Les principales dispositions du décret n° 2017-1434 du 29 septembre 2017 relatif aux obligations d’information des opérateurs de plates-formes numériques
Le décret détermine le contenu, les modalités et les conditions d’application de l’article L. 117 du Code de la consommation. Celui-ci impose à tout opérateur de plate-forme en ligne, une obligation d’information loyale, claire et transparente sur les conditions de référencement, de classement et de déréférencement des contenus auxquels il permet d’accéder et sur le service d’intermédiation qu’il propose permettant la mise en relation par voie électronique de plusieurs parties en vue de la vente d’un bien, de la fourniture d’un service ou de l’échange ou du partage d’un bien ou d’un service.
La loi pour une République numérique a défini les obligations d’information des opérateurs de plate-forme numérique (OPN). Cette loi1 recompose le régime juridique auquel sont soumis les opérateurs de plates-formes en ligne, problématique déjà envisagée par la loi du 6 août 2015, dite loi Macron, qui avait donné une première définition de cette activité et l’avait soumise à un principe de loyauté par le biais d’obligations d’information2.
Alors que les plates-formes numériques sont devenues des acteurs déterminants de l’économie française et jouent un rôle décisif dans les décisions que prennent les consommateurs, le ministre de l’Économie et des Finances, Bruno Le Maire, et le secrétaire d’État chargé du Numérique, Mounir Mahjoubi, ont signé trois décrets, renforçant les obligations de transparence et de loyauté que ces plates-formes doivent respecter.
Pris en application de la loi pour une République numérique du 7 octobre 2016, ces décrets sont le fruit d’une large concertation au sein du conseil national de la consommation (CNC) ainsi qu’avec les représentants des entreprises des secteurs concernés.
Pour Mounir Mahjoubi, ces textes incarnent à la fois la volonté du gouvernement français de mettre en place une meilleure régulation des plates-formes, mais visent également à traduire, en termes concrets, la proposition présentée par le président de la République à nos partenaires européens, à Tallin, le 29 septembre dernier : « développer et porter une initiative européenne pour créer de la transparence sur le comportement des plates-formes, car le numérique ne doit pas être régi par la loi du plus fort. La France assume ainsi pleinement l’ambition de faire de l’espace numérique un lieu où les principes d’équité et de loyauté sont respectés ».
On peut aussi rappeler que les projets de ces décrets d’application avaient été notifiés à la Commission européenne, car ils instituent une « norme technique » dans la société de l’information.
Quoi qu’il en soit, les trois décrets doivent permettre de renforcer les obligations de transparence et de loyauté que doivent respecter les plates-formes numériques. Au final, les consommateurs pourront accéder à des informations plus claires, objectives et transparentes.
En particulier, un décret3 détermine le contenu, les modalités et les conditions d’application de l’article L. 117 du Code de la consommation. Celui-ci impose à tout opérateur de plate-forme en ligne une obligation d’information loyale, claire et transparente sur les conditions de référencement, de classement et de déréférencement des contenus auxquels il permet d’accéder et sur le service d’intermédiation qu’il propose, permettant la mise en relation par voie électronique de plusieurs parties en vue de la vente d’un bien, de la fourniture d’un service ou de l’échange ou du partage d’un bien ou d’un service.
On rappellera que, selon l’article L. 111-7 du Code de la consommation, est qualifiée d’opérateur de plate-forme en ligne toute personne physique ou morale proposant, à titre professionnel, de manière rémunérée ou non, un service de communication au public en ligne reposant sur :
1. Le classement ou le référencement, au moyen d’algorithmes informatiques, de contenus, de biens ou de services proposés ou mis en ligne par des tiers ;
2. Ou la mise en relation de plusieurs parties en vue de la vente d’un bien, de la fourniture d’un service ou de l’échange ou du partage d’un contenu, d’un bien ou d’un service.
Sont ainsi visés les comparateurs, les moteurs de recherche, les plates-formes collaboratives, les plates-formes d’intermédiation (marketplaces) et les réseaux sociaux.
En outre, tout opérateur de plate-forme en ligne est tenu de délivrer au consommateur une information loyale, claire et transparente sur les conditions générales d’utilisation du service d’intermédiation qu’il propose et sur les modalités de référencement, de classement et de référencement des contenus, des biens ou des services auxquels ce service permet d’accéder.
Rappel. L’administration peut procéder à des enquêtes afin d’évaluer et de comparer les pratiques des opérateurs de plates-formes et publier la liste des sites ne respectant pas ces obligations.
L’opérateur qui ne respecte pas l’obligation d’information encourt jusqu’à 75 000 € d’amende administrative pour une personne physique et 375 000 € pour une personne morale.
