Ostéopathe, déontologie, nullité

Publié le 10/05/2019

Un contrat contraire au Code de déontologie souscrit par un ostéopathe est nul.

Cass. 1re civ., 6 févr. 2019, no 17-20463, PB

Comparée à d’autres professions médicales1, dont la responsabilité est de plus en plus souvent engagée2, ou paramédicales, elles aussi touchées par le droit3, la profession d’ostéopathe a assez peu souvent les honneurs des publications ou des banques de données juridiques. À titre d’exemple, sur Légifrance, sur la période 1987-2019, on ne trouve que 66 décisions les concernant ou ayant un lien avec des ostéopathes, celui-ci n’étant souvent qu’indirect, comme dans la présente décision qui statue autant sur un problème de droit de la consommation que sur un problème relevant directement de l’activité d’ostéopathe et de sa déontologie. Celle-ci est l’élément fondamental de la décision qui a permis d’écarter l’application des règles relatives au droit de la consommation sur les clauses d’un contrat contraires aux obligations déontologique de l’ostéopathe souscripteur de ce contrat.

Faits

Sur le lieu d’exercice de son activité professionnelle, Mme X, ostéopathe, a chargé la société Mémo.com de publier un encart afin d’informer le public de son activité. Le paiement des diverses sommes correspondant à l’exécution de ce contrat n’a pas eu lieu.

Procédure

La société a assigné Mme X en paiement des diverses sommes qu’elle estimait dues au titre de l’exécution de ce contrat.

La juridiction de proximité de Libourne a rejeté sa demande. La société a formé un pourvoi à l’appui duquel elle invoquait que sa cliente était ostéopathe, donc professionnelle. Or la société prestataire n’a pas à informer le client des règles professionnelles et déontologiques qu’il se doit de connaître et d’observer. La société invoquait aussi le fait que si le prestataire a l’obligation d’informer le client de l’absence de droit de rétractation, c’est seulement dans le cas où les relations entre le prestataire et le client entrent dans le champ des règles prévoyant en principe un droit à rétractation ; qu’à partir du moment où le client, non-consommateur, contracte pour les besoins de son activité professionnelle, il échappe au champ des règles instituant le droit de rétractation ; que donc, contractant pour les besoins de sa profession, Mme X ne pouvait par principe revendiquer un droit à rétractation, ce qui fait qu’aucune information n’était due par la société sur ce point.

Problème de droit

La Cour de cassation, sans statuer sur le point relatif au droit de rétractation, par un motif de pur droit substitué4 relève qu’un contrat doit être licite, à peine de nullité, et qu’il résulte du Code de déontologie des professionnels de l’ostéopathie que sont interdits tous procédés directs ou indirects de publicité5 et que le contrat litigieux tendant à l’insertion d’encarts publicitaires dans un répertoire familial pratique d’urgence est nul en raison du caractère illicite de son objet, et qu’en conséquence, le jugement critiqué se trouve légalement justifié.

La question de droit de droit qui se posait, qui n’a pas été tranchée, était donc celle des limites de l’obligation du professionnel relativement au droit de rétractation (I). Une autre, qui a été tranchée, était celle des conséquences du non-respect par un professionnel de ses obligations déontologiques (II), à savoir la nullité du contrat en contradiction avec celles-ci.

I – L’obligation d’information relative au droit de rétractation

Le consommateur est protégé par un droit d’information (A) et l’obligation du professionnel de l’informer (B).

A – Droit de rétractation

Dans un souci de protéger le consommateur, celui-ci bénéficie, lorsqu’il souscrit certains contrats dans certaines conditions, d’un droit de rétractation et celui qui souhaite faire souscrire le contrat a à sa charge un devoir d’information du consommateur. Cependant, les règles du Code de la consommation ne jouent pas lorsqu’il s’agit de professionnels. Ces règles sont néanmoins applicables aux relations entre consommateurs et professionnels et sont étendues aux contrats conclus hors établissement entre deux professionnels dès lors que l’objet de ces contrats n’entre pas dans le champ de l’activité principale du professionnel sollicité et que le nombre de salariés employés par celui-ci est inférieur ou égal à cinq6, mais cela ne pouvait pas jouer dans la présente espèce, le contrat entrant dans les champs d’activité de la personne concernée dont la qualité de professionnel n’était pas discutée.

