Accompagner les CSE au sein de la Seine-Saint-Denis : le rôle du professionnel du chiffre
Les missions des experts-comptables auprès du Comité social et économique sont étendues et diversifiées. Le point avec Jéremy Krief, expert-comptable, associé du cabinet SOFRAGECO, groupe Walter France, installé à Montreuil (93).
Actu-juridique : Votre cabinet installé dans le département de Seine-Saint-Denis s’est spécialisé dans l’assistance au Comité social et économique (CSE) ?
Jérémy Krief : Oui, nous sommes en activité depuis 1998 et avons développé une activité dédiée aux CSE dans notre cabinet d’expertise comptable.
AJ : Les CSE se sont généralisés depuis le 1er janvier 2020…
J.K. : Cette nouvelle instance a été créée dans le cadre de l’ordonnance du 22 septembre 2017 relative à la nouvelle organisation du dialogue social et économique dans l’entreprise (Ord. n° 2017-1386, 22 sept. 2017). Elle vient remplacer trois instances représentatives du personnel : les délégués du personnel, le comité d’entreprise et le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail. La transformation de ces instances a commencé à compter du 1er janvier 2018. Et les CSE sont tous en place depuis le 1er janvier 2020. Nous accompagnions une large clientèle de comités d’entreprises et nous avons continué nos missions à leurs côtés lorsqu’ils se sont progressivement changés en CSE.
AJ : Depuis plusieurs années, le département de Seine-Saint-Denis constitue un territoire d’implantation attractif pour les entreprises. Ce phénomène a-t-il un impact particulier sur votre activité ?
J.K. : Oui le territoire connaît un essor économique manifeste avec une concentration vers les fonctions tertiaires supérieures dans les pôles économiques du département : La Plaine-Saint Ouen, Bobigny, Roissy et Montreuil-Bagnolet où nous sommes installées. Dès les années quatre-vingt-dix, les sociétés du CAC 40 ont commencé à s’implanter dans le département où les prix du foncier étaient très attractifs. Les directions de grands groupes y sont installés dorénavant. Le département est également très dynamique en termes de création d’entreprises. C’est un territoire jeune où les incubateurs et accélérateurs soutiennent tout un écosystème de start-up. Dans un pôle économique comme celui de Montreuil-Bagnolet, on trouve également un tissu très dense de TPE et de PME. Avec le Grand Paris Express, le département est au cœur de grands chantiers qui vont accélérer encore la transformation du territoire.
AJ : Vous avez donc beaucoup de clients dans le département de Seine-Saint-Denis ? Dans quel cadre l’expert-comptable exerce-t-il ses missions auprès du CSE ?
J.K. : Effectivement, du fait de son tissu économique, le département compte de nombreuses entreprises dénombrant au moins 50 salariés. Dans ces entreprises, le législateur a prévu que le CSE puisse se faire assister par un expert-comptable dans trois consultations récurrentes prévues par le Code du travail. Il s’agit de consultations sur les orientations stratégiques de l’entreprise, sur la situation économique et financière de l’entreprise ou sur la politique sociale de l’entreprise, les conditions de travail et l’emploi. La mission de l’expert-comptable porte sur tous les éléments d’ordre économique, financier, social ou environnemental, nécessaires à la réalisation de ces consultations. Un accord d’entreprise, ou à défaut un accord conclu entre l’employeur et le CSE, adopté à la majorité des membres titulaires élus de la délégation du personnel, détermine le nombre d’expertises dans le cadre des consultations récurrentes sur une ou plusieurs années.
AJ : Existe-il d’autres hypothèses où le CSE peut recourir aux services d’un expert-comptable ?
J.K. : Oui. L’expert-comptable peut être consulté dans le cadre d’une opération de concentration, lorsque le CSE fait usage de son droit d’alerte économique, dans le cadre d’un projet de licenciements collectifs pour motif économique concernant au moins dix salariés dans une même période de trente jours dans une entreprise d’au moins 50 salariés ou encore dans le cadre d’une offre publique d’acquisition. Le CSE peut également mandater un expert-comptable afin qu’il apporte toute analyse utile aux organisations syndicales dans le cadre de la négociation d’un accord de performance collective ou d’un accord relatif au contenu du plan de sauvegarde de l’emploi.
