La question du statut de la « mère d’intention » portant inauguration de la transformation de l’articulation des systèmes juridictionnels
Le 3 décembre dernier le collège de la Grande chambre a accepté la demande d’avis consultatif des juges de l’assemblée plénière de la Cour de cassation portant sur le « statut » du parent d’intention d’un enfant conçu dans le cadre d’une convention de mère porteuse.
Cette demande d’avis est doublement intéressante, d’une part, parce qu’elle conduit à une réflexion interactive entre la Cour de cassation et la Cour européenne des droits de l’Homme sur ce sujet sensible qu’est le « statut » du parent d’intention, et plus précisément celui de la mère d’intention, mais aussi en ce qu’elle inaugure la transformation de l’articulation des systèmes juridictionnels.
Le 3 décembre dernier, le collège de la grande chambre a accepté la demande d’avis consultatif formulée par les juges de l’assemblée plénière de la Cour de cassation1, saisis d’une demande de réexamen d’une décision rendue en matière civile2, portant sur le « statut » du parent d’intention d’un enfant conçu dans le cadre d’une convention de mère porteuse3.
La Cour de cassation inaugure la procédure de consultation instaurée par le protocole n° 16 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme (CESDH). « Baptisé (…) protocole du dialogue »4 par le président Dean Spielmann, l’un des objectifs du protocole est précisément de renforcer les interactions entre les juridictions5. À cet effet, entré en vigueur le 1er août 2018 pour les dix États membres signataires l’ayant ratifié6, ce protocole permet aux « plus hautes juridictions d’une haute partie contractante » d’« adresser à la Cour des demandes d’avis consultatifs sur des questions de principes relatives à l’interprétation ou à l’application des droits et libertés définis par la convention et ses protocoles » (protocole n° 16, art. 1er, § 1). Fondée sur la coopération entre les juges, cette procédure de consultation permet d’organiser l’articulation des systèmes juridictionnels à travers une coordination de l’interprétation et de l’application des droits et libertés garantis par la convention en amont de la décision de justice nationale.
En substance, les juges du droit questionnent les juges européens sur le point de savoir si le « statut » de la mère d’intention d’un enfant conçu dans le cadre d’une convention de mère porteuse, tel qu’il a été élaboré par les juges français, est satisfaisant au regard des exigences de l’article 8 de la CESDH.
Ce « statut » a, en effet, fait l’objet d’une évolution jurisprudentielle, aujourd’hui bien connue, que l’on retracera brièvement.
Alors que les juges de la Cour de cassation sanctionnaient le recours à une mère porteuse (quand bien même le recours à un tel procédé avait eu lieu à l’étranger) en refusant systématiquement7 d’établir un lien de filiation entre les membres du couple (dits « parents d’intention ») et l’enfant conçu dans le cadre d’une telle convention, les juges de Strasbourg vont, par deux décisions rendues le 26 juin 20148 (ainsi que par les décisions du 21 juillet 20169 et du 19 janvier 201710), juger qu’un tel refus, et particulièrement lorsque ce refus est opposé au parent d’intention qui se trouve également être le parent biologique (généralement le père d’intention), porte une atteinte grave à l’intérêt supérieur des enfants, dans la mesure où il conduit à les priver de leur filiation biologique, qui est un élément essentiel de leur identité d’être humain.
Tirant les conséquences de ces arrêts de condamnation, la Cour de cassation va, en premier lieu, par deux décisions d’assemblée plénière du 3 juillet 201511, admettre, au visa de l’article 47 du Code civil notamment, la transcription d’actes de naissance étrangers d’enfants issus d’une convention de mère porteuse, affirmant que « l’acte de naissance concernant un Français, dressé en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays, est transcrit sur les registres de l’état civil sauf si d’autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l’acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ».
Dans un second temps, les juges de la Cour de cassation vont préciser, dans une série de décisions du 5 juillet 201712, ce qu’il faut entendre par la formule suivante, figurant à l’article 47 du Code civil : « sauf si (…) les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ».
Ils vont en effet indiquer, s’agissant du père d’intention mentionné dans l’acte étranger comme étant le père légal, que, si rien ne permet de douter de la véracité de la mention faite dans l’acte étranger, la transcription s’impose au regard de l’article 47 du Code civil, et ce, sans qu’il soit nécessaire de rapporter la preuve de la réalité biologique de la filiation13, la paternité biologique étant présumée.
En revanche, s’agissant de la mère d’intention, les juges du droit précisent que la réalité, au sens de l’article 47 du Code civil français, est la réalité de l’accouchement14. Partant, tel est le propre d’une convention de mère porteuse, la mère mentionnée dans l’acte de naissance étranger n’étant pas la femme ayant accouché, la filiation ne peut pas être établie à son égard par transcription des mentions figurant dans l’acte de naissance étranger15.
En d’autres termes, dans une telle configuration, la transcription à l’état civil des actes de naissance étrangers ne peut être que partielle.
Toutefois, par cette même série de décision du 5 juillet 2017, les juges du droit vont apporter des précisions sur le « statut » de la mère d’intention, et plus largement sur le statut du parent d’intention conjoint du parent biologique de l’enfant.
Abandonnant leur jurisprudence du 31 mai 199116, les juges du droit vont indiquer que le fait qu’un enfant ait été conçu dans le cadre d’une convention de mère porteuse ne constitue pas un obstacle à la demande d’adoption formée par le parent d’intention, conjoint du parent biologique, dès lors que les conditions légales de l’adoption sont réunies et que cette procédure est conforme à l’intérêt de l’enfant17.
Le « statut » de la mère d’intention, tel qu’il résulte de cette évolution jurisprudentielle, est donc le suivant : la mère d’intention ne peut voir, dans la mesure où elle n’est pas la femme qui a accouché, sa filiation établie par transcription de la mention faite dans l’acte étranger la désignant comme mère légale. Néanmoins, il est possible d’établir un lien de filiation avec cet enfant par la voie de l’adoption.
Mais ce « statut » du parent d’intention est-il satisfaisant au regard du droit européen ? La Cour de cassation s’interroge alors sur l’étendue de la marge d’appréciation dont disposent les États signataires de la convention en la matière.
Cette demande d’avis est doublement intéressante, d’une part, parce qu’elle conduit à une réflexion interactive entre la Cour de cassation et la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) sur ce sujet sensible qu’est le « statut » du parent d’intention, et plus précisément celui de la mère d’intention, d’un enfant conçu dans le cadre d’une convention de mère porteuse (I) mais aussi en ce qu’elle inaugure la transformation de l’articulation des systèmes juridictionnels (II).
I – Le statut de la « mère d’intention » en question
Les questions posées par les juges de l’assemblée plénière de la Cour de cassation aux juges européens sont les suivantes :
« 1°) En refusant de transcrire sur les registres de l’état civil l’acte de naissance d’un enfant né à l’étranger à l’issue d’une GPA en ce qu’il désigne comme étant sa « mère légale » la « mère d’intention », alors que la transcription de l’acte a été admise en tant qu’il désigne le « père d’intention », père biologique de l’enfant, un État-partie excède-t-il la marge d’appréciation dont il dispose au regard de l’article 8 de la convention EDH ?
À cet égard, y a-t-il lieu de distinguer selon que l’enfant est conçu ou non avec les gamètes de la « mère d’intention » ? (A)
2°) Dans l’hypothèse d’une réponse positive à l’une des deux questions précédentes, la possibilité pour la mère d’intention d’adopter l’enfant de son conjoint, père biologique, ce qui constitue un mode d’établissement de la filiation à son égard, permet-elle de respecter les exigences de l’article 8 de la convention ? » (B).
Il convient donc d’examiner ces questions, tour à tour, à l’aune de la jurisprudence de la CEDH.
