« Le rêve de chacun en règle générale est d’être propriétaire, de valoriser sa propriété et éventuellement de la transmettre »

Publié le 27/05/2016

« La propriété immobilière, entre libertés et contraintes », c’est le thème phare qui a été choisi pour ce 112e Congrès des notaires de France qui se tiendra à Nantes du 5 au 8 juin prochain. Me Pierre-Yves Sylvestre, président de cette édition 2016 du Congrès des notaires de France, revient plus en détail sur les raisons de ce choix et nous explique en quoi la thématique est chère à la profession.

Les Petites Affiches – Ce 112e Congrès est consacré à l’un des droits les plus fondamentaux de notre société : le droit de la propriété immobilière. Pouvez-vous expliquer la genèse de ce thème ?

Pierre-Yves Sylvestre – L’idée de se poser la question de l’état de la propriété immobilière est venue au départ, en constatant que d’un droit essentiel, absolu et affirmé comme tel par les textes fondateurs, il s’est peu à peu érodé face à un empilement de lois successives. Et nous avons fait le constat qu’il y a qu’un empilement de lois qui se succèdent et viennent éroder la propriété immobilière à tout point de vue. En réponse, nous avons donc souhaité faire cet état de lieux en regardant ce qu’il reste aujourd’hui de la propriété immobilière classique.

LPA – Le droit immobilier est le cœur de l’activité des notaires de France est-ce une volonté de vous réaffirmer comme lien entre l’État et les citoyens après les déconvenues de la loi Macron ?

P.-Y. S. – De par son activité auprès de ses clients, le notaire a une position privilégiée pour connaître et observer les préoccupations des citoyens. Et tout spécialement du point de vue de la propriété immobilière qui est un des axes forts de la constitution du patrimoine des Français. Le rêve de chacun en règle générale est d’être propriétaire, de valoriser sa propriété et éventuellement de la transmettre. Le tout en étant confronté à un certain nombre de contraintes, lié à la fois aux contraintes légales qui peuvent venir soit des contraintes urbanistiques, soit des contraintes imposées au titre des réglementations sur les permis de construire ou sur les droits de l’occupant.

LPA – Quels sont les grands enjeux qui entourent ce droit et pourquoi est-il si important au sein de notre système juridique ?

P.-Y. S. – La double contrainte c’est de s’adapter à l’environnement légal et d’organiser sa propriété. Nous avons envisagé l’évolution possible du droit de propriété avec une analyse prospective sur son adaptation à la société.

LPA – Les mutations qu’a connues le droit de propriété immobilière au cours du siècle dernier ont-elles rendu ce dernier inadapté au monde d’aujourd’hui ?

P.-Y. S. – Il est curieusement parfois paré d’une certaine rigidité pour certains de ses aspects, je pense notamment à la sévérité avec laquelle il condamne les empiétements. Il est perpétuel, et on peut se poser la question en se plaçant dans la prospective sur la possibilité de formes de propriétés à mi-chemin entre la propriété et l’usufruit et qui serait là pour répondre à un besoin du citoyen que l’on voit émerger : celui d’être propriétaire que de ce dont on a besoin. On le voit dans d’autres formes de propriété mobilière, on peut imaginer que cette tendance commence à dériver vers la propriété immobilière. Avec par exemple l’éventuelle extension du droit de jouissance spécial qui a été affirmé par la Cour de cassation.

LPA – La crise du logement ne montre-t-elle pas aussi des problèmes dans certains aspects du droit de propriété ?

P.-Y. S. – Effectivement, avec la crise du logement on se pose la question d’une propriété qui soit plus limitée dans le temps, et qui serait de fait moins coûteuse. Il y a une tentative de la loi de temps en temps d’essayer de créer de nouvelles formes de construction avec l’habitat participatif par exemple. Il y a un certain nombre de techniques apportées par la loi et puis il y a d’autres techniques qui seront peut-être inventées par la pratique, comme cela a déjà été fait par le passé.

LPA – Quel est le rôle joué au quotidien par les notaires auprès des citoyens dans l’application de ce droit que l’on considère souvent comme complexe ?

P.-Y. S. – Il est certain que nous sommes confrontés lors des consultations des citoyens à un grand nombre de questions concernant le droit de la propriété. Elles sont liées soit aux problèmes de voisinage, c’est-à-dire à la contrainte liée aux voisins dans l’espace, aux problèmes de limitation de la propriété avec le bornage, aux problèmes d’alignement en matière de droit public, aux nombreuses problématiques liées à la copropriété et enfin à toutes les contraintes liées à la détention en indivision. Un dernier point concerne la relation à l’occupant, sachant que l’on constate aujourd’hui une volonté affirmée des pouvoirs publics de donner un logement à tous et de maintenir le locataire dans des lieux ou de favoriser au plus possible l’accession par le locataire.

LPA – En quoi les notaires sont-ils garants de la sécurité juridique des propriétés immobilières ?

P.-Y. S. – Nous sommes garants de la sécurité juridique par l’établissement du titre de propriété qui nécessite de nombreuses vérifications et bien sûr par sa publicité foncière. Le notaire vient éclairer la réflexion de son client en raison du foisonnement de lois qui viennent contraindre sa propriété.

LPA – Ce Congrès peut-il être l’occasion d’apporter des réponses aux limites et aux contraintes qui entravent la propriété immobilière ?

P.-Y. S. – L’essence même des congrès est de faire un état des lieux avec le rapport puis d’aller au-delà de cet état des lieux avec le constat d’un certain nombre de dysfonctionnements. Et en cherchant les améliorations possibles dans le fonctionnement juridique via les différents vœux et propositions qui sont soumis au vote des congressistes lors du congrès pour être ensuite soumises aux pouvoirs publics.

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