Les experts-comptables exposent leurs griefs

Publié le 05/05/2017

À l’occasion d’une réunion avec la presse, le nouveau président de l’ordre des experts-comptables a exprimé ses griefs face à la situation créée par la réforme du prélèvement de l’impôt à la source et à la vision que gardent les pouvoirs publics de la profession.

Les dernières élections de l’ordre des experts-comptables ont permis d’observer un changement de majorité à la tête de l’institution. Alors que celle-ci était tenue par le syndicat ECF, c’est le président du syndicat IFEC qui a été élu à la mi-mars. Un résultat logique au regard de la position majoritaire dans les ordres régionaux qu’a acquise l’IFEC au cours des dernières années. « Redonner sa place à l’expert dans l’entreprise », c’est le mantra du nouveau président, Charles-René Tandé, qui compte bien défendre la reconnaissance de la spécialisation pour les experts et le développement des activités de conseil spécialisé. Condition nécessaire pour être mieux reconnu sur le marché. Mais les deux années de son mandat seront également consacrées à plusieurs dossiers devenus sources de frustration pour la profession. À commencer par la perception qu’a le pouvoir politique des experts. « Comme j’ai pu le constater lors des travaux de la loi Macron, les pouvoirs publics gardent une image trop réductrice de l’expert-comptable, qui ne serait là que pour arrêter les comptes », explique le président de l’ordre en détaillant que « la valeur ajoutée de l’expert reste de pouvoir aider le chef d’entreprise à développer son activité ». Autre sujet qui a été une source d’incompréhension pour les experts : le contrôle des pièces justificatives par les organismes de gestion agréés. L’ordre émet une forte opposition face à ce contrôle qui est « une marque de défiance de notre tutelle qui nous a profondément choqués ». Un dossier sur lequel la présidence de l’ordre compte d’ailleurs revenir au cours de l’année.

« Nos professionnels sont très remontés »

Mais pour Charles-René Tandé, l’une des problématiques les plus épineuses réside dans les mesures de simplification : « un mot extraordinaire puisque chaque nouveau ministre annonce qu’il va simplifier les lois et nous aboutissons toujours à un système plus complexe à l’arrivée », selon le président l’absence de concertation du pouvoir politique avec les experts-comptables avant de publier de nouveaux textes de loi qui les concernent directement explique en partie ces échecs de simplification. « Il n’y a pas si longtemps, les experts étaient consultés a priori afin de tester la viabilité du processus choisi, cela avait été le cas lors des textes sur les 35 h par exemple ». Une pratique qui aurait disparu au cours des dernières années et qui aboutit pour le président à des textes de loi insuffisamment travaillés et créant des difficultés lors de leur mise en application. « Nos professionnels sont très remontés, il y a un phénomène de saturation causé par des réformes mal préparées telles que celle de la déclaration sociale nominative (DSN) et dont nos équipes font les frais ». Si le principe même de la DSN, celui d’un mode déclaratif unique pour transmettre les déclarations adressées par les employeurs aux organismes de protection sociale, n’est pas remis en cause par les experts, c’est sur son application que le bât blesse. « Nous nous sommes mis en marche et n’avons pas compté les heures supplémentaires pour répondre aux délais exigeants de passage à la DSN. Pourtant, nous sommes aujourd’hui dans une situation où les organismes complémentaires nous expliquent qu’ils ne sont pas en état de recevoir nos déclarations », explique le président de l’ordre. L’incapacité de certains organismes complémentaires à recevoir les DSN oblige les experts à faire des doubles déclarations et donc à multiplier la charge de travail. La situation est parfois critique dans certains cabinets où l’on constate des départs et démissions. À cela s’ajoute le prélèvement à la source où l’on a fait au plus compliqué d’après Charles-René Tandé : « d’autres dispositifs plus simples dans ces modalités auraient pu être choisi, ici la responsabilité du flux pèse sur l’employeur et donc par extension sur l’expert-comptable ». Comme sur d’autres dispositifs tels que le RSI et ses nombreux dysfonctionnements, l’ordre des experts-comptables constate que l’absence de concertation aboutit à des situations complexes et qui finissent par être dommageables pour l’économie et la croissance. Charles-René Tandé revient donc pour les Petites Affiches sur les griefs que la profession exprime à l’encontre des pouvoirs publics.

Les Petites Affiches – Les entreprises sont-elles prêtes pour le prélèvement à la source ?

Charles-René Tandé – La DSN perturbe nos équipes, la garantie d’automaticité est toute relative et nous craignons que les choses ne marchent pas aussi bien que l’on veut nous l’assurer. Ce qui est positif, c’est que les flux avec l’Urssaf fonctionnent bien pour le moment, on peut donc espérer que le flux descendant qui donnera le taux de prélèvement soit opérationnel. Ce qui est certain, et c’est notre grande crainte, c’est qu’il y aura de l’incompréhension sur le montant prélevé. Il y aura nécessairement des erreurs sur les fiches de paie sur lesquelles nous n’aurons pas la main. Imaginez un contribuable qui aura voulu séparer entre les deux conjoints du foyer fiscal, avec des taux qui peuvent être très différents, et que cela ne s’est pas fait. Le salarié qui n’est pas satisfait avec le prélèvement qu’il a sur sa fiche de paie ira voir son auteur pour lui expliquer qu’il n’est pas d’accord. Nous craignons qu’il y ait un temps considérable passé à régler ce genre de situation. Ce n’est certes qu’un passage, mais cela risque de saturer totalement nos cabinets à partir de janvier 2018.

LPA – Quelles sont vos demandes dans ce cadre ?

C.-R. T. – Nous souhaitons qu’à partir du moment où le DSN a été envoyé et que les délais ont été respectés, on ne nous demande pas un deuxième travail : c’est-à-dire de gérer ces déclarations, ce qui est le travail des organismes complémentaires. La direction de la sécurité sociale nous soutient, elle écrit et demande à ses organismes de se mettre en conformité le plus rapidement possible. C’est certes très bien, mais la question se pose de savoir ce que l’on peut faire une fois que ces organismes déclarent ne pas être en mesure de recevoir nos déclarations. Notre première demande est donc que l’on n’applique pas de pénalités lorsque ce sont lesdits organismes qui ne sont pas en état de recevoir les déclarations. Concernant le temps que nous allons passer en surcharge de travail, nous n’avons pas eu de réponses favorables et personne ne nous indemnisera, ni l’État qui n’est pas responsable, ni les organismes qui s’y refusent. Nous continuerons cependant à agir en ce sens.

LPA – La période électorale complique-t-elle les choses ?

C.-R. T. – Certainement. D’autant qu’il y a une incertitude sur l’application ou non en fonction du futur président de la République. Selon les déclarations des candidats, certains ne le mettent pas en place, d’autres le décalent d’un an et d’autres l’appliquent. En prenant l’exemple du foncier ou du bâtiment, l’incertitude de savoir si le prélèvement sera mis en place à la date prévue ou reporté complique énormément les stratégies. Ce n’est pas une bonne chose pour l’économie !

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