A – Le refus d’établissement de la filiation à l’égard de la mère d’intention par transcription de l’acte étranger confronté aux exigences de l’article 8 de la Convention
Dans leur demande d’avis, les juges français rappellent que les parties soutiennent, à l’appui de leur pourvoi, qu’en annulant la transcription des actes de naissance des enfants, les enfants avaient été privés de la possibilité d’établir en France leur filiation à l’égard de leurs parents, tels que mentionnés sur les actes de naissance étrangers, et qu’en leur opposant un tel refus, l’état français aurait violé l’article 8 de la CESDH.
La transcription à l’état civil de la mention de l’acte étranger désignant le père d’intention comme père légal de l’enfant étant aujourd’hui acquise en droit interne, la première question posée par les juges du droit porte précisément sur la question de savoir si le refus de transcrire sur les registres de l’état civil l’acte de naissance d’un enfant né à l’étranger, en ce qu’il désigne la mère d’intention comme étant la mère légale, conduit un État-partie à la convention à excéder la marge d’appréciation dont il dispose au regard de l’article 8 de la CESDH.
Pour apporter des éléments de réponse, il convient, au préalable, de rappeler, à l’instar de ce que les juges français se sont scrupuleusement employés à faire dans les motifs de leur demande d’avis, que les juges de la CEDH s’appliquent à distinguer, au sein des droits garantis par l’article 8 de la CESDH, le droit au respect de la vie familiale et le droit au respect de la vie privée18.
Sous l’angle du droit au respect de la vie familiale, les juges européens retiennent que le refus, en droit interne, d’établir un lien de filiation entre les enfants issus d’une convention de mère porteuse et les parents d’intention vise à décourager les ressortissants de l’État en question de recourir, hors du territoire national, à une méthode de procréation qu’il prohibe sur son territoire, et ce, dans le but de préserver les enfants et les mères porteuses. Il en résulte, pour les juges européens, que ce refus d’établissement de la filiation poursuit des buts légitimes, que cette ingérence dans le droit au respect de la vie familiale n’est pas disproportionnée aux buts poursuivis, et, par conséquent, qu’un tel refus ne porte pas atteinte au droit au respect de la vie familiale.
Les juges européens évitent, par-là, de remettre directement en cause le principe de l’interdiction en droit interne de la pratique des mères porteuses, et, comme le souligne à juste titre le professeur Frédéric Sudre, « implicitement, ferme(r)nt la porte à la reconnaissance d’un droit à l’enfant »19.
En revanche, en se plaçant sur le terrain du droit au respect de la vie privée des enfants, les juges européens considèrent que le refus d’établir la filiation d’un enfant conçu dans le cadre d’une convention de mère porteuse constitue une violation de ce droit, dans la mesure où ces derniers se trouvent privés de l’établissement d’une filiation, qui est un élément essentiel de leur identité d’être humain.
Cette analyse, précisent les juges, « prend un relief particulier lorsque (…) l’un des parents d’intention est également géniteur de l’enfant. Au regard de l’importance de la filiation biologique en tant qu’élément de l’identité de chacun, on ne saurait prétendre qu’il est conforme à l’intérêt d’un enfant de le priver d’un lien juridique de cette nature alors que la réalité biologique de ce lien est établie et que l’enfant et le parent concerné revendiquent sa pleine reconnaissance, et ce particulièrement à l’égard de leur père biologique »20.
Ce paragraphe est essentiel puisqu’il s’agit là du cœur des décisions de condamnation de 2014 notamment. Il en résulte que toute la méconnaissance de l’article 8 se focalise sur la filiation biologique21.
Pour revenir à la question posée par les juges nationaux, il ne semble donc pas qu’en refusant de transcrire sur les registres de l’état civil l’acte de naissance étranger, en ce qu’il désigne la mère d’intention comme étant la mère légale de l’enfant, l’État français excède la marge d’appréciation dont il dispose au regard de l’article 8 de la CESDH, dans la mesure où ce refus ne conduit pas à priver l’enfant de sa filiation biologique.
Cela nous amène à la deuxième question posée aux juges européens par les juges français, à savoir : y a-t-il lieu de distinguer selon que l’enfant est conçu ou non avec les gamètes de la mère d’intention22 ?
Très probablement, les juges européens considéreront que, sur ce point, les États parties à la convention disposent d’une ample marge d’appréciation. En effet, que l’enfant soit conçu ou non avec les gamètes de la mère d’intention, dans les deux cas de figure, il y a recours à une mère porteuse. L’intervention de cette tierce personne dans la conception d’un enfant soulève de délicates interrogations d’ordre éthique pour lesquelles il n’y a pas de consensus à l’échelle européenne. Dans ces conditions, les juges européens reconnaissent, en principe, aux États parties une ample marge d’appréciation. Le cas échéant, dans les limites de cette marge d’appréciation, il ne semble pas que le refus d’établir la filiation à l’égard de la mère d’intention, quand bien même celle-ci se trouve également être la mère biologique, soit disproportionné au but légitime poursuivi, à savoir assurer la protection de la santé et des droits et libertés des enfants et des mères porteuses.
Cela étant, on ne peut ignorer que les juges de Strasbourg n’ont jamais défini la maternité biologique. Plus précisément, les juges européens n’ont jamais expressément précisé, à la différence des juges nationaux, que la maternité biologique se réduisait à l’accouchement. Les juges de Strasbourg ont en revanche indiqué, comme nous venons de le voir, que la filiation biologique est un élément de l’identité de chacun et, par conséquent, que le non-établissement de cette filiation constitue une violation du droit des enfants au respect de leur vie privée. Si les décisions rendues par la CEDH sur ce point visaient, au regard des faits qui lui étaient soumis, la filiation biologique paternelle, il faut observer que les formules auxquelles les juges recourent ne sont pas sexuées. Les juges emploient les termes « parents d’intention », « géniteur de l’enfant », « la réalité biologique », « le parent concerné ». Autrement dit, le droit des enfants au respect de leur vie privée impose d’établir leur filiation biologique paternelle, lorsque le père d’intention est aussi le père biologique, mais le respect de ce droit pourrait également conduire les juges à retenir que le lien de filiation avec la mère d’intention doit être établi lorsque celle-ci est aussi la femme qui a fourni les gamètes ayant permis de créer l’embryon.
Si les juges français étaient invités à opérer une telle distinction, suivant que les enfants ont été conçus ou non avec les gamètes de la mère d’intention, les juges français ne pourraient plus, sauf à ignorer l’avis des juges européens (cet avis n’étant pas contraignant – v. P. II), affirmer que la réalité concernant la mère d’un enfant est, au sens de l’article 47 du Code civil, celle de l’accouchement. Le principe mater semper certa est, grâce auquel la Cour de cassation peut encore tenter de décourager la pratique des mères porteuses, serait mis à mal, à moins que les juges européens ne retiennent que la possibilité d’établir un lien de filiation par la voie de l’adoption constitue une solution satisfaisante au regard des exigences de l’article 8 de la CESDH.
Tel est l’objet de la troisième question posée par les juges français.
B – Le possible établissement du lien de filiation à l’égard de la mère d’intention par la voie de l’adoption confronté aux exigences de l’article 8 de la convention
Dans leur demande d’avis, les juges de la Cour de cassation rappellent qu’ils acceptent aujourd’hui23, si toutes les conditions de l’adoption sont réunies et si celle-ci est conforme à l’intérêt supérieur de l’enfant24, de faire droit à la demande d’adoption du parent d’intention, conjoint du parent biologique. Les juges du droit rappellent également, dans leur motivation, que la loi française facilite l’adoption de l’enfant du conjoint.
