Congrès de l'ACE 2018

Réussir, le programme de toute une profession en pleine mutation

Publié le 19/09/2018

Les 27 et 28 septembre prochains c’est à Antibes Juan-les-Pins que se déroulera le 26e Congrès de l’ACE sur le thème « Réussir ! ». L’objectif est de permettre à la profession de se projeter dans l’avenir et faire face positivement aux mutations que rencontre la profession. « L’avocat doit regarder l’avenir, accepter de réussir ! », explique Denis Raynal, président de l’ACE. Entretien à quelques jours de l’événement.

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Les 27 et 28 septembre prochains le congrès de l’ACE portera sur le thème « Réussir ! ». Pourquoi ce thème ?

Denis Raynal

Nous souhaitons montrer, dans le même sens que notre action pour la profession, par un titre concis mais qui interpelle et à la suite des Moteur ! du congrès d’Ajaccio et Ouvertures du congrès de l’an dernier à Strasbourg, que la profession peut voir positivement et collectivement son avenir et que chaque professionnel doit peut-être lui-même se poser sincèrement la question de son propre devenir et de ses propres évolutions face aux grandes mutations de la profession.

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De quoi s’agira-t-il ?

D.R.

Comme l’indiquent les mots de présentation dans la plaquette du congrès, le « Réussir ! » est une démarche alors que la réussite est un résultat. Nous nous intéresserons donc à l’action et non spécifiquement à la réalisation du but ultime. La réussite est un sujet relatif. Le « Réussir » est en fin de compte la faculté de s’accorder au monde, à son écosystème, à ses perspectives, pour déterminer ses propres centres de valeur et orienter leur réalisation ou leur renouvellement. Il en est ainsi pour notre profession.

Au cours de la cérémonie d’ouverture, nous aurons notamment des interventions sur ce sujet, que ce soit la parole publique de Jean Léonetti, ancien ministre, maire d’Antibes, celle de Christiane Feral Schuhl, présidente du Conseil national des barreaux (CNB) qui nous fera l’honneur de sa présence pour évoquer sa vision du « Réussir » pour la profession. Un entrepreneur de Sofia-Antipolis évoquera sa construction, et d’autres belles surprises rythmeront cette matinée du 27 septembre.

Les événements du congrès, dont les travaux sont dirigés par notre directrice des congrès Bénédicte Bury, vont dans ce sens. Les tables rondes, ateliers, rencontres, moments interstitiels seront tous empreints de cette approche. Par exemple, Bénédicte Bury va animer une plénière d’ouverture sur le thème justement de « Quelle(s) réussite(s) » avec une approche typiquement sciences humaines de la notion.

Quant au lieu du congrès et à la belle luminosité de l’endroit, ils aideront à ces réflexions !

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Pour fêter les 25 ans de l’ACE vous avez publié l’ouvrage collectif Mutations dans l’univers des avocats – Tectoniques et horizons, où il est en grande partie question de l’évolution de la profession. Le « Réussir » passe-t-il par une évolution nécessaire de la profession ?

D.R.

Sans doute. L’évolution de la profession n’est pas une déclaration de pure forme ou un vœu pieux mais justement une démarche consistant à l’adapter aux grandes mutations de notre monde, au-delà du microcosme, pour assurer toujours plus fort tant son rôle sociétal que ses équilibres économiques collectifs comme individuels.

Imaginez un navire sur son erre, en avarie moteur et ayant perdu son cap, en pleine tempête près des hauts fonds. Quelle est sa perspective de réussite et de sauvegarde corps et biens ? L’expérience du commandant sera essentielle, c’est certain, mais ne faut-il pas d’abord anticiper la panne et la météo, adapter la route ? Il en est de même pour la profession qui semble s’être réveillée ; il est préférable de prendre la vague à temps, et dans le bon sens…

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La profession peut-elle réussir seule ?

D.R.

D’abord, la profession commence, sous l’impulsion incontestablement positive de sa nouvelle présidente du CNB, à parler d’une voix unifiée aux pouvoirs publics, ce qui est positif tant ceux-ci savent profiter des divisions. Cela signifie que la voix portée doit être une synthèse qualitative des mouvements exprimés et constructifs, ceux des corps intermédiaires riches d’idées.

