Jérôme Gavaudan élu à la présidence de la Conférence des bâtonniers

Publié le 19/01/2018

L’avocat marseillais Jérôme Gavaudan a été élu à la présidence de la Conférence des bâtonniers. Il succède au président Yves Mahiu à compter du 1er janvier 2018.

Élu premier vice-président le 27 janvier dernier, l’avocat phocéen Jérôme Gavaudan a vu confirmer son élection comme président de la Conférence des bâtonniers lors de l’assemblée générale du 24 novembre 2017, par 24 445 suffrages exprimés sur 24 446 votants.

Âgé de 52 ans, Me Gavaudan réalise ses études de droit à la faculté d’Aix-en-Provence, où il est diplômé d’un DEA de droit du travail et de la santé. Il prête serment en 1990 au barreau de Marseille et se spécialise en droit social.

Jérôme Gavaudan a été bâtonnier de l’Ordre des avocats du barreau de Marseille de 2011 à 2012 et a tenu, à de multiples reprises, la place de membre du Conseil de l’ordre. Il a pris notamment place au bureau du CNB (Conseil national des barreaux) au cours de la mandature 2015-2017. Il est désormais à la tête des 163 barreaux de province qu’il représentera au cours de son mandat.

Les Petites Affiches

Quelles seront vos priorités au cours de ce mandat de deux ans ?

Jérôme Gavaudan

Dans ce type de mandat, la vraie difficulté est que l’on peut être absorbé par l’actualité. On alterne entre des périodes très calmes et d’autres où l’actualité nous pousse à réagir. La carte judiciaire en est un bon exemple. C’est un sujet curieux, car il prend beaucoup de temps aux bâtonniers alors que nos interlocuteurs ne nous fournissent aucune information. Nous avons des consultations sur les chantiers de la justice avec des partenaires qui semblent ne pas avoir de véritable feuille de route. Quand bien même ils nous interrogent, il est difficile de répondre à des questions qui ne sont pas posées clairement et dont on peine à voir la finalité. Pour revenir sur cette mandature que j’entame, je souhaite effectuer une modernisation de notre communication interne et des services que nous offrons. En continuant bien évidemment à apporter des réponses aux interrogations des bâtonniers avec la plus grande réactivité. L’un de mes projets est de regrouper les informations que nous fournissons aux bâtonniers : au lieu d’envoyer systématiquement des courriers lorsqu’une décision importante est prise ou qu’un avancement des travaux est à signaler, nous souhaitons faire une feuille d’information hebdomadaire. Il y aura aussi la mise en place de visioconférences où chaque bâtonnier pourra s’inscrire et qui permettra de discuter directement des sujets d’actualité ou de ce qui nous préoccupe. Nous souhaitons faire une session par mois. Ce dispositif ne vient pas en remplacement des réunions du bureau de la Conférence des bâtonniers, mais leur vient en complément. Enfin, j’ai imaginé la mise en place d’une newsletter numérique pour les plus petits barreaux. Certains bâtonniers n’ont pas toujours les moyens de s’adresser aux membres de leurs barreaux : un espace leur sera réservé pour d’éventuels éditoriaux en plus de la partie rédactionnelle qui sera assurée par la Conférence. C’est là nos fonctions premières, être l’institution qui représente les bâtonniers et leur rend des services applicables directement auprès des membres de leurs barreaux.

LPA

Il y a quelques semaines, les avocats de plusieurs barreaux se sont mis en grève pour protester contre la réforme de la carte judiciaire. La Conférence est-elle solidaire de ce mouvement ?

JG

Nous sommes totalement solidaires, puisqu’à l’initiative du président Mahiu, la Conférence avait anticipé l’effet de cette réforme de la carte judiciaire depuis plusieurs mois. Une pétition nationale a été lancée pour défendre les fondements de ce qu’est la justice de proximité : un citoyen doit pouvoir avoir un accès effectif au juge, peu importe où il habite sur le territoire national. Il nous parait nécessaire que le service de la justice ne soit pas anéanti par des réformes organisationnelles qui sont en réalité basée sur des économies d’échelle ou des politiques publiques inadaptées. La difficulté est que nous avons des interlocuteurs qui nous disent qu’ils n’ont pas de projet dans les cartons et nous propose une pseudo consultation. Tout cela est fait dans l’opacité la plus totale et j’ai acquis ces dernières semaines la conviction que les pouvoirs publics ne savent pas où ils vont et qu’il n’y a en réalité pas de pilotage politique. Nous sommes face à un mouvement technocratique de déjudiciarisation, que l’on retrouve dans tous les domaines, jusqu’à la façon dont on construit et positionne géographiquement les palais de justice. On nous parle de juridiction départementale pour des économies de moyen, mais on accepte qu’il puisse y en avoir deux. À quoi bon faire une réforme dans ce cas ? Tout est fait par des petites touches qui ne sont pas coordonnées et servent à faire des économies au détriment du justiciable. Nous sommes prêts à discuter de la carte judiciaire, mais il ne peut y avoir de justice qui ne soit rattachée à un territoire. Et surtout qu’on nous laisse nous occuper des ordres ! Ce que nous craignons c’est que cette réforme supprime des bassins d’activité économique judiciaire et surtout l’accès aux juges. Il y a donc une forme de colère et d’incompréhension des bâtonniers sur le sujet.

