Cette semaine chez Les Surligneurs : E. Macron obligé de nommer JL. Mélenchon ?

Publié le 10/06/2022

Emmanuel Macron pourrait-il être tenu de nommer Jean-Luc Mélenchon premier ministre si la NUPES obtient la majorité lors des législatives ? Nous avons posé la question aux Surligneurs, spécialistes de legal checking. La réponse juridique est sans ambiguïté, c’est politiquement que la situation est plus nuancée. Explications. 

Cette semaine chez Les Surligneurs : E. Macron obligé de nommer JL. Mélenchon ?

 

Selon Emmanuel Macron, personne ne peut lui imposer de nommer Jean-Luc Mélenchon Premier ministre

L’inventivité de la Nouvelle Union Populaire Ecologique et Sociale (NUPES), qui a accouché de l’idée d’un « troisième tour » social, a conduit à une relecture radicale des institutions de la Vème République dans laquelle Jean-Luc Mélenchon contraindrait le président de la République, Emmanuel Macron, à le nommer Premier ministre. En réponse, le président nouvellement élu a rétorqué que personne ne pouvait l’y obliger. Qui dit vrai ?

En droit, le Chef d’Etat ne se trompe pas. Seulement, le Gouvernement qu’il nommera au lendemain des élections législatives aura besoin du soutien politique de l’Assemblée nationale pour conduire la politique de la Nation qu’il appelle de ses vœux. Ainsi, si le parti Renaissance (ex La République En Marche) n’obtient pas de majorité, il faudra bien prendre en compte le résultat des élections. Lorsqu’un président de la République n’obtient pas la majorité à l’Assemblée, il est, en effet, de tradition qu’il nomme un Premier ministre issu de la majorité élue : c’est le phénomène de la cohabitation.

Si la NUPES remportait la majorité des sièges à l’Assemblée, Emmanuel Macron pourrait très bien conserver le Gouvernement actuel. Mais ce Gouvernement se heurterait inévitablement à une Assemblée hostile, qui rejetterait tous les projets de loi qui lui seraient soumis. Pour éviter ce blocage, le président pourrait toujours nommer un Premier ministre puis un Gouvernement issu de son camp, mais qui s’engagerait à mener une politique NUPES… Encore faudrait-t-il que l’Assemblée accepte lors de son traditionnel vote de confiance (qui n’a au demeurant aucune valeur juridique).

Si le Gouvernement nommé maintenait une politique « macroniste », ce dernier pourrait, en vérité, mener son projet, par exemple, en recourant systématiquement à l’article 49 alinéa 3 de la Constitution qui conduit à l’adoption de lois sans vote. Cela étant, ce mécanisme mettrait en jeu la responsabilité du Gouvernement. En réponse à son déclenchement, un dixième des députés pourrait alors déposer une motion de censure (article 49-2). Si elle était adoptée par la majorité des députés votants, le Gouvernement serait renversé et un nouveau lui succéderait. En d’autres termes, une Assemblée où la NUPES serait majoritaire pourrait renverser le Gouvernement.

Juridiquement, le président dit vrai ; politiquement, c’est une autre histoire.

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En réponse au refus d’Emmanuel Macron de nommer Jean-Luc Mélenchon Premier ministre, Manuel Bompard lui répond : « Si bonhomme, tu vas le nommer »

Manuel Bompard, député européen La France Insoumise (LFI), croit dur comme fer à la victoire de la NUPES aux élections législatives. Cette certitude le conduit à contredire le présent de la République en lui assurant la nomination de Jean-Luc Mélenchon.

Même si une majorité NUPES devait siéger à l’Assemblée nationale, le Premier ministre peut très bien ne pas en être issu. Il n’en reste pas moins, comme dit précédemment, que le Gouvernement a besoin de l’Assemblée pour gouverner. Pour éviter tout blocage, il est donc préférable que les deux institutions soient compatibles politiquement.

