : AJU305531