Droit des produits de santé : actualités de l’année 2016 (2e partie)

Publié le 04/07/2017

Cette chronique annuelle du droit des produits de santé présentée par les chercheurs du Centre de droit privé et droit de la santé (EA 1581) de l’université de Paris Lumières (Paris VIII) souligne les points importants de l’année 2016 au plan national et européen en fonction des thèmes sélectionnés : définition du médicament, monopole pharmaceutique, brevets et marques de médicaments, vente en ligne de médicaments sur internet, contentieux concurrence, recherche biomédicale…

I – Définition du médicament

II – Monopole pharmaceutique, exercice illégal de la pharmacie : Cass. crim., 16 févr. 2016, n° 14-88052

III – Autorisation de mise sur le marché AMM et RTU (CE, 29 juin 2016, n° 387890, LEEM, Sté Roche et Novartis Europharm Ltd)

IV – Propriété industrielle et produits de santé

A – Validité (CA Paris, 12 janv. 2016, n° 13/13050, Clinipro c/ The General Hospital Corporation)

B – Accès aux médicaments des pays du Sud (Règlement 2016/793 du Parlement européen et du Conseil du 11 mai 2016 visant à éviter le détournement vers des pays de l’Union européenne de certains médicaments essentiels)

C – CCP

D – Déchéance d’une marque pharmaceutique (Cass. com., 6 sept 2016, n° 14-22005)

E – Importations parallèles et droit des marques (CJUE, 10 nov. 2016, n° C-297/15, Ferring Laegemidler A/S c/ Orifarm A/S)

V – Commerce électronique de médicaments (arrêtés du 28 novembre 2016)

A – La jurisprudence est illustrative des problèmes soulevés (CA Paris, 25 mars 2016, n° 14-17730)

B – Deux arrêtés du 28 novembre 2016 viennent compléter le cadre juridique du commerce électronique de médicaments

VI – Prix du médicament

A – Sénat, le médicament à quel prix ? (Rapport d’information de MM. Gilbert Barbier et Yves Daudigny, fait au nom de la commission des affaires sociales, n° 739 (2015-2016) – 29 juin 2016)

B – Rapport du 30 août 2016, les entreprises du médicaments (Leem) : « Bilan économique, Édition 2016 »

C – Proposition de rapport du Parlement européen sur des options de l’UE pour améliorer l’accès aux médicaments, 12 octobre 2016

D – Rapport adopté le 8 novembre 2016 par la Commission juridique du Parlement européen

E – Rapport du groupe de haut niveau sur l’accès aux médicaments aux Nations unies, 14 septembre 2016

F – Jurisprudence

VII – Dispositif médical

Décret n° 2016-1716 du 13 décembre 2016 relatif au résumé des caractéristiques du dispositif médical

On rappellera que la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé du 26 janvier 2016 comportait un article 147 qui contenait le texte suivant :

« Lors de la mise en service sur le territoire national de dispositifs médicaux dont la liste est fixée par arrêté du ministre chargé de la Santé après avis de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, les fabricants ou leurs mandataires transmettent à l’agence un résumé des caractéristiques de leur dispositif ».

Il était précisé que le contenu et les modalités de transmission du résumé des caractéristiques du dispositif seraient déterminés par un décret en Conseil d’État.

Ce décret n° 2016-1716 du 13 décembre 20161 relatif au résumé des caractéristiques du dispositif médical a été publié au Journal officiel du 15 décembre 2016 et doit entrer en vigueur le 1er juillet 2017 ; il vient préciser le contenu du résumé des caractéristiques du produit que doit fournir le fabricant de dispositif médical à l’ANSM. Les éléments à fournir dans le cadre de ce résumé sont des éléments relatifs à l’identification du dispositif, à sa performance et à son évaluation clinique ; ces éléments appartiennent au dossier de marquage CE constitué dans le cadre de la demande de certification de conformité. Le décret prévoit également les modalités de transmission de ce résumé à l’ANSM.

Il rend ainsi obligatoire pour les fabricants de dispositifs médicaux implantables et de dispositifs médicaux de classe III (ou leur mandataire), la fourniture d’un résumé des caractéristiques du dispositif (RCD). Toute modification d’une information contenue dans un RCD déjà enregistré auprès de l’ANSM, devra être immédiatement signalée par le fabricant ou son mandataire.


Hélène Gaumont-Prat

VIII – Médicament et recherche biomédicale

I. Ordonnance n° 2016-800 du 16 juin 2016 relative aux recherches impliquant la personne humaine : état des lieux de la réforme.

La loi Jardé n° 2012-300 du 5 mars 2012 relative aux recherches impliquant la personne humaine, dernier texte voté jusqu’alors, n’était toujours pas entrée en vigueur en raison de l’attente de ses décrets d’application. Cette expectative s’expliquait par le fait que, dans l’intervalle, d’importantes discussions avaient été engagées en vue de l’adoption du règlement européen (UE) n° 536/214 relatif aux essais cliniques de médicaments à usage humain du 16 avril 2014, abrogeant la directive n° 2001/20/CE2 et rendu « obligatoire dans tous ses éléments et directement applicable dans tout État membre »3.

Depuis lors, l’article 216 (II°) de la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé4 a autorisé le gouvernement à légiférer par ordonnance « dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution et dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi ». L’ordonnance n° 2016-800 du 16 juin 2016 relative aux recherches impliquant la personne humaine a ainsi transformé une nouvelle fois le dispositif légal national existant. L’objectif a été « d’adapter la législation relative aux recherches biomédicales, définies au titre II du livre Ier de la première partie du Code de la santé publique, au règlement (UE) n° 536/2014 du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014 relatif aux essais cliniques de médicaments à usage humain et abrogeant la directive n° 2001/20/CE, d’adapter cette législation aux fins de coordonner l’intervention des comités de protection des personnes mentionnés à l’article L. 1123-1 du même code et de procéder aux modifications de cette législation lorsque des adaptations avec d’autres dispositions législatives sont nécessaires »5.

L’ordonnance n° 2016-800 du 16 juin 20166, qui comprend 9 articles, requiert une attention toute particulière puisqu’elle modifie substantiellement les articles L. 1121-1 et suivants du Code de la santé publique relatifs à la recherche, insérés dans le titre II portant sur les « Recherches impliquant la personne humaine » et, plus particulièrement, les dispositions de la loi Jardé. Elle a fait l’objet d’un rapport adressé au président de la République7 permettant de mieux appréhender son contenu et ses finalités. Afin de ne pas retarder l’application de ce nouveau dispositif, différentes dispositions transitoires ont été organisées par l’article 8 de l’ordonnance. Il a ainsi été prévu que « les dispositions de la présente ordonnance entrent en vigueur à compter de la publication des décrets prévus par le Code de la santé publique pour son application et au plus tard le 21 décembre 2016 ». Des délais distincts ont été posés en vue d’une application progressive de l’ordonnance en considération des types de recherches et des contrôles réalisés par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) et par les comités de protection des personnes (CPP), la finalité étant de se préparer au mieux à l’application prochaine du règlement européen pour la recherche sur le médicament. Est ainsi affichée une volonté réelle de finaliser enfin l’organisation légale des recherches d’autant que, depuis l’ordonnance du 16 juin 2016, sont parus deux décrets le 16 novembre 2016 : le premier n° 2016-1537 relatif aux recherches impliquant la personne humaine8 et le second n° 2016-1538 relatif à la convention unique pour la mise en œuvre des recherches à finalité commerciale impliquant la personne humaine dans les établissements de santé, les maisons et les centres de santé9.

Le dispositif de l’ordonnance du 16 juin 2016 apporte différents compléments et transformations du dispositif législatif existant qu’il convient d’envisager.

A. La reformulation des recherches non interventionnelles

Les recherches non interventionnelles sont désormais définies comme les essais « qui ne comportent aucun risque ni contrainte ». La mention, initialement « sans procédure supplémentaire ou inhabituelle de diagnostic, de traitement ou de surveillance » est supprimée, l’objectif étant d’adapter la « législation interne au règlement européen » et de « permettre une harmonisation des définitions, y compris avec le protocole additionnel de la Convention d’Oviedo relatif à la recherche biomédicale »10. La nouvelle définition transforme l’appréciation de ce type de recherche. Les critères d’évaluation portent uniquement sur l’absence de risques et de contraintes, ce qui laisse une plus grande latitude aux chercheurs, qui peuvent désormais envisager des recherches sans avoir à se rapporter à une « procédure supplémentaire ou inhabituelle de diagnostic, de traitement ou de surveillance », ce qui élargit le champ des recherches non interventionnelles. Un contrôle préalable renforcé, sera d’autant plus justifié que ce type de recherche est astreint à un dispositif juridique allégé en comparaison des recherches interventionnelles faisant l’objet d’un encadrement législatif renforcé.