Indéniablement, l’adoption stabilise la situation de l’enfant au regard du parent d’intention. Cependant, si la haute juridiction a fait tomber l’obstacle de principe au prononcé de l’adoption, l’accueil de la demande d’adoption ne présente pas, bien évidemment, un caractère automatique et le processus d’adoption génère, inévitablement, une situation d’insécurité juridique.
En premier lieu, le parent d’intention souhaitant adopter l’enfant de son conjoint doit, logiquement, former une demande d’adoption. Cette situation génère un décalage dans le temps entre l’établissement de la filiation du parent biologique et du parent d’intention. Partant, pendant le délai d’adoption, le parent d’intention n’a aucun droit sur l’enfant, pas plus que l’enfant n’en a à son égard (hormis les seuls effets de la filiation établie à l’étranger sans être reconnue en France). Les conséquences peuvent donc être importantes, par exemple, quant au devenir de l’enfant en cas de décès du parent biologique ou encore en matière successorale en cas de décès du parent d’intention.
Ensuite, conformément aux conditions relatives à l’adoption, le parent à l’égard duquel la filiation est établie doit, en application des dispositions de l’article 348-1 du Code civil, y consentir. Par conséquent, le refus du père biologique (ou de la mère biologique dans le cadre d’un couple composé de personnes de même sexe) de l’enfant de donner son consentement à l’adoption empêche le parent d’intention, qui n’est pas le parent biologique, de pouvoir établir un lien de filiation avec l’enfant en question.
En outre, lorsque l’acte de naissance dressé à l’étranger comporte l’indication du nom de la mère porteuse, c’est le consentement de cette dernière qui doit également être recueilli25. Le 1er alinéa de l’article 348 du Code civil disposant, en effet, que : « Lorsque la filiation d’un enfant est établie à l’égard de son père et de sa mère, ceux-ci doivent consentir l’un et l’autre à l’adoption ». L’adoption supposera alors « l’existence, la sincérité et l’absence de rétractation du consentement à l’adoption donné par la mère de l’enfant »26. Comme le souligne le professeur Sylvain Bollée, « la précision n’est pas anodine, car elle signifie que la mère porteuse peut s’opposer à l’adoption, sans être liée par le consentement qu’elle aura pu donner en amont du processus de gestation pour autrui »27.
L’adoption doit, enfin, être conforme à l’intérêt supérieur de l’enfant. Celle-ci n’est donc pas acquise, quand bien même l’ensemble des conditions à l’adoption seraient remplies, et pourra être refusée28.
Pour autant, la possibilité pour le parent d’intention d’adopter l’enfant de son conjoint, ce qui constitue un mode d’établissement de la filiation à son égard, permet-elle de respecter les exigences de l’article 8 de la convention ?
Il faut d’abord rappeler que les difficultés évoquées ne sont pas propres à l’adoption d’enfants conçus dans le cadre d’une convention de mère porteuse. Si le parent d’intention et l’enfant conçu au moyen d’un tel procédé se trouvent, pour toutes les raisons évoquées, dans une situation d’insécurité juridique durant le processus d’adoption, il en va de même pour toutes les demandes d’adoption de l’enfant de son conjoint. Dès lors, il est peu probable, sauf à reconnaitre, in fine, un droit à l’adoption (ce que la CEDH ne consacre pas29), que les juges européens puissent retenir une atteinte au droit au respect de la vie familiale, ni une violation des articles 8 et 14 combinés de la CESDH. Il en sera certainement de même à l’aune du droit au respect de la vie privée des enfants, dans la mesure où ceux-ci ne sont pas privés de leur filiation biologique et dès lors que les conditions de l’adoption ont vocation à protéger leur intérêt supérieur.
Plus particulièrement, s’agissant de l’établissement de la filiation d’un enfant conçu dans le cadre d’une convention de mère porteuse, les juges européens ont, à plusieurs reprises30, indiqué que les États parties disposent en la matière d’une « ample marge d’appréciation s’agissant de la décision non seulement d’autoriser ou non ce mode de procréation mais également de reconnaître ou non un lien de filiation entre les enfants légalement conçus par gestation pour autrui à l’étranger et les parents d’intention ». Les États parties, demeurant dans leur marge d’appréciation, ne sont donc pas tenus de légaliser la situation créée en violation de règles importantes de droit interne, notamment en l’absence de lien biologique entre le parent demandant l’adoption et l’enfant susceptible d’être adopté.
Il ne semble donc pas que l’État français excède ici sa marge d’appréciation, d’autant que les juges français, en ne s’opposant plus par principe à la possibilité pour le parent d’intention d’adopter l’enfant de son conjoint conçu dans le cadre d’une convention de mère porteuse, permettent, au moyen de ce mode d’établissement de la filiation, de stabiliser la situation de l’enfant en lui accordant tous les effets de cette filiation, que ce soit en matière de responsabilité parentale ou encore de droits successoraux.
Ainsi les juges nationaux apportent des réponses à la situation de l’enfant lesquelles seront, selon toute probabilité, jugées satisfaisantes au regard des exigences du droit au respect de leur vie privée.
Mais qu’en sera-t-il en présence d’un enfant conçu avec les gamètes de la mère d’intention ?
Quand bien même un enfant est conçu avec les gamètes de la mère d’intention, une mère porteuse intervient dans le processus de conception. Les juges indiqueront probablement qu’il convient, au regard des délicates interrogations d’ordre éthique que soulève l’intervention de cette tierce personne, de reconnaître aux États parties une large marge d’appréciation et retiendront certainement que, dans les limites de cette marge d’appréciation, l’établissement de la filiation par la voie de l’adoption et non par transcription des actes de naissance étrangers à l’état civil, quand bien même il s’agit de la filiation à l’égard de la femme qui a donné ses ovocytes, poursuit les buts légitimes de protection de l’intérêt supérieur de l’enfant et de décourager le recours aux mères porteuses.
Pour autant, on ne peut ignorer que refuser la transcription de la filiation maternelle et préconiser l’adoption, dans ce cas précis, conduit la mère d’intention à devoir adopter son propre enfant biologique. On pourrait alors imaginer que la situation d’insécurité juridique, suscitée par le processus d’adoption, pourrait, précisément dans ce cas de figure, prendre une dimension particulière, dans la mesure où elle est susceptible de priver l’enfant de l’établissement de sa filiation biologique maternelle. Plus encore, c’est l’adoption elle-même qui pourrait ne pas répondre aux exigences du droit au respect de la vie privée de l’enfant, l’adoption n’étant pas censée refléter les origines. Le cas échéant, les juges européens inviteraient-ils les juges nationaux à admettre la transcription de l’acte de naissance étranger mentionnant la mère d’intention comme étant la mère légale de l’enfant, sous réserve que la preuve de son lien biologique avec celle-ci soit rapportée dès lors que celle-ci n’est pas la femme qui a accouché ?
Au regard de ces interrogations sur le « statut » de la mère d’intention, l’avis de la grande chambre de la CEDH est très attendu. Il l’est également car il inaugure la procédure de consultation instaurée par le protocole n° 16 à la convention laquelle est susceptible de transformer l’articulation des systèmes juridictionnels.
II – L’inauguration de la transformation de l’articulation des systèmes juridictionnels
L’usage de la procédure de consultation instaurée par le protocole n° 16 marque la transformation de l’articulation des systèmes juridictionnels. Cette articulation était laissée jusqu’alors à ce qu’il a été commun de nommer le « dialogue des juges »31 – un dialogue se rapprochant davantage « d’influences croisées »32, voire d’un « dialogue sans parole »33, que d’échanges pluri ou bidirectionnels entre juridictions34. Sans entériner la voie du dialogue, le protocole n° 16 tend à organiser les échanges entre systèmes juridictionnels à travers l’octroi aux plus hautes juridictions internes d’un instrument de communication. Cette procédure de consultation leur permet de contacter et d’échanger avec la Cour de Strasbourg sur « des questions de principe relatives à l’interprétation ou à l’application des droits et libertés définis par la convention ou ses protocoles » (protocole n° 16, art. 6).