B – Information par le professionnel

Il est de principe que préalablement à la conclusion d’un contrat de vente ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, entre autres informations, de manière lisible et compréhensible, les suivantes : lorsque le droit de rétractation existe, les conditions, le délai et les modalités d’exercice de ce droit ainsi que le formulaire-type de rétractation7. Ce droit est en principe réservé aux consommateurs et ne peut s’appliquer aux professionnels que dans des conditions restrictives, c’est-à-dire seulement pour des contrats n’ayant pas de rapport avec leur activité professionnelle habituelle, ce qui ne pouvait pas jouer en l’espèce, le contrat ayant un lien direct avec l’activité habituelle de l’intéressée puisqu’il s’agissait de donner des informations sur son activité. Or une telle information peut s’apparenter à de la publicité, qui n’est pas autorisée pour ce type d’activité et ce n’est pas sans conséquences sur le contrat conclu.

II – Information ou publicité ?

Le contrat portait sur l’insertion d’encarts publicitaires destinés à informer les lecteurs d’un ouvrage sur l’activité de l’intéressée. Comme d’autres professionnels de santé, les ostéopathes ont obtenu leur reconnaissance (A) mais avec des contreparties dont l’obligation de se conformer à un Code de déontologie (B) qui prévoit à leurs charges diverses obligations (1) dont certaines ont des conséquences en termes de contrats conclus, ce qui a permis l’annulation de celui objet du présent litige en raison de la nullité de son objet (2).

A – Reconnaissance

L’ostéopathie est pratiquée soit par :

  • des médecins, pour la plupart rhumatologues ayant suivi un enseignement post-universitaire dans certaines facultés de médecine ;

  • des kinésithérapeutes qui ont suivi des stages d’ostéopathie dans des instituts privés ;

  • des professions médicales (médecins, sages-femmes8, ou paramédicales qui ont suivi une formation d’ostéopathe en plus de leur diplôme universitaire).

La loi reconnaît la profession d’ostéopathe9 et réglemente le titre et les conditions d’exercice de la profession10.

B – Conséquences

La reconnaissance de la profession d’ostéopathe s’est faite avec des contreparties notamment l’existence d’un Code de déontologie11 (1) qui amène des obligations en termes de contrats relatifs à la profession qui, comme dans la présente espèce, sont nuls d’une nullité d’ordre public (2) si les obligations prévues par le Code de déontologie ne sont pas respectées.

1 – L’existence d’un Code de déontologie

La profession exclut qu’elle puisse se faire sous forme commerciale. En effet, le Code de déontologie12 prévoit que l’exercice de l’ostéopathie se doit d’être une pratique de soins et non une pratique à visée commerciale. Ce qui n’exclut pas des activités destinées à l’information du public.

Dans cette optique d’exclusion d’un aspect commercial de la profession mais pour permettre néanmoins l’information du public sur l’existence de l’ostéopathe, il est prévu que les mentions figurant sur les plaques, papiers à lettres, feuilles d’avis, notes d’honoraires, dans les annuaires, les outils internet et autres soient appropriées dans leur forme et leur contenu. Elles ont un objet informatif et ne doivent pas notamment refléter un caractère publicitaire et commercial13.

2 – La nullité du contrat

La société qui demandait le paiement de sa prestation invoquait que, dès lors que le client appartient à une profession réglementée et est soumis à un code déontologique, ce qui est, comme pour d’autres professions de santé14, le cas d’un ostéopathe, il se doit de le connaître et que dans ces conditions le prestataire n’avait pas à informer le client des règles professionnelles et déontologiques qu’il se doit d’observer.

La société souhaite aussi faire valoir que, si le prestataire a l’obligation d’informer le client de l’absence de droit de rétractation, c’est seulement dans le cas où les relations entre le prestataire et le client entrent dans le champ des règles prévoyant en principe un droit à rétractation, qui s’applique dans les relations entre professionnel et consommateur, ce qui pour elle n’était pas le cas en l’espèce puisque la prestation portait sur l’insertion d’encarts publicitaires dans un répertoire familial pratique d’urgence relatif à l’activité professionnelle de l’ostéopathe, qu’il s’agit donc d’un contrat entre professionnels et qu’à partir du moment où le client, non consommateur, contracte pour les besoins de son activité professionnelle, il échappe au champ des règles instituant le droit de rétractation et qu’alors son cocontractant n’est soumis à aucune obligation d’information sur ce point par la société.

