Les notaires proposent un choc de simplification du droit
Dans le prolongement des travaux annuels du Congrès des notaires de France, le Conseil supérieur du notariat a transmis aux pouvoirs publics un livret de 15 propositions de réforme peu contraignantes mais permettant de simplifier le droit de la famille, des successions et de l’immobilier.
En juillet 2022, le Conseil supérieur du notariat a publié un livre blanc destiné aux pouvoirs publics. Son objectif : simplifier le droit. Il propose 15 mesures simples et faciles à déployer, principalement en matière de droit de la famille et de droit immobilier.
Simplifier les transmissions
Les notaires formulent plusieurs propositions pour simplifier les successions. Tout d’abord, ils proposent d’aligner la procédure du testament authentique sur celle de la donation, par la suppression de la présence obligatoire d’un second notaire lors de sa réception. Le testament est un acte moins grave que la donation, dans la mesure où, contrairement à la donation il n’opère pas un transfert immédiat de la propriété et qu’il est librement révocable.
Une autre proposition concerne la clôture d’inventaire, acte conservatoire qui énumère les éléments du patrimoine du défunt, leur description et leur estimation. Une fois l’inventaire réalisé, le notaire doit rédiger un acte qui clôt cet inventaire. Il est soumis à un droit de 125 €. Le CSN propose de remplacer la clôture d’inventaire par une prestation de serment au pied de l’inventaire des meubles meublants lui-même.
Enfin, les opérations de partage de succession comme d’indivision pourraient gagner en fluidité si l’on améliorait la relation notaire/juge. Aujourd’hui, le juge nomme le notaire chargé du partage qui reste soumis au contrôle et à la surveillance du juge.
Lorsque l’opération traîne dans le temps, le notaire a des difficultés à régulariser et recevoir l’acte de partage. Il doit se borner à rédiger un procès-verbal de carence ou de difficultés. Les notaires suggèrent de pouvoir solliciter le juge dès la survenance d’un litige susceptible d’entraver le déroulement de leur mission, non pas seulement pour l’informer mais pour lui demander de trancher le litige.
Alléger les successions aux neveux et nièces
Parmi les mesures successorales proposées, l’une porte sur la fiscalité successorale identique applicable aux neveux et nièces. Ceux-ci ne sont pas soumis à la même fiscalité selon qu’ils viennent à la succession de leur chef ou en représentation de leur parent prédécédé ou renonçant.
Les héritiers qui viennent en représentation de leur parent décédé ou renonçant bénéficient, sur la part taxable qu’ils reçoivent, de l’abattement et du tarif applicable à la personne qu’ils représentent. L’administration fiscale a néanmoins toujours refusé le jeu de cette représentation aux collatéraux en présence d’une souche unique (BOI-ENR-DMTG-10-50-80 n°330). Ainsi, lorsque des neveux ou nièces viennent à la succession d’un oncle ou d’une tante à raison du prédécès de leur auteur frère ou sœur unique du défunt, ils sont considérés comme venant de leur propre chef à la succession. À ce titre, ils ne bénéficient que de leur abattement personnel et sont taxés au taux de 55 %.
« Il est donc proposé de mettre fin à la distinction entre la fiscalité successorale des neveux et nièces selon qu’ils viennent à la succession de leur chef (55 %) ou en représentation de leur parent prédécédé ou renonçant (35 et 45 %) au nom de l’égalité devant l’impôt ».
Droit de la famille : faciliter l’adoption des « beaux-enfants »
Les notaires préconisent d’autoriser l’adoption simple de l’enfant majeur du conjoint, du partenaire de pacs et du concubin par acte notarié. Les familles recomposées se multipliant, l’adoption des enfants du concubin, du partenaire du pacs ou du conjoint est de plus en plus envisagée pour formaliser les liens d’affection qui se sont créés, contribuant « ainsi au parachèvement d’une recomposition familiale harmonieuse ».