Quoi qu’il en soit, le décret précité précise les obligations applicables à tout opérateur, renforce celles des plates-formes de mise en relation et maintient celles applicables aux sites de comparaison en ligne.
I – Les obligations générales applicables à tout opérateur
Tout opérateur de plate-forme en ligne doit préciser dans une rubrique spécifique les modalités de référencement, de déréférencement et de classement.
Cette rubrique doit être directement et aisément accessible à partir de toutes les pages du site. Elle doit comporter les informations suivantes :
1. Les conditions de référencement et de déréférencement des contenus et des offres de biens et services, notamment les règles applicables pour être référencé et les obligations dont le non-respect conduit à être déréférencé ;
2. Les critères de classement par défaut des contenus et des offres de biens et services, ainsi que leurs principaux paramètres ;
3. Le cas échéant, l’existence d’un lien capitalistique ou d’une rémunération entre l’opérateur de plate-forme et les offreurs référencés dès lors que ce lien ou que cette rémunération exerce une influence sur le référencement ou le classement des contenus, des biens ou des services proposés ou mis en ligne.
NB. Cette rubrique pourra faire l’objet soit d’une page autonome, soit être intégrée dans les conditions générales d’utilisation à la condition, dans ce dernier cas, qu’un lien hypertexte permette d’y accéder directement4.
Au-delà de cette information isolée que l’internaute doit aller chercher, le décret impose une information contextuelle5, à savoir :
-
Pour chaque résultat de classement à proximité de l’offre ou du contenu classé, un opérateur de plate-forme en ligne doit faire apparaître, par tout moyen distinguant ce résultat, l’information selon laquelle son classement a été influencé par l’existence d’une relation contractuelle, d’un lien capitalistique ou d’une rémunération entre l’opérateur de plate-forme et l’offreur référencé6
-
En outre, tout opérateur de plate-forme en ligne doit faire apparaître, de manière lisible et aisément accessible, sur chaque page de résultats, le critère de classement utilisé ainsi que la définition de ce critère.
II – Les obligations spécifiques des plates-formes de mise en relation
A. Tout opérateur de plate-forme en ligne proposant, à titre professionnel, de manière rémunérée ou non, un service de communication au public en ligne reposant sur la mise en relation de plusieurs parties en vue de la vente d’un bien, de la fourniture d’un service ou de l’échange ou du partage d’un contenu, d’un bien ou d’un service doit préciser, dans une rubrique directement et aisément accessible à partir de toutes les pages du site, sans que l’utilisateur ait besoin de s’identifier, les informations suivantes :
1. La qualité des personnes autorisées à déposer une offre de biens et de services, et notamment leur statut de professionnel ou de consommateur ;
2. Le descriptif du service de mise en relation, ainsi que la nature et l’objet des contrats dont il permet la conclusion ;
3. Le cas échéant, le prix du service de mise en relation ou le mode de calcul de ce prix, ainsi que le prix de tout service additionnel payant, lorsqu’ils sont mis à la charge du consommateur ;
4. Le cas échéant, les modalités de paiement et le mode de gestion, opéré directement ou par un tiers, de la transaction financière ;
5. Le cas échéant, les assurances et garanties proposées par l’opérateur de plate-forme ;
6. Les modalités de règlement des litiges et, le cas échéant, le rôle de l’opérateur de plate-forme dans ce règlement.
B. Par ailleurs, tout opérateur de plate-forme en ligne proposant, à titre professionnel, de manière rémunérée ou non, un service de communication au public en ligne reposant sur le classement ou le référencement, au moyen d’algorithmes informatiques, de contenus, de biens ou de services proposés ou mis en ligne par des tiers et qui met en relation des consommateurs ou des non-professionnels entre eux, à titre principal ou accessoire, doit indiquer également, de manière lisible et compréhensible :
1. La qualité de l’offreur, selon que l’offre est proposée par un professionnel ou par un consommateur ou non-professionnel, en fonction du statut déclaré par celui-ci ;
2. Si l’offre est proposée par un consommateur ou un non-professionnel :
a) préalablement au dépôt de l’offre, les sanctions encourues par l’offreur s’il agit à titre professionnel alors qu’il se présente comme un consommateur ou un non-professionnel ;
b) pour chaque offre : – le prix total des biens ou des services proposés, y compris, le cas échéant, les frais de mise en relation et tous les frais supplémentaires exigibles, sur la base du prix déclaré par l’offreur ; – le droit de rétractation lorsque les parties au contrat l’ont prévu, ou, à défaut, l’absence de droit de rétractation pour l’acheteur ; – l’absence de garantie légale de conformité des biens et l’application des dispositions des articles 1641 et suivants du Code civil relatifs à la garantie des défauts de la chose vendue ; – les dispositions du Code civil relatives au droit des obligations et de la responsabilité civile applicables à la relation contractuelle, par l’affichage d’un lien hypertexte.