LPA

Quel regard portez-vous sur l’action du ministère de la Justice depuis l’élection présidentielle ?

JG

Je pense que l’amorce de ce que l’on observe aujourd’hui se situe avant les élections. Les commandes sont passées à Bercy, la pénitentiaire compte beaucoup dans le budget et je pense qu’il devrait y avoir une distinction au sein du budget de la Justice. Tant que nous n’aurons pas un ministère de la Justice qui reprendra la main sur Bercy, les choses ne pourront pas aller bien. Il faut un ministère efficace, qui sache porter une parole vraie et forte et qui puisse faire comprendre aux technocrates du ministère de l’Économie que la Justice mérite mieux qu’une comptabilité malsaine. Il ne faut pas l’oublier : un palais de justice dans un territoire stabilise une région et donne un sens au vivre ensemble.

LPA

Outre votre élection, l’assemblée générale du 24 novembre visait également à modifier les statuts de la Conférence. Quels sont les changements qui ont été opérés ?

JG

Deux points essentiels ont été abordés par cette réforme. Le premier était un mécanisme de parité au sein du bureau de la Conférence des bâtonniers. Et si rien ne nous y obligeait par la loi, c’était un sujet que j’avais à cœur et qui a été bien reçu par le bureau. Je pense qu’il y avait une nécessité à s’adapter et à intégrer ce sujet de société. C’est aussi une manière d’insister sur le fait que les femmes dans les barreaux doivent également se présenter aux postes de bâtonnats. La profession d’avocat se féminise, mais les femmes n’atteignent encore que trop peu les postes de responsabilité. La deuxième réforme a permis d’adapter les statuts en matière électorale pour être plus proche du fonctionnement des barreaux, et donc de supprimer la confirmation du premier vice-président et du président qui précédait la prise de fonctions.

LPA

L’existence d’une triple représentation des avocats au niveau national n’est-elle pas parfois source de confusion ? Les liens qui relient les trois institutions doivent-ils être accrus ?

JG

Pour moi les choses sont claires : l’institution représentative de la profession d’avocat est et restera le Conseil national des barreaux. Et c’est en son sein que la Conférence doit être forte, constructive et moderne pour faire valoir ses positions. Nous ne sommes pas dans une position de concurrence. Je tiens d’ailleurs à rappeler que le collège ordinal de province a vu l’élection de 20 élus au profit de la Conférence sur les 24 qu’il compte au total. Je suis vice-président de droit en ma qualité de président de la Conférence, mais je revendique aussi pleinement ma place au sein du bureau du CNB. J’en suis un membre actif, j’y appartiens et participe aux votes. Cette histoire d’hydre à trois têtes est donc un faux débat pour moi. Il y a des sujets qui sont propres à certains barreaux. Le TGI et la cour d’appel de Paris ont des spécificités qui demandent à ce que l’ordre local du barreau de Paris traite ces questions. C’est la même chose en province : la communication avec les palais, la façon dont les audiences sont organisées et celle dont chaque bâtonnier va gérer son tableau sont des sujets locaux qui relèvent de la compétence des bâtonniers. Certains sujets font consensus et permettent une position commune, pour d’autres il parait nécessaire que chaque institution puisse s’exprimer, la décision politique étant prise par le CNB et son assemblée générale, qui reste souveraine. Mais je suis profondément optimiste sur le bon fonctionnement des trois institutions pour cette future mandature. L’élection de Christiane Féral-Schuhl à la présidence du CNB est un excellent signe puisque j’entretiens d’excellentes relations avec elle et qu’il s’agit d’une femme de qualité de synthèse et d’écoute. Il en va de même avec Marie-Aimée Peyron, bâtonnier de Paris, avec qui nous avons une expérience commune très positive au CNB.

LPA

Brexit, parquet européen… L’Europe prend une part croissante dans le droit. Comment les avocats français doivent-ils le prendre en compte ?

JG

Tout cela se fait naturellement par le ruissellement. La Conférence des bâtonniers a toujours accompagné cette évolution européenne, y compris dans la traduction en droit positif des normes européennes, par sa présence au CCBE (Conseil des barreaux européens). C’est l’institution européenne par laquelle la parole des avocats français est affirmée. Nous faisons beaucoup d’efforts en matière d’organisation, de communication et de formation.

LPA

Malgré une forte opposition du monde juridique, la loi de lutte contre le terrorisme a été promulguée le 30 octobre 2017. Est-ce que vous le déplorez ?

JG

Il y a eu unanimité de la profession sur ce sujet, mais la gestion de l’État d’urgence a été compliquée pour la profession d’avocat, car nous étions assez inaudibles. Et c’est vrai que lorsque nous tous souffrions des événements, il était difficile de faire entendre notre voix sur le sujet. Cela a été plus facile au moment de l’intégration des règles d’état d’urgence dans le droit positif. Notre message a été plus audible et nous avons expliqué pourquoi certains principes de bases étaient remis en cause. Mais cela n’a semble-t-il pas suffit à mobiliser l’opinion publique. Je pense que le courage politique eût été de cesser l’état d’urgence, car l’arsenal législatif suffisait. Cette loi constitue d’une certaine façon une reculade pour la démocratie.