Tribunal de Pontoise : « Mon père a subi une tentative d’assassinat »

Publié le 02/12/2023

Le 28 septembre à Pontoise, trois hommes comparaissent pour une tentative de vol. Tous nient et se défendent assez mal, ce qui agace la juge et la procureure.

Tribunal de Pontoise : « Mon père a subi une tentative d’assassinat »
Tribunal de Pontoise (Photo : ©J. Mucchielli)

À la barre bien alignés : trois prévenus. Une seule juge derrière le grand bureau : « Je reconnais que vous avez beaucoup de chance pour le coup, mais il y a eu une erreur sur les convocations et on vous a fait cadeau des circonstances aggravantes, parce que vous auriez dû être jugé par un tribunal à trois juges. Vu les circonstances, vous auriez pu vous retrouver directement dans le box, en comparution immédiate. »

Ils sont là pour une tentative de vol – non aggravé, donc. La juge craint le pire : « Vous contestez les faits ?

— Oui.

— Oui.

— Oui.

— Bon et bien c’est vraiment la journée de la vérité ! »

Quand les prévenus nient, l’audience va moins vite. Aujourd’hui, ils nient tous. C’est une longue journée. La juge soupire : « Y’a quand même sacrément beaucoup d’éléments à charge, et des éléments qui montrent qu’il n’y en a certainement eu d’autres, des cambriolages. » Ils sont prévenus.

Le 21 mars à 10 heures, Julien est réveillé par la sonnette qui tinte à son domicile de Montmorency. En s’approchant pour ouvrir, il entend des coups de marteau qui fleurent la tentative d’effraction. Il appelle discrètement la police pour les coincer, mais un bruit causé par le chat de la maison les alerte, et ils prennent la fuite. Julien par l’œil-de-bœuf les voit s’enfuir, et parvient à noter la plaque d’immatriculation de leur voiture.

Repérages, pièces en argent et versions divergentes

Un peu plus tard, trois hommes sont interpellés dans cette voiture. Convoqué, Julien les reconnaît sans hésiter. Il s’agit d’Harouna, Ahmed, et Abdel, 19, 20 et 20 ans, a priori jamais condamnés mais déjà soupçonnés pour des faits de cambriolage. Ils sont aujourd’hui alignés devant la juge.

Sur eux, on trouve une montre de valeur, de l’argent en liquide, un papier avec une adresse et un code d’une maison cambriolée quelques jours plus tôt. Dans leur coffre, une boîte à outils, dans la boîte à gants : des pièces en argent. Tous sont interrogés sur leurs activités du matin, tous sortent des versions différentes.

En plus de cela, un voisin de Julien raconte avoir vu trois individus « qui vous correspondent parfaitement » faire comme des repérages. Des vidéos de surveillance les montrent entrer et sortir de résidences. L’un dit qu’ils se baladaient avant d’aller au lac d’Enghien, et qu’ils ont acheté les pièces d’argent au marché de Sarcelles. L’autre raconte qu’ils cherchaient un magasin de bricolage. Un troisième portait un masque chirurgical. La juge demande pourquoi :

« Par ce que j’ai attrapé deux fois le Covid.

— Et aujourd’hui, pourquoi vous n’en avez pas ?

— Parce que ma maison est sous scellé.

— Ça vous empêche d’avoir un masque ?

— Non, mais c’est une situation compliquée. »

Depuis une semaine, Ahmed n’a plus le droit d’entrer chez lui, car l’appartement familial est une scène de crime.

« Pourquoi depuis tout à l’heure vous rigolez ? »

La juge passe aux deux autres prévenus : « Et vous, pourquoi avez-vous des masques ? » En chœur : « Parce que j’ai peur du Covid.

— Et pourquoi pas aujourd’hui ?

— Y’en a moins qu’avant, dit Abdel.

— Eh bien pourtant il y a une recrudescence, dit la juge.

— Pourquoi depuis tout à l’heure vous rigolez ? Quand Madame le président donne des éléments, vous êtes mort de rire ! » intervient la procureure.

— C’est nerveux ! Je rigole pas ! je sais pas ! » s’emmêle Harouna.

Elle ajoute qu’Abdel a déjà été condamné le 7 juin 2022 à 4 mois de prison avec sursis. L’intéressé fait une mine étonnée – il n’était pas au courant. C’était un jugement par défaut.

« Le tribunal correctionnel n’est pas là pour aider »

La procureure toujours irritée partage son sentiment : « Là encore, je suis étonnée par le positionnement, puisque là encore, il y a beaucoup, beaucoup d’éléments. J’aurais pu requérir du sursis simple, mais au regard du positionnement, j’estime que ce n’est pas suffisant. » Elle demande 6 mois ferme pour les trois.

Chacun leur tour à la barre, ils se défendent seuls :

Abdel maintient sa position. « De un, je n’étais pas au courant de mon sursis. De deux, je travaille, j’ai une situation assez stable, la peine de prison ce ne sera pas quelque chose qui pourra m’aider. » La juge craque légèrement. : « Le tribunal correctionnel n’est pas là pour aider, on n’est pas le tribunal pour enfant, ce n’est pas pareil, je suis pas assistante sociale. »

Au tour d’Ahmed : « Moi, j’ai pas de travail mais j’en cherche un. Mon père a subi une tentative d’assassinat. C’est ma mère qui a l’a découvert. Elle est sous le choc, elle va très mal et est hospitalisée Je vais probablement devenir le tuteur légal de mes petites sœurs. »

Harouna décide de ne rien ajouter, à part : « Je n’ai rien fait. »

Ils écopent tous de sept mois ferme. Leur peine sera aménagée par un juge de l’application des peines, sauf Abdel, qui a un travail et dont la peine, de ce fait, est aménagée ab initio (placement sous surveillance électronique) par la juge.

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