Tribunal de Pontoise : «Le mitard, j’y ai tenu 30 jours avec un orteil cassé !»
Pour avoir frappé deux surveillants de la prison d’Osny où il est détenu, Moussa D., 24 ans, est jugé en comparution immédiate le 9 novembre 2021 devant le tribunal correctionnel de Pontoise pour violences sur personnes dépositaires de l’autorité publique.

Voici l’affable Moussa. Il se lève d’un bon énergique et, depuis son box, lance : « Bonjour Madame, Bonjour à tous ! ».
« —Vous souhaitez un renvoi, ai-je cru comprendre ? l’interroge la présidente.
— Je me désiste ! En fait, j’avais mal aux dents, une rage qu’on ne me soigne pas en prison, mais ça va mieux maintenant.
— Bien. Quelle est votre position sur les faits ?
— J’avoue tous les faits, j’ai rien d’autre à ajouter. »
En réalité, Moussa est en colère car on a saisi une clé USB dans sa cellule qu’il aurait bien aimé qu’on lui rende. Au lieu de cela, il a eu droit à un passage devant le conseil de discipline. Il faut dire que, frustré par cette saisie, le détenu s’est accroché avec deux surveillants et les a frappés au visage. C’était le 11 octobre dernier, à la prison d’Osny où il est détenu. Le 13, il a comparu devant le Conseil de discipline, qui lui a infligé 30 jours d’isolement. Alors qu’il était escorté vers le mitard, un nouvel incident a éclaté entre lui et les surveillants ; il en est résulté 6 jours d’ITT (incapacité temporaire totale de travail) pour un surveillant. C’est ce qui lui vaut de se retrouver devant le tribunal.
« Y’a des caméras dans la prison, vous ne pouvez pas raconter des carabistouilles »
Après que la présidente eut récapitulé les faits qui lui sont reprochés, Moussa tente d’exposer sa version. La présidente le prévient. « Y’a des caméras dans la prison, vous ne pouvez pas raconter des carabistouilles ! ».
« —Vos agents …
— Ce ne sont pas nos agents ! Nous sommes des magistrats, nous n’avons rien à voir avec l’administration pénitentiaire, corrige la présidente qui ne lui laisse rien passer.
— Pardon, je ne maîtrise pas trop la langue. Les agents pénitentiaires ont usé de leur force à 10 contre mes deux mains. J’ai mon deuxième orteil, il est cassé depuis 30 jours.
— On ne parle pas de vos bobos !
— Vous m’accablez, j’accable aussi. »
Les faits que Moussa prétend avoir subis se seraient déroulés le 11. Il demande, le 12 à voir un médecin, ce qui est fait le 13.
« Ils m’ont cassé mon doigt »
« —Il m’ont cassé mon doigt, ils ont serré les menottes à 100% et ils ont tourné, et je suis allé au mitard dans cet état-là.
— Vous avez vu le médecin, il n’y a aucune ITT.
— Le médecin, il minimise.
— Bon, vous reconnaissez les faits.
— Ils m’ont tapé, madame ! Je demande votre indulgence. »
A 24 ans, il cumule déjà 22 condamnations. « Pratiquement une condamnation par an depuis votre naissance, beau record ! » commente la présidente. Il s’agit essentiellement d’infractions liées à la législation sur les stupéfiants et de vols. Une assesseuse prend la parole : « Êtes-vous suivi pour d’éventuels troubles psy ? » La réponse est négative. Moussa déblatère : « Le mitard, j’y ai tenu 30 jours, y’en a ils se suicident le premier jour, ils mettent le feu à leur cellule, moi j’ai tenu 30 jours avec un orteil cassé ! Alors Jugez-moi, faites de moi ce que vous voulez ! Mais je vous préviens, je vais craquer un jour, je vais faire une maladerie (sic) un jour et ce sera ma fin ! ». Mais plus personne n’écoute Moussa.
Le procureur ne s’appesantit pas. « Les faits sont reconnus mais ils ne sont pas regrettés. Cette personne est inaccessible à toute sanction pédagogique, je demande au tribunal de bien vouloir le condamner à une peine de 18 mois de prison, avec maintien en détention ». L’avocate de Moussa relève : « 18 mois, c’est une peine très longue pour des violences légères, et c’est une peine qui me laisse perplexe. Une peine trop sévère, ça devient vite une peine injuste. » Puis, elle ajoute : « Le maintenir en détention, au vu la nature de l’infraction qui lui est reprochée, c’est prendre le risque que l’infraction se réitère. »
Après la suspension, Moussa écoute sa peine : le tribunal le condamne à 15 mois de prison, dont 6 mois avec sursis probatoire. Il a l’obligation de suivre des soins psychologiques. Moussa adresse un grand sourire sardonique au tribunal, et lance d’une voix forte : « Au revoir, au revoir à tous ! Bon repas ce soir, bonne vie ! Moi, je vais croupir en prison. »
Référence : AJU259080