B. Le contrôle, par le Comité de protection des personnes (CPP), des recherches non interventionnelles portant sur un médicament ayant obtenu une autorisation de mise sur le marché (AMM)

L’ordonnance prévoit désormais, à l’article L. 1123-7-1 du Code de la santé publique, que « Le Comité de protection des personnes, lorsqu’il est saisi pour avis d’un projet de recherche non interventionnelle portant sur un médicament ayant obtenu une autorisation de mise sur le marché par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, la Haute Autorité de santé, le ministre chargé de la Santé ou l’Agence européenne des médicaments, rend l’avis mentionné à l’article L. 1123-7 au regard des seules exigences mentionnées au troisième alinéa de l’article L. 1124-1 ». L’avis du CPP, visé par l’article L. 1123-7, portant sur les conditions de validité de la recherche, notamment au regard de la protection des participants, l’adéquation, l’exhaustivité et l’intelligibilité des informations écrites à fournir, ainsi que la procédure à suivre pour obtenir le consentement éclairé, un délai éventuel de réflexion, une interdiction éventuelle de participer simultanément à une autre recherche ou une période d’exclusion, etc. est ainsi restreint à l’évaluation de la partie II prévue à l’article 7 du règlement. Celle-ci intervient en effet uniquement sur les exigences du consentement, la conformité des modalités de rétribution ou d’indemnisation des participants, les modalités de recrutement des participants, l’adéquation des personnes à la conduite de l’essai, l’adéquation des sites d’essais cliniques, la compensation des dommages, la conformité avec les règles applicables en matière de collecte, de conservation et d’utilisation future des échantillons biologiques du participant, etc. Ce contrôle des recherches non interventionnelles portant sur un médicament ayant obtenu une AMM, moins contraignant par les CPP, s’explique par le fait, qu’au préalable, différentes recherches initiales ont déjà été réalisées et validées par l’AMM et qu’il convient, par conséquent, d’alléger le contenu des vérifications et s’en tenir seulement à celui posé par le règlement européen, plus allégé, d’autant que le champ de ce texte porte sur la recherche sur les médicaments.

C. Les Comités de protection des personnes (CPP) réorganisés

Les compétences territoriales au niveau régional ou interrégional sont désormais supprimées au profit de la compétence nationale. Cette réforme a pour objectif de privilégier l’objectivité des contrôles qui parfois était remise en cause en raison d’une proximité trop importante entre les CPP et les promoteurs. Désormais, les CPP sont désignés de manière aléatoire par la technique du tirage au sort. Pour autant, les CPP devront toujours établir des contacts constructifs avec les promoteurs pour les inviter à améliorer les projets présentés, d’autant que l’objectif doit toujours être l’équilibre entre la protection des sujets de recherches et le développement des projets de recherches, axe particulièrement mis en avant par la recherche et l’innovation afin d’assurer la pérennité des entreprises françaises sur ce marché extrêmement concurrentiel.

D. Le Comité d’expertise pour les recherches, les études et l’évaluation dans le domaine de la santé (CEREES)

L’ordonnance se réfère désormais à un nouveau comité d’expertise pour les recherches, les études et l’évaluation dans le domaine de la santé. Aucune précision n’est apportée concernant ses missions et sa composition, lesquelles sont énoncées par le décret n° 2016-1537, du 16 novembre 2016, relatif aux recherches impliquant la personne humaine. Ce nouveau Comité se substituera probablement au Comité consultatif sur le traitement de l’information en matière de recherche dans le domaine de la santé (CCTIRS)11.

E. La saisie du CEREES par la (Cnil)

L’ordonnance complète l’article L. 1123-7 du Code de la santé publique en prévoyant que « la Commission nationale de l’informatique et des libertés peut, pour l’exercice de ses missions définies à l’article 54 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée, saisir pour avis le Comité d’expertise pour les recherches, les études et l’évaluation dans le domaine de la santé ». La Cnil pourra ainsi bénéficier de l’expertise de ce comité spécialisé dans le domaine des recherches, ce qui constituera un apport essentiel en raison de la complexité des données. Cette aide sera d’autant plus justifiée en raison de la difficulté du traitement des données à caractère personnel dans le domaine des recherches et des conséquences qu’il peut générer à l’égard de la protection des participants. En effet, même si les données sont anonymes, il devient de plus en plus possible de connaître l’identité des sujets de recherches en raison du croisement des données par le biais de Big Data, ce qui peut constituer un risque d’autant plus important lorsque certains tiers en ont connaissance (assureurs, employeurs).

F. La saisie du CEREES par les CPP

L’ordonnance complète l’article L. 1123-7 du Code de la santé publique par un nouvel alinéa prévoyant que « pour les recherches impliquant la personne humaine incluant le traitement de données à caractère personnel défini au I de l’article 54 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée, le Comité de protection des personnes peut, selon des modalités fixées par le décret prévu à l’article L. 1123-14, saisir le Comité d’expertise pour les recherches, les études et les évaluations dans le domaine de la santé ». Là encore, le CEREES pourra apporter son expertise à l’égard du traitement des données à caractère personnel concernant les recherches au profit des CPP, pour des raisons similaires à la Cnil. Des expertises complémentaires sont justifiées en raison notamment de la complexité du recueil, du stockage, de l’utilisation des données des recherches et des incidences possibles à l’égard de la protection et de la sécurité des sujets de recherche concernant leurs données personnelles qui deviennent un enjeu primordial d’autant qu’elles sont de plus en plus exploitées pour un nombre croissant d’expériences au niveau national, communautaire et international.

G. L’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM)

L’ordonnance remplace l’article L. 1123-12 du Code de la santé publique en disposant que « I – L’autorité compétente pour les recherches impliquant la personne humaine prévues à l’article L. 1121-1 est l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé. II – Elle se prononce au regard de la sécurité des personnes qui se prêtent à une recherche mentionnée au 1° de l’article L. 1121-1, en considérant : 1° La sécurité et la qualité des produits utilisés au cours de la recherche conformément, le cas échéant, aux référentiels en vigueur ; 2° Les conditions d’utilisation des produits et la sécurité des personnes au regard des actes pratiqués et des méthodes utilisées ; 3° Les modalités prévues pour le suivi des personnes. III – Pour les recherches mentionnées au 1° de l’article L. 1121-1 et portant sur un produit mentionné à l’article L. 5311-1, elle se prononce en outre sur : 1° La pertinence de la recherche ; 2° Le caractère satisfaisant de l’évaluation des bénéfices et des risques attendus ; 3° Le bien-fondé des conclusions ». Si initialement, l’ANSM et le ministre chargé de la Santé étaient compétents conformément à l’article L. 1123-12 du Code de la santé publique, désormais, seule l’ANSM intervient au regard des recherches énumérées par l’article L. 1121-1, à savoir les recherches interventionnelles, qui ne comportent que des risques et des contraintes minimes et non interventionnelles qui ne comportent aucun risque ni contrainte dans lesquelles tous les actes sont pratiqués et les produits utilisés de manière habituelle. Le contenu du contrôle est par ailleurs strictement précisé afin de renforcer la protection des sujets de recherche, laquelle est particulièrement mise en exergue par la sécurité et la qualité des produits, les conditions d’utilisation des produits et la sécurité des personnes concernant les actes pratiques et les méthodes utilisées, les modalités de suivi des sujets d’essais. Ce contrôle est d’autant plus renforcé pour les recherches interventionnelles puisque l’ANSM doit, en outre, vérifier la pertinence de la recherche, le caractère satisfaisant de l’évaluation des bénéfices et des risques attendus et le bien-fondé des conclusions. Il est regrettable que ces mesures supplémentaires de contrôle ne soient pas étendues à l’ensemble des recherches dans la mesure où elles se justifient pour toutes les recherches réalisées sur les personnes. Par exemple, la pertinence d’un essai devrait constituer la base de la légitimité de toute recherche puisque, à défaut, les participants pourraient être exposés, alors même que la recherche en elle-même ne semble pas appropriée et judicieuse. Il en est de même de l’équilibre de la balance bénéfices risques qui devrait être envisagé pour l’ensemble des essais quand bien même les risques et contraintes seraient minimes. Il en va de la sécurité des sujets de recherches et de la légitimité de toute expérience envisagée.

H. L’ANSM habilitée pour l’autorisation des recherches impliquant la personne humaine menée dans le cadre de l’assistance médicale à la procréation

L’article L. 1125-3, dernier alinéa, prévoit que « ne peuvent également être mises en œuvre qu’après autorisation expresse de l’autorité compétente mentionnée à l’article L. 1123-12, les recherches impliquant la personne humaine menées dans le cadre de l’assistance médicale à la procréation mentionnée au V de l’article L. 2151-5 ». L’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) doit ainsi nécessairement apporter une autorisation préalable concernant la recherche sur l’embryon humain et sur les cellules-souches embryonnaires. Cette mesure est essentielle puisqu’elle impose une autorisation de l’ANSM pour ce type de recherche, laquelle est d’autant plus cruciale que la recherche sur l’embryon est en plein essor et nécessite des contrôles renforcés afin d’éviter toute dérive.

