Tribunal de Pontoise : « Je n’aurais pas dû sortir ce soir-là »

Publié le 01/02/2024

Un très jeune majeur, interpellé en possession d’un mortier pendant les révoltes de l’été 2023 comparait devant le tribunal correctionnel de Pontoise. Il reconnaît les faits, s’excuse, regrette, et donne au tribunal le sentiment d’un repentir sincère.

Tribunal de Pontoise : « Je n'aurais pas dû sortir ce soir-là »
Tribunal de Pontoise (Photo : ©J. Mucchielli)

Le 1er juillet 2023 à Saint-Brice-sous-Forêt, Noa, tout juste 18 ans, vient de ramasser un mortier d’artifice. Il est environ 23 heures, les quartiers populaires flambent depuis trois jours. Il est immédiatement repéré par la police au sein d’un groupe de quatre jeunes, trottinant sur un chemin entre deux résidences. Le groupe est interpellé et Noa placé en garde à vue. À l’issue de celle-ci, il est relâché sous contrôle judiciaire et convoqué pour le 28 décembre.

Le voici à la barre du tribunal correctionnel de Pontoise. Au juge qui lui demande d’une voix doucereuse : « Que comptiez-vous faire avec le mortier ? », il répond, penaud : « Ce qu’on fait avec un mortier, attaquer la police », dit-il d’une voix dépitée. Puis il déclare : « J’ai pris conscience en quoi ce n’est pas bien ce que j’ai fait ».

« — En quoi, ce n’est pas bien ? interroge le président.

— J’ai envie d’avancer dans la vie. Je n’aurais pas dû sortir ce soir-là, j’ai mon bac à la fin de l’année.

— Les mortiers, vous vous rappelez leur taille ? On est sur des mortiers d’artifice, pour autant ça peut avoir un effet, qu’est-ce que ça peut faire ?

— Ça peut brûler, blesser, rendre aveugle. »

Pendant que le président continue la liste des mutilations pouvant être provoquées par un tir de mortier, Noa baisse la tête. « J’ai fait un truc bête et je m’en excuse encore une fois. J’ai envie de faire un BTS électricien après mon bac ». Cette nouvelle réjouit le magistrat, qui chante les louanges de ce métier ô combien utile et parfois lucratif, « vous faites bien jeune homme ».

« Il peut se passer quelque chose qui nous dépasse totalement »

L’avocate de Noa lui demande : « Est-ce que vous avez entamé un suivi après les faits ?

— Oui je vois une psy depuis quelques semaines, ça me fait du bien de parler avec quelqu’un de confiance et qui me fait avancer dans ma vie. »

Après la mort de leur père, il y a trois ans, la sœur de Noa a fait une tentative de suicide. Le jeune homme, affecté, a tenté de cumuler les responsabilités au sein de foyer pour soutenir la famille, ce qu’il ne parvient pas à faire. Noa se noie un peu vite dans l’âge adulte, mais montre au tribunal une volonté de se ressaisir : « Je ne suis pas quelqu’un de méchant, en fait, j’aurais jamais pu utiliser le mortier contre un policier.

— Je vous arrête tout de suite : beaucoup de personnes ici pour des faits plus graves disent comme vous. Dès lors qu’on a une arme en main, il peut se passer quelque chose qui nous dépasse totalement. »

Après avoir rappelé le contexte des révoltes urbaines de juin-juillet 2023, la procureure « salue l’honnêteté » du prévenu tout en soulignant « l’extrême gravité des faits ». « Le travail des policiers est de protéger la population, il est inadmissible qu’ils soient pris à partie comme ça ». Puisque Noa n’a pas d’antécédents, de bonnes garanties d’insertion et exprime de sincères regrets, elle ne requiert que cinq mois de prison avec sursis.

« 3 cerveaux = 0 cerveau »

« On pourrait penser que 3 personnes = 3 cerveaux, mais c’est plutôt 3 cerveaux = 0 cerveau ; ça ne s’additionne pas ça se soustrait » plaide son avocate. Elle insiste sur les excuses innombrables de son client et sa prise de conscience sincère et irréfutable, en précisant qu’il serait d’accord pour effectuer un travail d’intérêt général.

Après réflexion, le tribunal opte pour une peine de prison avec sursis, ramenée à trois mois.

 

 

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