Cette semaine chez les Surligneurs : Le remboursement des comptes de campagne, un casse-tête bureaucratique

Publié le 22/04/2022

Savez-vous que les appels aux dons de Yannick Jadot et Valérie Pécresse vont coûter à l’Etat ? Les Surligneurs, spécialisés en legal checking, vous expliquent pourquoi. A deux jours du scrutin, ils vous racontent aussi comment son protégés les candidats. Enfin et surtout, ils passent au crible les propositions phare des deux candidats du deuxième tour. 

Cette semaine chez les Surligneurs : Le remboursement des comptes de campagne, un casse-tête bureaucratique

 

Certains candidats peinent à trouver de quoi combler le gouffre financier laissé par leur résultat décavant aux élections. En 1988, sur fond de scandales de corruption, le législateur avait décidé de financer les campagnes électorales par l’argent public, moyennant un contrôle des comptes de campagne. Les financements des campagnes sont ainsi surveillés par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP).

La CNCCFP fut créée par une loi de 1990 relative à la limitation des dépenses électorales et à la clarification du financement des activités politiques, puis érigée en autorité administrative indépendante. Si elle surveille aussi les comptes des partis politiques, c’est à propos des comptes de campagne qu’elle ressort dans l’actualité en ce moment. Ces comptes sont encadrés, d’abord au niveau des dons. Les personnes morales (notamment les sociétés ou associations) ne peuvent donner. Les dons des individus sont limités à 4 600 euros au total, en faveur d’un seul candidat ou de plusieurs. De plus, aucun candidat ne peut recevoir, directement ou indirectement, des dons ou des prêts d’une personne morale de droit étranger. En ce sens, un prêt accordé par une banque russe ou américaine n’est pas illégal, si cette banque passe par une filiale de droit français, établie en France.

Les comptes de campagne sont eux-mêmes vérifiés. La loi de 1962 régissant l’élection présidentielle prévoit que ces comptes doivent être déposés au plus tard à 18 heures le onzième vendredi suivant le premier tour de scrutin. Ils sont publiés par la suite au Journal officiel après le contrôle de la CNCCFP. Lors de ce contrôle, la CNCCFP approuve, rejette ou réforme les comptes de campagne présentés par les candidats, qu’ils aient été élus ou non. Elle détermine le montant des remboursements alloués aux candidats.

Reste que ce remboursement n’est pas illimité. Il suit un barème légal. Un plafond de dépenses de campagne est fixé (actuellement, 16,851 millions d’euros au premier tour, et 22,509 millions d’euros au second tour), par candidat. Pour les candidats n’ayant pas franchi la barre des 5% de suffrages exprimés, 4,75% du plafond sont remboursés. Pour ceux qui ont réussi à franchir ce cap, le montant du remboursement s’élève à 47,5% du plafond.

Dans le cas de Yannick Jadot et Valérie Pécresse, tous deux arrivés sous la barre des 5% des suffrages exprimés, le remboursement sera de 800 422 euros, soit 4,75 % de 16,851 millions (une fois que leurs comptes de campagne seront validés). Or leurs dépenses ont été bien supérieures à cette somme, tant ils pensaient obtenir plus de 5% des suffrages. Au-delà de 800 422 euros, les dépenses restent à leur charge, ou à celle de leur parti. Ils peuvent aussi lancer un appel aux dons. Mais attention à ne pas confondre avec la situation dans laquelle s’était retrouvé Nicolas Sarkozy en 2012 : ses comptes avaient été invalidés par la CNCCFP, d’où le refus de remboursement, qui avait mis à mal les finances du parti UMP (devenu LR), au point de lancer un appel aux dons.

Si Valérie Pécresse et Yannick Jadot lancent également des appels aux dons, c’est en raison de leurs scores respectifs inférieurs à 5%. C’est une solution légale, mais coûteuse pour l’État : chaque don effectué en faveur d’un parti politique bénéficie en effet d’une déduction fiscale de 66% (sur 100 euros donnés, le fisc en rembourse 66). D’une certaine manière, ce que les pouvoirs publics épargnent en ne remboursant pas les dépenses de campagne, ils le déboursent à travers la déduction fiscale. Pour Valérie Pécresse, à supposer qu’elle reçoive 5 millions d’euros de dons (le montant de sa dette personnelle), il en coûterait donc 3,3 millions à l’État.