I. Le répertoire public des recherches impliquant la personne humaine et leurs résultats

L’ordonnance prévoit que : « les recherches impliquant la personne humaine et leurs résultats sont inscrits dans un répertoire d’accès public selon des règles déterminées par décret »12. Cette modalité est cruciale puisqu’elle permet de recenser l’ensemble des recherches réalisées sur le territoire national par le biais du répertoire. Dans la mesure où celui-ci est public, il est susceptible d’être consulté par toute personne intéressée par la recherche. Cette possibilité permettra alors d’éviter les doublons en matière de recherches, d’autant que les résultats pourront aussi être connus. Les essais, n’ayant pas donné lieu à des résultats probants ou ayant produit des effets dangereux sur les sujets de recherches, pourront ainsi être écartés.

J. La prise en charge des frais par le promoteur et son organisation contractuelle

Le principe de la gratuité des produits expérimentaux est réaffirmé. D’importantes dispositions sont introduites par l’ordonnance. Il est ainsi prévu à l’article L. 1121-16-1 du Code de la santé publique que « pendant la durée de la recherche mentionnée au 1° de l’article L. 1121-1, le promoteur fournit gratuitement les médicaments expérimentaux et, le cas échéant, les médicaments auxiliaires, les dispositifs médicaux utilisés pour les administrer, ainsi que, pour les recherches portant sur des produits autres que les médicaments, les produits faisant l’objet de la recherche ». Ce même article précise par ailleurs que « IV – Lorsqu’une recherche mentionnée au 1° et 2° de l’article L. 1121-1 à finalité commerciale est réalisée dans des établissements de santé ou des maisons ou des centres de santé, le promoteur prend en charge les frais supplémentaires liés à d’éventuels fournitures ou examens spécifiquement requis par le protocole. La prise en charge des frais supplémentaires fait l’objet d’une convention conclue entre le promoteur, le représentant légal de chacun des organismes mentionnés au premier alinéa du IV et, le cas échéant, le représentant légal des structures destinataires des contreparties versées par le promoteur. La convention, conforme à une convention type définie par arrêté du ministre chargé de la Santé, comprend les conditions de prise en charge de tous les coûts liés à la recherche, qu’ils soient ou non relatifs à la prise en charge du patient. Cette convention est transmise au Conseil national de l’ordre des médecins. Elle est conforme aux principes et garanties prévus au présent titre. Elle est visée par les investigateurs participant à la recherche »13. La convention unique, par ailleurs récemment organisée par le décret n° 2016-1538, du 16 novembre 2016, relatif à la convention unique pour la mise en œuvre des recherches à finalité commerciale impliquant la personne humaine dans les établissements de santé, les maisons et les centres de santé14, désormais envisagée par le promoteur et le représentant légal de l’établissement, avec le seul visa des investigateurs qui n’y sont pas directement parties contractantes, permet dorénavant l’identification, la transparence et la prise en charge, par le promoteur, de l’intégralité des surcoûts liés à la recherche lorsque celle-ci est réalisée dans un établissement de santé. Cette modalité est opportune d’un point de vue financier, notamment pour les établissements publics hospitaliers qui, dans le passé, prenaient en charge certaines dépenses des recherches privées réalisées au sein de leurs structures alors, qu’au final, les retombées et les bénéfices de la recherche se faisaient uniquement au profit du promoteur privé. Toutefois, l’exclusion des investigateurs est mal perçue puisque, désormais, ceux-ci ne perçoivent plus de financements complémentaires consécutifs aux recherches de la part du promoteur privé. Souvent, les sommes versées permettaient la réalisation de certaines recherches par l’intermédiaire d’associations gérées par les médecins investigateurs bénéficiant ainsi de financements supplémentaires. Bien qu’elles ne soient pas totalement remises en cause puisque sont désormais envisagées des « structures destinataires de contreparties versées par le promoteur », il n’est pas certain qu’elles puissent rémunérer les investigateurs puisque leurs fonds doivent uniquement être affectés à la recherche. Cette perte financière pourrait ainsi démotiver certains investigateurs et constituer corrélativement un frein pour la recherche au sein des établissements publics hospitaliers.

K. L’information et le consentement concernant l’utilisation des données personnelles de la recherche

Dans l’objectif d’« étendre, à notre droit national, deux dispositions introduites pour les essais cliniques de médicaments dans le règlement européen »15, l’ordonnance offre désormais la possibilité, pour les chercheurs, d’utiliser des données précédemment obtenues issues d’une expérience réalisée sur une personne, même lorsque celle-ci se rétracte en cours de participation à l’essai. Un nouvel alinéa à l’article L. 1122-1-1 mentionne en effet que « dans le cas où la personne se prêtant à une recherche a retiré son consentement, ce retrait n’a pas d’incidence sur les activités menées et sur l’utilisation des données obtenues sur la base du consentement éclairé exprimé avant que celui-ci n’ait été retiré ». Cette nouvelle disposition se fait au profit des promoteurs qui sont ainsi assurés de pouvoir exploiter les données de la recherche alors même que la personne dont elles proviennent se rétracte et décide de ne plus participer à la recherche. Ceci peut s’expliquer par le fait que, à défaut, la non-exploitation des données pourrait compromettre l’organisation et les retombées du protocole déjà amorcé alors que d’importants financements sont engagés. La difficulté reste néanmoins que le sujet de recherche perd toute initiative et décision sur ses données personnelles obtenues lors de sa participation à l’essai. Néanmoins, cette « dépossession » est limitée pour les utilisations ultérieures. En effet, l’ordonnance prévoit à l’article L. 1122-1-2 que « le promoteur peut demander à la personne se prêtant à une recherche, au moment où celle-ci donne son consentement éclairé lorsqu’il est requis, d’accepter que ses données soient utilisées lors de recherches ultérieures exclusivement à des fins scientifiques. La personne peut retirer son consentement à cette utilisation ultérieure ou exercer sa faculté d’opposition à tout moment ». Cette disposition est plus sécurisante pour le sujet de recherche qui peut toujours manifester son refus concernant l’exploitation de ses données lors de recherches ultérieures exclusivement à des fins scientifiques, ce qui lui permet alors de reprendre le contrôle sur ses données, option d’autant plus pertinente compte tenu des risques croissants de perte d’anonymat dans le contexte de Big Data. Reste à savoir ce qu’il en sera pour des recherches futures à des fins médicales dans la mesure où l’ordonnance restreint la faculté d’opposition à des recherches ultérieures à des fins scientifiques. A priori, les données personnelles, recueillies à des fins de recherches ayant un objectif médical, pourraient continuer d’être utilisées et ce, même en dépit de l’opposition du sujet de recherche.

L. Le renforcement de la gestion des événements indésirables graves ou des résultats d’analyse anormaux

En réaction notamment à l’affaire de Rennes concernant les effets indésirables ayant causé le décès d’un sujet de recherche et déclarés trop tardivement, l’ordonnance modifie l’article L. 1123-10 du Code de la santé publique prévoyant désormais que, « pour chaque type de recherche impliquant la personne humaine, l’investigateur enregistre les événements indésirables ou les résultats d’analyses anormaux définis dans le protocole comme déterminants pour l’évaluation de la sécurité, en conserve une trace documentaire et les notifie au promoteur. Les modalités de notification sont définies par décret. Il informe le promoteur de tous les événements indésirables graves survenus chez les participants, sauf si le protocole en dispose autrement. Le promoteur notifie à l’autorité compétente et, pour les recherches portant sur des personnes qui ne présentent aucune affection et se prêtent volontairement à ces recherches, au directeur général de l’Agence régionale de la santé, toutes les informations pertinentes relatives à la sécurité de la recherche selon des modalités définies par décret ». Cette disposition a le mérite d’imposer différentes obligations d’information sur les événements graves et les résultats d’analyses anormaux à la charge de l’investigateur et du promoteur. Elle permet de rendre plus transparents les événements indésirables qui doivent désormais être consignés pas écrit et relayés auprès de l’autorité compétente et du directeur général de l’ARS. Cette mesure a pour objectif de rendre plus réactifs les différents responsables en vue du renforcement de la sécurité des sujets de recherches. Se pose toutefois la question de l’appréciation des notions de résultats d’analyses anormaux et des événements indésirables graves et non graves. Aucune précision n’est apportée sur ce point. Par conséquent, l’investigateur devra être particulièrement vigilant concernant les subtilités d’évaluation, d’autant qu’il existe des différences de traitement et de diffusion de l’information entre les événements indésirables et les événements indésirables graves, ce qui complexifie encore plus l’appréhension et l’application de cette nouvelle obligation de déclaration. En outre, se pose la question de l’appréhension de la possibilité, pour l’investigateur, de ne pas informer le promoteur des événements indésirables graves lorsque « le protocole en dispose autrement ». Cette faculté pourrait constituer une faille pour la protection des sujets de recherches en matière de sécurité. De même, il est regrettable qu’aucune sanction pénale ne soit envisagée à l’encontre du promoteur et de l’investigateur en cas de non-respect de l’obligation des événements indésirables graves ou pas et des résultats d’analyses anormaux, ce qui en définitive constitue une limite à la protection des sujets de recherches.