Cette institutionnalisation du dialogue35 présente des enjeux multiples aussi bien pour les juridictions, qu’elles soient internes ou européennes, que pour les justiciables. Le premier serait de résoudre en amont les difficultés d’interprétation et d’application des droits et libertés garantis par la convention et, le cas échéant, de prévenir la violation des droits de l’Homme. L’articulation des systèmes se réalise désormais en amont de la décision de justice au moyen d’interactions organisées entre juridictions nationales et européenne. En qualité de juge de la conventionalité, la Cour de cassation s’est emparée de ce moyen de communication pour interagir avec la CEDH. La demande d’avis dévoile l’organisation d’un dialogue en trois actes, pivot de l’articulation des systèmes, cantonnée pour l’heure à l’interprétation de l’article 8 de la CESDH (A). Les issues possibles du dialogue devraient permettre de mesurer les effets de cet instrument sur la liberté d’interprétation laissée aux juges nationaux et, en l’espèce, à la Cour de cassation (B).
A – Une articulation renouvelée des interprétations de l’article 8 : l’organisation inédite d’un dialogue en trois actes
L’articulation des systèmes, résultant de la mise en œuvre du protocole n° 16, repose sur un dialogue institutionnalisé entre les plus hautes juridictions internes et la CEDH. Notons que les demandes d’avis intervenant à l’occasion d’une affaire pendante (devant l’une des plus hautes juridictions internes)36, l’articulation des systèmes semble se cantonner à une articulation de l’interprétation des droits et libertés fondamentaux et, en l’occurrence, de l’interprétation de l’article 8 CESDH. La première demande d’avis permet de mettre en évidence l’organisation du dialogue, dans le cadre strict du contrôle de conventionalité, déclinée pour l’heure en trois actes par la Cour de cassation.
L’articulation des interprétations repose en premier lieu sur la mise en œuvre d’un dialogue éclairé, le dialogue étant entendu comme des échanges directs entre la Cour de cassation et la CEDH. Le dialogue est qualifié d’« éclairé » en raison de l’exigence d’un préalable, une motivation complète et précise posée par les lignes directrices concernant la mise en œuvre de la procédure d’avis consultatif prévue par le protocole n° 16 à la convention (tel qu’approuvé par la Cour plénière le 18 septembre 2017). À ce titre, le paragraphe 11 des lignes directrices précise que « la Cour doit fournir à la juridiction dont émane la demande des indications claires quant à la manière d’interpréter la ou les dispositions concernées de la convention ou de ses protocoles. Dans cette optique, il faut que la juridiction demanderesse (…) veille à ce que sa demande soit complète et précise ». Pour ce faire, la demande d’avis doit comporter « non seulement la ou les questions au sujet desquelles la juridiction concernée sollicite des indications auprès de la Cour mais également les éléments supplémentaires suivants : a) l’objet de l’affaire interne ainsi que le contexte juridique et factuel pertinent ; b) les dispositions juridiques internes pertinentes ; c) les questions pertinentes relatives à la convention, en particulier les droits ou libertés en jeu ; d) si cela est pertinent, un résumé des arguments des parties à la procédure interne sur la question ; e) si cela est possible et opportun, un exposé par la juridiction dont émane la demande d’avis consultatif de son propre avis sur la question, y compris toute analyse qu’elle a pu faire de la question ». La motivation de la Cour de cassation semble à cet effet exemplaire puisqu’elle reprend scrupuleusement dans ses motifs l’ensemble des exigences formulées. Elle s’emploie non seulement à retracer le contexte factuel et juridique de l’affaire, les dispositions juridiques pertinentes, les moyens des parties (v. P. I), mais également à rappeler les revirements de jurisprudence intervenus afin de prendre en compte les arrêts de la CEDH ainsi que l’interprétation et l’application de l’article 8 CESDH proposée jusqu’alors par la Cour de cassation, dans le cas particulier de la filiation d’un enfant né d’une convention de mère porteuse à l’égard de la mère d’intention. La haute juridiction livre à la CEDH l’ensemble des éléments requis pour l’interprétation et l’application de l’article 8 CESDH. Elle s’applique également à contrôler la proportionnalité de la mesure à travers un examen du but légitime poursuivi par la loi et, selon elle, de l’absence d’atteinte disproportionnée à la vie privée de l’enfant en raison du lien de filiation reconnu à la mère d’intention par le biais de l’adoption. La Cour de cassation ne cherche pas à imposer son interprétation à la Cour EDH, mais à donner matière à discussion, laissant sous-entendre que le dialogue n’a de sens qu’à la condition d’être motivé. La qualité du dialogue − des échanges − semble dès lors dépendre de celle de la motivation.
Ensuite l’articulation des interprétations se déploie à travers le prisme du principe de subsidiarité. Ce principe, codifié par le protocole n° 15, renvoie à des réalités complémentaires dont l’objectif est de répartir les compétences entre les hautes parties contractantes et le système juridictionnel du Conseil de l’Europe. Cet outil de gestion du pluralisme37 subordonne l’intervention de la CEDH à la « défaillance des autorités nationales et à leur incapacité d’assurer une protection effective des droits garantis par la convention »38. Pivot de l’articulation des systèmes, l’aspect substantiel de la subsidiarité réside dans la technique jurisprudentielle de la marge nationale d’appréciation39. À cet effet, la consultation relative à l’étendue de la marge d’appréciation nationale, en matière de transcription de la filiation de la mère d’intention sur les registres de l’état civil des enfants nés à l’étranger, d’une convention de mère porteuse, est éloquente. Elle permet d’introduire le principe de subsidiarité en amont du contrôle de compatibilité exercé traditionnellement par la Cour de Strasbourg. Cette référence rappelle tacitement à la CEDH qu’elle se doit notamment de préserver la diversité des systèmes et traditions juridiques40, et pour cela, d’aménager un espace de liberté aux États41. La Cour de cassation met en place un dialogue constructif à travers une invitation à la pondération des intérêts en présence, à savoir : la garantie d’une protection effective des droits de l’Homme et la préservation d’un particularisme national.
Enfin, dans l’hypothèse d’un excès avéré de la marge d’appréciation dont disposent les États parties, la Cour de cassation invite la CEDH à confronter leurs interprétations et applications respectives de l’article 8 CESDH. Cette invitation à la confrontation, cœur de l’articulation, n’est pas anodine. Elle lève le rideau sur la recherche d’une coordination, au sens d’une harmonisation des normes, produit de l’interprétation de l’article 8 CESDH. Pour autant, dans le dialogue, « la loyauté ne signifie (…) ni alignement mécanique, ni méfiance systématique ; elle suppose au contraire, un art de la convergence concertée et un esprit de bienveillance mutuelle », selon le vice-président du Conseil d’État Jean-Marc Sauvé42. En l’absence d’effet contraignant de l’avis de la CEDH, l’articulation ne semble pas reposer sur une quelconque hiérarchisation des systèmes juridictionnels. La juridiction demanderesse semble en mesure de décider de l’issue des échanges laissant présager une liberté dans l’interprétation de la convention (B).
