Important soutien aux femmes enceintes traumatisées par une fausse couche et la perte de l’enfant à venir

Publié le 02/11/2023
Important soutien aux femmes enceintes traumatisées par une fausse couche et la perte de l’enfant à venir
Meeko Media/AdobeStock

La proposition de loi n° 747 visant à favoriser l’accompagnement psychologique des femmes victimes de fausse couche déposée le 17 janvier 2023, puis renvoyée à la commission des affaires sociale a mis l’accent sur les souffrances psychologiques liées à cette perte d’enfant à naître. Elle a abouti à la publication de la loi n° 2023-567 du 7 juillet 2023. D’importantes évolutions sont à signaler en lien avec l’association entre les professionnels médicaux et les psychologues hospitaliers ou libéraux. Cela permet de soutenir les femmes ainsi que leur partenaire, les intéressées devant être informées de ces nouveautés lors de leur contact avec le personnel médical. Par ailleurs, une indemnité journalière et un congé maladie viendront en aide à ces victimes, leur contrat de travail ne pouvant pas non plus être rompu, sauf exception.

L. n° 2023-567, 7 juill. 2023, visant à favoriser l’accompagnement psychologique des femmes victimes de fausse couche, NOR : SPRX2306488L

Grâce à cette nouvelle réforme, le législateur entend favoriser l’accompagnement des couples confrontés à une interruption spontanée de grossesse dite fausse couche.

Même s’il est vrai qu’une femme peut décider de programmer une interruption volontaire de grossesse (IVG)1 ou choisir de faire un accouchement sous le secret (C. civ., art. 326)2 depuis la loi n° 93-22 du 8 janvier 19933, si bien qu’elle ne devient pas mère juridiquement, la plupart des femmes enceintes attendent de devenir mère et leur compagnon ou mari, père. S’il est assurément question d’un drame que vivent les familles en cas de décès périnatal lorsque leur enfant est mort-né ou décède immédiatement après sa naissance, faire une fausse couche est tout aussi traumatisant pour les femmes qui perdent leur bébé.

Il ne s’agit pas de fausse couche lorsque le seuil de 22 semaines d’aménorrhée est dépassé car il s’agit alors d’une mort fœtale in utero, laquelle n’est pas entrée dans le champ de la proposition de loi.

Il est question de fausse couche lorsqu’une grossesse s’interrompt d’elle-même, sans que la femme enceinte ait cherché à le faire. Cela peut conduire à des douleurs abdominales, des saignements ou des infections, mais bien sûr aussi à des souffrances psychologiques. Cette fin de grossesse peut être due à des problèmes de santé de la future mère, dérèglements hormonaux ou malformation utérine et à un traumatisme physique, sans oublier des anomalies génétiques de l’embryon.

La femme perd alors l’enfant à naître quand il s’agit d’une interruption spontanée de grossesse avant la 22e semaine d’aménorrhée. Lorsque ces troubles surviennent au-delà de cette date, il est parfois possible de récupérer le fœtus et de le faire survivre, si bien qu’il est alors question d’un accouchement prématuré et non pas d’une fausse couche.

Le vécu des femmes n’est pourtant pas beaucoup pris en compte et elles sont très peu soutenues, alors qu’elles vivent souvent un traumatisme, surtout quand il s’agit de fausses couches à répétition et que l’intéressée ne parvient pas à devenir mère.

Le soutien psychologique à mettre en place pour les femmes enceintes confrontées à ce drame était au cœur de la proposition de loi visant à favoriser l’accompagnement des couples confrontés à une interruption spontanée de grossesse dite fausse couche. Les rédacteurs de la proposition de loi avaient mesuré l’impact psychologique de cette fin de grossesse, qui est la plupart du temps vécue difficilement sur le plan émotionnel, sur la femme enceinte mais aussi les membres de sa famille.

Il ressort de la proposition de loi et des travaux législatifs menés par les députés et les sénateurs qu’une telle interruption spontanée de grossesse est un phénomène fréquent qui entraîne de lourdes répercussions psychologiques. Il est effectivement noté dans l’exposé des motifs de la proposition de loi que chaque année 200 000 femmes subissent des fausses couches en France.

Comme tant de femmes sont concernées, il est rassurant que de nouvelles mesures soient prises pour les aider psychologiquement ainsi que leurs conjoints, les deux pouvant être touchés par la dépression (I). Pour mieux les soutenir et leur offrir une meilleure prise en charge, le législateur a aussi mis en place des mesures pour que les soins soient remboursés et que les activités professionnelles puissent continuer (II).

