Tribunal de Pontoise : « Ils étaient plus de dix sur moi, c’est de la vengeance »

Publié le 03/03/2023

Arrêté en flagrant délit de vol, Gani, 44 ans, avoue ces faits mais nie s’être rebellé contre les policiers.  Les femmes de sa famille, très émues, sont venues d’Italie pour le soutenir.

Tribunal de Pontoise : « Ils étaient plus de dix sur moi, c'est de la vengeance »
Palais de justice de Pontoise (Photo : ©J. Mucchielli)

Trois femmes engoncées dans des doudounes se frottent les mains et se serrent les coudes quand Gani, 44 ans, le visage marqué par la bière et par la vie, prend place dans le box. Sa femme pleure sans arrêt, sa fille a le visage inquiet, sa belle-soeur arbore une mine grave. Gani a pleuré aussi, ses yeux rougis se tournent vers l’interprète en langue albanaise. Son procès a  fait l’objet d’un renvoi, il est en prison depuis un mois. La présidente annonce une affaire qui « débute de manière singulière ».

Le 23 janvier à Sarcelles, une enfant de 13 ans, fait tranquillement ses devoirs à la maison en fin de journée quand elle entend du bruit ; en fait, un homme fouille sa maison. Elle se cache dans le placard et appelle son père qui contacte la police. Les forces de l’ordre arrivent rapidement, pénètrent dans la maison par la fenêtre de la chambre de la jeune fille et tombent en faisant le tour des pièces sur Gani. L’homme, qui tient dans sa main un tournevis à l’envers, le glisse dans sa ceinture et prend la fuite. Les policiers courent à sa suite. Gani saute un grillage, un mur haut et, épuisé, ralentit un peu plus loin. Les trois policiers le rattrapent sur un parking, tentent de l’interpeller, mais Gani résiste. Il se raidit, les bras le long du corps et semble fouiller, disent les policiers, au niveau de sa ceinture. L’homme se débat tant qu’il pousse l’un des fonctionnaires, qui perd l’équilibre et, en se réceptionnant, voit son genou vriller – entorse bénigne, mais entorse tout de même. Juste après, disent les policiers, Gani brandit son tournevis de nouveau à l’envers, un policier sort son taser et envoie une décharge à Gani. Il est menotté et placé en garde à vue.

« Non, je ne me suis pas débattu »

Les policiers retournent dans la maison : pas d’effraction, le mis en cause semble être passé par une fenêtre ouverte (il le confirme). La présidente lui demande comment a-t-il pu accéder au jardinet. « Vous avez escaladé un mur ? » Le prévenu parle d’une petite barrière. Il reconnait avoir pénétré dans le local d’habitation et volé les bijoux retrouvés dans sa poche.

Le débat porte sur la rébellion qu’il conteste. « Est-ce que vous avez résisté à votre interpellation ?

— Non, je ne me suis pas débattu, ils étaient plus de dix sur moi.

— Non, ils étaient trois, et ils disent qu’ils n’arrivaient pas à vous interpeller. Il y en a un qui est tombé ?

— Non, personne à part moi.

— Et pourquoi à dix sur vous auraient-ils besoin d’utiliser un taser ?

— C’est de la vengeance ! »

Il se trouve que Gani aggrave son cas par le fait qu’il était ivre. « J’avais bu 5 ou 6 bières », admet-il. Cela explique qu’il n’ait pas senti les coups de taser, dit-il, et que les policiers se soient démultipliés devant lui.

Dans la salle, les femmes se sont déplacées pour mieux le voir. Elles sont venues exprès d’Italie où elles résident, et espèrent ramener Gani avec elles. Il était en France depuis quelques mois pour trouver un meilleur travail, après un précédent séjour en 2014 au cours duquel il fut condamné pour des faits de vol. Il veut retourner en Italie, auprès de sa famille, là où il n’est pas en situation irrégulière, explique-t-il. « Il demande une OQTF », répète le traducteur. « Sauf erreur de ma part, dira la procureure ensuite, ce n’est pas une mesure que votre tribunal peut prononcer dans ce cas d’espèce. »

« Je ne vois pas pourquoi leur parole serait remise en doute »

L’avocat des policiers salue la « célérité » de la police et souligne le peu de crédit qu’il accorde à la parole du prévenu. Quant aux policiers : « Je ne vois pas pourquoi leur parole serait remise en doute ». Il demande 400 et 900 euros de dommages et intérêts pour les deux policiers qu’il représente.

La procureure ne revient même pas sur les faits, et ne demande qu’un sursis simple – mais un quantum de 12 mois. L’espoir renaît dans les yeux des trois femmes. L’avocat en défense plaide la relaxe à demi-mot pour les faits de rébellion  (« je doute de sa volonté de s’opposer aux services de police ») mais semble se satisfaire de la peine demandée. C’est également le cas du tribunal : 12 mois avec sursis, 300 et 1000 euros de dommages et intérêts, interdiction de se rendre dans le Val d’Oise pendant 3 ans. Les femmes sont en pleurs, l’une d’entre elles joint ses mains et tombe à genoux, elle crie : « Merci ! Merci ! Merci beaucoup, au revoir ! » Elle voudrait la prendre dans ses bras. « Ouais, d’accord, au revoir », répond la présidente en levant le nez de sa feuille. L’épouse de Gani, en larmes, lui lance un baiser, avant de quitter la salle.

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