B – Les effets de la procédure de consultation sur la liberté d’interprétation de la juridiction demanderesse
L’essence du dialogue serait de ne pas imposer une solution à la juridiction demanderesse43, de ne pas hiérarchiser les systèmes juridictionnels. Ainsi, « les avis consultatifs ne sont pas contraignants », conformément à l’article 5 du protocole n° 16. Les plus hautes juridictions internes et, le cas échéant, la Cour de cassation, décideraient des effets de l’avis consultatif sur la procédure interne. Concrètement, la haute juridiction pourrait, quel que soit l’avis de la CEDH, maintenir l’interdiction de transcription de la filiation maternelle lorsque l’enfant est né d’une convention de mère porteuse, la filiation demeurant établie exclusivement par la voie de l’adoption.
L’absence d’effet contraignant de l’avis ne présume toutefois pas de l’absence d’effet de l’interprétation délivrée par la CEDH. De fait, « l’interprétation de la convention et ses protocoles contenue dans ces avis consultatifs est analogue dans ses effets aux éléments interprétatifs établis par la Cour dans ses arrêts et ses décisions »44. Or, les interprétations établies par la Cour dans ses arrêts ne sont pas dénuées d’effets persuasifs, voire d’une autorité de chose interprétée45. La liberté de la Cour de cassation apparaît dès lors nécessairement relative en ce qui concerne l’interprétation et l’application de la CESDH. D’ailleurs, la procédure de consultation n’empêche pas une partie à l’instance d’exercer, par la suite, son droit de recours individuel en vertu de l’article 34 de la convention. Ainsi une condamnation de la haute partie contractante n’est pas à exclure en cas de refus de la Cour de cassation de suivre l’avis de la CEDH ; il apparaît en effet peu probable que la CEDH, saisie d’un recours individuel, adopte une solution différente de celle rendue dans l’avis, à l’exception d’un changement de circonstances46. La haute partie contractante serait tenue de se conformer à l’arrêt de la CEDH47, de sorte que de manière préventive la haute juridiction demanderesse pourrait être tentée de se conformer à l’avis de la CEDH48.
Certes l’autonomie de la Cour de cassation est relative, pour autant sa liberté d’interprétation n’apparaît pas neutralisée de par le choix dont elle dispose sur les effets à donner à l’avis de la CEDH. À cet égard, la liberté d’interprétation des juridictions internes semble indissociable de l’objectif poursuivi par la procédure de consultation. Ainsi cet objectif serait soit d’aboutir à une protection harmonisée, voire uniformisée des droits de l’Homme49, soit d’organiser des échanges entre les systèmes juridictionnels de manière à construire une collaboration éclairée permettant de garantir aussi bien une protection effective des droits de l’Homme que le respect du principe de subsidiarité. Dans cette dernière hypothèse, la prise en compte des exigences d’effectivité de la protection mais également de subsidiarité, notions pivots de l’articulation des systèmes juridictionnels, devrait permettre à la Cour de cassation d’aller au-delà de l’alternative : suivre ou ne pas suivre l’avis de la CEDH. D’autres options médianes s’offrent à la haute juridiction. Tout d’abord, la juridiction demanderesse pourrait décider de s’emparer de la protection du particularisme national, de ne pas la laisser à la seule appréciation de la CEDH, via l’élaboration d’une théorie des contre-limites50. Pour l’heure, la formulation de la demande d’avis de la Cour de cassation ne renseigne pas sur une telle éventualité. Ensuite, la Cour de cassation pourrait choisir de privilégier la séparation des pouvoirs et de s’en remettre au législateur sur une question aussi sensible que la transcription de la filiation maternelle sur l’état civil d’un enfant né à l’étranger à l’issue d’une convention de mère porteuse. L’issue du dialogue pourrait également être coordonnée par une finalité prédéterminée telle que privilégier le système le plus protecteur des droits et libertés fondamentaux51. Ne pas transposer automatiquement l’interprétation strasbourgeoise de manière motivée ne fermerait pas le dialogue mais participerait au contraire à la construction d’un débat, d’un échange éclairé autour des exigences de protection effective de la vie privée et du principe de subsidiarité.
Cela étant, l’évolution de la jurisprudence en matière de mère porteuse a été guidée jusqu’alors par une prise en compte des évolutions imposées par la CEDH (v. P. I), pourquoi ne prendrait-elle pas en considération des évolutions suggérées ? À toutes fins utiles, notons que la CEDH pourrait ouvrir une porte à l’actualisation de la convention sans l’imposer laissant à la Cour de cassation l’opportunité des suites à donner à l’évolution de la filiation de la mère d’intention en France.
Notes de bas de pages
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1.
Cass. ass. plén., 5 oct. 2018, n° 10-19053 : D. 2018, p. 1912.
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2.
Cass. réex., 16 févr. 2018, n° 17 RDH n° 001 et 002 : D. 2018, p. 825, obs. Guillaume J.; JCP G. 2018, p. 344, note Gouttenoire A. − V. L. n° 2016-1547, 16 nov. 2016, de modernisation de la justice du XXIe siècle : JO n° 0269, 19 nov. 2016.
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3.
Pour plus de clarté, nous n’emploierons pas, dans cette étude, l’expression GPA de manière générique mais celle de « mère porteuse ». En effet, l’expression GPA, employée de manière générique, recouvre plusieurs cas de figure. Dans tous les cas, une femme va porter un enfant en s’engageant à le remettre aux parents d’intention. Cependant, celle-ci peut être celle qui a donné ses ovocytes, on parlera alors de « procréation pour autrui ». Mais les ovocytes utilisés pour créer l’embryon qui va être porté par cette femme peuvent également être ceux d’une autre femme, et, notamment, pour ce qui nous intéresse dans le cadre de cette étude, ceux de la mère d’intention. Dans ce cas de figure, il s’agit d’une « gestation pour autrui avec les gamètes de la mère d’intention ». Sur cette distinction entre la gestation et la procréation pour autrui, V. Rapport de synthèse du Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé (États généraux de la bioéthique 2017-2018), juin 2018, p. 144.
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4.
Spielmann D., CCDH – 78e réunion – Discours du 27 juin 2013.
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5.
À l’occasion de la (troisième) conférence sur l’avenir de la CEDH, qui s’est déroulée à Brighton les 19 et 20 avril 2012, le Comité des ministres du Conseil de l’Europe a été invité à rédiger le texte d’un protocole facultatif à la CESDH accordant à la Cour de Strasbourg la compétence de rendre sur demande des avis consultatifs sur l’interprétation de la CESDH. Ce protocole répond tout d’abord à un impératif de régulation de la quantité des requêtes individuelles portées devant la CEDH. Ces objectifs sont retranscrits par la CEDH dans son avis sur le projet de protocole n° 16 à la convention élargissant la compétence de la Cour afin de lui permettre de rendre des avis consultatifs sur l’interprétation de la convention (6 mai 2013).
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6.
Saint-Marin (16/02/2015), Slovénie (26/03/2015), Géorgie (06/07/2015), Albanie (22/07/2015), Lituanie (02/09/2015), Finlande (07/12/2015), Arménie (31/01/2017), Estonie (31/08/2017), Ukraine (22/03/2018) et France (12/04/2018).
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7.
Cass. ass. plén., 31 mai 1991, n° 90-20105 : Bull. ass. plén., n° 4 − Cass. 1re civ., 17 déc. 2008, n° 07-20468 : Bull. civ. I, n° 289 – Cass. 1re civ., 17 nov. 2010, n° 09-68399 : Bull. civ. I, n° 23 – Cass. 1re civ., 6 avr. 2011, n° 09-17130 : Bull. civ. I, n° 70 – Cass. 1re civ., 6 avr. 2011, n° 10-19053 : Bull. civ. I, n° 72 – Cass. 1re civ., 6 avr. 2011, n° 09-66486 : Bull. civ. I, n° 71 – Cass. 1re civ., 13 sept. 2013, n° 12-18315 ; Cass. 1re civ., 13 sept. 2013, n° 12-30138 : Bull. civ. I, n° 76 − Cass. 1re civ., 19 mars 2014, n° 13-50005 : Bull. civ. I, n° 45.