M. Le chapitre IV portant sur des « Dispositions particulières applicables aux essais cliniques de médicaments

L’ordonnance a pour objectif de mettre en conformité la législation interne au règlement européen du 16 avril 2014 portant sur les essais de médicament, « dont l’entrée en vigueur est conditionnée par un avis de la Commission européenne qui ne devrait pas intervenir avant 2018 »16. Elle organise le chapitre IV constitué de l’ensemble des dispositions applicables aux essais cliniques de médicaments, lesquelles sont constituées de celles du règlement européen pour les essais cliniques de médicaments ainsi que certaines dispositions nationales déjà existantes dans le Code de la santé publique.

II. Le règlement du 16 avril 2014 directement applicable aux essais cliniques de médicaments

L’introduction de ce nouveau chapitre est destinée à intégrer l’ensemble du régime juridique posé par le règlement du 16 avril 2014 relatif aux essais cliniques de médicaments dans la législation nationale. Dans ce sens, l’article L. 1124-1 précise que « I – Les essais cliniques de médicaments sont régis par les dispositions du règlement (UE) n° 536/2014 du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014 ».

A. Les compétences spécifiques de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) et des CPP en matière d’évaluation et d’autorisation

Selon l’article L. 1124-1 : « I – L’autorité compétente pour effectuer l’évaluation de la partie I du rapport d’évaluation prévue à l’article 6 de ce règlement est l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé ». L’ANSM est ainsi tenue d’évaluer la partie scientifique et technique de la recherche. Par ailleurs, « l’évaluation de la partie II, prévue à l’article 7 de ce règlement, relève de la compétence et de la responsabilité des Comités de protection des personnes mentionnés à l’article L. 1123-1 ». Les CPP sont ainsi chargés du contrôle de la vérification notamment de l’information et du consentement des sujets d’essais, de la rétribution ou de l’indemnisation, de la conformité des modalités de recrutement, de l’adéquation des personnes participant à l’essai clinique, de l’adéquation des sites cliniques, de la compensation des dommages.

B. La notification par l’ANSM au promoteur de la décision unique relative à l’essai

L’ordonnance précise que « L’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé notifie au promoteur la décision unique relative à l’essai clinique mentionnée au paragraphe 1 de l’article 8 de ce règlement ». À cet égard, chaque État membre concerné doit faire savoir au promoteur qui envisage une recherche si l’essai est autorisé, s’il est autorisé sous conditions ou si l’autorisation est rejetée par l’intermédiaire du portail de l’Union. L’ANSM intervient dès lors au titre de l’État français par le biais du portail de l’Union concernant la notification au promoteur de la décision relative à l’essai clinique soumise à son contrôle.

C. La demande de réexamen par le promoteur en cas de refus d’autorisation

L’article L. 1124-1 prévoit qu’« II – En cas de refus d’autorisation d’un essai prévu au paragraphe 4 de l’article 8 du règlement précité, le promoteur peut saisir d’une demande de réexamen les autorités suivantes : 1° L’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, lorsque cette demande porte sur des éléments relevant de la partie I prévue à l’article 6 du règlement mentionné ci-dessus ; 2° La ministre chargée de la Santé lorsque cette demande porte sur des éléments relevant de la partie II prévue à l’article 7 du règlement mentionné ci-dessus. La demande de réexamen est présentée et instruite dans les délais et selon des modalités fixées par décret en Conseil d’État ». Cette nouvelle disposition permet au promoteur de soumettre de nouveau son projet de recherche lorsque celui-ci a été refusé. L’ANSM est alors consultée une seconde fois concernant la partie technique du projet d’essai. En revanche, concernant la partie II (information, consentement, indemnisation, etc.), relevant en premier ressort du CPP, le ministre chargé de la Santé s’y substitue. Ce remplacement peut être appréhendé comme une certaine remise en cause et déresponsabilisation des CPP par le ministre de la Santé en second ressort. Toutefois, ceci peut s’expliquer par le fait, qu’en cas de faute du comité dans l’exercice de sa mission, la responsabilité de l’État est engagée conformément à l’article L. 1123-7, alinéa 7, du Code de la santé publique. Reste à savoir si le second contrôle opéré par le ministre de la Santé sera aussi consistant que celui des CPP et si des garanties d’indépendance seront réellement apportées alors que la composition même des CPP facilite cette condition. Il n’existe pas a priori de garanties réelles spécifiques concernant le ministre de la Santé, encore que les dispositions légales existantes concernant les conflits d’intérêts pourraient être envisagées.

D. Les lieux des recherches précisés

L’article L. 1124-1 du Code de la santé publique, énoncé par l’ordonnance, envisage différents lieux de la recherche. Il est désormais mentionné que « III – La première administration d’un médicament à l’homme ne peut être effectuée que dans des lieux ayant été autorisés conformément au deuxième alinéa de l’article L. 1121-13. Les essais cliniques de médicaments de thérapie innovante, tels que définis à l’article 2 du règlement (CE) n° 1394/2007 du Parlement européen et du Conseil, du 13 novembre 2007, concernant les médicaments de thérapie innovante et modifiant la directive n° 2001/83/CE, ainsi que le règlement (CE) n° 726/2004 et les essais cliniques de médicaments de thérapie innovante tels que définis au 17° de l’article L. 5121-1 ne peuvent être réalisés que dans des établissements de santé ou de transfusion sanguine, dans les services de santé des armées ou dans les centres de transfusion sanguine des armées ». Cette nouvelle disposition concernant les lieux de la recherche est importante puisqu’elle impose que les premiers essais de médicaments soient d’office réalisés dans des lieux autorisés, ce qui a pour objectif de davantage sécuriser les sujets d’expériences. En effet, la réalisation d’essais, particulièrement de phase I, comprend des aléas et incertitudes concernant la réactivité des sujets aux nouvelles molécules, ce qui suppose alors un suivi et des vérifications renforcées dans des lieux équipés en considération de ces contraintes. Pour des raisons similaires de sécurité, les essais cliniques de médicaments de thérapie innovante doivent aussi d’office être réalisés dans des lieux spécifiques tels que notamment les établissements de santé ou de transfusion sanguine. L’objectif est d’imposer des lieux spécialisés et correctement équipés d’un point de vue technique pour la réalisation de ces recherches de pointe en plein développement en toute sécurité pour les participants.

E. L’application complémentaire de la législation nationale aux essais de médicaments régis par le règlement du 16 avril 2014.

L’article L. 1124-1 pose que « IV – Sont applicables aux essais cliniques mentionnés au I les dispositions du présent chapitre ainsi que les dispositions des articles L. 1121-10, L. 1121-11, L. 1121-13, L. 1121-14, L. 1121-16, L. 1121-16-1, L. 1123-10, L. 1126-1 à L. 126-12, L. 5121-1-1, L. 5125-1 et L. 5126-1 » du Code de la santé publique. En outre, « leur sont également applicables les dispositions du 1° du II de l’article 54 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée relative à l’informatique et aux libertés ». En d’autres termes, les responsables de la recherche doivent, dès lors qu’ils réalisent des essais cliniques de médicaments, se conformer strictement aux dispositions du règlement du 16 avril 2014 directement applicables. Par ailleurs, il leur sera aussi nécessaire de respecter diverses obligations complémentaires relevant du dispositif français de la recherche telles que celles tendant, notamment, à la réalisation des recherches dans des lieux disposant de moyens humains, matériels et techniques adaptés à la recherche et compatibles avec les impératifs de sécurité des personnes qui s’y prêtent, la nécessité de se conformer au fichier national recensant les personnes qui ne présentent aucune affection et se prêtent volontairement à des recherches ainsi que les personnes malades lorsque l’objet de la recherche est sans rapport avec leur état pathologique, celle de verser des indemnités aux sujets de recherche en compensation des contraintes subies, la fourniture gratuite des médicaments expérimentaux, des médicaments auxiliaires, des dispositifs médicaux pour les administrer, la prise en charge en charge, lorsque la recherche est à finalité commerciale et réalisée dans des établissements de santé, des frais complémentaires par le biais du contrat unique, le fait d’assumer en tant que promoteur la responsabilité de la recherche, la souscription d’une assurance, la prise en charge, le cas échéant, des conséquences dommageables de la recherche, etc. Le cumul des règles issues du règlement du 16 avril 2014, ainsi que d’une partie du dispositif légal national relatif à la recherche présente l’intérêt de renforcer la protection et la sécurité des sujets de recherches. Peut néanmoins être opposé l’argument que le fait d’imposer des normes complémentaires à celles posées par le règlement, est préjudiciable aux chercheurs alors astreints à plus de règles que leurs homologues européens. Ce complément est susceptible de les pénaliser rudement dans un contexte de forte concurrence au préjudice de la compétitivité de la recherche nationale.