Ensuite, la profession doit comprendre qu’elle ne sait pas tout sur tout et accepter d’apprendre des autres. Un exemple ? Le statut d’un avocat qui deviendrait avocat salarié en entreprise ne peut être mis au point sans impliquer les directions juridiques ; le contrat de travail d’un avocat qui deviendrait avocat en entreprise par exemple, n’a aucune chance de voir le jour s’il n’est pas élaboré en commun avec ceux qui vivent leur métier dans l’entreprise. Les réflexions sur l’indépendance et le secret professionnel non plus. Nous devons être pragmatiques pour être efficaces et respectés.

Par ailleurs, la profession ne peut se refuser aux perspectives de l’interprofessionnalité voire de la multiprofessionnalité, concertant d’autres professions dans un exercice commun pour une offre de service partant du besoin du client, mais dans le respect des fondamentaux de chacune d’elles. Pour nous, avocats, le secret professionnel est évidemment un point majeur à cet égard. Pour autant les règles professionnelles, la déontologie, doivent être clarifiées, adaptées aux grandes évolutions. Les modèles économiques changent, la profession doit avancer et savoir écouter, regarder, comprendre et évoluer.

Elle sera alors à nouveau mieux respectée, à son tour écoutée.

LPA

Le point d’exclamation du thème du congrès traduit votre optimisme sur l’évolution de la profession…

D.R.

Oui, il veut porter une interpellation et une énergie que l’ACE relaie sans cesse pour ses adhérents et pour la profession tout entière. Pourquoi les avocats ne se construiraient pas forts de leur passé bien sûr, mais positifs sur leur avenir ? Nous exerçons des métiers divers, notre champ de compétences est véritablement extraordinaire pourvu que l’exigence soit présente, nous pouvons être heureux d’être membres de cette belle profession mais devons être conscients de nos défauts. Stop aux entraves inutiles, libérons les freins dont la justification n’a plus d’enjeu, réfléchissons et marchons vers un demain ambitieux, sans certitudes absolues, avec la volonté de réussir, en se remettant en cause, en se posant les bonnes questions, en espérant y apporter humblement de saines réponses ! Il y a effectivement tout cela dans ce point d’exclamation, et il y a dans ce point d’exclamation, la détermination à nous respecter nous-mêmes et à prendre la pause pour un temps de réflexion tourné vers l’avenir, à ce congrès justement.

LPA

Quelles sont aujourd’hui les grandes préoccupations des avocats conseils d’entreprises ?

D.R.

Nos préoccupations concernent fréquemment l’ensemble de la profession, avec l’angle technique et pratique que notre culture professionnelle nous a enseigné. La spécificité de l’avocat conseil d’entreprise existe encore bien sûr, comme ses besoins spécifiques, mais nos adhérents sont chaque jour plus nombreux, depuis 25 ans et la fusion des professions, qui n’ont pas connu la profession de conseil juridique proprement dite et s’identifient d’abord comme avocats, sensibles aux caractéristiques de l’exercice du droit auprès des entreprises et des entrepreneurs, tant en conseil qu’en contentieux. D’où notre accroche de campagne 2017 au CNB : « Avocats d’abord ! ».

Les orientations de nos actions sont généralement axées sur l’ouverture du marché du droit, sur la conscience de la nécessité d’une forte qualification adéquate et sur notre adaptation et celles de nos règles professionnelles aux grandes évolutions que nous identifions aujourd’hui et aux tendances que nous percevons pour demain.

Ainsi notamment de nos actions pour l’intégration ou la maîtrise des technologies de l’innovation, pour l’acquisition des savoirs, pour la définition de la consultation juridique, la défense systématique du secret professionnel et de la confidentialité des échanges de l’avocat conseil comme dans l’exercice de ses activités judiciaires, de la multiprofessionnalité, de l’internationalisation et la mondialisation des échanges, de la mobilité professionnelle, intra ou interprofessionnelle, nationale ou internationale, du management et du financement des cabinets d’avocats, de la RSCA, de la collaboration entrepreneuriale, de l’accès au droit, de l’influence et de la gouvernance de la profession ou encore de l’égalité professionnelle en son sein.

D’autres sujets sont plus spécifiques et vus comme les combats réservés de l’ACE alors que toute la profession doit s’en saisir pour les faire aboutir, comme celui des attaques systématiques des pouvoirs publics contre le conseil fiscal des avocats ou celui de l’avocat dont l’évolution l’amène à quitter la profession alors qu’il pourrait en représenter les valeurs en qualité de salarié au sein des directions juridiques des grandes entreprises françaises ou de portée internationale, ce qui donnerait une aura encore amplifiée à notre profession.

LPA

Une partie du congrès sera consacrée à l’interprofessionnalité. Est-ce une réalité aujourd’hui ? Dans quelle proportion ?

