Tribunal de Pontoise : « Ouvre la porte, sale pute, je vais te crever ! »

Publié le 10/03/2023

Un homme de 26 ans était jugé le 28 janvier en comparution immédiate pour une série de faits de violences et de menaces commises contre son ex-compagne. Il avait déjà été condamné pour des faits similaires.

Tribunal de Pontoise : « Ouvre la porte, sale pute, je vais te crever ! »
Palais de justice de Pontoise (Photo : ©J. Mucchielli)

Hassan a un regard doux, une voix suave, les cheveux ramenés en catogan et s’exprime avec une grande politesse. « Alors il y a deux procédures contre vous, une convocation et une comparution immédiate.

— Tout à fait Madame la juge », il amorce même une courbette pour montrer à quel point la juge a raison de dire tout ce qu’elle dit.

— Vous avez le droit de demander un délai pour préparer votre défense.

— Alors si y’a moyen d’avoir un délai et de pas aller en prison…

— C’est pas exactement comme ça que ça se passe. De toute façon on a une ordonnance d’incarcération provisoire du juge d’application des peines, donc vous resteriez en prison quoi qu’il arrive.

— Aaaah d’accord, donc autant me faire juger tout de suite ».

Hassan comparait pour des violences, des menaces et des appels malveillants au préjudice de son ex-compagne, Morgane, absente mais représentée à l’audience.

Morgane faisait partie d’une association qui aidait des personnes sans domicile, dont Hassan. Ils s’étaient mis en couple, après deux mois il avait commencé à lui jeter des objets à la tête. Elle avait tenu 18 mois. En novembre 2022 elle avait porté plainte pour des violences, et déjà, le 5 janvier 2023, Hassan était condamné à 12 mois de prison avec sursis probatoire, interdiction d’entrer en contact avec la victime ainsi que de paraître à son domicile pendant une durée de deux ans.

Il continue de la frapper à terre

Le 10 février, la jeune femme dépose une nouvelle plainte pour violences contre Hassan. Les faits remontent au 30 janvier : ils se sont réveillés ensemble, dit-elle. Dès qu’ils ouvrent les yeux, elle comprend qu’il est énervé. Il crie et l’insulte. Elle sort de l’appartement et se dirige vers sa voiture dans le seul but de récupérer sa tablette dans la voiture de Monsieur. Il la rattrape : « Dégage sale pute ! », la frappe, elle tombe au sol immédiatement pour se protéger, il continue à la frapper à terre. Ça se déroule sous les yeux du gérant d’un restaurant qui décrit la série de coups (« patate dans la tête » et des chassés dans le corps une fois à terre). Il intervient avec le gardien du stade attenant pour faire cesser les violences. Le gardien, joint au téléphone par les enquêteurs, se dira surpris par la violence des coups portés par Hassan, et par la résistance de Morgane. « Le jeune homme a fini par s’éloigner en continuant de l’insulter. »

Morgane n’a rien dit sur le moment, mais le 10 février, Hassan est revenu chez elle. Par l’œilleton de sa porte, elle l’a vu brandir un couteau et répéter en boucle « ouvre la porte sale pute je vais te crever sale pute, sale pute ». Hassan est entendu et placé sous contrôle judiciaire le 12 février.

La version d’Hassan est tout autre. « Ce jour-là, j’allais faire de l’essence et manger dans le coin, on s’est croisés par hasard. Je me suis arrêté, elle a ouvert la porte pour prendre sa tablette, elle a jeté mes affaires j’étais choqué.

— Vous faisiez quoi en bas de chez elle ?

— J’étais à 200 mètres !

— Vous ne pouviez pas aller manger ailleurs ? Est-ce que vous l’avez frappée ?

— En aucun cas.

— Coups de poing ?

— Non.

— Chassés au sol ?

— Pas vu.

— Pourquoi tout le monde décrit de tels faits alors ?

— Franchement je sais pas, moi depuis le début j’assume tous les faits je sais pas ce qu’elle essaie de faire.

— Et les deux témoins ?