F. L’exclusion des personnes non affiliées à un régime de sécurité sociale

L’article L. 1124-1 ajoute au IV que les essais cliniques portant sur les médicaments sont « interdits sur une personne qui n’est pas affiliée à un régime de sécurité sociale ou bénéficiaire d’un tel régime ». Cette disposition, qui tend à protéger les personnes particulièrement vulnérables en raison notamment de leur situation sociale et financière, reste toutefois discutable dans la mesure où elle exclut ces personnes de toute recherche sur les médicaments. Elle peut être appréhendée comme discriminatoire lorsqu’il n’existe aucun traitement adapté ou efficace à la pathologie des personnes malades ne bénéficiant pas d’une couverture sociale et dont la participation à une recherche pourrait constituer une chance de survie ou du moins d’amélioration de leur état de santé.

G. La modification du chapitre VI du titre II du livre Ier du Code de la santé publique relatif aux sanctions pénales

La modification de ce chapitre est destinée à adapter les dispositions pénales existantes au règlement européen du 16 avril 201417. L’article L. 1126-1 est transformé en conséquence afin d’étendre les sanctions pénales envisagées par le règlement aux essais cliniques de médicaments. En outre, une nouvelle disposition envisage les sanctions pénales en cas de défaut de renseignement sur la base de données de l’Union européenne à l’article L. 1126-12 du Code de la santé publique. Elle dispose que « le non-respect des articles 37, 42, 43 et 93 du règlement européen (UE) n° 536/2014 du Parlement européen du 16 avril 2014 relatif aux essais cliniques de médicaments sur la communication d’informations destinées à être mises à la disposition du public dans les bases de données de l’union est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende ». L’ordonnance insiste ainsi, par cette sanction pénale, sur la nécessité d’une plus grande transparence des recherches auprès du public par le biais de bases de données et marque sa volonté d’imposer le respect effectif de cette obligation.

H. Les définitions communautaires du médicament introduites dans le Code de la santé publique Afin de mieux se préparer à l’entrée en vigueur du règlement européen, sont introduites, dans le Code de la santé publique, diverses dispositions intégrant les définitions communautaires du médicament. L’article L. 5121-1-1 est ainsi modifié : « On entend par 1° Médicament expérimental, un médicament expérimenté ou utilisé comme référence, y compris comme placebo, lors d’un essai clinique ; 2° Médicament expérimental autorisé, un médicament autorisé conformément au règlement (CE) n° 726/2004, ou dans tout État membre concerné conformément à la directive n° 2001/83/CE, indépendamment des modifications apportées à l’étiquetage du médicament, qui est utilisé en tant que médicament expérimental ; 3° Médicament auxiliaire, un médicament utilisé pour les besoins d’un essai clinique conformément au protocole, mais non comme médicament expérimental ; 4° Médicament auxiliaire autorisé, un médicament autorisé conformément au règlement (CE) n° 726/2004, ou dans un État membre concerné conformément à la directive n° 2001/83/CE, indépendamment des modifications apportées à l’étiquetage du médicament, qui est utilisé en tant que médicament auxiliaire ; 5° Médicament expérimental de thérapie innovante, un médicament expérimental correspondant à un médicament de thérapie innovante tel que défini à l’article 2, paragraphe 1, point a, du règlement (CE) n° 1394/2007 du Parlement européen et du Conseil ». Ce souci de mettre en avant les définitions issues du règlement directement dans le dispositif législatif national, témoigne d’une volonté réelle du législateur d’intégration, d’homogénéisation et d’harmonisation de la législation nationale au dispositif du règlement. Cette initiative est d’autant plus importante que les recherches peuvent être multicentriques et se réaliser dans plusieurs pays et qu’il est par conséquent crucial que tous les pays de l’Union fassent un effort réel d’harmonisation en vue de la faisabilité et surtout de la qualité des recherches.

Cette longue liste de dispositions posées par l’ordonnance peut réjouir ceux qui attendaient depuis longtemps un déblocage de la législation nationale relative à la recherche restée en suspens en raison de l’attente du règlement européen. Elle peut aussi désemparer nombre de professionnels de la recherche et de juristes en ce qu’elle constitue une nouvelle couche au mille-feuille législatif de la recherche, d’autant plus indigeste que les dispositions tendent de plus en plus à complexifier la mise en œuvre de la recherche au mépris de toute simplification. Le véritable défi, dans un contexte aussi concurrentiel que celui de la recherche, serait de simplifier et de rendre plus cohérent le tentaculaire dispositif législatif actuel sur la recherche. L’objectif est le déploiement de la recherche française et de l’innovation, moteur du développement économique et facteur de progrès pour les patients en attente de nouveaux traitements et techniques permettant de les soulager, de les soigner, voire même de les sauver. La recherche française ne pourra être sauvée que par la simplification et la lisibilité réelle des dispositions légales qui, à défaut, ne seront pas ou mal appliquées. Cet objectif prioritaire serait un argument concurrentiel et attractif pour maintenir les chercheurs sur le territoire national et attirer les promoteurs étrangers. Beaucoup de travail reste alors encore à faire…

III. Le décret n° 2016-1537 du 16 novembre 2016 relatif à la recherche impliquant la personne humaine, si longtemps attendu, enfin arrivé !

Dans la lignée de l’ordonnance n° 2016-800 du 16 juin 2016 relative aux recherches impliquant la personne humaine18 intervenant pour la partie législative de la réglementation de la recherche, le décret n° 2016-153719 relatif aux recherches impliquant la personne humaine vient modifier et compléter la partie réglementaire. Pris pour l’application de la loi n° 2012-300 du 5 mars 2012 modifiée relative aux recherches impliquant la personne humaine dite Loi Jardé20, ce décret est applicable dès le lendemain de sa publication, soit à partir du 18 novembre 2016. Ce texte, qui comprend 25 articles, a pour objet de préciser les différentes modalités de réalisation des recherches impliquant la personne humaine. La dénomination « recherche biomédicale » est remplacée par « recherche impliquant la personne ». Différentes dispositions portent sur la Commission nationale des recherches impliquant la personne humaine (CNRIPH), sa composition et la nomination de ses membres, son organisation et son fonctionnement. D’autres modifient les règles de fonctionnement des Comités de protection des personnes (CCP). Leur composition est complétée. Est posée l’impossibilité, pour les membres, d’exercer des fonctions exécutives au sein d’un établissement promoteur de recherche. La demande d’avis par le promoteur doit se faire au secrétariat de la Commission nationale des recherches impliquant la personne humaine, laquelle désigne ensuite les CPP par un tirage au sort. Le CPP doit se prononcer dans le délai de 45 jours. Il lui est possible, pendant cette durée, de demander une fois des informations complémentaires ou une modification du projet. L’ANSM est informée des demandes complémentaires ou des modifications du projet du CPP par le promoteur pour les recherches interventionnelles. En cas de demande complémentaire ou de modification du projet, le délai du CPP est porté à 60 jours. Une procédure allégée de contrôle des CPP est prévue pour les recherches interventionnelles ne comportant que des risques et des contraintes minimes et les recherches non interventionnelles. Le CPP peut entendre le promoteur éventuellement accompagné de l’investigateur. Tout avis défavorable doit être communiqué par le CPP à la Commission nationale des recherches impliquant la personne humaine et à l’ANSM. Le décret prévoit aussi la possibilité, pour promoteur ayant reçu un avis favorable du CPP, de demander aux ministres chargés de la Santé et de la Sécurité sociale la prise en charge à titre dérogatoire par les caisses d’assurance maladie des médicaments des médicaments expérimentaux ou auxiliaires autorisés ou produits faisant l’objet de la recherche lorsqu’ils ne sont pas utilisés dans les conditions ouvrant droit au remboursement. Les conditions d’autorisation de certains lieux de recherche sont complétées, particulièrement pour répondre à des cas d’urgence. Est posée l’obligation, pour le promoteur, d’informer sans délai la Commission nationale des recherches impliquant la personne humaine et l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé des situations dans lesquelles il a mis fin à la participation d’un investigateur ou de toute autre personne impliquée dans la recherche en raison d’une déviation grave ou délibérément répétée par rapport au protocole, ou d’une méconnaissance grave des dispositions législatives et réglementaires en vigueur ou des bonnes pratiques prévues à l’article L. 1121-3 et susceptibles de porter atteinte à la sécurité des personnes qui se prêtent à la recherche ou à la fiabilité des données de la recherche. Le promoteur doit aussi informer le CPP et, le cas échéant, l’autorité compétente, des modifications non substantielles apportées par rapport aux éléments du dossier qui leur ont été initialement soumis. De même, sont prévues différentes obligations pour l’investigateur qui doit, sans délai, notifier au promoteur, à compter du jour où il en a connaissance tous les événements indésirables graves ainsi que tous les effets indésirables et les incidents graves survenus au cours d’une recherche. Un rapport écrit doit être réalisé suivi de rapports complémentaires précis. Le décret énonce par ailleurs de manière détaillée la liste des informations que le promoteur doit communiquer aux investigateurs impliquant la personne humaine. Ces différentes obligations posées de manière non exhaustive permettent de se rendre compte de l’étendue et de l’importance du décret n° 2016-1537 relatif aux recherches impliquant la personne humaine. Elles parachèvent ainsi tout le travail législatif et règlementaire réalisé dans le domaine de la recherche portant sur la personne humaine. Elles nécessitent de la part des différents responsables liés à la recherche beaucoup d’attention et de vigilance lors de leur mise en œuvre en raison des importantes modifications et nouveautés. Il n’est pas certain qu’elles soient appréhendées comme des moyens de simplification des procédures, ce qui est regrettable dans un contexte de concurrence internationale exacerbé dans le domaine de la recherche.