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Comment sont protégés les candidats à l’élection présidentielle ?

Gifles, enfarinages, attentats, les candidats courent certains risques, et il existe un dispositif de protection par la police et des solutions en cas d’empêchement.

C’est la raison d’être du Service de la protection (SDLP), l’une des branches de la police nationale, issue de la fusion de trois services, et qui assure la protection du président de la République, des membres du gouvernement, des chefs d’État et de gouvernements étrangers en visite, et également celle des candidats à l’élection présidentielle.

Ces candidats ne sont pas tous menacés au même degré. Il est attribué une note à chaque candidat en fonction du degré de protection nécessaire. Sont pris en compte nombre d’éléments comme la famille politique du candidat ou son poids dans le débat politique. La note va de 1 (niveau de protection le plus élevé) à 4. Elle peut évoluer, et avec elle le dispositif de protection. Éric Zemmour, par exemple, qui bénéficiait initialement d’une protection de niveau 4, a vu son dispositif de sécurité se renforcer par la suite, passant de deux à quatre policiers.

Ensuite, il faut envisager le pire : l’empêchement électoral. La Constitution distingue trois cas de figure : premier cas, le décès ou l’empêchement d’un candidat déclaré publiquement, sept jours avant la date limite du dépôt des présentations de candidature. Le Conseil constitutionnel décidera ou non d’un report de l’élection. Reste à savoir selon quels critères : le décès d’un candidat marginal dans les sondages aurait-il les mêmes conséquences que celui d’un candidat bien placé ? Le second cas de figure concerne le décès ou l’empêchement d’un candidat officiel, avant le premier tour. Le Conseil constitutionnel doit alors prononcer le report de l’élection. Enfin troisième cas de figure le décès ou l’empêchement d’un candidat durant l’entre-deux tours. Dans cette hypothèse le Conseil constitutionnel déclare qu’il doit être procédé de nouveau à l’ensemble des opérations électorales.

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Quel rôle jouent les assesseurs des bureaux de vote dans la régularité et la sincérité du scrutin ?

Figure familière et pourtant si méconnue, l’assesseur du bureau de vote est un rouage essentiel de la démocratie. C’est sur lui, et les délégués des partis, que reposent la régularité et surtout la sincérité du scrutin.

Un bureau de vote est composé d’un président, d’au moins deux assesseurs et d’un secrétaire. Deux membres au moins doivent rester présents tout au long du scrutin : le président du bureau de vote (ou à défaut, le plus âgé des assesseurs) et un assesseur.

Un assesseur est un électeur ou une électrice chargés d’accompagner le président d’un bureau de vote afin de s’assurer que le scrutin se déroule dans de bonnes conditions ainsi que dans le respect de la loi. Il siège derrière la table de vote, vérifie l’identité des électeurs (ou le droit de voter), leur inscription sur la liste électorale, surveille les signatures sur la liste d’émargement, vérifie la validité des procurations, estampille la carte électorale et participe à l’organisation du dépouillement.

Les assesseurs sont désignés par les candidats et le maire. Pour les élections présidentielles, les assesseurs peuvent être choisis par le représentant local du candidat. Ils ne doivent pas être confondus avec les délégués… qui surveillent les assesseurs. Ce sont les partis politiques ou les candidats qui les désignent, en tant qu’observateurs et témoins du processus électoral. Ils ne font pas partie du bureau, mais contrôlent les opérations de dépouillement et de décompte des voix ; ils peuvent inscrire, avant ou après la proclamation du scrutin sur le procès-verbal du bureau de vote toutes observations, protestations ou contestations sur lesdites observations.

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Le programme de Marine Le Pen passé au crible

L’Union européenne : malgré un discours adouci sur ce plan depuis 2017, prônant une Europe des nations, le programme de Marine Le Pen reste incompatible avec le droit de l’Union et donc le maintien de la France dans l’Union, qu’il s’agisse de la primauté du droit français, de la priorité nationale, du protectionnisme économique, ou du rétablissement des frontières. Toutes ces réformes nécessitent de modifier les traités européens avec l’unanimité des États membres.

