Journal d’un pénaliste au temps de la COVID-19

Publié le 10/09/2020

Il s’était promis de ne pas regarder l’actualité durant toutes ses vacances, mais notre pénaliste  Loeiz Lemoine n’a pas résisté à la curiosité. Du rapport Perben aux avocats de Jean-Jacques Reiser en passant par les Dix petits nègres, rien n’échappe à sa plume décapante. 

Journal d’un pénaliste au temps de la COVID-19
Photo : ©AdobeStock/Charles de Lisle

Lundi 24 août – Crachin breton

Ouf, enfin les vacances ! C’est juré, pendant cette petite quinzaine, je n’écris plus une ligne !

D’ailleurs c’est bien simple, Madame Lemoine m’a posé un ultimatum clair et net : pendant ces vacances, je suis tout à elle, corps et âme, et je dois me REPOSER. Etant le garçon prudent et même timoré que vous connaissez, vous ne serez pas étonnés que ma réponse ait été tout simplement la suivante : oui, mon amour !

Et bien sûr je m’y suis tenu. Cet après-midi, vélo, pfou, c’est drôlement escarpé, la Bretagne ! ça monte, ça descend, ça fait mal aux jambes. Sans compter qu’on n’est pas à l’abri d’un petit crachin.

Je ne sais pas si vous avez remarqué, mais il est des noms auxquels s’attachent certaines épithètes de façon presque automatique. Ainsi, chacun sait que les économistes et les juristes sont distingués, les serviteurs dévoués ou fidèles, les servantes accortes (enfin, avant #balancetonporc), les confrères excellents et les professeurs de droit, éminents. Eh bien d’après un sondage pratiqué sur un échantillon représentatif d’une personne, il est communément admis que le substantif « crachin » appelle irrésistiblement le qualificatif « breton ». Au moment précis où j’écris ces mots, le rapprochement ne parait pas totalement abusif. Rien de surprenant d’ailleurs car le crachin a ceci de commun avec le Breton que sa persistance confine parfois à l’obstination.

Mardi 25 août –  Saint Louis (et donc Saint Loeiz)

L’Aber Wrac’h, rendu célèbre par la marée noire de l’Amoco Cadiz il y a 40 ans. Encore des traces de pétrole sur les roches les plus hautes, que la mer n’atteint que rarement et n’a donc pas lessivées. Passage également par Portsall, jadis chanté par le regretté Jean-Michel Caradec qui s’étonnait que les oiseaux aient du goudron dans les plumes, alors qu’ils ne trichent pas au poker.

Cette marée noire a été l’occasion de procédures épiques contre la Standard Oil, qui ont vu s’affronter les maires des petites communes bretonnes (elles sont petites, je puis en témoigner) et la gigantesque multinationale, qui ne ménagera pas ses peines pour essayer d’échapper à sa responsabilité, puis d’en limiter l’étendue financière.

Hier il était question de crachin, parlons maintenant vent et température de l’eau. Certains, dont le crâne est dépourvu de protection naturelle, tentent de le protéger d’un chapeau : aujourd’hui c’était peine perdue, nul couvre-chef ne pouvait tenir sur celui de son propriétaire, en raison d’un assez vif Gwalarn (pour les non bretons : vent de nord-ouest, très fréquent chez nous et également appelé, en français, noroît).

La mer d’Iroise, qui marque la séparation entre la Manche et l’Atlantique, n’est pas plus chaude que l’une ou l’autre. Dire qu’elle est froide serait même rester au-dessous de la vérité : elle est saisissante. Quand on y fait entrer ne serait-ce qu’une partie de son corps, on se sent étreint et seuls les plus courageux réussissent à s’y immerger entièrement. Un Breton le fera (par pure fierté), là où une Antillaise renoncera.

Polémique sur une agression à Lyon. L’Action Française et les Antifas s’excitent. Désolé les gars, je suis en vacances (et en plus je n’aime pas plus les uns que les autres).