IV. Décret n° 2016-1538 relatif à la convention unique pour la mise en œuvre des recherches à finalité commerciale impliquant la personne humaine dans les établissements de santé, les maisons et les centres de santé – Arrêté du 16 novembre 2016 fixant le modèle de convention unique prévu à l’article R. 1121-4 du Code de la santé publique – Instruction n° DGOS/PF4/2016/305 du 11 octobre 2016 relative à l’évaluation de l’usage de la convention unique pour les recherches à finalité commerciale portant sur la personne humaine dans les établissements de santé

A. Les nouveaux rebondissements règlementaires pour la convention unique tenant à la mise en œuvre des recherches à finalité commerciale impliquant la personne humaine dans les établissements de santé, les maisons et les centres de santé

La convention unique est un nouveau dispositif riche en rebondissements législatifs et règlementaires. Dès le 5 juillet 2013 avait été signé un contrat stratégique de filières industries et technologies de santé entre le gouvernement et les organisations professionnelles représentant les industries de santé, l’objectif étant, par cette nouvelle convention, appréhendée comme une mesure de simplification administrative prioritaire, de redonner à la France des moyens réels d’attractivité et de compétitivité en matière de recherches portant sur la personne humaine21. La mesure 19 prévoyait la mise en place d’un contrat unique22 pour les recherches biomédicales à promotion industrielle dans les établissements publics de santé. L’instruction n° DGOS/PF4/2014/195, du 17 juin 2014, relative à la convention unique pour les recherches à finalité commerciale dans les établissements publics de santé23, eut pour objectif de mettre à exécution la mesure 19. La loi n° 2016-41, du 26 janvier 2016, organisa ensuite explicitement cette convention à l’article L. 1121-13-1 du Code de la santé publique. En parallèle, un recensement de l’usage en 2016 de la convention unique fut engagé par l’instruction n° DGOS/PF4/2016/305, du 11 octobre 2016, relative à l’usage de la convention unique pour les recherches à finalité commerciale portant sur la personne dans les établissements de santé24 afin d’accorder, en conséquence des efforts réalisés par les établissements publics de santé pour sa mise en place, des délégations de crédits au titre de la MERRI : « Qualité et performance de la recherche biomédicale à finalité commerciale »25. Un nouveau décret d’application était attendu compte tenu des nouvelles dispositions de la loi de modernisation de notre système de santé du 26 janvier 201626, l’instruction n° DGOS/PF4/2014/195, du 17 juin 2014, étant encore entre-temps appliquée faute d’autre texte paru. Par la suite, l’ordonnance n° 2016-800, du 16 juin 2016, relative aux recherches impliquant la personne humaine27 visa explicitement, à son tour, la convention unique en précisant à l’article L. 1121-16-1 du Code de la santé publique que « IV – Lorsqu’une recherche mentionnée au 1° et 2° de l’article L. 1121-1 à finalité commerciale est réalisée dans des établissements de santé ou des maisons ou des centres de santé, le promoteur prend en charge les frais supplémentaires liés à d’éventuels fournitures ou examens spécifiquement requis par le protocole. La prise en charge des frais supplémentaires fait l’objet d’une convention conclue entre le promoteur, le représentant légal de chacun des organismes mentionnés au premier alinéa du IV et, le cas échéant, le représentant légal des structures destinataires des contreparties versées par le promoteur. La convention, conforme à une convention type définie par arrêté du ministre chargé de la Santé, comprend des conditions de prise en charge de tous les coûts liés à la recherche, qu’ils soient ou non relatifs à la prise en charge du patient. Cette convention est transmise au Conseil national de l’ordre des médecins (…) »28. À la suite de l’ordonnance, furent publiés, le 16 novembre 2016, deux décrets : le premier n° 2016-1538 est relatif à la convention unique pour la mise en œuvre des recherches à finalité commerciale impliquant la personne humaine dans les établissements de santé, les maisons et les centres de santé29. Le second n° 2016-1537 est relatif aux recherches impliquant la personne humaine30. Le nouveau décret, intervenant sur la convention unique et applicable aux nouvelles recherches à finalité commerciale pour lesquelles la proposition de convention a été transmise après la date de publication, pose les règles de conventionnements destinés à la mise en œuvre d’une recherche portant sur la personne humaine à finalité commerciale dans un établissement de santé, une maison ou un centre de santé. Sont envisagés les modalités de remboursement, par le promoteur, des coûts et des surcoûts générés par la recherche et les modalités de leur comptabilisation, ainsi que le versement de contreparties en sus du remboursement des coûts et surcoûts. Il est mentionné que la convention unique est exclusive de tout autre contrat onéreux relatif à la recherche concernée, notamment tout contrat entre l’investigateur et le promoteur. L’arrêté du 16 novembre 2016 vient en complément en fixant le modèle de convention unique prévu à l’article R. 1121-4 du Code de la santé publique31. Il en est de même de l’instruction n° DGOS/PF4/2016/305, du 11 octobre 2016, relative à l’évaluation de l’usage de la convention unique pour les recherches à finalité commerciale portant sur la personne humaine dans les établissements de santé32.

B. La convention unique conclue entre le promoteur et les représentants des établissements de santé, maisons ou centres de santé

Le décret du 16 novembre 2016 prévoit, à l’article R. 1121-4 du Code de la santé publique, que : « Lorsqu’une recherche mentionnée au 1° et au 2° de l’article L. 1121-1 à finalité commerciale est réalisée dans des établissements de santé, ou des maisons ou des centres de santé, elle fait l’objet de la convention prévue au deuxième alinéa du IV de l’article L. 1121-16-1, entre le représentant légal du lieu de la recherche et le représentant légal du promoteur de la recherche. Cette convention est dénommée convention unique. Elle est exclusive de tout autre contrat à titre onéreux conclu pour la recherche à finalité commerciale dont il s’agit dans l’établissement de santé, la maison ou le centre de santé concerné ». Cette disposition insiste sur la seule présence, en tant que parties contractantes, du promoteur et du représentant de l’établissement. La réalisation de la recherche commerciale, pour le compte d’un promoteur privé, relève donc désormais uniquement de l’établissement dans laquelle elle est effectuée et sous le contrôle et la responsabilité du responsable de l’établissement. Les investigateurs exécutent alors la recherche en considération de leur statut d’agents ou de salariés directement rattachés à l’établissement. Il ne leur est plus possible de revendiquer d’une activité distincte à leur activité principale, ce qui leur permettait initialement de pouvoir bénéficier d’une rémunération spécifique en raison de leur investissement au profit de la recherche commerciale, activité parfois critiquée en raison des conflits d’intérêts possibles. La convention unique exclut désormais cette possibilité puisque seuls le responsable de l’établissement et le promoteur sont parties contractantes directes.

