L’IFEC choisit une coprésidence pour l’Île-de-France

Publié le 18/05/2017

L’Institut français des experts-comptables et des commissaires aux comptes, syndicat représentatif de la profession comptable, a choisi deux nouveaux présidents pour la section francilienne. Une coprésidence inédite qui a pour objectif de mieux représenter l’ensemble des cabinets, quelle que soit leur taille.

Après l’élection des nouveaux membres de son conseil de gestion au mois de mars, la section Paris Île-de-France du syndicat IFEC a élu les deux nouveaux présidents qui dirigeront cette équipe pour le mandat 2017-2020. Philippe Bonnin et Sandrine Cohen-Solal partageront la coprésidence pour un mandat qui souhaite se placer sous le signe de la préparation de l’avenir des cabinets d’expertise comptable et de la solidarité confraternelle.

Philippe Bonnin a commencé sa carrière en 1984 en tant qu’auditeur-réviseur chez Euraudit (devenu GVA et associé en 1989). En 2016, le groupe GVA qu’il codirige depuis près de vingt ans compte désormais 75 employés. Au cours de sa carrière, il s’est engagé à plusieurs reprises dans les instances représentatives de la profession comptable. Il est membre du bureau national de l’IFEC depuis 2013 et également élu au conseil régional de l’ordre des experts-comptables de Paris Île-de-France et président du comité financement.

Sandrine Cohen-Solal a débuté sa carrière en cabinet avant de se lancer dans le monde de l’entreprise. Dans le domaine des « soft commodities » (matières premières agricoles) d’abord, puis en officiant, à partir de 2005, dans les services comptables d’Humanis France SSII, cotée Euronex avant d’accepter la fonction de DAF dans un groupe pharmaceutique français. Après 17 années en entreprise, elle crée, en 2015, le cabinet 3ECS Conseil dédié à l’accompagnement des dirigeants dans la conduite de leur projet. En novembre 2016, elle rejoint Philippe Bonnin sur la liste qu’il présente aux élections du conseil régional de l’ordre. Les nouveaux présidents ont bien voulu présenter aux Petites Affiches les différents axes de leur mandature. Entretien.

Les Petites Affiches – Quels seront les différents axes de votre mandature ?

Sandrine Cohen-Solal – Cette mandature est tout à fait particulière, puisqu’il s’agit de la première coprésidence pour la section francilienne de l’IFEC. L’objectif était de donner un vrai sens à ce geste en mettant à profit la complémentarité du profil de Philippe et du mien. C’est aussi la mise en confrontation de visions qui peuvent être différentes, mais qui se rejoignent sur ce qui est le fondement de notre métier.

Philippe Bonnin – La coprésidence est, en effet, une vraie innovation et permet de conjuguer nos profils pour une synergie utile. Mon expérience au sein de cette profession et mon implication dans les instances depuis de nombreuses années, associée à une consœur à même de représenter une nouvelle génération, qui est aussi plus féminine, sont les gages d’une action syndicale empreinte de renouveau, de sérénité et de pérennité. J’estime qu’une profession dynamique, c’est une profession où ses membres s’investissent et c’est pour cela qu’à mes yeux la transmission est très importante. Il faut aider les jeunes professionnels à s’engager auprès des instances pour qu’ils reprennent le flambeau de la profession. Sandrine sera très impliquée sur le terrain avec les animations et les actions auprès des confrères sur tout le territoire francilien. Son discours sera aussi plus adapté auprès des jeunes confrères ou ceux qui possèdent des structures en phase de création. En ce qui me concerne, je vais continuer l’action de lobbying politique, que ce soit auprès des pouvoirs publics ou des instances professionnelles.

Sandrine Cohen-Solal – Nous souhaitons aussi mettre la confraternité de notre profession au centre de nos priorités. Le syndicat IFEC est le syndicat de tous les cabinets, quelles que soient leurs tailles et a vocation à être le lieu commun de la profession. Cette notion de confraternité, qui est inscrite à notre code de déontologie, signifie qu’il faut retrouver le partage et la solidarité dans nos façons de travailler les uns avec les autres.