Le Huffpost se demande si on peut exposer ses seins à la plage : « Que dit la loi ? » Cette question, à l’évidence, est pour moi à plus d’un titre. Un sujet d’intérêt général (et même, sans divulguer certains de mes penchants les moins avouables, particulier) mâtiné d’une question de droit… vraiment c’est du pain béni. Mais non, pas le temps, je suis en vacances.

Arash Derambarsh se compare à Kafka. Rien à foutre, je vous dis que je suis en vacances.

Jeudi 27 août – Dix petits… racisés ?

Après plus d’une semaine sans un seul bulletin d’information, internet, radio ou télé, un coup d’œil au Huffpost :

* Le tueur de la mosquée de Christchurch condamné, sans surprise, à la perpétuité. On voit les parents et les proches des victimes lui dire ses quatre vérités lors d’une confrontation qui n’a pas son équivalent dans notre système, notamment en ce qu’elle est filmée en direct (et donc à destination du monde entier). Exercice de catharsis sans doute, ils lui parlent mais en fait c’est à nous qu’ils s’adressent. L’homme semble totalement étranger à ce qui se dit, comme Breivik dans le temps.

* « Une vaste étude française juge l’hydroxycholoroquine inefficace voire dangereuse ». « “L’hydroxychloroquine seule n’est pas efficace dans le traitement des patients, et la combinaison d’hydroxychloroquine et d’azithromycine augmente le risque de mortalité”. » Le plus intéressant (sur le fond je n’ai rien à dire, évidemment) sera la réaction du Pr Raoult et de ses admirateurs : vont-ils s’incliner devant la science ?

* « Affaire Mouzin: l’avocat de Fourniret demande « la sérénité des débats » : « Me Vincent Nioré n’a pas voulu commenter davantage cette première journée d’audition-clé de Michel Fourniret dans l’affaire Estelle Mouzin. » Devant la meute, il a appelé à la « sérénité dans les débats » et au respect « du secret de l’instruction et de la présomption d’innocence (…) On ne peut pas faire fi des principes directeurs du procès pénal et notamment des droits de la défense ».

Pas mieux ! Le seul reproche que je ferais à Vincent Nioré, et je reconnais qu’il est peu juridique, c’est d’avoir son masque sous le nez. Pour le reste, rappel plus que bienvenu alors qu’il y a quelques jours, le conseil de Monique Olivier déclarait publiquement acquise la culpabilité de Fourniret.

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Photo : ©AdobeStock/asadykov

* “Dix petits nègres” d’Agatha Christie change de titre pour faire disparaître le mot “nègre”. Orwellien. Je croyais d’ailleurs (à la suite d’échanges il y a plus de 20 ans sur un forum américain) que le titre avait déjà été changé en Ten little indians. Auquel cas il faudra encore le changer en Ten little native americans. Sans verser dans le complotisme, je crois pouvoir affirmer qu’il y a là, en sous-main, une habile manœuvre du monde de l’édition, ces changements de titre permettant de vendre trois fois le même ouvrage.

C’est par ailleurs le début d’un vaste programme qui sera probablement à géométrie variable. Tous les textes contenant le mot « nègre » devront être corrigés ou simplement exclus de toute publication, évocation ou citation. Ce mot se trouve dans beaucoup de textes d’époque. Comme ça sans réfléchir :

– L’île mystérieuse sera sérieusement caviardée car le « brave Nab » y est régulièrement désigné sous ce vocable (rappelons que ses compagnons, peut-être pas totalement exempts de tout paternalisme, sont des abolitionnistes avérés),

– Alphonse Allais l’emploie assez régulièrement, comme plus généralement toute la littérature de son temps,

– Nino Ferrer (« Je voudrais être noir ») se demande « comment les blancs font pour vendre les nègres à l’Argus »,

– Léo Ferré le fait rimer avec pègre (pas bon, ça) dans « Monsieur William », récemment repris par Bernard Lavilliers et Catherine Ringer.

Et je suis sûr qu’on peut en trouver beaucoup d’autres.