C. La convention unique étendue aux établissements associés

Le décret du 16 novembre 2016 précise, aux fins de simplification des procédures de recherche que, « Lorsque la recherche se déroule dans plusieurs lieux, la convention conclue entre le promoteur et le représentant légal des établissements, maisons ou centres de santé, dénommés établissements associés comporte les mêmes stipulations que celles de la convention conclue entre le promoteur et l’établissement coordonnateur, notamment pour l’identification, la facturation et le paiement que le promoteur doit prendre en charge ». En d’autres termes, la première convention conclue entre le promoteur et le responsable de l’établissement dans lequel est effectuée la recherche est ensuite reproduite, en tant que modèle, pour tous les contrats existant entre le promoteur et les établissements associés. Cette procédure, destinée à faciliter les négociations et simplifier les démarches, a été envisagée pour rendre plus réactive et compétitive la recherche sur le territoire national qui était parfois freinée en raison des lourdeurs administratives générées initialement en raison de la multiplication des contrats dans les établissements associés.

D. La prise en charge, par le promoteur, des produits faisant l’objet de la recherche et des frais consécutifs à celle-ci

Le décret mentionne que le promoteur est tenu : « de 1° fournir les produits faisant l’objet de la recherche, ou de les mettre gratuitement à la disposition pendant le temps de la recherche, sauf dans les cas où la loi en dispose autrement ; 2° prendre en charge les frais définis ci-dessous qui sont engagés par l’établissement de santé, maison ou un centre de santé ». Il s’agit : « d’une part, des frais de mise en œuvre du protocole de la recherche non liés à la prise en charge médicale du patient ou du volontaire sain, dénommés « coûts », notamment les tâches d’investigation nécessaires à la recherche et les tâches administratives et logistiques liées à la recherche ; d’autre part les frais supplémentaires, dénommés « surcoûts », qui s’entendent des frais liés à la prise en charge médicale du patient ou du volontaire sain, et requis par la mise en œuvre du protocole. Il s’agit des frais exposés au titre d’actes nécessaires à la mise en œuvre de la recherche qui doivent être pratiqués en plus de ceux qui sont cités dans les recommandations de bonnes pratiques cliniques élaborées ou validées par la haute autorité de santé, lorsqu’elles existent ou à défaut, des actes relevant de la pratique courante pour la prise en charge de l’affection concernée, et qui ne peuvent pas faire l’objet d’une facturation à l’assurance maladie ou au patient ». Ces diverses précisions relatives aux produits et frais à prendre en charge par le promoteur sont importantes puisqu’elles identifient très rigoureusement et explicitement tout ce qui est à la charge exclusive du promoteur, l’objectif étant d’éviter que ces différentes dépenses soient prises en charge par l’établissement de santé qui n’a pas à financer, même de manière indirecte les recherches commerciales. Cette transparence s’avère d’autant plus importantes en cette période de restrictions budgétaires pour bon nombre d’établissements. Elle permet aussi à ceux-ci de bénéficier de financements complémentaires générés par les recherches commerciales envisagées en leur sein. Ces financements, du moins une part, devraient avoir pour vocation d’être investis dans les recherches publiques réalisées par les établissements mais les objectifs et critères de répartition ne sont pas envisagés dans le décret. L’instruction n° DGOS/PF4/2016/305 du 11 octobre 2016 relative à l’évaluation de l’usage de la convention unique pour les recherches à finalité commerciale portant sur la personne humaine dans les établissements de santé expose seulement les modalités de recensement et d’évaluation de l’usage 2016 de la convention unique. Les données obtenues ont ensuite été utilisées pour répartir la dotation MERRI « Qualité et performance de la recherche biomédicale à promotion industrielle » exposée dans la circulaire n° GDOS/R1/2016/407, du 23 décembre 2016, relative à la campagne tarifaire et budgétaire 2016 des établissements de santé » prévoyant une répartition de dotations entre divers établissements. Ces éléments n’apparaissent pas suffisants pour expliciter l’utilisation réelle des sommes perçues par les établissements au titre des conventions uniques. Des clarifications pourraient être apportées sur ce point. Par ailleurs, il ne faudrait pas que les établissements soient trop incités à favoriser les recherches commerciales au détriment de leurs propres recherches, particulièrement les établissements hospitalo-universitaires qui ont la vocation d’engager des recherches au profit des patients dans l’intérêt collectif. Un équilibrage devra être recherché sur cet aspect et nécessitera des dispositions complémentaires et des contrôles.

E. La convention type définie par l’arrêté du 16 novembre 2016 fixant le modèle de convention unique prévu à l’article R. 1121-4 du Code de la santé publique33

Le décret prévoit par ailleurs que « la convention conclue par le promoteur avec l’établissement coordonnateur et les conventions similaires conclues le cas échéant avec les établissements associés sont conformes à une convention type définie par arrêté du ministre chargé de la Santé, qui fixe notamment les modalités de calcul des coûts et surcoûts générées par la recherche ». À cet égard, l’arrêté du 16 novembre 2016 fixe désormais le modèle de convention unique prévu à l’article R. 1121-4 du Code de la santé publique. Il précise au préalable que : « Lorsqu’une recherche à finalité commerciale impliquant la personne humaine se déroule dans un établissement, maison ou centre de santé, le responsable légal du lieu de la recherche conclut avec le promoteur la convention prévue à l’article R. 1121-4 du Code de la santé publique à partir du modèle figurant en annexe du présent arrêté. Lorsque la recherche se déroule en plusieurs lieux, l’établissement, la maison ou le centre de santé coordonnateur de cette recherche conclut avec le promoteur une convention fixant les modalités de calcul des coûts et surcoûts. Les établissements, maisons ou centres de santé associés à la recherche concluent chacun une convention comportant des stipulations identiques à la convention conclue par l’établissement, la maison ou le centre de santé coordonnateur. La définition des contreparties est librement convenue entre le promoteur et chaque établissement, maison ou centre de santé participant à la recherche ». En annexe figurent le modèle de convention coordinateur, le modèle de convention associé et les annexes des conventions34, lesquels sont particulièrement détaillés de par leur contenu et très formalisés. Ils ont vocation à s’imposer désormais pour toutes les recherches commerciales effectuées dans les établissements, maisons ou centres de santé. Ces modèles présentent l’avantage d’homogénéiser et d’uniformiser les conventions pour l’ensemble des expériences réalisées au sein des établissements, ce qui constitue un réel effort de simplification pour la recherche française. Pourtant, il n’est pas certain que cette restriction de la liberté contractuelle en matière de recherche soit appréciée par tous les promoteurs et qu’elle ait un bon accueil des promoteurs étrangers souhaitant réaliser des recherches en France peu familiarisés à ses contraintes.

F. Le versement possible, par le promoteur, de contreparties au titre de la qualité escomptée des données de la recherche à une structure tierce distincte participant à la recherche mais ne relevant pas de l’autorité du représentant légal de l’établissement

En raison des fortes critiques exposées concernant la remise en cause des associations de recherches au sein des établissements et l’exclusion des investigateurs en tant que prestataires individuels des recherches envisagées par les promoteurs privés, le décret apporte des compléments en envisageant la possibilité d’une structure tierce distincte de la convention unique, mais qui pourrait réaliser certaines prestations sujettes à contreparties. Le décret précise ainsi que « des contreparties prévues par la convention unique au titre de la qualité escomptée des données issues de la recherche biomédicale, peuvent être versées par le promoteur. La convention peut prévoir que tout ou partie des contreparties (…) soit directement versé à une structure tierce distincte, participant à la recherche mais ne relevant pas de l’autorité du représentant légal de l’établissement ou de la maison ou du centre où se déroule également la recherche ». La reconnaissance de la structure unique n’intervient pas à titre principal pour la réalisation de la recherche mais seulement pour des contreparties. Ces dernières, non établies précisément, se justifient uniquement au regard de la « qualité escomptée des données issues de la recherche », critère imprécis qui mériterait d’être davantage explicité. En revanche, les conditions tenant à la structure tierce sont mieux exposées. Le décret précise ainsi que : « Des contreparties ne peuvent être accordées que si la structure tierce remplit les conditions suivantes : 1° Elle est désignée par le représentant légal de l’établissement de santé, de la maison ou du centre de santé conformément au droit de la commande publique s’il y a lieu ; 2° Elle dispose d’une gouvernance qui soit propre à la prémunir, ainsi que ses dirigeants, d’un risque de remise en cause de leur responsabilité, notamment au regard du risque de conflit d’intérêts ou de la violation des principes et règles de protection des personnes participant à la recherche ; Elle utilise les fonds reçus du promoteur à des fins de recherche ». Ainsi, si certaines activités justifiant des contreparties par ces structures tierces, distinctes de l’établissement où est réalisée à titre principal la recherche, sont désormais autorisées, elles ne sauraient engager à quelque titre que ce soit la responsabilité de l’établissement ou de son représentant. Seules les structures habilitées sont visées, ce qui exclut l’hypothèse d’un investigateur réalisant des prestations particulières justifiant une rétribution spécifique. Au surplus, les structures sont strictement encadrées quant aux fonds qu’elles reçoivent puisque ceux-ci doivent exclusivement être utilisés à des fins de recherches.

