Congrès des notaires (III) : des pistes pour optimiser l’usufruit

Publié le 17/08/2016

Réuni pour son 112e Congrès à Nantes du 6 au 8 juin dernier, le notariat a travaillé sur la propriété immobilière. La troisième commission a proposé des améliorations de la loi sur le mode d’organisation et la quatrième commission a recherché des solutions pratiques d’optimisation, notamment de l’usufruit.

Le 112e Congrès des notaires qui s’est tenu à Nantes début juin a consacré ses travaux à la propriété immobilière. Quatre commissions autour de l’immobilier et une vingtaine de propositions pour améliorer son droit. Animée par Anne Muzard et Thierry Vaillant, notaires à Paris (75), la troisième commission formule des solutions pour adapter le droit de propriété aux contraintes du temps, de l’espace, en laissant une large place à la volonté des parties et à l’anticipation toutes adoptées.

Pour une prescription de l’action personnelle en cinq ans

La première proposition vise à réduire le délai d’actions personnelles en copropriété pour le rendre plus cohérent avec le rythme actuel des affaires. Actuellement, le délai d’action est de dix ans. Or les notaires estiment que la possibilité de suspendre ou d’interrompre le délai risque de fragiliser les transactions immobilières, en l’absence d’obligation de publication des actions qui seraient introduites. Il préconise de ramener le délai des actions personnelles à cinq ans, un délai cohérent avec le droit commun et le rythme actuel des affaires.

La deuxième proposition invite le législateur à créer une nouvelle cause d’extinction des servitudes conventionnelles. Aujourd’hui, la disparition de l’utilité est sans influence sur l’extinction d’une servitude, alors même que la réforme des contrats a prévu qu’un contrat valablement formé devient caduc si l’un de ses éléments essentiels disparaît (C. civ., art. 1187). Pour mettre le droit en cohérence, le notariat a proposé une modification de l’article 703 du Code civil : « les servitudes cessent lorsque les choses se trouvent en tel état qu’on ne peut plus en user ou en cas de disparition totale et irréversible des éléments essentiels qui avaient été à l’origine de leur création ». La quatrième proposition a cherché une solution visant à encadrer l’extinction de certaines servitudes d’urbanisme. Il s’agit de simplifier l’extinction des servitudes créées dans l’intérêt général et devenues obsolètes : par la délivrance d’une autorisation administrative contraire à une servitude, l’autorité administrative reconnaît son obsolescence mais la renonciation de l’autorité administrative ne se présume toutefois pas. Il est ainsi proposé d’insérer dans le Code de l’urbanisme que « toute servitude de droit privé créée en raison d’une exigence de l’autorité administrative dans l’intérêt général s’éteint lorsque, postérieurement, un document d’urbanisme ou une autorisation administrative contient des dispositions contraires à la servitude ».

La troisième proposition a pour objectif de sécuriser le champ d’application de la division en volumes, alternative à la copropriété, en proposant une définition de l’ensemble immobilier complexe dans la loi du 10 juillet 1965. Celle-ci pourrait être modifiée pour qu’elle s’applique également « lorsqu’aucune organisation différente n’a été créée pour gérer leurs éléments d’équipement commun, aux ensembles immobiliers : comportant des parcelles, bâties ou non, faisant l’objet de droits de propriété privatifs, ou complexes, composés, soit de plusieurs bâtiments distincts sur dalle, soit de plusieurs entités fonctionnellement autonomes, qu’elles soient affectées ou non à des usages différents ».

Enfin, la cinquième proposition propose d’encadrer les conditions d’exercice des recours contre les décisions des assemblées générales des associations syndicales de propriétaires. Les recours devraient être introduits dans le délai préfix de deux mois, par les seuls opposants ou défaillants, à compter de la date de notification du procès-verbal et les décisions d’ores et déjà prises pourraient acquérir un caractère définitif sans attendre l’écoulement du délai de cinq ans du nouvel article 1304 du Code civil.

La quatrième commission, animée par Sophie Sabot-Bercet, notaire à Monestrol-sur-Loire (43) et Violaine Trambouze-Livet, notaire au Coteau (42), s’est penchée sur les pistes d’optimisation de l’immobilier d’entreprise et du logement avec trois propositions toutes adoptées.

Publicité foncière de l’usufruit successif

La première proposition a souhaité sécuriser la mutation d’un immeuble en présence d’un usufruitier successif en prévoyant d’uniformiser les règles de la publicité foncière en présence d’une mutation de la pleine propriété d’un bien grevé d’un usufruit successif, en exigeant toujours l’intervention de l’usufruitier successif, quelle que soit l’origine de cet usufruit.

Actuellement, les services de la publicité foncière font une distinction selon l’origine de l’usufruit successif et n’exigent ladite intervention lorsque l’usufruit successif a pour origine une clause de réversion d’usufruit. Au contraire, ils ne l’exigent pas lorsque l’usufruit successif est d’origine successorale.

Cession à titre onéreux de l’usufruit temporaire…

Seule mesure fiscale figurant dans les vœux du 111e Congrès, la proposition « d’exclure du champ d’application de l’article 13-5 du Code général des impôts (CGI), les cessions à titre onéreux d’usufruit temporaire consenties concomitamment à la cession de la nue-propriété, à la condition que le cédant ne conserve aucun droit réel sur l’immeuble cédé, directement ou indirectement ». D’après la loi fiscale, est soumis à l’impôt sur le revenu toute cession à titre onéreux d’un droit d’usufruit temporaire, dès lors que le cédant est assujetti à l’impôt sur le revenu. Si l’intention du législateur était de soumettre immédiatement à l’impôt sur le revenu un flux de revenus futurs dont le propriétaire se prive temporairement, ce qui implique à l’évidence que le cédant demeure nu-propriétaire du bien, le notariat considère que le régime fiscal du cédant ne peut pas dépendre du choix du cessionnaire.

… et construction par l’usufruitier

Toujours en matière d’usufruit, la troisième proposition concerne la construction par l’usufruitier sur un terrain démembré. Aujourd’hui, en vertu d’une jurisprudence constante depuis 1825, une construction ne peut être assimilée à une amélioration, bien que cet avis ne soit unanimement partagé. Afin de sécuriser l’opération de construction par un usufruitier sur un terrain démembré, le Congrès a proposé d’inscrire cette solution dans la loi. L’article 599, alinéa 2 du Code civil y inclurait la notion de construction : « de son côté, l’usufruitier ne peut, à la cessation de l’usufruit, réclamer aucune indemnité pour les améliorations et les constructions qu’il prétendrait avoir faites, encore que la valeur de la chose en fût augmentée ».

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