Sera exclu de cette mesure tout ce qui concerne le rap ou les personnes elle-même racisées (il devrait y avoir un passeport ou quelque chose). Enfin, racisées… il faudra quand même être un minimum noir, pour les métis on ne sait pas encore quel degré de noirceur sera exigé, mais on ne voit pas que des asiatiques ou des arabes puissent impunément s’approprier culturellement un terme réservé. Ça plus l’écriture inclusive, l’apprentissage et l’usage du français vont devenir de plus en plus difficiles.

Dépôt du rapport de la commission Perben : on ne m’a pas écouté.  Elle formule notamment les propositions suivantes :

– Revaloriser l’aide juridictionnelle en augmentant la valeur de l’unité de valeur (UV) de 32 à 40 €. Exemple, défense en correctionnelle (8 UV), on passera de 256 à 320 €. Instruction correctionnelle avec détention (20 UV), de 640 à 800. Bref, changement à peine marginal car 25% de pas grand-chose, ça ne fait pas beaucoup.

– Faire payer cette petite hausse par un timbre de 50 € à la charge des autres justiciables, démarche efficace mais philosophiquement indéfendable : c’est à la collectivité de supporter cet effort financier, pas aux malchanceux contraints de se confronter à notre système judiciaire.

– Réécrire de l’article 700 : les demandes devront être étayées par la présentation des factures. Alors là je suis un précurseur ! Il y a en effet beau temps que je produis des factures ou des conventions d’honoraires pour justifier le montant des frais irrépétibles, plus souvent au titre de l’article 475-1 du CPP que 700 du CPC mais le principe est le même, et les résultats sont là. La profession a toujours résisté à tout ce qui pouvait aller dans le sens de déduire de ces justificatifs quelque chose comme un barème, potentielle atteinte à la sacro-sainte liberté de l’honoraire. Cette liberté, en vérité, ne profite qu’à un petit nombre de cabinets très chers.

– Conférer à l’acte d’avocat la force exécutoire, i.e. permettre son exécution comme un jugement ou (et c’est là que le bât blesse) un acte authentique. Réaction immédiate des notaires : cela bouleversera notre organisation juridique, c’est inconstitutionnel car l’indépendance de l’avocat est incompatible avec le fait d’être dépositaire de l’autorité de l’Etat. Les notaires se préoccupent-ils de la bonne organisation juridique du pays et de la constitutionnalité des textes applicables aux avocats ? Evidemment non, mais une telle modification serait de nature à leur tailler des croupières, il est question là de concurrence et de pré carré. Leur argument n’est pas forcément faux, mais bon, là je suis en vacances, je creuserai plus tard.

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Dominique Perben (à droite) remet son rapport à Eric Dupond-Moretti le 27 août à la Chancellerie (Photo : ©O. Dufour)

Une avocate turque, est morte après 238 jours de grève de la faim, elle s’appelait Ebru Timtik. Il est des pays où certains métiers, particulièrement avocat et journaliste, vigies indispensables de la démocratie (n’ayons pas peur, en la circonstance, des grands mots) vous met directement en danger. Quand on exerce une de ces professions, on ne peut pas ne pas se demander : mais si défendre exposait ma sécurité, ma liberté ou même ma vie, aurais-je le courage de continuer ? Fasse le ciel que je n’ai jamais à répondre à une telle question. On ne sait jamais ce qu’on vaut tant qu’on n’a pas eu se confronter à la réalité d’un totalitarisme.

 Vendredi 28 août – Banksy, les migrants et les LGBTIQ

Bilan de cette semaine :

* sans aller jusqu’à parler de chaleur (ce serait vraiment abusif car le pic a dû culminer à 22° et encore, pendant quelques minutes tout au plus), le temps a été plus que correct, toujours lumineux et systématiquement meilleur qu’annoncé. Il y aurait à Météo France des agents de puissances étrangères, payés pour dénigrer la météorologie bretonne, que je n’en serais pas autrement surpris.