I – Nécessité de renforcer l’accompagnement médical et psychologique des familles victimes de fausses couches

Malheureusement beaucoup de grossesses se soldent par une fausse couche, empêchant la femme enceinte de pouvoir devenir mère. Ce drame peut entraîner des répercussions psychologiques dévastatrices pour la femme qui se projetait déjà dans sa future maternité. D’après les travaux mentionnés dans le rapport rendu le 12 avril 2023, 15 % des grossesses qui sont signalées dans le monde aboutissent à une interruption spontanée avant la 22e semaine d’aménorrhée et plus d’une femme sur dix y est confrontée4.

Avoir vécu un tel drame est difficile à supporter, d’autant plus que des femmes sont parfois confrontées à cette fin de grossesse inattendue à de multiples reprises et peuvent se sentir coupables envers leur conjoint que leur corps n’ait pas tenu le coup. Leurs séquelles psychologiques sont lourdes et il faut se féliciter de l’entrée en vigueur d’une réforme qui impose aux professionnels de santé de se mettre en lien avec des psychologues. Il est relevé à présent que les sages-femmes, et plus seulement les médecins (L. n° 2023-567, 7 juill. 2023, art. 4), doivent aussi adresser leur patiente à un psychologue agréé par l’assurance-maladie.

Cette aide à venir doit aussi être annoncée aux femmes enceintes, l’information des patientes faisant partie des points importants de la réforme5.

Le soutien psychologique à mettre en place ne concerne pas seulement les femmes qui souffrent d’anxiété et de dépression. En effet, leur conjoint subit aussi cette perte. Pour le futur père cela peut être plus délicat car, voulant soutenir sa compagne, il peut ne pas se sentir légitime à faire connaître ses propres souffrances.

En vue d’aider à la fois les femmes et les hommes, la loi entend développer la formation des professionnels médicaux sur les conséquences psychologiques des interruptions spontanées de grossesse. Par ailleurs, pour que les médecins, sans oublier les sages-femmes (L. n° 2023-567, 7 juill. 2023, art. 4) et les psychologues s’associent dans le soutien à accorder aux femmes ayant perdu un enfant à naître (L. n° 2023-567, 7 juill. 2023, art. 1)6, la loi a mis en place un parcours fausse couche qui devra être installé par chaque agence régionale de santé (ARS) à compter du 1er septembre 20247. Ce parcours de soins spécifiques comprendra un entretien médical adapté, ainsi que la possibilité de séjourner dans un établissement de santé pendant la durée des problèmes liés à la fausse couche et la mise en place d’un examen obligatoire.

Il faut également relever qu’il est davantage question d’interruption spontanée de grossesse que de fausse couche dans le texte car cette seconde expression est plus stigmatisante.

II – Nécessité de mieux ajuster la prise en charge des femmes victimes de fausses couches

Au fil des travaux lancés à propos de la proposition de loi relative à l’interruption spontanée de grossesse, les parlementaires ont mesuré l’importance, non seulement de tenir compte de l’impact émotionnel des drames vécus, mais aussi d’améliorer la prise en charge de la femme confrontée à la fin de sa grossesse.

Pour que la prise en charge soit juste et efficace, la loi a, d’une part, supprimé le délai de carence pour les arrêts maladies (L. n° 2023-567, 7 juill. 2023, art. 2)8 mis en place jusque-là, dans l’objectif de prendre en compte les troubles liés à l’interruption spontanée de grossesse. Dès lors, les femmes concernées bénéficient d’un remboursement intégral de leurs frais de santé et parallèlement le nécessaire a été fait pour que leurs arrêts de travail soient indemnisés durant cette période9. Il est assurément important que le suivi médical des victimes soit mieux assuré.

D’autre part, elle a apporté des modifications en droit du travail (L. n° 2023-567, 7 juill. 2023, art. 3). En effet, les sénateurs ont suggéré des modifications du Code du travail et ont été entendus. Les femmes concernées par une fausse couche dite « tardive » (entre la 14e et la 21e semaine d’aménorrhée incluses) bénéficient désormais, conformément à l’article L. 1225-4-3 du Code du travail, d’une protection de dix semaines contre le licenciement. Moins de 1 % des grossesses sont concernées). Avant la réforme, n’étaient concernées que les femmes dont la grossesse s’arrêtait à 22 semaines d’aménorrhée ; celles-ci ne peuvent être licenciées pendant 26 semaines, sauf exception. Il est vrai aussi que la suppression du délai de carence pour les arrêts de travail prescrits à la suite d’une fausse couche avant la 22e semaine d’aménorrhée permet d’envisager de la même manière tous les arrêts de travail pour maladie et par conséquent de préserver pour l’employée la confidentialité de cette fausse couche.