La Cour de cassation n’est pas entrée dans ce débat et en soulevant ce moyen d’office, a préféré juger de la nullité du contrat. Elle a estimé que le contrat litigieux tend à l’insertion d’encarts publicitaires dans un répertoire familial pratique d’urgence ; qu’un tel contrat est nul en raison du caractère illicite de son objet en raison de sa contrariété avec les dispositions de déontologie des professionnels de l’ostéopathie qui interdit tous procédés directs ou indirects de publicité. Ce qui avait déjà été jugé pour une autre profession médicale, exerçant dans le domaine de la médecine esthétique capillaire dans un souci d’interdiction de recourir à des procédés de publicité dans la pratique de l’art médical15. Pour les médecins, leur Code de déontologie prévoit que leur sont interdits tous procédés directs ou indirects de publicité16. Le non-respect de cette obligation étant sanctionné, par exemple, pour du démarchage de clientèle17. Il avait été jugé que la violation des règles déontologiques n’entraîne que des sanctions disciplinaires n’affectant pas de nullité des contrats conclus en infraction à leurs dispositions18. La présente décision est en sens inverse mais cela paraît plus logique à l’égard des principes du droit des contrats19.

L’encadrement de la publicité qui existe dans l’exercice de la médecine ne prohibe pas la simple information comme cela a été jugé pour une lettre d’information adressée par un médecin à ses confrères qui ne pouvait être regardée comme un procédé de publicité prohibée20, mais les encarts publicitaires de nature marchande le sont, la nuance, entre information et publicité, risque parfois d’être difficile à mettre en œuvre.

Notes de bas de pages

  • 1.
    Binet J.-R., Droit médical, 2010, LGDJ, Cours.
  • 2.
    Rogier A., « Responsabilité médicale », 2005, Eska ; Vialla F., Reynier M. et Martinent É., Les grandes décisions du droit médical, 2e éd., 2014, LGDJ-Lextenso ; Penneau J., La responsabilité du médecin, 3e éd., 2004, Dalloz, p. 63 et s.
  • 3.
    D. n° 2007-974, 15 mai 2007, créant le haut conseil des professions paramédicales (HCPP) : JO, 16 mai 2007.
  • 4.
    CPC, art. 1015.
  • 5.
    C. déont. professionnels de l’ostéopathie, art. 21.
  • 6.
    Ord. n° 2016-301, 14 mars 2016, art. L. 221-3.
  • 7.
    C. consom., art. L. 221-5, 2°, créé par Ord. n° 2016-301, 14 mars 2016.
  • 8.
    « Ostéopathie et obstétrique », in Blanchot-Isola C. (dir.), Dossiers de l’obstétrique, oct. 2002.
  • 9.
    L. n° 2002-303, 4 mars 2002, art. 75.
  • 10.
    D. n° 2008-1441, 22 déc. 2008, relatif à l’usage du titre d’ostéopathe et à l’exercice de cette activité modifiant D. n° 2007-435, 25 mars 2007 : JO, 30 déc. 2008 – D. n° 2012-584, 26 avr. 2012 : JO, 28 avr. 2012.
  • 11.
    CSP, art. R. 4321-51 et s.
  • 12.
    C. déont. professionnels de l’ostéopathie, art. 14.
  • 13.
    C. déont. professionnels de l’ostéopathie, art. 21.
  • 14.
    Mouralis J.-L., « Déontologie des professions de santé », in Naudet J.-Y. (dir.), Droit et déontologies professionnelles, 1997, Librairie de l’université d’Aix-en-Provence, coll. Éthique et déontologie, p. 301 et s.
  • 15.
    Pétral-Landry B., « Interdiction de recourir aux procédés de publicité dans la pratique de l’art médical », obs. sous Cass. 1re civ., 5 juill. 2006, n° 04-11564, Clinique de médecine esthétique capillaire c/ Synd. nat. des médecins esthétiques : LPA 29 mars 2007, p. 7.
  • 16.
    C. déont. professionnels de l’ostéopathie, art. 19, al. 2. ; CSP, art. R. 4127-19.
  • 17.
    CE, 26 juin 1986, n° 72944, Nonohou, D.
  • 18.
    Cass. 1re civ., 5 nov. 1991, n° 89-15179 : Bull. civ. I, n° 297, p. 195 ; D. 1991, IR, p. 292 ; JCP N 1993, n° 2, p. 17, note Viandier A. – Cass. 1re civ., 13 oct. 1998, n° 96-21485 : D. 1999, p. 197, obs. Jamin Ch. ; JCP G 1999, II 10133, note Rzepecki N. ; D. 1999, Somm., p. 115, obs. Delebecque P.
  • 19.
    Carbonnier J., Droit civil - Contrats, Quadrige.
  • 20.
    CE, ss-sect. 4 et 1 réunies, 6 mai 1988, n° 88724, P.