* La mer en revanche, même en plein soleil, reste irrémédiablement froide et d’ailleurs tout baigneur qui survit après une immersion intégrale se voit immédiatement proposé pour la médaille du Mérite Finistérien.

Banksy finance l’achat d’un bateau destiné au sauvetage des migrants et décoré par ses soins. Porter secours à une embarcation en péril est un devoir de marin, dans le monde entier, et quoi qu’il en coûte. Le porte-container, le supertanker dont les frais de fonctionnement représentent plusieurs dizaines de milliers de dollars par jour, le leader d’une course autour du monde, tous devront se dérouter s’ils sont les plus proches pour secourir un navire en difficulté. On ne peut qu’applaudir à cette exigence. Plus amusantes et éclairantes, les déclarations de la capitaine et de divers intervenants :

« Je ne vois pas le sauvetage en mer comme une action humanitaire, mais comme faisant partie d’un combat antifasciste ».

Le projet est « d’abord anarchiste, puisqu’il entend défendre la convergence des luttes pour la justice sociale, dont les droits des femmes et des LGBTIQ, l’égalité raciale, les droits des migrants, la défense de l’environnement et les droits des animaux ».

« Puisqu’il s’agit d’un projet féministe, seules les membres d’équipages féminins sont autorisées à s’exprimer au nom du Louise Michel ».

Les dix marins du « Louise Michel » se disent tous « des activistes antiracistes et anti-fascistes partisans de changements politiques radicaux ».

J’ai un peu de mal à comprendre en quoi cette démarche peut participer à un quelconque combat antifasciste mais je me félicite que toutes les personnes qui auront la chance d’être secourues par cet équipage d’élite aient l’obligation d’être favorables aux droits des femmes et des LGBTIQ, et naturellement aux droits des animaux (j’imagine qu’il y a une sélection, un questionnaire, une déclaration sur l’honneur ? Les machos, les sexistes, les homophobes, les égorgeurs de poulets ou de moutons seront rejetés à l’eau). Voilà qui est bien réconfortant.

Ce qui n’est pas non plus précisé, c’est ce que tous ces braves cœurs feront des personnes recueillies, où elles les déposeront, pour quelle prise en charge et par qui. Les habitants du nord de Paris, de Calais ou de Grande Synthe seront certainement heureux de participer (au prix de quelques inconvénients mais j’espère qu’ils n’auront pas le mauvais goût de se plaindre) à la lutte antifasciste, anarchiste et féministe. Pourvu que les fascistes, justement (ou désignés tels) n’aillent pas tirer parti de cette opération humanitaire pour se renforcer encore et rallier des mauvais français à leur cause…

Mardi 1er septembre – « Craignez le courroux de l’homme en bermuda »

Je crois bien que je n’ai pas été en vacances en septembre depuis le CM1 ou quelque chose comme ça. Dans le temps, la rentrée était au 8 ou 10 septembre. A partir du 15 août, les « parisiens » (toute personne qui n’est pas bretonne, d’après mon grand-père qui habitait dans le 13ème) rentraient chez eux, le pays se vidait et les bretonnes en coiffe commençaient à ressortir, en même temps que s’amorçait un changement de temps. Au 31, c’était carrément l’exode et le littoral retrouvait sa fréquentation habituelle, celle des habitants à l’année, autant dire rien. C’est presque pareil de nos jours, si on oublie les haïssables camping-cars et le 3ème âge en goguette, qui prend ses vacances quand ceux qui leur payent leurs retraites sont retournés à l’établi.

Pendant ce temps, les procès continuent, et le prochain retentissant est celui de Charlie Hebdo. (Je suis, j’étais et je resterai toujours Charlie, n’en déplaise à Plenel, Todd et consorts). Qui sont les 14 accusés ?  Ce sont principalement (évidemment) des complices voire des lampistes qui seront jugés. Attendons de voir ce que donnera le procès, inutile de spéculer à ce stade.