En cas d’adoption simple d’un enfant majeur, il convient de respecter certaines conditions. L’enfant doit tout d’abord consentir à son adoption. La procédure se réalise ensuite en deux temps : d’abord un consentement à adoption recueilli par le notaire ; ensuite une requête en adoption devant le tribunal judiciaire compétent. « La procédure est donc relativement longue et complexe et nécessite l’intervention de plusieurs acteurs : notaire, avocat et juge », expliquent les notaires, qui proposent de rendre possible l’adoption simple de l’enfant majeur du conjoint par acte notarié.
L’intervention du juge serait maintenue pour l’adoption de l’enfant mineur. Elle le serait également concernant l’adoption simple de l’enfant en présence d’enfant(s) mineur(s) de l’adoptant ou en cas d’opposition légitime du ou des enfants majeurs de l’adoptant. Cette intervention permettrait de vérifier que l’adoption n’est pas de nature à compromettre la vie familiale. Cette proposition pourrait trouver sa place dans le cadre de l’ordonnance prévue par la loi n° 2022-219 du 21 février 2022 visant à réformer l’adoption.
Enregistrement des conventions de pacs
Les notaires proposent la suppression du droit fixe de 125 euros pour les pacs reçus par acte notarié. Pour de nombreuses raisons, les partenaires de pacs peuvent privilégier une convention sous forme authentique, solution évidemment préconisée par les notaires en raison des effets de la stipulation dérogatoire d’une indivision d’acquêts, de l’insécurité juridique des partenaires et des tiers résultant d’une modification du régime du pacs due à l’absence d’un suivi fiable des pacs modifiés, etc. Cet acte authentique ne prend effet entre les parties qu’à compter de son enregistrement, ce qui implique un double coût : l’émolument de 84,51 € HT perçu par le notaire et un droit d’enregistrement de 125 €.
Pour encourager l’accès à l’acte authentique, les notaires proposent de dispenser le pacs reçu par acte notarié de ce droit fixe. « Cette modification permettra ainsi au plus grand nombre de bénéficier des avantages liés à cet acte authentique, et notamment sa conservation durant 75 ans, pour un coût réduit de 101,41 euros TTC », expliquent-ils.
Immobilier : de nombreuses mesures
De nombreuses mesures concernent le droit de l’immobilier.
Ainsi, la première émet l’idée de simplifier la procédure de transformation de bureaux en logements, opération qui reste très marginale en France malgré les besoins. Il conviendrait de permettre temporairement la transformation de bureaux en logements par simple déclaration préalable accélérée, sur le modèle du Royaume-Uni. Pour les immeubles de bureaux en copropriété, il conviendrait de simplifier le changement d’usage. Aujourd’hui, un copropriétaire peut s’opposer au projet de transformation car il ne peut être voté qu’à l’unanimité des copropriétaires. Les notaires proposent que l’assemblée générale de la copropriété puisse imposer à un copropriétaire une modification à la destination de ses parties privatives ou aux modalités de leur jouissance, telles qu’elles résultent du règlement de copropriété.
Et aussi :
– Simplifier la vente immobilière par la délivrance aux acquéreurs de leur titre de propriété à l’issue de la signature de l’acte de vente et non plus une simple attestation ;
– Alléger le formalisme et la fiscalité de la promesse de vente reçue par acte notarié : en dispensant les promesses synallagmatiques de vente reçues par acte notarié de l’obligation de publicité foncière et dispensant du droit fixe de 125 € ;
– Unifier les polices des changements d’usage et de destination au sein du Code de l’urbanisme : supprimer les dispositions relatives à l’usage et réécrire les destinations et sous-destinations pour faire de la sous-destination « hôtels et hébergements touristiques » une destination à part entière ;
– Mettre en cohérence les dispositions en faveur de la rénovation énergétique des logements les moins performants en harmonisant la validité des diagnostics de performance énergétique avec le calendrier de la loi Climat ;
– Supprimer la notion de solidarité fiscale entre acquéreur et vendeur d’une entreprise individuelle, quelle que soit la nature de l’entreprise cédée ;
– Adapter la procédure de permis valant division en vue d’une meilleure gestion urbaine du quartier ;
– Rationaliser le droit de préemption des sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural (SAFER) ;
– Clarifier, simplifier et harmoniser les droits de priorité forestiers.
Consultez le détail de ces propositions dans le livret établi par le CSN : https://lext.so/rhcUjk
Référence : AJU006c2