AJ : Qui prend en charge le coût de ces expertises ?
J.K. : Lorsque le CSE fait intervenir l’expert-comptable en vue de la consultation sur la situation économique et financière de l’entreprise, dans le cadre de la consultation récurrente sur la politique sociale de l’entreprise, les conditions de travail et l’emploi, en cas de licenciements collectifs pour motif économique ou encore pour préparer la négociation sur l’égalité professionnelle, dans les entreprises d’au moins 300 salariés et en l’absence de tout indicateur relatif à l’égalité professionnelle prévu à l’article L. 2312-18 du Code du travail, le coût de l’expertise est pris en charge par l’employeur.
AJ : Et dans les autres cas ?
J.K. : Le coût de l’expertise est pris en charge par le CSE, sur son budget de fonctionnement, à hauteur de 20 %, et par l’employeur, à hauteur de 80 %, lorsque le CSE décide de faire appel à un expert-comptable : en vue de la consultation récurrente sur les orientations stratégiques de l’entreprise ou dans le cadre de consultations ponctuelles (opérations de concentration, droit d’alerte…) à l’exception de celles qui font l’objet d’une prise en charge intégrale par l’employeur, comme pour un projet de licenciements collectifs pour motif économique. L’employeur peut prendre intégralement en charge ces expertises lorsque le budget de fonctionnement du CSE est insuffisant pour couvrir le coût de l’expertise.
AJ : De quels moyens dispose le Comité social et économique ?
J.K. : La réponse diffère selon la taille de l’entreprise considérée. Les moyens matériels et financiers affectés sont différents en fonction de l’effectif de l’entreprise. Pour les entreprises de 11 à 49 salariés, le CSE ne dispose d’aucun budget spécifique. En revanche, pour les entreprises de plus de 50 salariés, le CSE est doté d’un budget de fonctionnement et d’un budget dédié aux activités sociales et culturelles (ASC). L’employeur verse une subvention de fonctionnement au CSE qui varie en fonction de la taille de l’entreprise : 0,20 % de la masse salariale brute dans les entreprises de 50 à 1 999 salariés et 0,22 % dans les entreprises d’au moins 2 000 salariés. Le budget des activités sociales et culturelles est fixé par accord d’entreprise. En l’absence d’accord, la contribution annuelle est calculée en référence au rapport de la contribution à la masse salariale brute pour l’année précédente.
AJ : L’expert-comptable intervient également auprès du CSE pour d’autres prestations qui ne font pas l’objet d’une norme spécifique ?
J.K. : Effectivement, nos missions légales d’assistance comptable, fiscale, sociale, comme l’établissement des fiches de paie, des déclarations sociales, juridique et de conseils sont généralement mises en œuvre à la demande de l’entité pour ses propres besoins. Le CSE peut également demander à l’expert-comptable son assistance pour les enregistrements comptables, l’établissement des comptes ou encore la préparation du rapport sur les activités et la gestion financière.
AJ : Vous pouvez aussi être appelés à réaliser des missions d’audit ?
J.K. : Le CSE peut solliciter une mission d’examen limitée qui analyse le fonctionnement des procédures administratives et comptables ou une mission d’audit, la plus approfondie, qui aboutit à la certification des comptes du comité assimilable à la mission du commissaire aux comptes. Tout dépend des besoins du comité en termes de transparence et de fiabilité des comptes.
AJ : La crise sanitaire a-t-elle impacté vos missions auprès des comités d’entreprise ?
J.K. : Avec la crise sanitaire et économique que les entreprises ont traversée, les besoins d’assistance des CSE se sont accrus. Recours au chômage partiel, accords de performance collective, nous avons été submergés de demandes.
Référence : AJU002h9