— Je ne peux pas vous dire, je l’ai pas frappée cette fois-ci. Je vous le dis entre 4 yeux, ce jour-là j’ai pas mis un coup, je peux pas assumer un truc que j’ai pas fait. » La voix d’Hassan est beaucoup moins douce et son regard est plus nerveux.

« Alors ça, c’est totalement faux ! »

Le 16 février, Hassan débarque chez Morgane. « C’est moi sale pute, je vais te tuer ! » Hassan réagit : « Alors ça c’est totalement faux !

— Mais Monsieur, elle était avec une amie qui confirme.

— Je comprends pas.

— Alors tout le monde ment ? »

Dans les jours qui suivent, Hassan l’inonde d’insultes et d’appels malveillants. « Ça, j’assume ! » lance-t-il fièrement. « Ben on a des enregistrements ! » Parmi les appels, certains ont été passés alors que Morgane était avec son assistante sociale. « Je viens et je te dévisage ! », « Je te baise toi et la juge », « Je t’envoie à côté de ton père ».

« — Il est où son père ?

— Il est décédé malheureusement.

— Combien de fois l’avez-vous appelée ?

— Deux, trois fois.

— Un peu plus.

— Oui un peu plus.

— Dix-huit  fois le 19 février.

— Impossible !

— L’opérateur téléphonique ment aussi ?

— J’ai pas dit ça.

— Bah si ! » La juge commence à craquer un peu. Hassan se justifie : « j’ai pété un plomb parce que mes affaires sont chez elle et je porte les mêmes habits depuis deux semaines. »

« Comment faire pour que vous ne pétiez pas un câble ? »

Le 20 février, le JAP (NDLR : juge d’application des peines ) décide de l’incarcérer pour violation de son sursis probatoire. L’assesseuse interroge le prévenu : « Quel regard portez-vous là-dessus ?

— Je voulais juste récupérer mes affaires.

— C’est pas le sujet. Y’a jamais aucun motif qui justifiera le comportement qu’on voit aujourd’hui. Vous pensez quoi de votre réaction ?

— Je regrette, elle m’a dit que rien ne m’appartenait dans l’appartement alors j’ai pété un plomb.

— Ben ça on a vu. Comment faire pour que vous ne pétiez pas un câble ?

— Je regrette vraiment, d’autant que j’ai eu une très très grande chance de pas aller en prison en janvier. J’en peux plus de m’attarder dans les tribunaux. »

Hassan a 26 ans, douze condamnations, et fume beaucoup de cannabis. « J’ai arrêté depuis deux mois, je suis mieux comme ça ». Il vit chez sa mère depuis le 30 décembre. Il sera convoqué le 3 mars par le JAP qui décidera ou non de révoquer les douze mois de janvier.

L’avocate de Morgane dit la peur de sa cliente de le recroiser un jour. Si elle n’a pas d’ITT (NDLR : Incapacité temporaire totale de travail) car n’a pas été examinée par un médecin des UMJ (NDLR : Unités médico-judiciaires), son ITT psychologique est évaluée à douze jours, et elle demande 3 000 euros au titre du préjudice moral. La procureure est expéditive : elle demande douze mois avec mandat de dépôt, et pas de sursis probatoire car « je vois pas à quoi ça servirait, il l’a déjà tellement transgressé ». La défense prend son temps : « Dans ce dossier, il y a une absente », regrette l’avocat qui fait référence à la victime. « Monsieur a un problème psy, il a tenu des propos d’une violence jamais rencontrée », dit-il. « Douze mois, et après ? » Hassan a le dernier mot : « Pour les dommages et intérêts je sais pas si je pourrai payer, j’ai des dettes dehors et je dois aussi payer mon avocat 1 500 euros. »

Hassan est finalement condamné à 15 mois de prison avec mandat de dépôt, et devra verser 2 500 euros à la victime : « Le tribunal a voulu sanctionner lourdement des faits graves. il va falloir vous concentrer sur votre rapport aux femmes et à la violence. »

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