Au cours du débat électoral, Marine Le Pen a maintenu son intention d’interdire le voile dans l’espace public. Or une limitation de la liberté religieuse dans l’espace public ne serait possible que si un motif d’ordre public l’exigeait. Il reviendra donc à Marine Le Pen de justifier en quoi le voile porte atteinte à la sécurité publique. Une loi interdisant le port d’un signe religieux de manière générale et absolue dans l’espace public serait très certainement censurée par le Conseil constitutionnel et pointée du doigt par la Cour européenne des droits de l’homme.

La proposition de réserver les logements sociaux aux Français va à l’encontre du principe constitutionnel d’égalité. Il en irait de même de prestations sociales réservées aux Français, à moins de modifier la Constitution et de sortir du Conseil de l’Europe.

Autre promesse, celle de sortir d’un certain nombre d’articles de la Convention européenne des droits de l’homme, notamment l’article 3 qui interdit les traitements inhumains et dégradants, et qui prohibe par conséquent d’expulser une personne qui pourrait être soumise à de tels traitements dans son pays. On ne peut pas choisir dans la Convention les articles qu’on appliquerait et les autres, sauf à en sortir, comme la Russie.

Intégrer la priorité nationale dans la Constitution : il faut pour cela passer par l’article 89, et donc le Parlement. Marine Le Pen entend passer par l’article 11, qui permet l’organisation d’un référendum à la demande du chef de l’État, sans passer par le Parlement. Le Conseil constitutionnel qui s’y opposerait certainement, car cet article 11 n’est pas fait pour réviser la Constitution. De Gaulle l’avait fait, mais le contexte a changé depuis et en particulier la Jurisprudence du Conseil constitutionnel.

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Les promesses d’Emmanuel Macron passées au crible

Malgré une campagne minimaliste et tardive, Emmanuel Macron n’a pas réussi à éviter le piège des promesses qui posent problème du point de vue du droit, voire sont juridiquement intenables.

Mettre un terme à la “quasi-gratuité” de l’enseignement supérieur public. Cette gratuité est prévue par le préambule de la Constitution de 1946. Mais, selon le Conseil constitutionnel, elle s’accommode de frais de scolarité “modiques” qui se calculent en tenant compte du montant de ces frais au regard du coût de la formation par étudiants, et des aides dont ces derniers peuvent bénéficier. Une marge d’augmentation existe, mais pas au point de pouvoir se caler sur les tarifs anglo-américains, à moins d’une révision constitutionnelle.

Supprimer la contribution à l’audiovisuel public et pérenniser son budget grâce à une loi pluriannuelle ? Une loi de programmation pluriannuelle permettrait de pérenniser le budget de l’audiovisuel public et donc son indépendance. Sauf qu’une telle loi n’a qu’une portée symbolique, se bornant à prévoir des budgets sur plusieurs années. Mais juridiquement, elles ne permettent aucune dépense. Il faut pour cela une loi de finances annuelle, seule à permettre des dépenses. Le budget de l’audiovisuel public ne serait donc pas plus garanti qu’actuellement.

Inscrire la protection de l’environnement et le droit à l’interruption volontaire de grossesse dans la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne : or, la protection de l’environnement figure cependant déjà dans la Charte européenne. Pour le renforcer, il faudra obtenir l’accord des 27 États membres. Sur le droit à l’IVG, même obstacle : l’accord unanime de tous les États européens.

Autre promesse à peu de frais, celle… d’appliquer le droit européen. Le candidat Macron promet en effet la “mise en œuvre d’une taxe carbone aux frontières de l’Europe“. Or la taxe carbone, dès lors qu’elle sera adoptée par le législateur européen, en tant que “loi” européenne, aura force obligatoire. La France n’aura pas d’autre choix que de la mettre en œuvre.

Rendre automatique l’obligation de quitter le territoire pour tout débouté du droit d’asile : or,  un étranger n’est pas nécessairement éloignable du territoire après que sa demande d’asile a été rejetée. Il peut en effet prétendre parfois à un autre titre de séjour ou encore bénéficier du principe de non-refoulement.

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