LPA – Pour quelles raisons un expert-comptable va-t-il adhérer à un syndicat ?

S. C.-S. – Une personne inscrite à l’ordre viendra avant tout chercher une représentation. La force d’une profession c’est celle de son rassemblement. Rejoindre un syndicat permet donc de faire entendre sa parole et de rejoindre une institution qui a la même philosophie du métier que soi. Mais c’est aussi l’occasion de partager avec ses pairs, de recevoir de l’information et d’être accompagné.

P. B. – Un syndicat professionnel patronal peut en effet servir de support à un expert-comptable lorsque l’exercice de son activité le nécessite. Les jeunes inscrits ou installés peuvent parfois se retrouver seuls dans leur pratique. Au travers d’un syndicat, ces jeunes installés pourront donc trouver l’appui nécessaire, qu’il soit technique, stratégique ou professionnel. L’intergénérationalité est un thème qui nous est cher : il faut que les plus anciens soient à la disposition des plus jeunes et les parrainent. Par rapport à l’ordre, le syndicat est un échelon plus proche de l’expert-comptable. Il est là pour aider tous les professionnels lorsqu’ils en ressentent le besoin.

LPA – Quelles sont les positions que défend l’IFEC ?

S. C.-S. – Notre objectif est de renforcer la profession et de sauvegarder sa force dans une période pour le moins compliquée. Les experts-comptables, tout comme d’autres professions, connaissent d’importantes modifications structurelles. Notre mission est de porter une réflexion sur ce que sera le métier demain, d’anticiper l’avenir pour défendre au mieux les intérêts de la profession. Notre rôle est aussi de se préparer aux évolutions que les experts vont connaître avec les changements économiques et sociétaux. Les conjonctures économiques et structurelles doivent être prises en compte, il ne faut pas fermer les yeux sur l’ubérisation qui touche aussi notre secteur. Nos cabinets se transforment, nous devons réfléchir à la meilleure façon de les accompagner.

LPA – Avez-vous des divergences avec ECF, l’autre syndicat de la profession ?

P. B. – En réalité, nous partons tous les deux du même constat : celui que la profession, telle qu’elle était organisée, avec les métiers de la tenue et les missions déclaratives, va être profondément modifiée par la dématérialisation et la numérisation économique. On est sur des marchés à maturité, où le prix de la prestation ne fera que descendre. Là où nous divergeons avec ECF, c’est sur la façon dont nous voyons le futur. L’IFEC a toujours mis l’entreprise et son dirigeant au centre, nous pensons que c’est là que réside notre marché. Nous ne sommes pas attachés à rester uniquement des facilitateurs de l’administration fiscale. Et à ce titre, nous pensons qu’il faut privilégier le statut de conseil auprès de l’entreprise plutôt que celui de professionnel réglementé. Lorsqu’un client nous adresse ses interrogations, il ne désire pas uniquement une réponse comptable : il souhaite que cette réponse soit transversale. C’est pour ça que nous devons développer plus de domaines d’activité et de compétences puisque nous sommes le principal interlocuteur du chef d’entreprise. Nous sommes pour la spécialisation et le développement de formation diplômante sur un certain nombre de compétences. ECF souhaite de son côté développer le mandat fiscal et le tiers de confiance du contribuable pour se placer comme facilitateur de l’administration fiscale. Mais ce statut de tiers de confiance créera des contreparties de contrôle qui, d’après moi, terniront notre statut de conseil. Enfin, leur dernier objectif est de développer un marché auprès des particuliers. Peut-être que le marché existe, mais je ne pense pas que ce soit celui des experts-comptables, et personnellement, je ne vois pas où est la valeur ajoutée.

LPA – L’Île-de-France a-t-elle des spécificités pour les experts-comptables ?