D.R.

Nous sommes très actifs sur cet axe en effet. Sans parler du mouvement naturel et historique entre les avocats conseils et les experts-comptables, dans lequel le succès ne peut être assuré que par le respect d’une complémentarité sans défaut, nous avons développé des ponts solides avec les grands acteurs des professions du droit. Nos liens avec les représentants du notariat, les CPI également, les huissiers, entre autres, sont maintenant développés, confiants, respectueux et tournés vers une construction commune.

Le congrès consacrera ces rapprochements qui obligent nos représentations nationales à se parler enfin.

Nous organisons également le 19 novembre un grand événement de l’interprofessionnalité, de concert avec ces professionnels, en insistant sur la qualité des valeurs partagées pour présenter des offres cohérentes et pluridisciplinaires, et participerons le 22 novembre avec l’IFEC, notre partenaire, au bel événement interprofessionnel qu’est le Salon de la transmission des cabinets STC 2018. Nous faisons donc vivre l’interprofessionnalité qui fait ainsi son chemin dans les esprits.

LPA

Divers ateliers « techniques » et « soft skills » rythmeront par ailleurs ces deux journées de congrès. Quels sont les objectifs de ces ateliers ?

D.R.

Classiquement nous organisons des ateliers techniques ayant pour objectifs non seulement d’actualiser les connaissances des congressistes mais aussi de leur donner des clés de valeur ajoutée par les grands spécialistes des matières traitées tels que les présidents de nos 26 commissions de travail.

Nous cherchons également à concevoir des ouvertures sur les grands sujets du monde dans lesquels les avocats auront tôt ou tard à se positionner. Cette année sera en particulier consacrée aux « Nouvelles routes de la soie » avec une plénière de notre section internationale ou encore un atelier soft skills ayant pour thème la négociation interculturelle avec la Chine.

Concernant les soft skills, le premier objectif est la sensibilisation de nos confrères à ces compétences ou ouvertures ; c’est une habitude dans nos congrès qui sont désormais réputés pour cette approche. Nous avions par exemple créé un atelier respiration à Ajaccio. Cette année, nous avons notamment un atelier sur le développement et la fidélisation de la clientèle grâce aux nouvelles technologies, un autre sur le legal design appliqué aux cabinets d’avocats, un autre réaliste aussi qui nous propose le titre : « Réussir, c’est aussi gagner de l’argent et durer ». Je ne peux tous les citer mais nous avons même un atelier qui en soit annonce tout un programme : « Mieux dormir… pour mieux réussir », un autre « Mieux se tenir… pour mieux réussir », un autre sur le management responsable, bref un foisonnement d’activités utiles à l’exercice professionnel dans son acception large et sa dimension humaine.

Soit 13 heures de formation homologuées par le CNB au titre de notre formation professionnelle continue obligatoire.

LPA

Quels vont être, selon vous, les prochains défis que la profession d’avocats conseils d’entreprises va devoir relever pour réussir ?

D.R.

Ce métier dans notre profession d’avocat est certainement le plus réceptif au progrès et aux impératifs d’adaptation.

Naturellement, le sujet de l’intelligence artificielle et de la phygitalisation est essentiel, et la progression des capacités de l’IA est exponentielle. Il faut donc redéfinir l’offre de services et l’organisation des cabinets en fonction de ces évolutions.

Les avocats français doivent apprendre à se regrouper pour constituer des structures financées et pérennes, avec d’autres professionnels ou d’autres types de compétences métier, pour affronter une concurrence mondialisée et exister face aux grands bouleversements mondiaux politiques ou commerciaux comme les « Nouvelles routes de la soie » justement.

Les défis sont nombreux à relever pour la profession, c’est ce qui en fait une profession passionnante. Le premier d’entre eux est de réussir une mutation en cours sans laisser les plus fragiles dans le sillage.

LPA

Finalement, qu’attendez-vous de ce congrès ?

D.R.

Nous souhaitons montrer que l’ACE a elle-même réussi sa mutation politique, qu’elle est engagée pour la profession dans ses diverses composantes, qu’elle est un creuset de premier ordre de la profession pour sa réflexion et son action y compris vis-à-vis des pouvoirs publics dans le cadre des grandes réformes, qu’elle est incontournable comme partenaire de progrès pour ses adhérents et qu’elle se préoccupe avec recul, mesure et esprit de modernité des grands sujets d’évolution de la profession qu’elle met souvent elle-même et par anticipation sur la table de l’actualité.

Bref, Réussir !