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8.
CEDH, 26 juin 2014, n° 65192/11, Mennesson c/ France ; CEDH, n° 65941/11, Labassée c/France. V. entre autres, AJ fam. 2014, p. 396, obs. Dionisi-Peyrusse A., p. 499 ; AJ fam. 2014, obs. Haftel B. ; D. 2014, p. 1773, chron. Fulchiron H. et Bidaud-Garon C. ; D. 2014, p. 1787, obs. Bonfils P. et Gouttenoire A. ; D. 2014, p. 1797, note Chenede F. ; D. 2014, p. 1806, note D’Avout L. ; RDSS 2014, p. 887, note Bergoignan-Esper C. ; RTD civ. 2014, p. 616, obs. Hauser J. ; RTD civ. 2014, p. 835, obs. Marguenaud J.-P. ; D. 2015, p. 702, obs. Granet-Lambrechts F. ; D. 2015, p. 755, obs. Gailloux J.-C. et Gaumont-Prat H. ; D. 2015, p. 1007, obs. Regine D. ; D. 2015, p. 1056, obs. Gaudemet-Tallon H. Jault Seseke F. ; Rev. crit. DIP 2015, p. 1, note Fulchiron H. et Bidaud-Garon C. ; Rev. crit. DIP 2015, p. 144, note Bollée S.
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9.
CEDH, 21 juill. 2016, n° 9063/14, Foulon et Bouvet c/ France ; CEDH, 21 juill. 2016, n° 10410/14, Foulon et Bouvet c/ France. V. entre autres AJ fam. 2016, p. 407, obs. Dionisi-Peyrusse A. ; D. 2016, p. 2152, note Caire A.-B. ; Dr. famille 2016, n° 10, comm. 201, note Fulchiron H. ; JCP G. 2016, p. 965, n° 37, obs. Sudre F. ; RTD civ. 2016, p. 819, obs. Hauser J. ; D. 2017, p. 729, obs. Granet-Lambrechts F. ; D. 2017, p. 781, obs. Galloux J.-C. et Gaumont-Prat H. ; D. 2017, p. 935, obs. Regine D. ; D. 2017, p. 1011, obs. Gaudemet-Tallon H. et Jault-Seseke F.
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10.
CEDH, 19 janv. 2017, n° 44024/13, Laborie c/ France. V. entre autres AJ fam. 2017, p. 93, obs. Dionisi-Peyrusse A. ; D. 2017, p. 1011, obs. Gaudemet-Tallon H. et Jault-Seseke F. ; D. 2017, p. 1229, note Caire A.-B. ; Dr. famille 2017, n° 2, comm. 34, note Fulchiron H. ; RTD civ. 2017, p. 335, obs. Marguénaud J.-P.
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11.
Cass. ass. plén., 3 juill. 2015, n° 14-21323 ; Cass. ass. plén., 3 juill. 2015, n° 15-50002 : Bull. ass. plén. 2015, n° 4. V. AJ fam. 2015, p. 364, obs. Dionisi-Peyrusse A. ; AJ fam. 2015, p. 496, obs. Chénedé F. ; D. 2015, p. 1773, point de vue Sindres D. ; D. 2015, p. 1819, note Fulchiron H. et Bidaud-Garon C. ; D. 2015, p. 1919, obs. Bonfils P. et Gouttenoire A. ; Dr. famille 2015, étude 14, note Corpart I. ; RTD civ. 2015, p. 581, obs. Hauser J. ; D. 2016., p. 674, obs. Douchy-Oudot M. ; D. 2016, p. 857, obs. Granet-Lambrechts F. ; D. 2016, p. 915, obs. Regine D. ; D. 2016, p. 1045, obs. Gaudemet-Tallon H. et Jault-Seseke F.
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12.
Cass. 1re civ., 5 juill. 2017, nos 15-28597, 16-16901 et 16-50025, n° 16-16455 ; AJ fam. 2017, p. 375, point de vue Chénedé F. ; AJ fam. 2017, p. 431, point de vue Salvage-Gerest P. ; AJ fam. 2017, p. 482, note Dionisi-Peyrusse A. ; D. 2017, p. 1727, obs. Bonfils P. et Gouttenoire A. ; D. 2017, p. 1737, note Fulchiron H. ; Dr famille 2017, étude 13, note Binet J.-R. ; Dr. famille 2017, étude 14, note Ingall-Montagnier P. ; JCP G. 2017, p. 984, n° 39, note Gouttenoire A. ; JDI 2017, p. 1291, note Guillaumé J. ; Rev. crit. DIP 2018, p. 143, note Bollée S.
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13.
Les juges du droit ont ici sanctionné les juges du fond qui, aux fins de transcription à l’état civil, avaient exigé, outre la mention du père faite dans l’acte de l’état civil étranger, que soit rapportée la preuve de la réalité biologique de la filiation paternelle.
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14.
Certaines juridictions du fond avaient admis la transcription à l’état civil de l’acte de naissance étranger désignant la mère d’intention comme la mère légale de l’enfant au motif que la réalité, mentionnée à l’article 47 du CC, pouvait également s’entendre de la réalité juridique, et plus exactement de la réalité juridique définie par le droit étranger et existante au jour où les actes de naissance étrangers déclarant les parents d’intention comme étant les parents légaux des enfants ont été dressés. V. en ce sens, CA Rennes, 6 mars 2017, n° 16/00393 : AJ fam. 2017, p. 247, obs. Dionisi-Peyrusse A. − ainsi que CA Rennes, 12 déc. 2016, n° 15/08549 : AJ fam. 2017, p. 11, obs. Dionisi-Peyrusse A. ; AJ fam. 2017, p. 68, obs. Viganotti E. ; D. 2017, p. 729, obs. Granet-Lambrechts F.
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15.
Cass. 1re civ., 5 juill. 2017, nos 15-28597, 16-16901 et 16-50025.− V. égal. Cass. 1re civ., 29 nov. 2017, n° 16-50.061 : JCP G. 2017, p. 1333, obs. Gouttenoire A. ; RTD civ. 2018, p. 88, n° 1, note Leroyer A.-M. − Cass. 1re civ., 14 mars 2018, n° 17-50021.
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16.
Cass. ass. plén., 31 mai 1991, n° 90-20105 : Bull. ass. plén., n° 4. Les juges du droit refusaient alors systématiquement d’accueillir la demande d’adoption d’un enfant conçu dans le cadre d’une convention de mère porteuse.
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17.
Cass. 1re civ., 5 juill. 2017, nos 15-28597, 16-16901 et 16-50025 et particulièrement 16-16455. Les juges du droit reprennent ici, presque mot pour mot, la motivation des deux avis rendus le 22 septembre 2014 s’agissant de la demande d’adoption, par l’épouse de la mère, d’un enfant conçu par recours à l’assistance médicale à la procréation, sous la forme d’une insémination artificielle avec donneur anonyme à l’étranger. − V. Cass., avis, 22 sept. 2014, nos 14-70006 et n° 14-70007 : Bull civ. avis, n° 6 et 7 ; AJ fam. 2014, p. 555, note Chénedé F. ; D. 2014, p. 2031, note Leroyer A.-M. ; Dr. famille 2014, comm. 160, note Neirinck C. ; JCP G 2014, p. 1004, note Hauser J.
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18.
