Tribunal de Pontoise : «Le mitard, j’y ai tenu 30 jours avec un orteil cassé !»

Publié le 02/12/2021 à 17h02

Pour avoir frappé deux surveillants de la prison d’Osny où il est détenu, Moussa D., 24 ans, est jugé en comparution immédiate le 9 novembre 2021 devant le tribunal correctionnel de Pontoise pour violences sur personnes dépositaires de l’autorité publique.

Tribunal de Pontoise : «Le mitard, j’y ai tenu 30 jours avec un orteil cassé !»
Tribunal judiciaire de Pontoise (Photo : ©J. Mucchielli)

Voici l’affable Moussa. Il se lève d’un bon énergique et, depuis son box, lance : « Bonjour Madame, Bonjour à tous ! ».

« —Vous souhaitez un renvoi, ai-je cru comprendre ? l’interroge la présidente.

— Je me désiste ! En fait, j’avais mal aux dents, une rage qu’on ne me soigne pas en prison, mais ça va mieux maintenant.

— Bien. Quelle est votre position sur les faits ?

— J’avoue tous les faits, j’ai rien d’autre à ajouter. »

En réalité, Moussa est en colère car on a saisi une clé USB dans sa cellule qu’il aurait bien aimé qu’on lui rende. Au lieu de cela, il a eu droit à un passage devant le conseil de discipline. Il faut dire que, frustré par cette saisie, le détenu s’est accroché avec deux surveillants et les a frappés au visage. C’était le 11 octobre dernier, à la prison d’Osny où il est détenu. Le 13, il a comparu devant le Conseil de discipline, qui lui a infligé 30 jours d’isolement. Alors qu’il était escorté vers le mitard, un nouvel incident a éclaté entre lui et les surveillants ; il en est résulté 6 jours d’ITT (incapacité temporaire totale de travail) pour un surveillant. C’est ce qui lui vaut de se retrouver devant le tribunal.

« Y’a des caméras dans la prison, vous ne pouvez pas raconter des carabistouilles »

Après que la présidente eut récapitulé les faits qui lui sont reprochés, Moussa tente d’exposer sa version. La présidente le prévient. « Y’a des caméras dans la prison, vous ne pouvez pas raconter des carabistouilles ! ».

« ­—Vos agents …

— Ce ne sont pas nos agents ! Nous sommes des magistrats, nous n’avons rien à voir avec l’administration pénitentiaire, corrige la présidente qui ne lui laisse rien passer.

— Pardon, je ne maîtrise pas trop la langue. Les agents pénitentiaires ont usé de leur force à 10 contre mes deux mains. J’ai mon deuxième orteil, il est cassé depuis 30 jours.

— On ne parle pas de vos bobos !

— Vous m’accablez, j’accable aussi. »

Les faits que Moussa prétend avoir subis se seraient déroulés le 11. Il demande, le 12 à voir un médecin, ce qui est fait le 13.

« Ils m’ont cassé mon doigt »

« —Il m’ont cassé mon doigt, ils ont serré les menottes à 100% et ils ont tourné, et je suis allé au mitard dans cet état-là.

— Vous avez vu le médecin, il n’y a aucune ITT.

— Le médecin, il minimise.

— Bon, vous reconnaissez les faits.

— Ils m’ont tapé, madame ! Je demande votre indulgence. »

A 24 ans, il cumule déjà 22 condamnations. « Pratiquement une condamnation par an depuis votre naissance, beau record ! » commente la présidente. Il s’agit essentiellement d’infractions liées à la législation sur les stupéfiants et de vols. Une assesseuse prend la parole : « Êtes-vous suivi pour d’éventuels troubles psy ? » La réponse est négative. Moussa déblatère : « Le mitard, j’y ai tenu 30 jours, y’en a ils se suicident le premier jour, ils mettent le feu à leur cellule, moi j’ai tenu 30 jours avec un orteil cassé ! Alors Jugez-moi, faites de moi ce que vous voulez ! Mais je vous préviens, je vais craquer un jour, je vais faire une maladerie (sic) un jour et ce sera ma fin ! ». Mais plus personne n’écoute Moussa.

Le procureur ne s’appesantit pas.  « Les faits sont reconnus mais ils ne sont pas regrettés. Cette personne est inaccessible à toute sanction pédagogique, je demande au tribunal de bien vouloir le condamner à une peine de 18 mois de prison, avec maintien en détention ». L’avocate de Moussa relève : « 18 mois, c’est une peine très longue pour des violences légères, et c’est une peine qui me laisse perplexe. Une peine trop sévère, ça devient vite une peine injuste. » Puis, elle ajoute : « Le maintenir en détention, au vu la nature de l’infraction qui lui est reprochée, c’est prendre le risque que l’infraction se réitère. »

Après la suspension, Moussa écoute sa peine : le tribunal le condamne à 15 mois de prison, dont 6 mois avec sursis probatoire. Il a l’obligation de suivre des soins psychologiques.  Moussa adresse un grand sourire sardonique au tribunal, et lance d’une voix forte : « Au revoir, au revoir à tous ! Bon repas ce soir, bonne vie ! Moi, je vais croupir en prison. »