S. C.-S. – La particularité de l’Île-de-France réside dans sa taille et le nombre d’experts qui y sont concentrés. C’est la première région de France, de par son attractivité avec un tiers du PIB national, et de par le nombre d’entreprises présentes. Elle est motrice sur le national et c’est aussi une région où l’on va beaucoup plus vite. C’est pour cette raison que l’Île-de-France est la vitrine qui va drainer le national.

P. B. – On remarque également un éclatement plus important qu’ailleurs parmi les cabinets. On trouve à la fois les plus gros cabinets (ceux que l’on appelle les « Big 4 ») et les plus petits où certains experts travaillent seuls depuis leur appartement. Cet écart-type vient de la concentration d’entreprises dans la région, mais aussi de la diversité des compétences qui ont été développées par les experts-comptables. Le souci est que ces confrères qui ont choisi de se spécialiser dans une compétence forte n’ont pas le droit, au regard des règles professionnelles, de communiquer sur cette spécialité. Et cela, au contraire de n’importe quel autre conseil installé en France. Il faut que l’on puisse trouver une dynamique pour que tous ces cabinets de la région parisienne puissent communiquer au même titre que les autres professionnels du marché.

LPA – Comment réagissent les cabinets face aux différentes reformes et mesures de simplification, que ce soit la DSN ou l’impôt à la source ?

S. C.-S. – On est dans une démarche de simplification qui soulève au final de nombreux problèmes. Le dossier des DSN (déclarations sociales nominatives) n’a pas forcément été mené très correctement. Nous sommes désormais obligés de passer en phase 3, alors que nous avons en face de nous des organismes de prévoyance qui ne sont pas prêts. La situation fait que nos confrères sont assez peu satisfaits de la manière dont cette réforme a été menée. Et ce sont nos experts qui subissent les conséquences puisque nous sommes obligés d’effectuer les déclarations en doublon (papier et numérique).

P. B. – En soi, les objectifs et le fondement de cette réforme sont nécessaires et nous ne pouvons que les approuver. Mais au-delà, la feuille de route qui a été mise en place est particulièrement inadaptée. La mandature ECF, qui présidait le conseil supérieur, n’a pas su promouvoir un modèle économique cohérent auprès des pouvoirs publics. Le problème est que la sphère sociale est très complexe dans notre pays, avec de nombreux organismes, et l’on n’a pas su leur imposer un modèle unique. Il y a un manque de rationalité et beaucoup d’entreprises ne sont actuellement pas en mesure de gérer cela. Il est nécessaire de mettre en place un moratoire sur les échéances des différentes phases, notamment sur la phase 3, afin de ne pas mettre l’ensemble des entreprises et cabinets dans un stress difficilement soutenable. Les obligations de délais de réaction ne sont pas réalistes au vu de la structure de nos entreprises.

LPA – Est-ce que la profession voit l’avenir avec sérénité ?

S. C.-S. – Nous vivons dans un monde qui change, nous avons donc intérêt à être des êtres agiles et flexibles. Malheureusement, nous avons souvent eu une image corporatiste avec tout ce que cela peut sous-entendre de difficulté à se remettre en question et à évoluer. La profession l’a totalement compris aujourd’hui : nous devons faire partie du mouvement et avancer avec la société. Le changement ne doit pas forcément être vu d’un mauvais œil, nous irons en effet progressivement vers plus de missions à valeur ajoutée en renforçant le conseil alors que celles de tenue comptable vont diminuer.

P. B. – Comme n’importe quelle profession, nous sommes face aux mutations. À nous de savoir prendre les rênes en anticipant les attentes du marché, car c’est lui qui est le principal moteur des évolutions de notre société aujourd’hui. Il faut nous adapter en gardant cet esprit entrepreneurial, les experts-comptables ont toutes les qualités requises pour être capables de rebondir comme il le faut. Nous sommes reconnus pour être de bons conseils et pour être le premier interlocuteur du chef d’entreprise. Il y a de vraies questions, notamment en matière de management et de formation des collaborateurs, mais si nous sommes capables de relever ces défis il n’y a pas de raison de ne pas regarder l’avenir avec optimisme.