G. La signature de la convention unique par le représentant légal de l’établissement de santé, maison ou centre de santé, le représentant du promoteur et, le cas échéant, le représentant de la personne morale tierce

Le décret prévoit par ailleurs que « Le représentant légal de l’établissement de santé, maison ou centre de santé, ainsi que le représentant du promoteur et, le cas échéant, le représentant de la personne morale tierce susmentionnée signent la convention. L’investigateur responsable de la recherche dans l’établissement de santé, la maison ou le centre de la convention vise la convention, attestant qu’il en a pris connaissance ». La convention unique est ainsi signée, à titre principal, par le représentant légal de l’établissement et le promoteur. Il est aussi prévu que, le cas échéant, le représentant de la structure tierce signe aussi, ce qui est pour le moins surprenant dans la mesure où celle-ci bénéficie de contreparties en raison de la « qualité escomptée des données », ceci suppose a priori une exécution à part, justifiée par ailleurs par le versement de contreparties par le promoteur, d’autant que l’établissement et son représentant écartent toute responsabilité concernant ses interventions. En revanche, le fait que l’investigateur responsable de la recherche dans l’établissement soit uniquement invité à viser la convention unique se justifie davantage dans la mesure où il ne peut pas intervenir en tant que partie contractante avec le promoteur mais seulement en tant qu’exécutant au nom de l’établissement ayant conclu la convention unique avec le promoteur, dont il relève en qualité d’agent ou de salarié.

H. Les délais de conclusion de la convention unique

Toujours dans un souhait de simplification des formalités, le décret prévoit que « La convention unique est conclue au plus tard 45 jours après réception de la proposition du promoteur par l’établissement, la maison ou le centre de santé, et, le cas échéant, la structure tierce. Lorsque la recherche se déroule sur plusieurs lieux, ce délai s’applique à la convention conclue avec l’établissement coordonnateur, et un délai subséquent de quinze jours est applicable pour la conclusion du ou des conventions avec des établissements associés, à compter du jour où ils reçoivent du promoteur les documents nécessaires ». Ces différentes précisions permettent ainsi d’instituer des délais précis de conclusions des conventions uniques afin d’éviter des retards au niveau des propositions, négociations et de leur finalisation, ce qui dans le passé était préjudiciable à la recherche.

I. La transmission de la convention unique par le promoteur au Conseil national de l’ordre des médecins

Le décret prévoit enfin que « La convention unique est ensuite transmise pour information, sans délai, par le promoteur au Conseil national de l’ordre des médecins ». Cette mesure a pour objectif de renseigner l’ordre des médecins des conventions uniques conclues dans les établissements mais ne l’invite en aucun cas à un contrôle.

Force est de constater que ces différentes mesures de simplification restent compliquées à appréhender, ce qui peut constituer un frein à leur mise en place, bien que désormais les établissements, maisons ou centres de santé n’aient d’autre choix que de s’y contraindre. Toutefois, le ministère de la Santé et des Affaires sociales reste vigilant en apportant les précisions nécessaires sur une page internet dédiée à la convention unique35, ce qui témoigne de sa volonté de favoriser au mieux la mise en place des conventions uniques en apportant les éléments nécessaires à titre d’informations et d’explications.

Bénédicte Bévière-Boyer

(À suivre)

IX – Contentieux, concurrence, produits de santé

X – Histoire des produits de santé

XI – Conventions internationales et produits de santé

Notes de bas de pages

  • 1.
    JO, 15 déc. 2016.
  • 2.
    http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/ ?uri=CELEX %3A32014R0536.
  • 3.
    Art. 99 du Règl., « applicable à compter de six mois après la publication de la notice visée à l’article 82, paragraphe 3, mais en aucun cas avant le 28 mai 2016 ».
  • 4.
    JO n° 22, 27 janv. 2016, texte 1 ; https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do ?cidTexte=JORFTEXT000031912641&categorieLien=id.
  • 5.
    JO n° 140, 17 juin 2016, texte 18 ; https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do ;jsessionid=E51D8257A29BB7E280554F100CF3EE75.tpdila11v_3 ?cidTexte=JORFTEXT000032719508&dateTexte=&oldAction=rechJO&categorieLien=id&idJO=JORFCONT000032719307.
  • 6.
    JO n° 140, 17 juin 2016, texte 19 ; https://www.legifrance.gouv.fr/eli/ordonnance/2016/6/16/AFSP1608692R/jo/texte/fr.
  • 7.
    Préc.
  • 8.
    https://www.legifrance.gouv.fr/eli/decret/2016/11/16/AFSP1621392D/jo/texte.
  • 9.
    https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do ?cidTexte=JORFTEXT000033394438&dateTexte=&categorieLien=id.
  • 10.
    Rapport au président de la République.
  • 11.
    Pour des informations sur le CCTIRS : http://www.cil.cnrs.fr/CIL/spip.php?article1437.
  • 12.
    CSP, art. L. 1121-15.
  • 13.
    Il est par ailleurs prévu que « les conditions d’application du présent article, notamment celles auxquelles se conforment, dans leur fonctionnement et dans l’utilisation des fonds reçus, les structures destinataires des contreparties mentionnées au deuxième alinéa du IV sont précisées par décret.
  • 14.
    https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do ?cidTexte=JORFTEXT000033394438&dateTexte=&categorieLien=id.
  • 15.
    Rapport au président de la République.
  • 16.
    Rapport au président de la République.
  • 17.
    Les modifications concernent les articles : CSP, art. L. 1121-1 ; CSP, art. L. 1126-3 ; CSP, art. L. 1126-5 et CSP, art. L. 1126-10.
  • 18.
    JO n° 0140, 17 juin 2016, texte 19 ; https://www.legifrance.gouv.fr/eli/ordonnance/2016/6/16/AFSP1608692R/jo/texte/fr.
  • 19.
    https://www.legifrance.gouv.fr/eli/decret/2016/11/16/AFSP1621392D/jo/texte ; JO n° 0267, 17 nov. 2016, texte 27.
  • 20.
    https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do ?cidTexte=JORFTEXT000025441587&categorieLien=id.
  • 21.
    http://www.fefis.fr/wp-content/uploads/2011/07/Contrat-fili %C3 %A8re-sant %C3 %A9-5juillet2013.pdf.
  • 22.
    Pour le site internet recensant les différents éléments constitutifs de la convention unique : http://social-sante.gouv.fr/systeme-de-sante-et-medico-social/recherche-et-innovation/convention-unique.
  • 23.
    http://social-sante.gouv.fr/IMG/pdf/Contrat_Unique_-_Circulaire_195-2.pdf.
  • 24.
    http://social-sante.gouv.fr/IMG/pdf/instruction_recensement_conventions_uniques_2016.pdf.
  • 25.
    Pour différentes informations concernant les MERRI : http://social-sante.gouv.fr/systeme-de-sante-et-medico-social/recherche-et-innovation/article/les-missions-d-enseignement-de-recherche-de-reference-et-d-innovation-merri.
  • 26.
    JO n° 0022, 27 janv. 2016, texte 1 ; https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000031912641&categorieLien=id.
  • 27.
    JO n° 0140, 17 juin 2016, texte 19 ; https://www.legifrance.gouv.fr/eli/ordonnance/2016/6/16/AFSP1608692R/jo/texte/fr.
  • 28.
    Il est par ailleurs prévu que « les conditions d’application du présent article, notamment celles auxquelles se conforment, dans leur fonctionnement et dans l’utilisation des fonds reçus, les structures destinataires des contreparties mentionnées au deuxième alinéa du IV sont précisées par décret.
  • 29.
    https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000033394438&dateTexte=&categorieLien=id.
  • 30.
    https://www.legifrance.gouv.fr/eli/decret/2016/11/16/AFSP1621392D/jo/texte ; JO n° 0267, 17 nov. 2016, texte 27.
  • 31.
    https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do ?cidTexte=JORFTEXT000033394466&fastPos=1&fastReqId=284536445.
  • 32.
    http://circulaires.legifrance.gouv.fr/pdf/2016/10/cir_41408.pdf.
  • 33.
    https://www.legifrance.gouv.fr/jo_pdf.do ?id=JORFTEXT000033394466.
  • 34.
    Ces modèles sont téléchargeables à partir du site : http://social-sante.gouv.fr/systeme-de-sante-et-medico-social/recherche-et-innovation/convention-unique.
  • 35.
    http://social-sante.gouv.fr/systeme-de-sante-et-medico-social/recherche-et-innovation/convention-unique.
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