Qualification juridique du contrat de séjour
Le contrat de séjour en établissement, au sens de l’article L. 311-4 du Code de l’action sociale et des familles, est exclusif de la qualification de contrat de louage de chose.
Cass. 3e civ., 3 déc. 2020, no 20-20122
La recherche de la qualification d’une convention est fondamentale dans la mesure où elle permettra de déterminer le régime juridique qui lui est applicable. Elle consiste à classer un contrat déterminé dans une catégorie. Cela impose de recourir à plusieurs opérations. Comme l’écrit Amandine Cayol, la qualification « requiert (…) dans un premier temps, d’identifier les éléments caractéristiques d’une catégorie contractuelle donnée pour, dans un second temps, vérifier qu’ils peuvent être retrouvés dans le contrat dont la qualification est recherchée »1. C’est à cette question de qualification qu’a trait un arrêt rendu par la troisième chambre civile de la Cour de cassation en date du 3 décembre 20202. En l’espèce, un contrat de séjour a été conclu entre une personne physique et un établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD). À la suite d’un incendie d’origine inconnue survenu dans la chambre occupée par la personne hébergée contractante, les assureurs de l’EHPAD assignent l’assurance de cette dernière en indemnisation des préjudices engendrés par le sinistre sur le fondement de l’article 1733 du Code civil. Ce texte, qui concerne le louage de chose, fait peser une présomption de responsabilité sur le locataire en cas d’incendie de son logement. En effet, celui-ci ne peut s’exonérer de sa responsabilité qu’en apportant la preuve que l’incendie résulte d’un cas de force majeure ou d’un vice de construction ou, encore, que le feu a été communiqué par un appartement voisin. Cette disposition, propre au louage de chose, est-elle applicable au contrat de séjour notamment dans un EPHAD ? C’est par la négative que la troisième chambre civile répond à cette interrogation. De fait, cette formation précise, pour censurer la décision des juges du fond qui avaient appliqué l’article 1733 susmentionné, que « le contrat de séjour au sens de l’article L. 311-4 du Code de l’action sociale et des familles est exclusif de la qualification de contrat de louage de chose »3. Cette position est tout à fait fondée pour deux raisons. La première tient au fait que, même si la jurisprudence l’a parfois admis, la qualification distributive d’une convention aboutit à un découpage de celle-ci, or, s’agissant du contrat de séjour, ce découpage n’est pas réaliste. Comme le relèvent les professeurs François Collart Dutilleul et Jean Deruppé : « Toute autre solution [que celle retenue par l’arrêt commenté] conduirait à un dépeçage de la relation contractuelle en autant de contrats qu’il y a de prestations distinctes, ce qui ne correspondrait pas à la réalité ni à la volonté des parties »4. La deuxième raison, qui justifie la solution retenue par la décision sous analyse, est qu’admettre la position contraire constituerait une négation de la spécificité du contrat de séjour dans un établissement adapté. Ce dernier constitue un contrat d’aide sociale sui generis et non une convention de droit civil. En effet, comme en dispose expressément l’article L. 311-4 du Code de l’action sociale et des familles : « Le contrat de séjour (…) définit les objectifs et la nature de la prise en charge ou de l’accompagnement [de la personne accueillie] dans le respect des principes déontologiques et éthiques, des bonnes pratiques professionnelles et du projet d’établissement ou du service ». Le rejet de la qualification de louage de chose du contrat de séjour, qui résulte également d’un autre arrêt rendu par la troisième chambre civile le même jour que la décision commentée5, n’est pas une solution nouvelle. En effet, elle a été retenue par un arrêt rendu par la même formation où il s’agissait du fils de la personne hébergée dans une maison de retraite qui réclamait, après le décès de celle-ci, le remboursement d’une partie du prix de location de la chambre car celle-ci n’était pas individuelle6. Dans ces conditions, on peut se demander quel régime de responsabilité doit s’appliquer en la matière puisque le Code de l’action sociale et des familles ne le précise pas. En principe, le contrat de séjour étant une convention, ce devrait être le droit commun de la responsabilité contractuelle qu’il y aurait lieu d’appliquer. Cela ne semble pas être la position de la Cour de cassation. En effet, dans une décision de sa deuxième chambre civile du 23 mai 20197, elle opte pour le régime juridique de la responsabilité extracontractuelle des articles 1240 et suivants du Code civil.
Notes de bas de pages
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1.
A. Cayol, obs. sous Cass. 3e civ., 3 déc. 2020, n° 20-10122 : Dalloz actualité, 6 janv. 2021.
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2.
Cass. 3e civ., 3 déc. 2020, n° 20-10122 : Dalloz actualité, 6 janv. 2021, obs. A. Cayol ; JCP G 2021, 147, note J.-S. Borghetti.
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3.
V. J. M. Lhuillier in RDSS 1998, p. 877, qui estime que, tant qu'à considérer le contrat de séjour comme un louage, ce serait plutôt un louage d'ouvrage.
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4.
RDI 1998, p. 694.
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5.
Cass. 3e civ., 3 déc. 2020, n° 19-19670.
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6.
Cass. 3e civ., 1er juill. 1998, n° 96-17515 : D. 1998, p. 207, obs. F. Collart-Dutilleul et J. Deruppé ; RDSS 1998, p. 877, obs. J. M. Lhuillier ; Contrats, conc. consom. 1998, 140, obs. Leveneur ; JCP E 1999, 215, obs. Vialla.
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7.
Cass. 2e civ., 23 mai 2019, n° 18-17369.