CEDH, 26 juin 2014, n° 65192/11, Mennesson c/ France ; CEDH, 26 juin 2014, n° 65941/11, Labassée c/ France ; CEDH, 21 juill. 2016, nos 9063/14 et n° 10410/14, Foulon et Bouvet c/ France ; CEDH, 19 janv. 2017, n° 44024/13, Laborie c/France ; CEDH, 24 janv. 2017, n° 25358/12, Paradiso et Campanelli c/ Italie.
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19.
Sudre F., « Droit de la Convention européenne des droits de l’Homme », JCP G. 2014, n° 28, doctr. 83.
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20.
CEDH, 26 juin 2014, n° 65192/11, Mennesson c/ France ; CEDH, 26 juin 2014, n° 65941/11, Labassée c/ France, § 79.
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21.
Gouttenoire A., « Convention de gestation pour autrui : Condamnation mesurée de la CEDH au nom de l’intérêt supérieur de l’enfant », JCP G. 2014, p. 877, n° 30-35 ; Fulchiron H. et Bidaud-Garon C., « Reconnaissance ou reconstruction ? À propos de la filiation des enfants nés par GPA, au lendemain des arrêts B, X et Campanelli-Paradiso de la Cour européenne des droits de l’Homme », Rev. crit. DIP 2015, p. 1. En sens contraire, notamment à la suite de la décision de condamnation CEDH, 19 janv. 2017, n° 44024/13, Laborie c/France ; v. Marguénaud J.-P., « Variations européennes sur le thème de la gestation pour autrui », RTD civ. 2017, p. 335.
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22.
Sur cette distinction, v. note n° 3.
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23.
Cass. 1re civ., 5 juill. 2017, nos 15-28597, 16-16901 et 16-50025 et particulièrement n° 16-16455.
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24.
C. civ., art. 353, al. 1er.
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25.
On indiquera que dans ce cas, si l’enfant a sa filiation établie à l’égard de son père mais aussi de la mère porteuse, la condition de l’unicité du lien de filiation, posée à l’article 345-1 du Code civil, n’étant pas remplie, l’adoption en la forme plénière ne pourra pas être prononcée. Le conjoint du parent biologique pourra, en revanche, former une demande d’adoption simple. V. TGI Créteil, 14 sept. 2017, n° 16/08343 : AJ fam. 2017, p. 588, Berdeaux F.
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26.
V. CA Paris, 1-1, 30 janv. 2018 ; C. civ., art. 347, 1° ; C. civ., art. 370-3, al. 3.
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27.
Bollée S., « L’ouverture de l’adoption à la mère d’intention d’un enfant issu d’une gestation pour autrui », Rev. crit. DIP 2018, p. 143.
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28.
Les juges de la cour d’appel de Paris, dans une décision rendue le 30 janvier 2018, ont rejeté la demande d’adoption plénière formée par le conjoint du père biologique au regard de l’intérêt de l’enfant au motif, notamment, que la preuve du consentement de la mère porteuse à l’adoption n’était pas rapportée. Or, la filiation de l’enfant n’étant pas, en l’espèce, établie à l’égard de cette dernière, le refus d’accorder l’adoption pour ce motif est paru surabondant. C’est ici ajouter à la loi qui se contente de vérifier le consentement du seul parent à l’égard duquel la filiation a été établie. Il ressort, cependant, de la motivation de cette décision, que les juges du fond ont surtout craint les effets définitifs qu’une telle adoption engendrent et, notamment, l’impossibilité pour la mère biologique de pouvoir établir sa filiation. CA Paris, 1-1, 30 janv. 2018 : Dr. famille 2018, n° 4, comm. 92, note Fulchiron H. ; JCP G. 2018, n° 13, p. 345, note Lambert-Garrel L. et Vialla F.
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29.
V. CEDH, 22 janv. 2008, n° 43546/02, E.B. c/ France, § 51 ; ainsi que CEDH, 24 janv. 2017, n° 25358/12, Paradiso et Campanelli contre Italie, § 141. Sur cette dernière décision, v. AJ fam. 2017, p. 93, obs. Dionisi-Peyrusse A. ; AJ fam. 2017, p. 301, obs. Clavin C. ; D. 2017, p. 663, chron. Chénedé F. ; D. 2017, p. 781, obs. Galloux J.-C. et Gaumont-Prat H. ; D. 2017, p. 789, obs. Granet-Lambrechts F. et p. 897, obs. Le Maigat P. ; D. 2017, p. 1011, obs. Gaudemet-Tallon H. et Jault-Seseke F. ; D. 2017, p. 1727, obs. Bonfils P. et Gouttenoire A. ; La Lettre d’Italie 2017, p. 7, n° 10, note Tzutzuiano C. ; Rev. crit. DIP 2017, p. 426, note Kouteeva-Vathelot T. ; RTD civ. 2017, p. 335, obs. Marguénaud J.-P. ; RTD civ. 2017, p. 367, obs. Hauser J.
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30.
CEDH, 26 juin 2014, n° 65192/11, § 79, Mennesson c/France ; CEDH, 26 juin 2014, n° 65941/11, § 58, Labassée c/France ; CEDH, 24 janv. 2017, n° 25358/12, § 102, Paradiso et Campanelli contre Italie.
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31.
L’expression de dialogue des juges a été employée pour la première fois, par le président Bruno Genevois dans ses conclusions sur l’arrêt ministre de l’Intérieur contre Cohn-Bendit de 1978. Saisi de la question de la nature des directives communautaires, il a pu considérer qu’« à l’échelon de la communauté européenne il ne doit y avoir ni gouvernement des juges, ni guerre des juges. Il doit y avoir place pour le dialogue des juges ».
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32.
Le dialogue des juges désigne de manière générale « l’échange d’arguments, d’interprétations et de solutions juridiques entre magistrats, que ce soit dans le délibéré, à travers la jurisprudence ou par le biais de la coopération entre juridictions ». Allard J., « Le dialogue des juges à la Cour européenne des droits de l’Homme et à la Cour suprême des États-Unis », in Allard J. et a. (dir.), Juger les droits de l’homme : Europe et États-Unis face à face, 2008, Bruylant, p. 93. Ce concept englobe des phénomènes très différents s’éloignant le plus souvent de la notion même de dialogue. À cet égard, le professeur Giuseppe De Vergottini explique à raison la distinction entre le phénomène de l’influence, qui renvoie à un rapprochement des solutions jurisprudentielles, et celui de l’interaction : « l’une est simplement unidirectionnelle alors que l’autre implique une réciprocité possible. D’où l’observation évidente selon laquelle seule l’interaction pourrait sensément renvoyer au concept de dialogue (…) ». De Vergottini G., Au-delà du dialogue entre les cours. Juges, droit étranger, comparaison, 2013, Paris, Dalloz, Rivages du droit, p. 46.
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33.
L’expression « dialogue sans parole » a été imagée par monsieur le conseiller Oliver Dutheiller de Lamothe afin de désigner les monologues croisés qui intervenaient entre Conseil constitutionnel et CEDH. Dutheillet de Lamothe O., « Conseil constitutionnel et Cour européenne des droits de l’Homme : un dialogue sans parole », in Mélange en l’honneur du président Bruno Genevois : le dialogue des juges, 2009, Paris, Dalloz, p. 412.
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34.
Le « dialogue des juges » renvoie seulement à une interaction supposant des échanges réciproques, bidirectionnels ou pluridirectionnels express entre juridictions. De Vergottini G., Au-delà du dialogue entre les cours. Juges, droit étranger, comparaison, 2013, Paris, Dalloz, Rivages du droit, p. 46.
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35.
L’un des objectifs affichés du protocole consiste à institutionnaliser le « dialogue des juges », c’est-à-dire à l’organiser à travers la procédure de consultation. En ce sens, le préambule du protocole n° 16 CESDH précise « que l’extension de la compétence de la Cour pour donner des avis consultatifs renforcera l’interaction entre la Cour et les autorités nationales ».