Grâce aux compléments apportés au cours des débats parlementaires, les victimes de fausse couche vont désormais pouvoir bénéficier d’indemnités journalières versées par la sécurité sociale (L. n° 2023-567, 7 juill. 2023, art. 2 et 5) durant leur arrêt maladie qui sera mis en place en raison de leurs problèmes physiques ou psychiques. Il est noté que sont visées à la fois les assurées du secteur privé, les agentes de la fonction publique, les professions indépendantes et les non-salariées agricoles.

Tout est fait pour favoriser l’accompagnement psychologique des femmes victimes de fausse couche mais aussi l’accompagnement des couples et cette réforme est à saluer.

Jusqu’à présent la détresse psychologique dans laquelle elles étaient plongées, de même que celle de leur partenaire, n’était pas bien prise en charge. En revanche, le fait d’avoir perdu un enfant à naître avait déjà été pris en charge par le législateur dans l’objectif de soutenir les familles, notamment en leur accordant depuis la loi n° 92-22 du 8 janvier 1993 le droit de demander la rédaction d’un acte d’enfant sans vie (C. civ., art. 79-1), acte qui peut désormais, depuis la réforme de 2021, contenir à la fois un prénom et un nom de famille, de même que le livret de famille10.

Si les familles souffrent du deuil périnatal qui les perturbe lorsqu’un enfant décède aussitôt être né ou quand la femme accouche d’un enfant mort-né, il ne faut pas oublier les dramatiques répercussions des perturbations de sa gestation, liées à cette interruption spontanée de grossesse qui est enfin mieux prise en charge par les psychologues grâce à cette réforme.

Il est vrai que les souffrances dépendent des liens affectifs qui s’étaient formés11 et ils sont théoriquement moins denses en cas de fausse couche car le stade de la grossesse est moins avancé. Néanmoins si vous connaissez des femmes enceintes, de même que des victimes de cette perte du fœtus, notez que beaucoup vivent des traumatismes en raison de cette perte et qu’il est important de leur faire connaître les changements en ce domaine. Il ne faut plus que cette fin de grossesse soit ressentie comme un tabou et qu’elle soit banalisée par les équipes médicales.

Notes de bas de pages

  • 1.
    CSP, art. L. 2211-1 à CSP, art. L. 2223-2 mod. par L. n° 2022-295, 2 mars 2022 : JO, 3 mars 2022.
  • 2.
    V. aussi CASF, art. L. 222-6.
  • 3.
    L. n° 93-22, 8 janv. 1993, modifiant le Code civil relatif à l'état civil, à la famille et aux droits de l'enfant et instituant le juge aux affaires familiales : JO, 9 janv. 1993.
  • 4.
    Rapp. n° 519 (2022-2023), enregistré à la présidence du Sénat, 12 avr. 2023.
  • 5.
    En complément de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades qui a reconnu à toute personne le droit d’être informée sur son état de santé : JO, 5 mars 2002.
  • 6.
    CSP, art. L. 2122-6.
  • 7.
    Cela permettra aux ARS de recenser entre-temps les dispositifs et les bonnes pratiques déjà disponibles dans leur région.
  • 8.
    Le délai de carence prévoit la non-indemnisation d'une certaine période au début du congé maladie (CSS, art. L. 323-1).
  • 9.
    La suppression de ce délai de carence va s’appliquer aux arrêts de travail qui seront prescrits à partir d’une date qui sera prévue dans un décret à venir, annoncé avant le 1er janvier 2024.
  • 10.
    L. n° 2021-1576, 6 déc. 2021, visant à nommer les enfants sans vie : JO, 7 déc. 2021 ; I. Corpart, « Focus sur les enfants sans vie, sans filiation, sans nom mais avec prénom, proposition de loi n° 189 enregistrée à la présidence du Sénat le 7 décembre 2020 et Proposition de loi n° 562, enregistrée à la présidence du Sénat, 6 mai 2021 » : RJPF 2021/7, n° 8 ; « Insertion des enfants nés sans vie dans l’histoire familiale grâce à la transmission d’un nom de famille », Lexbase Hebdo, 16 déc. 2021, n° 888, éd. Privée – L. n° 2021-1576, 6 déc. 2021, complétée par circ. n° JUSC2220409C, 12 juill. 2022 : I. Corpart, « Présentation de la circulaire visant les enfants sans vie, sans filiation, mais porteurs d’un nom les unissant à leur famille », RJPF 2022/10/3.
  • 11.
    C. Haussaire-Niquet, Le deuil périnatal : le vivre et l'accompagner, 2004, Le Souffle d’or.
Plan
X