Il entraine, pour tout le monde, un flash-back et un retour sur ces faits terribles de Charlie, l’Hyper casher et Montrouge (n’oublions pas Clarissa Jean-Philippe), comme sont tous les procès, qui ravivent les souvenirs, et partant les souffrances, des victimes. Or, nous sommes tous, à un certain titre, victimes de ces attentats.

A cette occasion, Charlie republie les caricatures qui sont le fait générateur initial de toutes ces violences. Rappel de la chronologie : Le Jyllands-Posten, journal danois, publie un certain nombre de caricatures de Mahomet ou de l’Islam. Ce sont des caricatures (donc par principe un peu excessive, mais franchement, si j’ose cette expression, il n’y avait pas de quoi tuer un chat.) Réactions très vives du monde musulman, i.e. les organisations qui, plus ou moins, représentent les musulmans, et les habituels pays qui s’y identifient.

Charlie Hebdo, dans l’esprit de défendre la liberté d’expression, singulièrement à l’égard des religions, publie à son tour les fameuses caricatures. On lui tombe dessus, et Charlie est poursuivi en correctionnelle à l’initiative de la Grande Mosquée de Paris et de l’UOIF. Tous les détails du procès, de ses prémices et ses suites, dans le très beau et accablant documentaire « L’humour à mort » de Daniel Leconte. Outre la présence bouleversante de ceux qui mourront quelques mois plus tard (le sourire adolescent de Cabu…), on voit le lâchage et même la lâcheté quasi universelle. Alors que si, prenant parti pour Charlie, toute la presse française avait publié les caricatures, cette multiplication des cibles aurait pu infléchir le cours de l’histoire.

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Photo : ©AdobeStock/Belish

Certains pensent que nous sommes moins menacés par les attaques que par la mollesse de nos réactions. Témoin cet avertissement de Philippe Muray aux « chers djihadistes » : « La fureur que nous mettrons à vous résister vous stupéfiera. Craignez le courroux de l’homme en bermuda ! Craignez la colère du consommateur, du voyageur, du touriste, du vacancier descendant de son camping-car ! Vous nous imaginez vautrés dans des plaisirs et des loisirs qui nous ont ramollis. Eh bien nous lutterons comme des lions pour protéger notre ramollissement. »

Quelques mois plus tard, les locaux de Charlie Hebdo sont incendiés. A part Libé, qui lui offrira son hospitalité, les autres journaux ou magazines observent une prudente neutralité. Encore un peu plus tard, et après que Charlie a publié ses propres caricatures, dont la fameuse « c’est dur d’être aimé par des cons », qui met le doigt sur la plaie, vient le 7 janvier 2015 et cette hécatombe (encore une fois : Charlie, Vincennes, Montrouge) qui marque un tournant dans notre histoire. Des foules se jettent dans les rues, pour manifester aux cris de « Je suis Charlie », complétés par « Je suis juif », « Je suis la République » et « Je suis la police », si vite oubliés depuis.

Puis vint la fracture et la réaction de ceux qui considèrent les musulmans d’aujourd’hui comme les juifs des années 30, analogie aussi fallacieuse que mortelle. Certains, comme Nuit debout, prétendent que la place de la République a subi une atteinte, une salissure, et l’occupent comme pour réparer l’outrage.

Aujourd’hui Charlie republie les fameuses caricatures et Riss, son directeur, déclare ceci :

« Nous ne nous coucherons jamais. Nous ne renoncerons jamais ».

Aussitôt le Pakistan a protesté et on a même brûlé le drapeau français. Il est vrai que c’est le pays dans lequel l’acquittement de la chrétienne Asia Bibi, qui a passé plus de huit ans dans les couloirs de la mort pour blasphème, simplement parce qu’elle avait bu de l’eau à un puits réservé à ses collègues musulmanes, a entrainé des réactions quasi insurrectionnelles, des menaces et même des meurtres.