Cela étant, le président peut aussi accepter de nommer un Premier ministre issu de la NUPES, mais qui ne soit pas Jean-Luc Mélenchon. Là encore, il n’y a aucune obligation juridique, ni pour le président, ni pour la NUPES, même si Jean-Luc Mélenchon est considéré comme le chef de cette coalition. Le modèle institutionnel de la Vème République se distingue, en effet, du modèle britannique : dans le système de Westminster, le Premier ministre est traditionnellement le chef du parti majoritaire qui siège dans la Chambre des Communes. Cela est logique, puisqu’il est nommé par la Reine, qui n’a pas la faculté de choisir. En France, la qualité de chef de la NUPES de Jean-Luc Mélenchon ne lui garantit pas le poste de Premier ministre. Du reste, libre à lui de bloquer le président en faisant en sorte que la NUPES rejette tous les projets de loi…

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Xavier Bertrand désigne le président de la République comme « seul responsable » des incidents survenus au Stade de France

Xavier Bertrand, président (LR) de la région Hauts-de-France, s’est exprimé sur les incidents survenus au Stade de France le 28 mai dernier, où les forces de police ont géré avec brutalité les foules aux abords du stade. A cette occasion, il a pu désigner le président de la République comme « seul responsable » dans la mesure où le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, ne ferait que dépendre des décisions prises par l’Élysée. Si ces propos relèvent vraisemblablement du discours politique et d’une rhétorique polémique, ils sont faux en droit. Désigner le Chef de l’Etat comme seul responsable politique au détriment de ses ministres ne semble pas correspondre à une réalité juridique.

Tout d’abord, le président de la République jouit d’une certaine irresponsabilité politique, en raison des conditions qui encadrent la procédure de destitution. L’article 68 de la Constitution prévoit que la destitution que le Parlement constitué en Haute Cour peut prononcer n’est possible qu’en cas de manquement à ses devoirs manifestement incompatibles avec l’exercice de son mandat. Pour cela, il exige la majorité des deux tiers du Parlement. Dans un système où la majorité à l’Assemblée nationale est le plus souvent de la même couleur politique que celle du président, il faut des faits d’une gravité telle que sa propre majorité se retournerait contre lui.  Si le président de la République jouit d’une telle irresponsabilité politique, c’est entre autres parce que les membres du Gouvernement sont, eux, responsables devant l’Assemblée nationale et jouent, en quelque sorte, le rôle de fusible. En droit, c’est donc bien le Gouvernement qui est responsable devant l’Assemblée, et non le Chef de l’Etat, responsable quant à lui devant l’opinion ou envers le pays.

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François Ruffin souhaite que le Conseil constitutionnel accepte d’entendre en saisine directe une question prioritaire de constitutionnalité

D’abord, le contexte. L’entreprise de produits de luxe LVMH était poursuivie pénalement dans une affaire d’espionnage sur François Ruffin : au moment des faits, l’actuel député (LFI) était journaliste à Fakir et réalisateur du documentaire « Merci Patron » sur Bernard Arnaud. Pour éviter tout procès ainsi que d’éventuelles répercussions médiatiques nuisibles à l’image de marque du groupe LVMH, l’entreprise avait conclu une convention judiciaire d’intérêt public (CJIP) permettant d’obtenir l’abandon des poursuites moyennant le paiement d’une amende.

François Ruffin, déplore que l’entreprise s’en sorte à si bon compte, sans passer devant le juge pénal, et dénonce une « justice des riches », prévue par la loi. Pour cette raison, il a  soulevé une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) devant la cour d’appel de Paris. Le but : obtenir que cette convention judiciaire d’intérêt public, qui découle de la loi dite « Sapin II » de 2016, soit soumise au contrôle du Conseil constitutionnel, en espérant que celui-ci la déclare contraire au principe d’égalité devant la justice (qui est un principe constitutionnel). Débouté de sa demande par les juges d’appel, qui ont confirmé l’accord passé entre LVMH et la justice française et refusé de transmettre la QPC, le député picard a fait entendre qu’il espérait que le Conseil constitutionnel se saisisse tout seul de sa QPC, malgré le refus de la cour d’appel.

François Ruffin se fait des illusions. La QPC tendant à ouvrir le contrôle de constitutionnalité des lois aux citoyens est encadrée par des conditions de fond et de forme très strictes et ne prévoit pour le Conseil constitutionnel aucune possibilité d’auto-saisine. François Ruffin ne peut contester le refus de renvoi de la QPC par la cour d’appel de Paris que devant la Cour de cassation. Et si celle-ci maintient le refus, la procédure s’arrêtera là. Cela étant, rien n’empêche François Ruffin de déposer, lors de la prochaine législature s’il est reconduit dans son mandat,  une proposition de loi tendant à supprimer la convention judiciaire d’intérêt public…

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