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36.
Protocole n° 16, art. 1er.
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37.
Audouy L., Le principe de subsidiarité au sens du droit de la Convention européenne des droits de l’Homme, thèse, 2015, Montpellier, p. 201.
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38.
Sudre F., « La subsidiarité, “nouvelle frontière” de la Cour européenne des droits de l’Homme. À propos des protocoles 15 et 16 à la Convention », JCP G., 2013, § 8.
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39.
Lubbe-Wolff G., « Comment la Cour européenne des droits de l’Homme peut-elle renforcer le rôle des juridictions nationales dans le système de la Convention ? », in Séminaire Dialogue entre juges, Comment assurer une plus grande implication des juridictions nationales dans le système de la Convention ?, 2012, Strasbourg, Conseil de l’Europe, p. 16.
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40.
Le recours à la marge d’appréciation nationale a été initialement conçu pour « contrôler la proportionnalité des mesures restrictives aux droits garantis », puis la CEDH a progressivement étendu le champ d’application de cette technique prétorienne. V. en ce sens Sudre F., « La mystification du “consensus” européen », JCP G. 2015, doctr. 1369, n° 50, § 21. Ainsi « le juge européen se retranche quasi-systématiquement derrière l’absence de principes communs aux droits internes et la diversité des solutions nationales pour refuser de dégager par le moyen d’une interprétation évolutive une obligation positive » selon les termes du professeur Frédéric Sudre. V. Sudre F., « À propos du dynamisme interprétatif de la Cour européenne des droits de l’Homme », JCP G. 2001, n° 28, § 19. Cette technique permet de facto de préserver le particularisme national du moins en l’absence de consensus européen ou d’une convergence des droits.
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41.
La technique de la marge d’appréciation permet un « encadrement de l’intervention des organes de la Cour » en ce qu’elle « introduit une élasticité dans la contrainte imposée aux états » (Olinga A-D. et Picheral C., « La théorie de la marge nationale d’appréciation dans la jurisprudence récente de la Cour européenne des droits de l’Homme », RTDH 1995, p. 568). Il ne s’agit pas pour la Cour européenne d’imposer un rapport de conformité mais seulement de compatibilité, c’est-à-dire que « les mesures nationales ne doivent pas être en parfait accord avec les exigences européennes pour être jugées conventionnelles mais seulement respecter le seuil minimum de protection imposé par la Convention », pour reprendre le raisonnement de Mme Laurèn Audouy. Audouy L., Le principe de subsidiarité au sens du droit de la Convention européenne des droits de l’Homme, thèse, 2015, Montpellier, p. 202 et s.
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42.
Sauvé J.-M., « La subsidiarité une médaille à deux faces », Séminaire organisé par la CEDH, Strasbourg, 30 janvier 2015, p. 8.
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43.
Avis de la Cour sur le projet de protocole n° 16 à la convention élargissant la compétence de la Cour afin de lui permettre de rendre des avis consultatifs sur l’interprétation de la convention (adopté par la Cour plénière le 6 mai 2013), § 12.
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44.
Protocole n° 16 à la CESDH, Rapport explicatif, article 5, § 27.
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45.
De longue date, la Cour de Strasbourg n’a pas hésité à affirmer que « ses arrêts servent, non seulement à trancher les cas dont elle est saisie, mais plus largement à clarifier et développer les normes de la convention, et à contribuer de la sorte au respect par les États, des engagements qu’ils ont assumés en leur qualité de parties contractantes ». Elle reconnaît ensuite de manière progressive une portée contraignante aux règles jurisprudentielles dégagées dans sa jurisprudence ; l’une des premières manifestations de ces effets remonte à la condamnation de la Chypre pour ne pas avoir pris en considération les conséquences de l’arrêt Dudgeon contre Royaume-Uni (CEDH, 22 avril 1993, n° 15070/89, série A n° 259, Modinos c/ Chypre). Sur les variations de l’autorité de la chose interprétée : Giannopoulos C., L’autorité de la chose interprétée des arrêts de la Cour européenne des droits de l’Homme, thèse, 2017, Strasbourg. En outre, certains textes à l’instar de la résolution de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe du 28 septembre 2000, affirmaient déjà que « la jurisprudence de la Cour fait partie intégrante de la convention, de sorte que le caractère juridiquement contraignant [de ce texte] est élargi erga omnes » [Résolution 1226 (2000) de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe sur le thème de l’exécution des arrêts de la Cour européenne des droits de l’Homme, 28 septembre 2000 (30ème séance), § 3]. Le parallèle entre les effets de l’avis et des effets de la jurisprudence dévoile une volonté d’imposer les interprétations de la convention délivrées dans l’avis consultatif au juge national. Notons qu’il n’est pas tout de vouloir, encore faut-il que les juges nationaux acceptent de réceptionner cette autorité. Par le passé, la Cour de cassation a pu admettre une certaine autorité de la chose interprétée à la jurisprudence de la CEDH, à l’occasion de l’arrêt relatif à la garde à vue par l’assemblée plénière le 15 avril 2011, où elle a jugé que « les États adhérents à cette Convention sont tenus de respecter les décisions de la Cour EDH, sans attendre d’être attaqués devant elle ni d’avoir modifié leur législation ».
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46.
En ce sens, CEDH, Document de réflexion sur la proposition d’élargissement de la compétence consultative de la Cour, 2012, p. 3.
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47.
En vertu de l’article 46 de la CESDH « les hautes parties contractantes s’engagent à se conformer aux arrêts définitifs de la Cour dans les litiges auxquels elles sont parties ». De ce fait, les arrêts de la CEDH revêtent une autorité de la chose jugée qui « empêche que ce qui a été définitivement jugé ne soit remis en cause » Sudre F. et a., Les grands arrêts de la Cour européenne des droits de l’Homme, 7e éd., 2015, Paris, PUF, p. 823.
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48.
En ce sens, Mme Bernadette Aubert et Mme Claire Saas considèrent que la Cour de cassation, le Conseil d’État et le Conseil constitutionnel « se soumettront fort probablement à l’avis rendu par la CEDH », l’absence de caractère contraignant de ce dernier serait « une formule de style ». Aubert B. et Saas C., « Les échos entre cours suprêmes : deuxième mouvement », AJ Pén. 2018, p. 399.
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49.
Dans ce cas, les juridictions internes perdraient leur liberté d’interprétation au profit d’une protection harmonisée des droits et libertés fondamentaux.
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50.
Elle pourrait élargir l’application de la décision du Conseil constitutionnel relative à l’identité constitutionnelle de la France en matière de transposition des directives à l’intégration de la CESDH (Cons. const., 27 juill. 2006, n° 2006-540 DC). Une telle solution aurait également le mérite de faire réagir le Conseil constitutionnel sur la question.
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51.
Dans un registre voisin, la Cour constitutionnelle italienne a élaboré une articulation des systèmes constitutionnel et conventionnel dont l’issue est conditionnée par une finalité : le système qui prévaut est celui offrant « la meilleure protection des droits et libertés fondamentaux », sous réserve de la réunion de certaines conditions. [Les arrêts fondateurs de la Cour sont : Cour const., sent., 16 nov. 2009, n° 311, Giur. cost., 2009, n° 6, p. 4656 à 4679 ; Cour const., sent., n° 317, 30 nov. 2009, Giur. cost., 2009, n° 6, p. 4747 à 4764. La Cour de cassation pourrait ainsi orienter l’articulation des interprétations de l’article 8 de la Convention autour d’une ou plusieurs finalités prédéterminées. L’articulation des systèmes reposerait dès lors sur un dialogue finalisé.