Tribunal de Pontoise : « Il s’est collé à moi, m’a touché la poitrine, j’ai senti son sexe en érection »

Publié le 29/12/2023

Jeudi 16 novembre, le tribunal correctionnel de Pontoise juge un homme pour agression sexuelle contre sa voisine. Les faits ont été commis chez elle, dans une certaine confusion, et sont difficilement reconnus.

Tribunal de Pontoise : « Il s’est collé à moi, m’a touché la poitrine, j’ai senti son sexe en érection »
Tribunal de Pontoise (Photo : ©J. Mucchielli)

Après avoir soulevé trois motifs de nullité en exposant ses points un par un, de manière pour ainsi dire scolaire et didactique (nullités qui seraient jointes au fond puis rejetées, comme le demandait la procureure), l’avocat parisien, comme tout le monde, a attendu que son client vienne s’installer à la barre, les mains droites et légèrement tremblotantes, ses joues rebondies un peu luisantes. Hichem, conducteur de poids lourd de 38 ans, a le trac et, à vrai dire, il préfèrerait qu’on l’enterre là tout de suite plutôt que l’on évoque ce qu’il a fait à sa voisine, présente à l’audience, ou plutôt ce que l’accusation prétend qu’il lui aurait fait, car Hichem conteste les faits, du moins en partie, enfin ce n’est pas clair.

La présidente résume cette position : « Monsieur et madame étaient voisins, et sur vos dépositions, Monsieur, vous avez évolué dans vos positions, puisqu’au début vous n’avez rien fait, vous retournez les choses sur madame, et au fur et à mesure… Monsieur, avez-vous embrassé madame ?

— Non, en partant j’ai dit au revoir.

— Le bisous, il était où ?

— J’ai pas fait de bisous.

— Vous avez dit que vous avez fait un bisou ?

— Non, j’ai pas fait de bisous, j’ai dit au revoir, bisous, bonne soirée. »

Deux femmes dans le public sont mortes de rire sur leur banc. Elles sont installées juste derrière la plaignante qui affiche un sourire de compassion.

« Vous avez ouvert la braguette ? »

« Bon, et les mains sur la poitrine de madame, vous l’avez reconnu, ça.

— Non, j’ai repoussé ses avances.

— Vous avez reconnu avoir ouvert votre braguette et éjaculé.

— Je ne me suis pas masturbé !

— Je n’ai pas dit ça, j’ai dit ‘éjaculé’.

— Vous avez ouvert la braguette ?

— …

— Avant le sopalin, vous avez ouvert la braguette ?

— Je constate que Monsieur ne reconnaît plus rien.

— Après le sopalin, j’ai ouvert la braguette.

— Donc à un moment vous avez bien éjaculé chez madame !

— Dans le pantalon.

— Madame dit qu’elle a dû essuyer le sol avec la serpillère ! »

Le 22 janvier, Fatima demande à son voisin et ami Hichem s’il peut l’accompagner pour aller chercher un meuble trouvé sur un site de petites annonces, et c’est volontiers qu’il accepte. Elle lui demande s’il peut payer les 100 euros de l’objet, il dit pouvoir avancer 40 euros. Ils s’en occupent et, de retour à leur immeuble d’Ermont, Hichem insiste pour monter le meuble chez elle, ce qu’elle accepte.

Victime « extrêmement choquée »

Sitôt passé le seuil de son domicile, Fatima explique qu’il la pousse sur le lit et s’allonge sur elle, qu’elle le repousse et, dans l’appartement exigu, Hichem se retrouve dans l’entrée. « Alors il s’est collé à moi, m’a touché la poitrine, j’ai senti son sexe en érection, il l’a sorti et m’a demandé de regarder, puis il a éjaculé par terre avant de lui demander du sopalin pour s’essuyer. » En sortant, il a tenté de l’embrasser, mais elle l’a esquivé.

Pour sa défense, Hichem a dit aux policiers qu’elle essayait de coucher avec lui et que c’est une profiteuse, car il lui rend souvent service. Il a également dit qu’il n’avait pas été en érection et que, de toute façon, « elle est moche ». Mais quelques jours après les faits, Fatima a eu l’idée de le piéger. Elle l’a appelé, a enregistré la conversation et a amené des extraits audio au tribunal, qu’elle diffuse à l’audience, téléphone dans le micro pour que tout le monde entende bien. On entend qu’elle répète à plusieurs reprises ce qu’il lui aurait fait, qu’il a commis une agression sexuelle, et qu’elle en est extrêmement choquée. À l’autre bout du fil, presqu’incompréhensible, Hichem pleure en permanence et, entre deux sanglots, s’excuse et lui demande de ne plus lui en parler.

Aujourd’hui, il donne une version à mi-chemin : il a bien posé ses mains sur sa poitrine en tentant de sortir du petit appartement, mais que c’était involontaire. Il reconnaît ainsi la matérialité des faits d’agression sexuelle qui lui sont reprochés.

« Il m’a fait des propositions que j’ai refusées »

Fatima témoigne avec une très grande maitrise de soi, alors qu’elle est atteinte de troubles bipolaires, est suivie, et n’est pas sortie de chez elle les semaines après les faits. La présidente demande :

— « Vous avez l’habitude de parler avec vos voisins de sexualité ?

— Monsieur avait une problématique avec son ex femme, et du coup on en parlait ensemble. Il m’a fait des propositions que j’ai refusées, pour moi c’était classé. Monsieur m’a demandé à plusieurs reprises d’aller plus loin, je voulais lui dire que je ne voulais personne dans ma vie.

— Il vous relançait ?

— De temps en temps.

— Et vous le sollicitiez pour des services ?

— En dehors de ça on s’entendait bien. Je me disais ‘il finira par comprendre’, c’est quelqu’un qui est sympathique.

— C’est pour essayer de comprendre quelle est votre relation.

— J’ai toujours eu des relations très sympathiques avec mes voisins. »

Et voilà.

En défense, l’avocat n’essaie pas de plaider la relaxe ; il semble satisfait des 6 mois de prison avec sursis probatoire requis par la procureure, et c’est avec cette peine (assortie d’une obligation de soins), qu’Hichem s’en va, assez tard dans la soirée, à petits pas pressés.

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