C. Enfin, tout opérateur de plate-forme en ligne, lorsqu’il met en relation des professionnels avec des consommateurs et permet la conclusion d’un contrat de vente ou de prestation de service, doit mettre à la disposition de ces professionnels l’espace nécessaire pour la communication des informations préalables à la vente d’un bien ou à la fourniture d’un service.
III – Le seuil pour la diffusion de « bonnes pratiques »
Par ailleurs, le décret n° 2017-1435 du 29 septembre 20177 fixe à 5 millions de visiteurs uniques par mois, par plate-forme, calculé sur la base de la dernière année civile, le seuil à compter duquel les opérateurs de plates-formes en ligne doivent élaborer et diffuser des bonnes pratiques pour renforcer la loyauté, la clarté et la transparence des informations transmises aux consommateurs. Cette obligation rentre en vigueur le 1er janvier 2019.
Un opérateur de plate-forme en ligne dont le nombre de connexions dépasse ce seuil aura un délai de 6 mois pour se mettre en conformité.
IV – Les obligations relatives aux obligations d’information relatives aux avis en ligne de consommateurs
Enfin, le décret n° 2017-1436 du 29 septembre 2017 précise les obligations d’information relatives aux avis en ligne de consommateurs8.
Il détermine le contenu et les modalités d’application des informations prévues par l’article L. 111-7-2 du Code de la consommation qui impose une information loyale, claire et transparente sur les modalités de publication et de traitement des avis en ligne à toute personne physique ou morale dont l’activité consiste, à titre principal ou accessoire, à collecter, à modérer ou à diffuser des avis en ligne provenant de consommateurs.
NB. Un avis en ligne s’entend de l’expression de l’opinion d’un consommateur sur son expérience de consommation grâce à tout élément d’appréciation, qu’il soit qualitatif ou quantitatif.
Il s’agit d’une disposition très large, d’autant plus que cette expression d’« expérience de consommation » s’entend « que le consommateur ait ou non acheté le bien ou le service pour lequel il dépose un avis »9. Ne sont pas considérés comme des avis en ligne les parrainages d’utilisateurs, les recommandations par des utilisateurs d’avis en ligne, ainsi que les avis d’experts. Trois îlots qui vont poser des problèmes de frontières. Quand commencera ou terminera la qualité « d’experts » ? Et la notion de « recommandation »10 ?
NB. Les sites qui ouvrent leurs portes aux avis devront alors revoir quelque peu la structure de leurs pages. Ils devront indiquer clairement et visiblement à proximité des avis :
a) L’existence ou non d’une procédure de contrôle des avis ;
b) La date de publication de chaque avis, ainsi que celle de l’expérience de consommation concernée par l’avis ;
c) Les critères de classement des avis parmi lesquels figure le classement chronologique.
En outre, dans une rubrique spécifique facilement accessible, les sites devront indiquer :
a) L’existence ou non de contrepartie fournie en échange du dépôt d’avis ;
b) Le délai maximum de publication et de conservation d’un avis.
Enfin, lorsque la personne exerçant l’activité exerce un contrôle sur les avis, elle doit veiller à ce que les traitements de données à caractère personnel réalisés dans ce cadre soient conformes à la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés modifiée et préciser dans une rubrique :
1. Les caractéristiques principales du contrôle des avis au moment de leur collecte, de leur modération ou de leur diffusion ;
2. La possibilité, le cas échéant, de contacter le consommateur auteur de l’avis ;
3. La possibilité ou non de modifier un avis et, le cas échéant, les modalités de modification de l’avis ;
4. Les motifs justifiant un refus de publication de l’avis.
En cas de refus de publication d’un avis, la plate-forme devra informer son auteur des motifs de refus par tout moyen approprié.
Notes de bas de pages
-
1.
L. n° 2016-1321, 7 oct. 2016.
-
2.
Lexing.
-
3.
D. n° 17-1434, 29 sept. 2017.
-
4.
ARST Avocats.
-
5.
Ibid.
-
6.
Y compris sur ce qui relève de la publicité au sens de l’article 20 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance en l’économie numérique.
-
7.
Décret relatif à la fixation d’un seuil de connexions à partir duquel les opérateurs de plates-formes en ligne élaborent et diffusent des bonnes pratiques pour renforcer la loyauté, la clarté et la transparence des informations transmises aux consommateurs : JO, 5 oct. Entrée en vigueur au 1er janvier 2019.
-
8.
JO, 5 oct.
-
9.
Next Inpact.
-
10.
Ibid.