En France, le président du CFCM, dans une déclaration sibylline voire oxymorique, a appelé à ignorer les caricatures de Mahomet et à penser aux victimes du terrorisme : « Les caricatures, nous avons appris à les ignorer et nous appelons à garder cette attitude en toute circonstance ». Incompréhension, aveuglement, vision sélective ? Il est impossible de penser aux victimes (celles de Charlie du moins) en ignorant les caricatures. « Ce terrorisme qui a frappé au nom de notre religion est notre ennemi », a-t-il dit. Son incapacité à accepter ces caricatures l’est également.

La dernière fois que j’avais eu à écrire cet acronyme, c’était à propos de l’affaire de la jeune Mila et le CFCM avait fait savoir avec la plus grande clarté et une remarquable absence de compassion que cette jeune fille n’avait « que ce qu’elle mérite » puisque « qui sème le vent récolte la tempête », et qu’elle devait « assumer les conséquences (on frémit en se demandant exactement lesquelles) de ce qu’elle a dit ».

Jeudi 3 septembre – J’suis bidon

Jusqu’ici la rentrée ne se présentait pas si mal quand tout d’un coup crac, la fausse note, la mouche dans le lait : « On avait quitté Julien Doré en 2017 dans la peau d’un panda euphorique, dansant sur les notes de “Coco Câline”. Trois ans plus tard, le voilà de retour avec “aimée”, l’album à écouter à tout prix pour cette rentrée. » Cette chanson indigente était déjà de trop. « On avait quitté Julien Doré », ça commençait plutôt bien, pourquoi insister ? C’est ce que se demandent ceux qui comme moi se sont forcés à écouter cette chose. Les paroles sont à la fois débiles (aux sens premier et second de ce terme), mièvres et pour tout dire, dignes d’un concours de polésie de 3ème. La musique ne vaut évidemment pas mieux. Quelqu’un devrait suggérer à Julien Doré la reprise d’un titre qui lui serait en quelque sorte  éponyme : J’suis bidon.

Affaire Derambarsh : le nouvel administrateur provisoire de la Sorbonne fait au parquet un signalement « de faits pouvant relever de contrefaçon, faux, usage de faux et subornation de témoin ». L’affaire pourrait donc avoir des rebondissements pénaux à l’encontre du docteur Derambarsh, excellente application de l’article 40, pour une fois. Sans préjudice pour les nombreuses procédures pénales que lui-même ne manquera pas de lancer (Arash si tu m’entends, ne nous déçois pas, fonce, te dégonfle pas !). Le barreau pénaliste respire un peu (j’imagine que tout ceci découle d’une mesure du plan de relance de la justice et je ne peux que féliciter le gouvernement, tout en remerciant M. Derambarsh pour son sens du sacrifice : l’histoire, Monsieur, ne vous oubliera pas).

Couverture de Charlie Hebdo : « Tout ça pour ça ». En effet.

Samedi 5 septembre 2020 – J’ai mal à mon secret professionnel

« Les avocats de Jean-Marc Reiser, qui clame son innocence dans le meurtre de l’étudiante strasbourgeoise Sophie Le Tan, ont menacé vendredi de ne plus le défendre s’il ne faisait pas « évoluer » sa position #AFP».

Explications dans les DNA : « Les avocats de Jean-Marc Reiser s’impatientent. ». Suit une vidéo  dans laquelle l’un des avocats raconte tranquillement ce qu’il y a dans le dossier, ce que son client a dit au juge, et ce que lui et l’autre défenseur lui ont dit en détention. Tout va bien. Il nous explique aussi que le gars a acquis des connaissances juridiques, qu’ils discutent « d’égal à égal », comme s’il était « un troisième avocat », attaché à « rétablir sa propre vérité ». Il faut vraiment avoir envie de passer à la télé. Par ailleurs cette « soumission » à un client a quelque chose de méprisable (ce terme manque-t-il de délicatesse ? Sans doute). Je renvoie mon confrère à l’écoute de l’interview de Vincent Nioré évoquée un peu plus haut.

Allez, fin des vacances pour cet été. 65,2 sur la balance. Il faudrait que je parte plus souvent.

 

Pour retrouver les épisodes précédents, c’est par ici